1 Debout sur le Pavé Mosaïque A la Gloire du Grand Architecte De L

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1 Debout sur le Pavé Mosaïque A la Gloire du Grand Architecte De L
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Debout sur le Pavé Mosaïque
A la Gloire du Grand Architecte De L’Univers,
Au nom de la Franc-maçonnerie Universelle et sous les hospices de la Grande
Loge de France,
Francs-maçons sous le Rite Ecossais Ancien et Accepté.
Ma rencontre avec le Pavé Mosaïque commence, alors que je ne le sais pas
encore, lorsque trois coups retentissent dans le noir et que j’entends la phrase
rituelle « Frère Second Surveillant, on frappe en Profane à la porte de la Loge ».
Le pavé Mosaïque étant la représentation symbolique du revêtement de sol du
Parvis du Temple, le Profane que j’étais alors, le foule du pied sans le voir.
Durant mon initiation, je ne le distingue pas plus, dissimulé qu’il est, dessous le
Tableau de Loge.
Je ne le vois vraiment que lors de la deuxième tenue : un
damier de forme rectangulaire composé de carreaux,
alternativement blancs et noirs, disposés de la même façon
que les cases d’un échiquier. Il est entouré de trois Piliers
et symboliquement traversé par la perpendiculaire. En
effet, certaines Loges sont décorées par un Fils à Plomb
tombant du Zénith.
A noter que l’instruction au premier degré n’en fait pas
directement mention et qu’il n’est évoqué que par le Rituel
d’ouverture des travaux, durant lequel il est recouvert par
le Tableau de Loge.
Que m’apprend la méditation sur ce symbole ?
Tout d’abord sa forme est rectangulaire. Les formes
géométriques à quatre faces comme le carré, symbolisent
traditionnellement la Terre, la substance, le monde
matériel qui nous entoure. Elles sont en cela la représentation géométrique du
nombre Quatre. Elles se distinguent de celles qui n’ont pas de côté, comme le
Cercle qui lui symbolise le Ciel, l’essence, le monde spirituel. Le Pavé Mosaïque
nous donne donc un enseignement sur le monde matériel.
Le rectangle peut être qualifié de carré long. L’instruction au premier degré nous
apprend que telle est la forme de notre Loge qui s’étend de l’Occident à l’Orient,
du Septentrion au Midi et du Nadir au Zénith. Le Pavé Mosaïque recouvre ainsi le
monde. Il n’est représenté symboliquement qu’au centre de la Loge, de la même
manière qu’il est possible de considérer que le centre d’un cercle représente le
cercle.
Le pavé mosaïque exprime donc une réalité universelle.
Il se présente par ailleurs sous la forme d’une alternance de carreaux noirs et
blancs. Cette structure binaire fait immanquablement penser à la dualité.
Le binaire, symbolisé par le Deux, dérive du Un, le Principe, par différenciation.
Ainsi, la manifestation résulte de la différenciation du Principe. L’existence de
nuances rompt l’uniformité principielle et caractérise la création elle-même.
Ainsi, au chapitre Premier de la Genèse, Dieu décrète « que la lumière soit »,
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créant ainsi la Lumière mais par contrecoup, donnant aussi naissance aux
ténèbres.
C’est ce que rappelle le symbolisme des couleurs qui oppose le blanc qui
contient toutes les couleurs au noir qui n’en contient aucune.
Cette différentiation permet de prendre conscience de notre identité et d’affirmer
notre être en appliquant notre faculté de discernement, la dualité étant d’abord
ce que Platon appelait une dualité séparée.
Toutefois, en observant le Pavé Mosaïque, nous nous trouvons plutôt en
présence d’une représentation symbolique de ce que les anciens appelaient une
dualité opposive. Selon Platon, dans une telle dualité, affirmer une opposition
revient à exclure l’autre, comme le Bien exclut le Mal. D’ailleurs, Aristote cite la
Lumière et l’Obscurité dans sa liste des dix oppositions irréductibles définies par
l’école des pythagoriciens.
Le premier enseignement du Pavé Mosaïque est ainsi l’affirmation du règne de la
dualité universelle. Une dualité donc la force et la stabilité sont renforcées par la
forme des carreaux, le carré étant la plus stable des figures géométriques. La
dualité semble donc immuable.
Qu’en ai-je conclu à ce stade, surtout si l’on tient
compte de la présence symbolique d’un Fils à
Plomb surplombant le Pavé Mosaïque, qui invite dans un
premier temps à l’introspection ?
Tout d’abord du point de vue de la dualité séparée, pour
me mieux connaitre, il m’est apparu qu’il fallait que je
cherche en moi cette dualité qui devait y exister, comme
dans le monde qui m’entoure et dont je fais partie.
Et, ceci en commençant par la recherche de la Lumière
et des ténèbres suggérée par le symbole.
Je n’ai pas eu de mal à trouver la Lumière, l’homme
croit toujours la trouver facilement en lui. Pour les
ténèbres, je les savais présentes. J’avais jadis été
éclairé à ce sujet par la lecture de l’Epître aux Romains,
dans lequel l’auteur, Paul, nous déclare avoir découvert
en lui une source de mal, dont il souhaiterait s’écarter, sans jamais pouvoir y
parvenir complètement. Des forces obscures non contrôlées existent donc bien
en moi.
Cependant, le Pavé Mosaïque, m’a fait comprendre que je ne pourrai jamais
venir complètement à bout de ces forces. Il m’a permis de ressentir ce que Paul
avait sans doute découvert avant moi, mais que je n’avais pas compris ou
accepté. Il m’est ainsi apparu que je suis destiné à « fuir le vice » selon les
termes de l’enseignement au premier degré, sans pouvoir jamais espérer en
triompher, même en « recherchant la vertu ». Peu réjouissantes perspectives.
A ce stade, en me permettant de trouver des axes de recherche pour mieux me
connaitre, le symbole m’a aidé à progresser. Je comprends mieux ce qui me fait
avancer ou me freine. Néanmoins, je reste prisonnier de la dualité opposive,
bloqué dans ma méditation sur ce symbole. Sa robuste construction m’a ouvert
des perspectives, mais je ne parviens pas à les faire fructifier, à les dépasser. Il
me semble en avoir étudié tous les aspects mais ma progression s’est arrêtée.
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Je dois approfondir mon analyse, pour rechercher si je ne peux pas trouver un
point d’appui pour franchir cet obstacle.
Tout d’abord, le Pavé mosaïque est une construction, comme le Temple dont il
décore le Parvis, il a une raison d’être. Déjà certains aspects de la dualité me
sont apparus, il pourrait en exister d’autres.
Lors du Rituel d’ouverture des travaux, le Pavé Mosaïque est recouvert du
Tableau de Loge. Peut-être trouverai-je dans ce Tableau des éléments de
réponses ?
En fait, sur le Tableau de Loge, je retrouve tracé le Pavé Mosaïque. Il est donc lui
aussi être un outil qui permet de progresser. Cette impression est renforcée par
le fait qu’il est présenté sous sa forme de couverture du sol du Parvis du Temple
et, en tant que tel, orienté par la perspective comme conduisant aux Trois
marches et à la Porte du Temple elle-même.
La Porte est généralement un symbole attaché à une transition. S’agissant ici de
la Porte du Temple, celle-ci doit consister en une évolution favorable de nature
spirituelle. Par ailleurs le fait qu’elle soit précédé de Trois marches renforce cette
dimension de la dite évolution.
Cela rassure mais comment un symbole aussi fermé peut-il conduire à une
progression spirituelle, lui qui représente à la perfection la substance ?
Il s’agit d’un revêtement de sol, le sol pourrait être la représentation de la
surface des choses, mais comment voir à travers ?
Le Pavé Mosaïque est entouré en Loge par trois piliers
qui représentent la Sagesse, la Force et la Beauté. Ils
représentent aussi les trois Frères qui dirigent l’atelier
et par extension, l’ensemble des Frères … Trois
Lumières…
Peut-être qu’au cours des discussions que j’ai eu avec
mes Frères, des éléments m’ont été donnés qui
pourraient me permettre de résoudre cette difficulté ?
Lors d’un des tous premiers échanges que j’ai eu avec
notre Frère Rémy, il m’avait donné comme exemple de
travail symbolique, quelques explications
sur une
approche de la signification du Point. Au cours de cette
même discussion, il m’avait conseillé de lire des
ouvrages de René Guénon pour comprendre ce que
pouvait être une conception du monde perçu à l’aide
du symbolisme.
En me remémorant mes différents échanges afin d’y
trouver une clé au problème que me posait le Pavé Mosaïque, cette conversation
m’est revenue en mémoire.
J’ai depuis lu plusieurs ouvrages de René Guénon qui donnent à ses lecteurs de
nombreux outils d’analyse symboliques.
En continuant à méditer sur le Pavé Mosaïque, cette conversation et mes lectures
de René Guénon sont entrées en résonnance et une piste m’est apparue.
Le Pavé Mosaïque est composé d’une série de carreaux juxtaposés. Les joints
sont inexistants mais leur dessin apparait du fait du contraste des couleurs. Il
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peut s’agir soit d’une espèce de grille si l’on regarde globalement, ce qui n’est
pas très engageant et rappelle l’obstacle devant lequel je me trouve, soit, si l’on
analyse le dessin formé par le joint existant entre quatre carreaux qui
correspondent en fait au motif de base du symbole, en d’une série de Croix.
Si les carreaux sont séparés par des Croix, alors, en se rappelant les éléments
d’analyses donnés par René Guénon, le Pavé Mosaïque prend pour moi une
nouvelle signification.
En effet, si je me base sur une approche spatiale de la Croix telle qu’elle est
retenue par les traditions orientales, ce symbole représente de profil, un cercle
traversé par un axe vertical. Vu sous cet angle, le cercle représente la barre
horizontale de la Croix. Nous y retrouvons par ailleurs à travers l’axe vertical, la
perpendiculaire qui dans la Loge descend du Zénith.
Mais, cette fois-ci, nous ne sommes plus face à un carré marqué par la dualité,
mais face à un cercle relié au centre par des rayons. La substance s’est
transformée en essence. La structure bloquée dans sa dualité la dépasse pour se
tourner vers le Principe.
Je retrouve ici la symbolique du point mentionné par
Rémy.
Comme je l’évoquais tout à l’heure, le cercle peut se
résumer dans son point central à partir duquel il a été
tracé. Tout peut en fin de compte se retrouver dans le
Principe.
René Guénon décrit le long périple qui va de la
circonférence du cercle vers son centre, cette longue
recherche du Principe qui finalement nait de la dualité.
Cette quête qui permet à l’homme de trouver en lui la
pierre cachée afin de se tourner vers la Lumière.
Grâce à ce changement de perspective, le Pavé
Mosaïque change de sens. Le joint que l’observateur
peine à percevoir, car il est d’une certaine manière « de
profit », a autant d’importance que les carreaux. En les
reliant sous une autre perspective, il transforme les
dualités opposives en ce que Platon a appelé des oppositions relatives.
Il se crée ainsi un lien entre un carreau d’une couleur et le joint et un autre entre
le joint et les carreaux de la couleur opposée qui l’entourent.
Grâce à ce terme intermédiaire, les contrastes deviennent nuances, les opposés
deviennent complémentaires, d’où le terme d’oppositions relatives.
La dualité s’est transformée, grâce à ce conciliateur, en une structure ternaire,
une évolution vers le Principe Spirituel est désormais possible.
L’affirmation symbolique d’une progression spirituelle donnée tant par la Croix
que par le Tableau de Loge s’éclaire.
C’est à ce stade de ma méditation sur le Pavé Mosaïque que je me suis aperçu,
comme mes frères l’auront certainement noté, que j’avais fait une erreur dans
ma description du symbole. En effet, le Pavé mosaïque ne couvre pas la totalité
du Temple car il ne se s’étend pas à l’Orient. Cet élément, si je l’avais perçu
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immédiatement, m’aurait donné un indice supplémentaire sur le fait qui était
possible de dépasser la dualité opposive.
En essayant de comprendre le pourquoi de cette erreur, j’ai obtenu un élément
supplémentaire qui devait renforcer ma conviction que j’avais avancé dans la
bonne direction.
En effet, je m’étais basé sur le fait que le Pavé Mosaïque etait un carré long
comme la Loge. Toutefois, il existe deux carrés longs dans la Loge, l’un dont la
longueur est de deux fois sa largeur et l’autre, trois fois. Le deuxième inclus
l’Orient. L’un exprime la dualité et est recouvert du Pavé Mosaïque, l’autre le
cosmos spiritualisé, ce qui fait que le binaire devient ternaire.
Ces proportions rappellent celles du Temple de Salomon qui était divisé en deux
parties, le Saint dont la longueur était égale à de deux fois sa largueur, et le
Saint des Saints, situé en continuité, qui était un carré.
Le Saint était accessible à l’ensemble des croyants alors que seul le grand prêtre
pouvait pénétrer dans le Saint des Saints une fois par an. Cette pièce cubique
exprimait donc la présence de Dieu dans le Temple, lieu où il rencontrait son
peuple.
La Loge par l’analogie de ses proportions avec
le Temple de Salomon, symbolise le lieu où les
Francs-Maçons se réunissent et rencontrent
l’influence spirituelle et, notamment, grâce à
elle, maîtrisent la dualité qui les habitent par
la conciliation des contraires pour se tourner
vers la Lumière.
D’une certaine manière et en faisant référence
au Tableau de Loge, je me dirige donc bien à
nouveau, comme lors de mon Initiation, vers
la Porte du Temple et peut commencer à en
franchir les trois marches.
Grâce à l’enseignement de mes Frères, j’ai
réussi à trouver des réponses à ce qui
m’apparaissaient tout d’abord comme une
énigme symbolique insoluble.
Il me faut donc cherche en moi le conciliateur qui me permettra de gérer mes
contradictions.
J’ai commencé ma quête aveugle, la corde au cou et un pied nu, frappant à la
Porte du Temple en marchant sur un Pavé Mosaïque dont je ne faisais au mieux
que soupçonner l’existence. Mais déjà j’étais guidé par ceux qui allaient devenir
mes Frères.
Après avoir médité sur ce symbole, j’espère me diriger à nouveau vers la Porte
de Temple telle que nous la présente notre Tableau de Loge, du pas de
l’apprenti, en espérant que le symbole de la Croix m’a permis de percer l’un des
secrets du Pavé Mosaïque qui me permettra à son tour de la franchir et une fois
encore et de progresser dans ma quête. Toujours, bien sûr, en m’appuyant sur
mes frères, selon une recette qui ne m’a pas failli.
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Je suis désormais débout sur le Pavé Mosaïque que je comprends mieux. Cela
devrait durer car j’ai l’impression que je le retrouverai à chaque étape de ma
progression spirituelle.
Mais cette fois, je suis debout à l’ordre, en espérant devenir le troisième
élément de la Triade, chère à René Guénon, l’Homme, lien entre la Terre et le
Ciel.
J’ai dit.
E.G.
mai 2013