Tests de prédiction du sexe ou comment connaître le sexe de son
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Tests de prédiction du sexe ou comment connaître le sexe de son
Tests de prédiction du sexe ou comment connaître le sexe de son enfant avant le délai légal pour avorter Sandra Franrenet Doctorante en éthique de la Recherche Introduction Si l’ancienne génération de tests de grossesse permettait aux femmes de savoir si elles étaient enceintes, la nouvelle génération va encore plus loin puisqu’elle dévoile le sexe de l’enfant après quelques semaines seulement de gestation. Plusieurs sociétés commercialisent depuis 2007 ce type de produits dont l’américaine Consumer Genetics1 et la britannique IntelliGender2. Les prestations, et de facto les prix, varient ensuite selon les techniques utilisées : alors que la première a recours à la génétique (goutte de sang analysée en laboratoire), la seconde se résume à une simple analyse d’urine réalisée à domicile. Sitôt sur le marché, ces tests ont provoqué une vive polémique en raison essentiellement du risque de multiplication des IVG lié à la connaissance du sexe du fœtus avant la fin du délai légal pour avorter. En France, l’interdiction de recourir à ce type de test résulte de la loi de bioéthique de 2004, via les dispositions relatives au diagnostic prénatal mais il est peu probable que ce rempart tiendra longtemps sachant que ces tests peuvent être commandés en un clic sur Internet… Du test de grossesse à la banalisation des tests de prédiction du sexe du fœtus Du test de grossesse… Selon le site Internet éponyme3, un test de grossesse « donne des indications précises quant à la présence d'une hormone spécifique : l'hormone gonadotrophine chorionique (ou HCG, ou béta-HCG). Cette hormone est détectable environ huit jours après la fécondation. (…).C'est cette hormone gonadotrophine chorionique, non présente chez la femme non fécondée, qui est détectée par le test de grossesse » (1). Trois méthodes existent pour permettre aux utilisatrices de connaître leur statut (enceinte ou non) : le test urinaire, le test par prise de sang et enfin le test salivaire. Leur fiabilité varie ensuite selon la technique utilisée, seul le recours à la prise de sang étant fiable à 100%. 1 http://www.consumergenetics.com/ http://www.intelligender.com/ 3 http://www.test-grossesse.info 2 Sandra Franrenet, août 2009 © Cet article est protégé et ne peut être reproduit ou copié sans l’autorisation de l’auteur. En cas de citation celleci doit mentionner : l’auteur (Nom et prénom), le titre, la rubrique du Site Internet, l’année, et l’adresse www.ethique.inserm.fr 1 … A la banalisation des tests de prédiction du sexe du foetus… Deux nouveaux types de tests permettent maintenant aux parturientes de connaître le sexe de leur fœtus à partir de sept semaines de grossesse. Les sociétés anglo-saxones Consumer Genetics et IntelliGender proposent respectivement le test de la présence du chromosome Y dans le sang maternel et le test urinaire, deux approches non invasives. Dans le premier cas, la fiabilité avoisinerait les 95% alors que dans le second, il oscillerait entre 82 et 90%. Pour se les procurer, rien de plus simple : il suffit d’avoir accès à Internet et de disposer d’un numéro de carte bleue pour payer en ligne. • Test de la présence du chromosome Y dans le sang maternel La pratique du test de prédiction repose sur l'analyse de l'ADN foetal caractéristique du chromosome Y dans le sang maternel. Il est ainsi réalisé de manière très simple à partir d’une goutte de sang : la femme supposément enceinte doit d’abord piquer son doigt à l’aide d’une petite lancette fournie dans le kit, puis le presser jusqu’à ce qu’une goutte de sang apparaisse et enfin verser le liquide obtenu dans un carte de recueil prévue à cet effet. Les échantillons sont ensuite envoyés au laboratoire pour analyse. Les résultats sont retournés par la poste une à deux semaines plus tard. • Test de prédiction urinaire Plus simple et plus rapide, le test de prédiction urinaire est réalisé avec la première urine du matin. Son composé de produits chimiques réagit avec une combinaison d’hormones qui permet de déterminer le sexe du fœtus. Les résultats sont disponibles en dix minutes : si la couleur est orange, c’est une fille ; si c’est du vert qui apparaît, c’est un garçon. … Consécutive à une simplification des contraintes Avant l’apparition de ces tests, deux types de techniques permettaient de connaître le sexe du fœtus : l’échographie et le caryotype fœtal. - Examen essentiel pendant la grossesse, l’échographie se pratique à l'aide d'une sonde à ultrasons posée sur le ventre de la parturiente. Les ultrasons sont transformés en signaux par un système informatique et retransmis sur un écran vidéo sous forme d'images. - Destiné à mettre en évidence l’état des chromosomes de l’enfant à naître, le caryotype fœtal consiste à prélever quelques millilitres de liquide amniotique pour isoler des cellules du fœtus. Ces dernières sont ensuite mises en culture deux à trois semaines pour les laisser se développer. Bien que la première technique ne soit ni invasive ni risquée contrairement à la seconde, elle est également pratiquée dans le cadre médical et bénéficie à ce titre de garanties et surtout de la présence de professionnels… ce qui n’est pas le cas des nouveaux tests de prédiction du sexe du fœtus. Vendus sur la Toile, ces derniers se situent en dehors de tout encadrement et donc de tout conseil relatifs aux résultats. Les couples désireux de connaître le sexe de leur futur bébé n’ont désormais plus besoin d’attendre la douzième semaine d’aménorrhée pour le Sandra Franrenet, août 2009 © Cet article est protégé et ne peut être reproduit ou copié sans l’autorisation de l’auteur. En cas de citation celleci doit mentionner : l’auteur (Nom et prénom), le titre, la rubrique du Site Internet, l’année, et l’adresse www.ethique.inserm.fr 2 caryotype, et encore moins la vingt-deuxième pour l’échographie : dès six semaines ils peuvent commander ces tests en ligne. La tentation de recourir à ces technologies est d’autant plus grande que les prix ont récemment baissé avec l’arrivée sur le marché des tests urinaires (30 Euros contre 200).Aussi, pour rester concurrentiel, Consumer Genetics a joué la carte de la fiabilité en proposant de rembourser les consommateurs en cas d’erreur dans les résultats communiqués... car, faut-il le rappeler, ces tests ne sont pas infaillibles. Le spectre de l’IVG L’impact potentiel sur l’équilibre des naissances La sélection des fœtus en fonction de leur sexe n’est pas une utopie (2). C’est même devenu une réalité problématique dans certains pays comme l’Inde où en 1985 déjà, l’Unesco montrait que 90 % des centres d’amniocentèse pratiquaient la détermination du sexe et que près de 96 % des fœtus féminins étaient avortés (3) pour deux raisons essentielles : les filles ne peuvent pas perpétuer le nom de famille et doivent recevoir une dot pour se marier. Une enquête plus récente publiée dans The Lancet a de son côté établi que 10 millions de fœtus féminins, au moins, ont été avortés ces vingt dernières années en Inde (5). Ces interruptions volontaires de grossesse (IVG) ont rapidement eu un impact sur le sex-ratio4. A titre d’illustration, une étude menée en 2002 a dévoilé qu’il était tombé à 882 filles pour 1 000 garçons dans l’État de l’Uttar Pradeshe (4). En Chine, le déséquilibre entre le nombre d’hommes et de femmes dans la population atteint également des proportions colossales : le sex-ratio est de 108 pour les Chinois âgés de 15 à 19 ans, de 124 pour ceux âgés de 1 à 4 ans et décroît à 119 pour les enfants de moins d’un an ; ce qui correspond, en valeur absolue à un excédent de 32 706 400 garçons nés entre 1985 et 2005 dans la population chinoise (6). Si la préférence pour les garçons n’est pas nouvelle dans ce pays qui pratique la politique de l’enfant unique, le changement réside dans la possibilité de connaître son sexe avant la naissance grâce à la plus grande accessibilité des échographies depuis 1990 « jusque dans des lieux très reculés » (7). Deux études menées en 2001 et 2006 dans les milieux ruraux ont en effet montré que « l’avortement sélectif des fœtus féminins a contribué à l’essentiel de la masculinité extrêmement élevée » (8-9). Quand on sait que ces deux pays comptent à eux seuls près de la moitié de la population mondiale, on ne peut que redouter la commercialisation des tests de prédiction cités. Pour autant, « comment freiner la vente de ces tests, dont on sait que le succès commercial est prometteur dans ces régions du monde ? » (2). Anticipant cette question, la société Intelligender a déjà annoncé qu’elle renonçait à vendre son « Boy or Girl Gender Prediction Test » dans les deux pays cités (10). Mais jusqu’à quand la logique éthique de ces entreprises l’emportera sur la logique commerciale ? Et surtout comment s’assurer que les internautes aujourd’hui privés de ces tests n’arriveront pas à se jouer d’Internet ? La quête de l’enfant sain 4 Nombre d’hommes pour cent femmes Sandra Franrenet, août 2009 © Cet article est protégé et ne peut être reproduit ou copié sans l’autorisation de l’auteur. En cas de citation celleci doit mentionner : l’auteur (Nom et prénom), le titre, la rubrique du Site Internet, l’année, et l’adresse www.ethique.inserm.fr 3 Quand ce ne sont pas les sociétés qui refusent la commercialisation de leurs produits dans certains Etats, ce sont les Etats qui les interdisent, à commencer par la France où, comme le rappelle le professeur Jacques Lansac, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), la loi de bioéthique (11) n’autorise le diagnostic prénatal de sexe par ADN "qu'en cas d'indication médicale liée à une maladie génétique présente dans la famille, et dans des centres agréés et pluridisciplinaires sous le contrôle de l'Agence de biomédecine" (12). Or c’est également là que le bât blesse. Car en plus de répondre à la curiosité des futurs parents, ces tests peuvent également pallier le recours à un tel diagnostic, soit qu’ils jugent trop lourd de le pratiquer, soit que son accès ne leur soit pas ouvert. Ainsi, selon la maladie redoutée (présence de syndrome de Jacob, de Klinefelter ou de Turner dans la généalogie qui affectent tantôt les garçons, tantôt les filles) ou la connaissance de gènes mutés au sein du couple (BRCA1 et 2 susceptibles d’entraîner un cancer du sein chez la femme par exemple), la connaissance du sexe de l’enfant à naître bien avant le délai légal pour avorter5 (13) pourrait conduire certains parents à interrompre la grossesse avant que leurs doutes soient, ou non, confirmés par la première échographie6. Et Jean-François Mattei, Professeur de pédiatrie et de génétique médicale d’illustrer : « La tentation est grande, quand vous avez le résultat d'un diagnostic prénatal réalisé avant la douzième semaine, de solliciter une éventuelle IVG pour raisons personnelles si le sexe de l'enfant ne convient pas. J'ai même entendu des parents se livrer à une forme de chantage expliquant que ne voulant absolument pas d'une fille, si le diagnostic prénatal ne levait pas le doute, l'interruption serait décidée ; il valait donc mieux accéder à la demande du couple pour sauver un éventuel garçon : CQFD ! » (14). Or, comme le constate M. Degert : « appliqué à ce dernier cas, le test Intelligender aurait servi à l'éventuelle élimination précoce d'une fille... Il aurait viré à l'orange ... la couleur qui précède l'arrêt » (15). Vers une banalisation de l’avortement ? En octobre 2007, l’hebdomadaire féminin ELLE a lancé un sondage7 sur Internet auxquelles 610 lectrices ont participé. Même s’il ne s’agit pas d’une enquête réalisée en institut présentant des garanties suffisantes, les résultats sont édifiants : la moitié des sondées disaient être prêtes à utiliser un test de prédiction précoce du sexe du fœtus et 18 % ont précisé qu'elles demanderaient une interruption volontaire de grossesse (IVG) si celui-ci ne leur convenait pas (16). Outre la question de la fiabilité des résultats qui peut amener un couple à interrompre la grossesse sur des bases erronées, la décision de garder ou non l’enfant pose aussi celle de la banalisation de l’avortement. Or, comme le rappelle le CNGOF, une IVG n’est pas une intervention bénigne mais « comporte des inconvénients et peut présenter certains risques exceptionnels 8 » susceptibles d’être favorisés par l’état de la parturiente, ses antécédents ou un traitement pris avant l’opération. Parmi ceux-ci, la perforation utérine, la 5 Fixé à douze semaines en France. 6 La première échographie a lieu entre les 10ème et 12ème semaines de grossesse, soit très peu de temps voire au moment de la fin du délai légal pour avorter. 7http://www.elle.fr/elle/societe/zapping/qui‐veut‐connaitre‐le‐sexe‐de‐son‐ enfant/%28gid%29/115531# 8 http://www.cngof.asso.fr/D_PAGES/PUFIC_17.HTM Sandra Franrenet, août 2009 © Cet article est protégé et ne peut être reproduit ou copié sans l’autorisation de l’auteur. En cas de citation celleci doit mentionner : l’auteur (Nom et prénom), le titre, la rubrique du Site Internet, l’année, et l’adresse www.ethique.inserm.fr 4 déchirure du col de l’utérus, une hémorragie ou encore des plaies graves des organes internes de l’abdomen. Par ailleurs, « les complications précédemment décrites peuvent entraîner de manière exceptionnelle des difficultés pour être à nouveau enceinte. Dans les deux types d'interruption, il existe très exceptionnellement un risque de transfusion sanguine, voire un risque vital ou de séquelles graves. » Même si ces risques ne surviennent que dans des cas exceptionnels, l’avortement est tout sauf un acte banal, tant le plan physiologique, que sur le plan psychologique. Conclusion La commercialisation des tests qui permettent de connaître le sexe du fœtus plusieurs semaines au bout de quelques semaines seulement semble difficile à prohiber. Confirmant ce constat, Jean-Claude Ameisen, président du comité d'éthique de l'Inserm ajoute : « Interdire de savoir ou interdire ces sites sur Internet n'est pas la bonne solution, il ne faut pas infantiliser les gens. Ce qui me gêne, c'est que ces résultats arrivent sans intermédiaire, en dehors de tout conseil et de tout accompagnement préalable qui aide la personne à réfléchir de façon responsable. » Quel rôle restera-t-il, à terme, aux médecins échographistes qui étaient jusqu’alors les acteurs incontournables des couples désireux de « savoir » ? Qui sera là pour les accompagner au moment de l’annonce du sexe et surtout après ? Une chose est sûre en revanche : le rôle du corps médical risque, dans ce domaine encore, de se complexifier. Outre les discussions sensibles qui s’annoncent avec les couples déçus de la couleur révélée par le flacon, la clause de conscience des médecins prendra à coup sûr un sens encore plus prégnant. Bibliographie (1) http://www.test-grossesse.info/definition_test_grossesse/definition-test-grossesse.php (2) Katz-Bénichou G, Le tamisage des naissances, Cités 2006/4, n°28 ; p. 83-94. (3) Le Courrier de l’Unesco, septembre1999, p. 29. (4) Guillebaud JC, Le principe d’humanité, Paris, LeSeuil, 2002, p. 253. (5) Seth S, Missing female birth in India, The Lancet, Volume 367, Issue 9506, Pages 185 186, 21 January 2006 (6) Xing Zhu W, Lu L, Hesketh T, China’s excess males, sex selective abortion, and one child policy: analysis of data from 2005 national intercensus Survey, BMJ 2009;338:b1211 (7) LeMonde.fr, 14 avril 2009, http://sciences.blog.lemonde.fr/2009/04/14/32-millions-depetits-chinois/ (8) Chu JH. Prenatal sex determination and sex-selective abortion in rural central China. Popul Dev Rev 2001;27:259-81 (9) Wu Z, Viisainen K, Elina Hemminki, Determinants of High Sex Ratio among Newborns: A Cohort Study from Rural Anhui Province, China, Reproductive Health Matters, Volume 14, Issue 27, May 2006, Pages 172-180 (10) Connan J, Fille ou garçon ? Une réponse chez soi en dix minutes, lefigaro.fr, 11/06/2009, http://www.lefigaro.fr/sciences/2009/06/11/01008-20090611ARTFIG00561-fille-ou-garconune-reponse-chez-soi-en-10-minutes-.php (11) Loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique, JORF 7 août 2004, http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000441469&dateTex te= Sandra Franrenet, août 2009 © 5 Cet article est protégé et ne peut être reproduit ou copié sans l’autorisation de l’auteur. En cas de citation celleci doit mentionner : l’auteur (Nom et prénom), le titre, la rubrique du Site Internet, l’année, et l’adresse www.ethique.inserm.fr (12) Limat S Peyret E, Maternité. Outre-Manche, un test ADN permet de connaître très tôt le sexe de son bébé, Libération, 18 mai 2007 (13) Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception. (14) Mattei JF, Le diagnostic prénatal, Dominos Flammarion, 2000, p. 90. (15) Degert Jean, Intelligender et la révélation précoce du sexe de l’enfant, http://www.cpdh.info/npds/article.php?sid=1166 (16) Petitnicolas C, Un test ultraprécoce de prédiction du sexe du bébé, Lefigaro.fr, 14 octobre 2007, http://www.lefigaro.fr/sciences/2007/06/20/01008-20070620ARTFIG90032un_test_ultraprecoce_de_prediction_du_sexe_du_bebe.php Sandra Franrenet, août 2009 © Cet article est protégé et ne peut être reproduit ou copié sans l’autorisation de l’auteur. En cas de citation celleci doit mentionner : l’auteur (Nom et prénom), le titre, la rubrique du Site Internet, l’année, et l’adresse www.ethique.inserm.fr 6