Homélie pour les funérailles de Christian Vinel
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Homélie pour les funérailles de Christian Vinel
Homélie pour les funérailles de Christian Vinel Il n’y a pas eu de miracle. Christian s’est battu pendant des années contre le cancer. Il a remporté de nombreuses batailles, grâce à sa confiance : sa confiance en Dieu, et sa confiance dans les médecins. Nous avons cru à sa guérison possible, lui aussi. Le miracle était possible. Mais ce miracle n’a pas eu lieu. Et pourtant. En sommes-nous si sûr ? Le mot miracle veut dire « merveille ». Tant de merveilles ont eu lieu avec Christian, qui l’ont profondément transformé. Christian s’est émerveillé devant ce qui l’a transformé, transfiguré. Reprenons le bel évangile de Mt 14, qui l’a beaucoup inspiré ces derniers temps. Il y a d’abord la connivence entre Jésus et ses disciples. Parce que dans la tempête, Jésus n’est pas reconnu par les yeux des disciples, qui croient voir un fantôme. Ils le reconnaissant par sa voix : « c’est moi ». Pour reconnaître quelqu’un à sa voix, il faut bien le connaître, lui être familier. L’avoir entendu et écouté, longtemps, jour après jour. C’est un premier miracle dont nous sommes témoin. Christian a beaucoup écouté. Et il est devenu familier de la voix de Jésus ; il a souvent entendu ce « c’est moi », il l’a reconnu, jusqu’au cœur de la tempête. Dans le silence, dans ses longs temps d’oraison et d’adoration, il a appris à écouter Jésus. C’est ce qui lui a permis à son tour d’écouter tant d’hommes et de femmes qui lui ont confié leurs vies. De les écouter avec bienveillance, avec de plus en plus de tendresse, comme Jésus. L’écoute et la familiarité avec Jésus, la première merveille qui a transformé Christian. Ensuite il y a la finale de cet évangile : « quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba ». Le miracle du vent qui tombe, c’est quand Jésus est avec Pierre et les autres dans la barque. La barque, c’est l’Eglise. C’est le deuxième miracle dont certains ont été témoin. En arrivant ici, à Basse-Wavre, Christian s’est embarqué avec un peuple, le Peuple de Dieu. Il a fait l’expérience, et vous avec lui, de l’Eglise. Il a fait des projets, avec enthousiasme. Il a rêvé à une vraie communauté de disciples, unis dans la prière et la charité. Il est devenu de plus en plus bon pasteur, à la suite de son maître. Attentif aux autres. La communauté chrétienne qui cherche à vivre la joie de l’Evangile, voilà le deuxième miracle qui a transformé Christian. Enfin, ce passage de Mt 14 met en lumière le chemin de confiance que Pierre est invité à parcourir. Se risquer à marcher sur les eaux. Etre confronté au doute, à la peur. Quand le vent est trop fort. Quand on commence à s’enfoncer, à se noyer. Se faire rattraper par Jésus, se faire attirer à lui, en s’abandonnant à la force de son bras. C’est aussi ce que Christian a vécu. Il l’a dit à certains, en rappelant ce morceau d’évangile. Il a marché comme sur les eaux, en regardant Jésus dans les yeux. Il a cru en cette invitation : « viens ». Cette invitation qui ressemble tellement à celle d’une maman qui fait avancer son enfant apprenant à marcher. Christian a connu dans l’épreuve ces moments de doute, d’hésitation. Mais il s’est alors laissé rattraper par le Seigneur, en s’abandonnant à lui. « J’ai reçu la grâce de la paix, ce don de Dieu qui m’habite et ne me quitte plus. Quel cadeau ! » nous écrivait-il dans son dernier message. La souffrance n’est jamais voulue par Dieu. Mais Christian savait que mystérieusement le Seigneur était là. Là est le troisième miracle, qui a transformé Christian : la présence et l’amour de Jésus au cœur de la tempête. Quelqu’un l’a précédé sur ce chemin d’émerveillement : c’est Marie, Notre-Dame de Lourdes. Lourdes, ce lieu source où il aimait toujours revenir. Christian le savait bien, c’était un peu son secret. Marie nous introduit dans l’écoute et la familiarité avec le Seigneur. Marie est au cœur de l’Eglise, de la communauté qui cherche à vivre la joie de l’Evangile. Marie demeure à la croix, car là se révèle l’amour, l’amour infini. Cher Christian, tu nous a souvent remerciés : ta famille, tes amis, ta paroisse, tes frères prêtres. Pour toi et avec toi nous rendons grâce. « Quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu'ils sont appelés selon le dessein de son amour. » (Rm 8,28). Avec toi nous le savons, car grâce à toi, nous en avons été témoin Merci mon frère. Pour le dire avec la petite Thérèse : « Tout est grâce ». Jean Kockerols Mot du Président de la Fabrique d’église Aujourd’hui, notre paroisse est en deuil. Notre ancien curé, Christian Vinel, s’en est retourné auprès du Père et ça nous fait mal. Au nom de la Fabrique d’église Notre-Dame de Basse-Wavre, je voudrais d’abord présenter mes condoléances les plus sincères à ses parents ainsi qu’à toute sa famille à laquelle Christian était très attaché. C’est très important la famille, car, comme le rappelait le Cardinal Danneels, dans sa lettre de Pâques, en 1999, « les vocations ont besoins d’un humus fertile pour germer et d’un jardin pour grandir et fleurir. Où trouver cette bonne terre ? Indubitablement dans la famille. L’atmosphère humaine et spirituelle qui y règne est presque toujours déterminante pour l’éclosion d’une vocation. C’est d’abord là qu’on prie, qu’on célèbre l’année liturgique, qu’on apprend la serviabilité ». Lorsque l’abbé Vinel devint curé de notre paroisse en 1997, nous nous réjouissions de voir arriver un jeune prêtre, mais notre élan fut d’abord freiné car le col romain et la timidité de notre nouveau pasteur semblait bloquer le dialogue. Cela ne dura pas longtemps et très vite, la cravate ou le pull changèrent l’aspect extérieur tandis que Monsieur le Curé nous rappela qu’il s’appelait Christian. Ayant pu le côtoyer régulièrement et surtout lors des réunions de fabrique d’église, nous pûmes dès lors nous rendre compte des qualités de Christian. C’était un grand prêtre ! Il était grand car il était infatigable dans la prière. Toute réunion de fabrique commençait d’ailleurs toujours par une prière partagée. Il était grand, car tout ce qu’il faisait avait un seul but : glorifier Dieu et le servir. C’est ainsi que notre basilique fut sans cesse améliorée : - par l’embellissement du chœur, trop austère aux yeux de Christian ; - par la création de la chapelle d’adoration, lieu privilégié de rencontre avec Jésus ; - par la création du lieu d’écoute où chacun pouvait entamer un dialogue avec une personne ressource et éventuellement se réconcilier avec le Seigneur ; - par la création d’une salle réservée aux jeunes dans le grenier du presbytère. Si, dans la discussion, un de ses membres trouvait que cela risquait de coûter cher et que nos moyens étaient limités, Christian nous répondait d’une voix placide « des paroissiens nous aideront et puis, rien n’est trop beau pour Dieu. Aujourd’hui, si nous sommes ici, c’est pour rendre grâce à Dieu de nous avoir donné un si bon prêtre. Cher Christian, tu as aimé ta paroisse et tu y as laissé une trace ineffaçable en annonçant Jésus-Christ, en prêchant l’Evangile, en célébrant l’Eucharistie, en adorant le Christ, en étant à l’écoute de tes frères, en étant au service de Marie, Reine de Paix et de Concorde. Christian, nous te disons Merci ! Merci pour chaque conseil, Merci pour chaque encouragement, Merci pour chaque aide, Merci pour la paix et la sérénité que tu nous as transmis durant ta maladie. Cher Christian, tu resteras toujours avec nous et de là haut, uni au Christ et à la Vierge Marie que tu vénérais tant, protège notre paroisse. J.-M . Delfosse Au nom de la paroisse, nous avons rassemblé ces quelques témoignages Ce n’est pas pour rien que Christian, en 1997, a « atterri » à Basse Wavre… lui qui aimait tant la Vierge Marie. Un peu « guindé » au début, très vite, son attention pour chacun, son sens de l’écoute et un grand respect de l’autre nous ont conquis Il a été pour nous un pasteur dynamique, aux initiatives multiples. Son dynamisme se manifestait aussi par la façon dont il descendait en trombe les escaliers de la cure ! Il avait le don de demander de l’aide selon le charisme propre à chacun, et ainsi de valoriser la personne. Il aimait bien les fêtes et souhaitait personnellement un « bel » anniversaire (selon son expression !) aux personnes, par une carte, un sms, une visite. Il s’invitait chez l’une ou l’autre paroissienne pour manger des frites : belle occasion pour lui de mettre son hôtesse en valeur et d’admirer sa maison, de lui manifester de l’attention si bien qu’il était devenu comme quelqu’un de la famille. Ses plaisirs étaient simples : s’émerveiller devant un beau paysage, se déplacer à vélo… et à chaque occasion, il n’hésitait pas à témoigner, affirmant sereinement ses convictions et sa Foi. Quant à son silence… nous pouvions tout lui confier, de par sa grande discrétion. Il aimait beaucoup cette Parole de Dieu : « je suis venu allumer un feu sur la terre, et comme il me tarde qu’il se répande. », ne souhaitant qu’une chose : que le Christ soit aimé ; mais comment l’aimer si ce n’est en se laissant aimer par lui ? C’est pourquoi, dès le début, Christian a instauré des temps de prière d’adoration dans la paroisse. Chaque matin, il s’exposait devant l’Eucharistie, certain que là, près du feu, il recevrait tout pour vivre son sacerdoce. Plusieurs d’entre nous disent avoir découvert le bonheur de prier et d’adorer Dieu grâce à lui. Sans paroles (parce qu’il parlait peu !) mais par son exemple, il nous a ainsi entraînés à nous rapprocher du cœur de Dieu. Lui qui se retirait régulièrement pour prendre un temps de « désert » nous en a donné le goût : plusieurs d’entre nous osent à présent faire de même. Merci Christian, toi qui savais si bien dire MERCI ! De ce cœur à cœur avec Dieu venait sa soif de transmettre le feu en allant vers les autres pour les aimer à son tour, avec une préférence pour les petits, les fragiles, ceux qui sont loin (même les incroyants l’appréciaient), ceux qu’on oublie, afin qu’eux aussi goûtent à l’amour que Dieu a pour eux.IL rêvait d’une paroisse fraternelle et évangélisatrice. Il a lancé les CPE dans le but de « sortir » de nos murs pour annoncer la joie d’être aimés du Père… et il nous a donné le goût de poursuivre ce chemin ! C’était devenu pour lui une priorité : évangéliser de tout son être, et ce feu intérieur, dans le visible et l’invisible se répandait doucement par son écoute, son sourire, sa douceur et sa paix, comme un poêle auprès duquel il est bon de sentir la chaleur. C’est d’ailleurs dans ce souci d’évangélisation, d’ouverture, qu’il a lancé la construction de la chapelle Père Damien. Dans sa sagesse, il a pris conseil de nombreux paroissiens, ce qui a permis d’arriver à la réussite qu’est ce nouveau lieu de prière, lieu privilégié d’accueil, de lumière et de paix. Il était un prêtre heureux, heureux de célébrer les sacrements, cela se voyait d’ailleurs à la lumière dans ses yeux, lorsqu’il célébrait l’Eucharistie ou lorsqu’il confessait, parce c’était pour lui l’occasion de dire « Dieu t’aime ».Merci Christian d’avoir été pleinement prêtre de Jésus, prophète et roi serviteur, comme tout baptisé est appelé à le devenir. Artisan de paix et d’unité, il cherchait à rassembler ; ses contacts avec nos frères protestants traduisent bien la communion qu’il recherchait. Déjà avant sa maladie, il percevait combien le Seigneur l’appelait à ETRE plutôt qu’à FAIRE. Ce temps de recul forcé, il l’a accueilli pour en tirer le meilleur parti, ou plutôt, pour en cueillir les grâces inattendues : le repos, la prière, le silence, les rencontres, l’une ou l’autre formation par laquelle il se remettait toujours plus en question. Son âme transparente à la grâce, comme celle d’un enfant, faisait que ses défauts ou maladresses ne prenaient pas le dessus et nous prouvaient bien que … mais oui, toutes ces belles choses ne viennent pas de lui mais bien de Dieu! Ces derniers mois, les mots nous manquaient pour te dire combien tu nous restais précieux. Tu venais encore assister à l’une ou l’autre célébration, et, au-delà des mots, ton sourire ou ton clin d’œil adressé à l’un ou à l’autre en disait long ! Ce sourire restera dans nos cœurs. Nombreux sont les couples pour qui Christian reste un guide. Il avait pour chacun d’eux beaucoup de miséricorde quelle que soit leur situation. Un de ces couples fut touché par l’écoute de Christian, lors de leur préparation au mariage, alors que la maladie l’affaiblissait. Cette bonté a été reconnue bien au-delà de BW: voici un mot des enfants du lycée Wima, à Bukavu : « nous avons trouvé en toi un père. Tu as intéressé les paroissiens de Basse Wavre qui nous ont pris en charge et nous ont sortis de la rue et nous avons pu arriver à l’école pour étudier dans de bonnes conditions. Tu nous a aimés jusqu’à arriver à Bukavu. Merci et à Dieu, Père Christian, nous t’aimons. » On peut dire que Christian, au cours de sa maladie, a opéré un approfondissement impressionnant de sa compréhension du mystère divin et de notre vocation à adhérer au projet de Dieu. Par ce fait même il a reçu un charisme exceptionnel pour transmettre ses convictions devenues encore plus fortes. Mais oui, mystérieusement, cette traversée courageuse et confiante a suscité de nombreux fruits : c’est là l’œuvre du Seigneur. Réjouissons-nous de ce feu qui continue de se répandre, mine de rien, avec force et douceur et, comme tu le souhaitais, Christian, nous ferons ce qu’a dit Jésus à Marie Madeleine : « ne me retiens pas, mais va dire à mes frères que je monte vers mon père qui est aussi votre père… » Curieux…Nous nous surprenons déjà à te confier l’un et l’autre, sûrs que tu en parleras à Dieu de notre part ! Merci à vous, sa famille, de nous l’avoir donné comme pasteur, et spécialement à ses parents de lui avoir donné ce prénom qu’il porte si bien. « A Dieu » pour Christian Dieu notre Père, nous sommes venus dire « à Dieu » à notre ami, notre frère, notre confrère Christian. Oui, nous sommes venus lui dire : « Tu es désormais à Dieu, tout A DIEU » Toi, notre Père, tu l’avais confié à ses parents pour qu’ils l’élèvent, qu’ils l’élèvent jusqu’à Toi. A chaque fois qu’il a aimé, il s’est élevé jusqu’à Toi… A DIEU ! Tu l’avais confié à tous ceux qui ont veillé sur lui pour qu’il s’éveille à la vie, au service, à la paix. A chaque fois qu’il a fait grandir la vie, il s’est éveillé à Toi… A DIEU ! Tu lui avais confié la création pour qu’il la respecte, l’admire et l’embellisse. A chaque fois qu’il s’en est émerveillé, il s’est ouvert à Toi… A DIEU ! Tu lui avais confié des frères, pour qu’au cœur de sa mission sacerdotale, il bâtisse avec eux ton règne d’Amour et de Paix. A chaque fois qu’il a tendu son oreille, qu’il a tendu ou saisi une main, il a saisi ta main à Toi… A DIEU ! Père, laisse-nous mettre sur nos lèvres ces dernières paroles de ton Fils sur la croix : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit ! » Oui, Père, entre tes mains nous remettons Christian notre frère, entre tes mains à Toi… NOTRE DIEU ! Vincent della Faille