Données sur les hommes battus

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Données sur les hommes battus
Données sur les hommes battus
• Hommes battus : des chiffres pour comprendre une
réalité méconnue
Le Monde.fr | 10.04.2015 à 12h00 • Mis à jour le 10.04.2015 à 15h55 | Par
Leila Marchand
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Maxime Gaget a été battu par sa femme pendant 17 mois. Il fait désormais appel à la
justice. Le procès s'ouvre ce jeudi 9 avril devant le tribunal correctionnel de Paris.
Ce sont des affaires dont on parle peu. Comme d'autres hommes, Maxime
Gaget a été battu. Menacé et humilié par son ex-compagne pendant quinze
mois, il a témoigné au procès de sa femme, jeudi 9 avril devant le tribunal
correctionnel de Paris. Cinq ans d'emprisonnement ont été requis dans cette
affaire où la procureure a évoqué une « inversion des rôles » avec une
« femme bourreau et un homme victime ».
Pourtant, si les femmes restent, de loin, les premières victimes de violences
conjugales, le cas des hommes battus ou maltraités est moins exceptionnel qu'on
pourrait le croire.
149 000 hommes ont été victimes de violences au sein de leur couple en 2012 et
2013, selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (qui
s'appuie l'enquête de victimisation « cadre de vie et sécurité »).
398 000 Sur la même période, les femmes étaient toutefois bien plus nombreuses à
se déclarer victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint
et de leur ex-conjoint.
Un rapide calcul des victimes de violences conjugales montre que les hommes
représentent donc 27 % des cas de violence conjugales et 17 % des cas mortels. La
formule – tristement consacrée – : « Tous les trois jours, une femme décède sous les
coups de son conjoint » peut toutefois son équivalent pour l’autre sexe : « Tous les
14,5 jours, un homme décède sous les coups de sa conjointe ».
Cette violence, plus taboue, est mal représentée par les statistiques. Les hommes en
parlent moins, le déclarent moins. Quand 10 femmes sur 100 déposent plainte suite
aux violences qu’elles ont subies, seuls 3 hommes sur 100 osent se tourner vers la
justice, toujours selon l’ONDRP.
Alors que les violences faites aux femmes font – à raison – l'objet de plans et de
campagnes très médiatisées, il existe peu de structures d’aide aux hommes battus.
La première association fondée en 2009, SOS Hommes Battus, affirme recevoir
environ 2 500 appels et mails chaque année.
La nature des sévices endurés diffère selon les sexes. Les violences conjugales
subies par les hommes sont beaucoup plus souvent physiques que sexuelles.
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Les hommes davantage victimes de violence physique
Estimation d'après les déclarations de victimes de violences conjugales
Created with Highcharts 4.2.3
Hommes
Femmes
Victimes de violences physi…Victimes de violences physiques
Victimes de violencessexuellesVictimes de violences sexuelles
0%
2.5 %
5%
7.5 %
10 %
12.5 %
15 %
Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales
Et, alors que les femmes signalent fréquemment leur ex-compagnon comme leur
bourreau, la grande majorité des hommes subissent l'emprise de leur partenaire de
vie du moment
atome snippet
Les hommes davantage victime de leur conjoint actuel
Estimation d'après les déclarations de victimes de violences conjugales
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Taux pour mille
Hommes
Femmes
Victimes du conjoint
Victimes d'un ex-conjoint
0
10
2.5
5
7.5
12.5
Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales
Qui sont les hommes battus ?
D’après les chiffres de l’ONDRP, les hommes victimes de violences conjugales sont
souvent jeunes (entre 25 et 44 ans), vivent en couple – sans être mariés pour la
plupart –, ont des revenus modestes et ont des enfants.
Un profil similaire à celui des femmes battues hormis sur un critère : le niveau
d'éducation. Alors que la plupart des femmes battues sont sans diplôme ou peu
diplômés, les hommes battus sont diplômés de l’enseignement supérieur.
Qui sont les femmes violentes ?
Les études sur les femmes auteurs de violence conjugale manquent. Les seules
données sur lesquelles on peut s'appuyer sont les recensements des morts violentes
au sein des couples effectué chaque année par le ministère de l'intérieur. Avec un
double biais : cela ne représente que la situation la plus extrême, l'homicide, et ne
repose que sur l'étude de 25 cas en 2013.
Le portrait-robot qui en ressort est quasi similaire à celui des hommes. La femme qui
en vient à donner la mort à son conjoint est « le plus souvent mariée, a entre 51 et
60 ans et n’exerce pas ou plus d’activité professionnelle », selon l'étude réalisée par
la délégation aux victimes.
Les raisons du passage à l’acte, en cas d’homicide, diffèrent selon le sexe. Voici les
plus fréquentes selon les témoignages des auteurs (lire, donc, par exemple « 33%
des homicides au sein du couple causés par des femmes sont liés à une dispute »)
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Les raisons invoquées en cas d'homicide au sein du couple
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Sur 146 homicides
Hommes
Femmes
Les disputes
La maladie de la victime ou …La maladie de la victime ou de l'auteur
La jalousie
La folie ou la dépression
Les violences subies
Le refus de la séparation
Les difficultés financières
Autres
0%
10 %
20 %
30 %
Ministère de l'intérieur, étude nationale sur les morts violentes au sein du couple 2013
Le mode d'action est également différent ; alors que les hommes finissent pour la
plupart par se saisir d’une arme à feu, les femmes optent plus souvent pour l’arme
blanche.
En 2013, sur les 146 personnes décédées, 25 étaient des hommes. A chaque fois, il
s’agissait de meurtre ou d’assassinat, et non pas d’homicide involontaire. Preuve que
la violence délibérée est bien présente des deux côtés, que l’on soit homme ou
femme.
Leila Marchand
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/04/10/hommes-battus-des-chiffrespour-comprendre-une-realite-meconnue_4613224_4355770.html
• Violences conjugales : un homme meurt tous les 13
jours tué par sa compagne
Par Lucile Quillet | Le 08 avril 2015
Alors que se tient jeudi à Paris le procès de l'ex-compagne de Maxime Gaget, ancien
homme battu et auteur du livre témoignage Ma compagne. Mon bourreau, l'avocate
Samira Meziani décrypte l'ambiguïté de la justice dans les cas de violences
conjugales commises par des femmes.
7136. C'est le nombre d'hommes en souffrance victimes des violences volontaires
de leur conjointe en 2013, selon l'Observatoire national de la délinquance et des
réponses pénales (ONDRP). Ce qui représente 11 % des cas de violences
conjugales. D'ordinaire plus suspects que victimes, ils sont en moyenne 26 à mourir
chaque année sous les coups de leur femme, soit environ un tous les treize jours.
Souvent, les hommes battus restent murés dans le silence, trop honteux d’être
dominés par des femmes. D'ailleurs, ils ne représentent que 2,5 %
des 13.834 personnes à avoir composé le numéro d'urgence (3919) en 2013.
Et puis, il y a ceux qui arrivent à partir, à porter plainte et à se donner une chance de
vivre à nouveau normalement, de se réinventer loin de leur bourreau. C'est le cas de
Maxime Gaget, qui a raconté son calvaire dans le livre Ma compagne. Mon bourreau
(1). Son ex-compagne comparaît jeudi au tribunal correctionnel de Paris pour
« violences, menaces, intimidations et escroqueries ». Des hommes battus comme
lui, l'avocate Samira Meziani en a défendu une dizaine devant le tribunal ces deux
dernières années. Si leurs histoires permettent de mieux comprendre le système de
soumission psychologique des victimes de violences conjugales, les hommes se
heurtent à une justice pas toujours impartiale à leur égard.
Lefigaro.fr/madame. - On comprend difficilement le cas des hommes battus,
puisqu'on a tendance à penser que la violence provient forcément de celui qui
a la plus grande force physique... Pourquoi restent-ils s'ils sont physiquement
plus forts ?
Samira Meziani. - Les hommes ont peur de répliquer car ils risquent de se
retrouver en garde à vue ou mis en examen. Ces histoires de violences
conjugales interviennent souvent avant ou pendant des divorces ou des séparations,
alors que la garde des enfants est en jeu. Le conjoint violent fait du chantage en
menaçant de piller le patrimoine de l'autre ou de l'éloigner de ses enfants s'il part.
Les hommes qui restent sont un peu faibles, ils ne veulent pas d'ennuis. Puis
viennent le sentiment de honte, le silence... On est encore dans une société avec
l'image classique de l'homme viril, qui possède la force morale et physique.
Comment ceux qui ont porté plainte ont-ils franchi cette barrière de la honte ?
Au bout d'un moment, il y a une prise de conscience qui s'opère, notamment grâce à
l'entourage. Les victimes vont consulter gratuitement des avocats ; elles ont alors un
déclic et se disent qu'il est temps de stopper tout ça. Mais il peut se passer des
années avant que les hommes battus ne prennent une décision. Pour certains, la
justice représente leur dernier recours. Les violences qu'ils ont subies leur
permettent d'avertir les services de police, d'engager une procédure de divorce pour
faute, d'obtenir la garde des enfants, des droits de visite plus étendus et une
réparation pécuniaire. Cela devient une stratégie.
Maxime, 37 ans, raconte sa vie d'homme battu
Quelles différences peut-on observer par rapport aux femmes battues ?
Dans tous les cas, c'est la même chose. La forme et la fréquence des violences sont
les mêmes. Je ne note pas de différences majeures, si ce n'est que les femmes
victimes sont mieux soutenues que les hommes.
La justice est-elle plus souple avec les femmes auteures de violences
conjugales ?
Oui. La justice est complètement différente avec les hommes battus. Les tribunaux
sont bien plus cléments avec les femmes auteures d'agressions, surtout si elles
ont des enfants. On ne veut pas mettre une maman en difficulté, ni la mettre en
prison. Durant les audiences, le moindre doute va profiter à la femme. Il est très
difficile de plaider et d'obtenir des dommages et intérêts quand on défend un homme
victime de la violence de sa compagne, à moins que le nombre de jours d'interruption
de travail ne soit élevé. Et encore. L'un de mes clients s'est fait massacrer par sa
compagne, sans répliquer. Il a eu 45 jours d'interruption de travail. Elle n'a pas été
mise en garde à vue, ne serait-ce qu'une seule nuit.
Pourquoi s'en remettent-ils à vous, une femme ?
Le juge est souvent une femme dans les tribunaux correctionnels et ils peuvent avoir
l'impression que cela ne va pas jouer en leur faveur. On s'attend à une certaine
solidarité entre femmes. Pour les hommes battus, prendre une avocate compense ce
désavantage supposé, même s'il est dur pour eux de se confier à une personne du
même sexe que leur bourreau.
(1) Ma compagne. Mon bourreau, de Maxime Gaget, Éd. Michalon, 224 p., 17 €.
http://madame.lefigaro.fr/bons-plans/votre-sejour-de-reve-en-amoureux-280116112128