Résumé du documentaire n°1 Adam Smith, à l`origine du libre marché
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Résumé du documentaire n°1 Adam Smith, à l`origine du libre marché
Résumé du documentaire n°1 Adam Smith, à l’origine du libre marché ? Principaux intervenants : - - Robert Boyer, économiste Philippe Norel, économiste Nicholas Phillipson, historien David Harvey, géographe, anthropologue Yuval Noah Chang, économiste - Ha-Joon Chang, économiste Lord Robert Skidelsky, historien de l’économie Gordon Lewis, Philosophe David Graeber, anthropologue Adam Smith – 1723 – 1790 Ses deux ouvrages importants : - Théorie des sentiments moraux, 1759 - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776 La question qui sert de fil rouge à l’ensemble de la série est : d’où vient le capitalisme ? Provient-il d’une évolution naturelle de nos sociétés ou d’une théorie élaborée au fil des changements politiques et technologiques ? Ce premier épisode est consacré à Adam Smith, économiste écossais du 18ème siècle. Son livre, La richesse des nations, best-seller mal lu depuis plus de deux siècles, aurait posé les bases du libre marché, à la veille de la révolution industrielle. Mais si Adam Smith, philosophe écossais du XVIIIe siècle, considéré comme le « père du capitalisme », croyait aux lois naturelles de l’économie et à l’inclination des hommes au commerce, le capitalisme ne résulte pas d’un concept, mais bien d’un processus historique, amorcé avec la découverte de l’Amérique, la colonisation et le commerce triangulaire. Un Nouveau Monde où les Aztèques n’accordaient d’ailleurs aucune valeur matérielle à l’or. Considéré aujourd’hui comme une évidence, le capitalisme n’a, de fait, pas toujours existé. Le documentaire montre deux choses : - Que l’homme n’est pas d’abord un homme économique : le troc n’est pas son mode de fonctionnement dans les échanges avec les autres. - que le capitalisme ne remonte pas au 18ème siècle mais qu’il est beaucoup plus ancien et qu’il avait déjà profondément influencé la société dans laquelle l’œuvre d’Adam Smith a vu le jour. 1 Centre social de Montbrison - 2015 1- Le capitalisme est-il un système naturel ? L’époque à laquelle Adam Smith écrit est marquée par une forte volonté des scientifiques d’expliquer le monde : le botaniste Carl Von Linné, en 1763 recherche l’ordre naturel qui gouverne les plantes et les animaux. De même, le philosophe David Hume1 et Adam Smith ont l’ambition de créer une science qui expliquerait les principes du comportement humain, de l’organisation sociale et de l’évolution de l’histoire sans aucune référence à la religion. Ils souhaitent faire de l’économie une science de l’homme, réglée par un ordre naturel. Le présupposé de Smith est l’inclination naturelle de l’homme à pratiquer le troc et le commerce. David Graeber, anthropologue explique que ce présupposé est faux : ce qui fonctionnait dans les sociétés traditionnelles, ce n’était pas le troc mais la réciprocité. David Graeber : Ca fait 200 ans qu’on essaie de trouver cette société qui n’existe pas. L’étude des sociétés traditionnelles montre que la réciprocité était l’un des principes de fonctionnement de l’économie. Le capitalisme n’est donc pas la mise en œuvre d’un système naturel mais une théorie qui s’est imposée à partir de la fin du 18ème siècle, transformant chacun de nous en Homo economicus. 2- Le capitalisme précède de beaucoup l’œuvre d’Adam Smith • Une date clé dans l’apparition du capitalisme : la découverte de l’Amérique La découverte de l’Amérique est la source d’un bouleversement historique : « la découverte de l’Amérique est à la fois l’événement fondateur de la révolution scientifique et du capitalisme, les deux événements étant étroitement liés » (Yuval Noah Harari, historien). La conquête de nouveaux territoires exigeait l’acquisition d’immenses connaissances nouvelles. La découverte de l’Amérique a été le catalyseur de la révolution scientifique. Les Européens n’étaient pas les seuls capables de conquérir le monde : au 5ème siècle, la Chine était très en avance sur le reste du monde en matière de navigation. Ils ont conduit des expéditions en Amérique entre 1405 et 1433. Cependant, l’idée de dépeupler des continents entiers pour accumuler des quantités massives d’or ne leur est pas venue. Pourquoi l’Europe a-t- fini par le faire ? D’après David Graeber, la réponse se trouve dans la relation particulière qui existait entre les prêteurs et les entrepreneurs. En effet, alors que les navigateurs chinois étaient envoyés par l’empereur, conquistadors étaient des entrepreneurs privés prêts à risquer de plus en plus gros pour s’enrichir. La découverte de l’Amérique donne des rendements très supérieurs à l’investissement. Se met en place une spirale sans fin. L’origine de la spirale du capitalisme remonte à la conquête de l’Amérique par Cortes en 1519 avec la découverte de l’argent, la naissance et développement du commerce international. 1 David Hume, figure importante des Lumières écossaises par ses apports à l’empirisme moderne. 1711-1776 2 Centre social de Montbrison - 2015 Cortes ne paie pas ses marins. Au contraire, il leur réclame de l’argent. Pour faire face à la colère des marins, il leur donne un moratoire et des terres : l’humiliation et la fureur les a transformé en monstres. On ne sait pas vraiment qui sont les prêteurs à qui Cortès devait de l’argent. Mais cette relation entre les financiers qui attendent leur intérêt chaque année et l’entrepreneur, cette relation entre l’usurier et l’emprunteur devient la base de notre système monétaire moderne. • La découverte de l’or et de l’argent en Amérique va booster le commerce international. La Chine de l’époque est déjà très échangeuse mais l’argent d’Amérique Latine va booster le commerce. Elle passe alors de la monnaie fiduciaire à l’argent métal. Ainsi, les petits marchands se développent très vite dans un marché libre sans intermédiaire. En Europe, les choses ont évolué différemment : le capitalisme devient important parce que le capital prend une position très importante. Ainsi, en Grande Bretagne, le marché mondial alimenté par l’argent des Amérique a profité d’abord aux possesseurs de capitaux et il a ruiné les petits producteurs. Le système des enclosures au 16ème siècle et le développement du droit de propriété chasse les petits paysans des terres communes, les ruinant et condamnant les habitants à vendre leur force de travail pour survivre, entrainant le développement d’un prolétariat urbain. Eric MIELANTS : Comment crée-t-on un marché qui soit déconnecté de la société ? Les lois, de 1650 au début du 19ème siècle, font de la pauvreté un crime, du vol de mouchoirs un crime majeur, et permettent d’exécuter des enfants, d’emprisonner des gens parce qu’ils ne paient plus leurs dettes. En un mot, elles criminalisent la pauvreté et accroissent les dettes, créant des humains qu’on peut acheter et vendre. C’est la naissance d’un marché d’un genre particulier. On voit comment la découverte de l’argent et de l’or en Amérique a bouleversé la société en Grande Bretagne. • L’esclavage est un pilier du développement du capitalisme On assiste aussi au développement d’empires économique et de colonies partout dans le monde, miss en place par des sociétés privées soutenues par les gouvernements. C’est la naissance du commerce triangulaire qui a largement contribué au développement du marché en Europe. Adam Smith ferme les yeux sur l’esclavage et le passe sous silence dans La richesse des Nations. On laisse entendre que le capitalisme de libre marché a été imaginé par Adam Smith dans la Richesse des Nations et a vu le jour avec la Révolution industrielle. Mais les véritables origines de ce système se trouvent à 7000 km, de l’autre coté de l’Atlantique et 200 ans avant la publication de ce livre. L’esclavage n’est pas le fruit d’une société barbare mais d’une société moderne, civilisée. En effet, on peut dire que le capitalisme a commencé au 16ème siècle avec la colonisation des Caraïbes et de l’Amérique latine. La naissance du capitalisme n’a donc rien à voir avec Adam Smith. Alors pourquoi son livre, la Richesse des Nations a-t-il eu tant d’importance et pourquoi sa vision de l’économie en tant que science est-elle si largement partagée ? 3 Centre social de Montbrison - 2015