ailierde1,90met92kg, michelpomathiosétait unjonahlomuavantl`heure

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ailierde1,90met92kg, michelpomathiosétait unjonahlomuavantl`heure
LE GRAND MICK EST UN PEU GÊNÉ aux entournures, ces derniers temps, dans son véhicule du
moment, une chaise posée sur quatre roues qui
pivotent pour les cadrages comme pour les débordements.MaislegrandMickcontinuedepromenerune
distance,uneironieaucoindel’œilquinel’ontjamais
quitté. La Coupe du monde dont il planifie chaque
match, dans sa chambre, le voit sortir d’un été difficile, mais, à 91 ans, il commence à se remplumer.
Il a toujours eu ses élégances, cette manière de
porter beau. Ce matin-là de fin septembre, au rez-dechaussée de la maison qui l’accueille et le soigne,
dans le quartier de Cuiron, à Bourg-en-Bresse, il
porte le blazer des Barbarians britanniques. Il est
un peu élimé aux manches, mais il est magnifique
et d’époque : Michel Pomathios, alors âgé de 27 ans,
1,90 m, 92 kg, ailier du quinze de France avec des
mains comme des tambours et une foulée de coureur
de 400 mètres, un Jonah Lomu avant l’heure, a été
le premier joueur français retenu par les Barbarians
britanniques, trois matches en sept jours au pays
de Galles, au joli mois de mars 1951.
Il s’appelle Michel, mais toute la ville a toujours dit
le grand Mick. Il est né à Bourg un jour de mars 1924,
et ensuite il a découvert le monde. En 24 sélections,
de janvier 1948, face à l’Irlande, à janvier 1954, en
Écosse, il a été de la première victoire au pays de
Galles (11-3), en 1948 à Swansea, de la première
tournée en Argentine, en 1949, du premier succès
à Twickenham (11-3), en 1951.
En2002,Dennis«Squire»Wilkins,pilotedechasseet
troisième-ligne anglais, disparu en 2012, témoignait :
« Mon souvenir le plus net de cette défaite est celui
de Michel Pomathios. Parce qu’il jouait avec des
chaussures bleues, et parce qu’il s’était soulagé
contre les poteaux, à la mi-temps… » Les chaussures
bleues avaient été faites sur mesure par un chausseur-bottier du quartier de Gerland, à Lyon. Elles
étaient moins une coquetterie qu’une nostalgie de
la légèreté des pointes, en athlétisme.
En ce matin de septembre, à Bourg, le grand Mick
a bonne mine. Il est accompagné par sa fille, Caroline, et par son neveu, Guy Chevat, président de l’US
Bressane (Fédérale 1), le club où l’homme à la veste
des Barbarians a commencé et terminé sa carrière.
Quand les souvenirs défilent, une lumière en allume
une autre. Un nom de coéquipier ou d’adversaire,
un lieu de fête parisienne : « Le One-Two-Two, le
Tagada, le Whisky à gogo, Castel… Longtemps, on
s’est couchés tard. »
Dans la conversation surgit la tournée de 1949
en Argentine restée mythique, pour des raisons
avouables et inavouables. Il avoue tout, dans un
sourire : « On était partis deux mois, en avion, avec
escale aux Açores. Il y avait les immenses barbecues,
et les Argentines. Elles étaient belles ! On courait
les filles… » Ils couraient vite. « Les fiancées, là-bas,
ce n’était pas ce qui manquait ! »
C’étaituneviedesportifd’aprèsguerre,deretouràl’insouciance. Quand on avait eu 16 ans en 1940, il fallait
bien ça. Fils de négociant en beurre et fromage du
centre-ville de Bourg, le grand Mick avait essaimé les
lycéesdelarégion,deVillefranche-sur-SaôneàSaintÉtienne,touchéàtouslessports,dominélesprintlong
AILIER DE 1,90 M ET 92 KG,
MICHEL POMATHIOS ÉTAIT
UN JONAH LOMU AVANT L’HEURE
48 | L’ÉQUIPE MAGAZINE
Pomathios joue
son premier
Tournoi en 1948.
À Swansea, l’ailier
français, ici avec
des bobbies ou au
milieu de ses
coéquipiers,
triomphe (11-3).
En bas, contre
l’Écosse à
Murrayfield,
Pomathios
s’échappe mais
perd (9-8). En bas,
à droite, 67 ans
plus tard,
Pomathios avec
le blazer des
Barbarians.

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