lamanage des ports de Marseille

Transcription

lamanage des ports de Marseille
entreprise
Sur des canots de 8 mètres de long, les lamaneurs amarrent par tous les temps
d’immenses navires. Ici sur le quai minerai, un bateau de 360 mètres. Ph. GR.
Tous sur le même canot
Il était un petit navire qui amarrait les bateaux du port
autonome de Fos-Marseille. A son bord, une équipe
de lamaneurs. Sortie en mer avec ces hommes qui
partagent le savoir-faire d’un métier et le quotidien
d’une grande famille.
Une baraque de 400m² avec chambres
individuelles, une salle de sport, des
vestiaires, une cuisinière et une femme de
ménage, le tout avec vue sur la mer. Devant
l’habitation, une dizaine de vedettes sont
à disposition des résidents pour prendre
le large. Une colocation qui ferait rêver
plus d’un étudiant marseillais... Sauf que
personne ne passe ses nuits à réviser ses
partiels et encore moins à faire la fête. Au
dessus de chaque lit, l’alarme peut sonner à
tout moment pour réveiller les lamaneurs,
prêts à sauter dans l’imperméable qui les
attend aux vestiaires. Au port de Fossur-Mer, ils sont seize lamaneurs, dont
deux chefs. Un métier encore méconnu,
qui se transmet souvent de père en fils,
pourtant indispensable. Ces hommes
amarrent et désamarrent tous les navires
qui font escale dans le port autonome.
En plus du travail, ils partagent aussi le
quotidien. Leur semaine débute le mardi
à 6 h 30 pour se terminer sept jours plus
tard à la même heure, pour la relève. De
jour comme de nuit, par tous les temps,
365 jours par an, leurs journées dépendent
du trafic maritime. « On est comme des
pompiers, on nous appelle et on y va. Ça fait
partie du folklore », sourit David Rosaire,
lamaneur depuis neuf ans. A 11 heures, la
paëlla est prête, mais elle devra attendre.
Direction le quai céréales pour amarrer un
bateau hollandais. « Ah ben vous partez avec
les meilleurs ! », chambre un lamaneur depuis
le comptoir qu’ils se sont aménagé dans la
pièce à vivre. « On a tous fait trois ans et demi
de stage avant, donc on se connaît tous très
bien. On se charrie beaucoup, ça aussi, ça fait
partie du folklore ! », s’amusent David Rosaire
Le collectif et la
solidarité pour faire
face à des conditions
de travail difficiles
et David Bernard en quittant la "station"
pour le quai et ses canots. Ces embarcations
de 8 à 10 mètres de long, rapides et faciles
à manœuvrer permettent aux lamaneurs
d’être sur place en quelques minutes. « Vous
n’avez pas le mal de mer au moins ? Parce que
vous allez faire un tour de Space Mountain
gratuit... », prévient David Bernard. Après
une traversée quelque peu mouvementée,
la petite embarcation rejoint le bateau de
60 mètres. A bord, l’équipage donne les
consignes aux lamaneurs. L’un reste sur
la vedette, l’autre récupère les amarres
entreprise
depuis le quai. « On a des formations d’anglais
maritime, mais ce n’est pas toujours facile de se
comprendre. » Conditions météorologiques,
mer agitée, « des fois, on se fait des frayeurs.
Des lamaneurs sont déjà tombés à l’eau »,
se souvient David Bernard. Pendant ce
temps sur le quai container, six de leurs
camarades amarrent un gigantesque navire
de 366 mètres aux hélices apparentes.
Entre ambiance régiment
et colonie de vacances
Après la fraîcheur de l’air marin, retour à la
douceur de la station. On enfile le jogging et
enfin, la paëlla, servie par Jessie Rico. « Nous
faisons le menu de la semaine avec eux et ils font
les courses, les rangent, puis c’est moi qui gère »,
explique la cuisinière. Entre ambiance
régiment et colonie de vacances, elle a
su trouver sa place. « Ce sont des garçons
entre eux, ça reste bon enfant », précise-telle en souriant. « On les materne, on est
un peu derrière eux. L’atmosphère est festive,
nous sommes considérées et faisons partie de
l’équipe », souligne Nora Dahmani, la femme
de ménage. « Le mardi matin au moment de la
relève, on se passe les consignes. Nous sommes
tous responsables. » Le geste du métier est
physique. « Va te reposer, je te remplace. Si t’es
pas bien cette nuit, tu m’appelles », entend-on
à plusieurs reprises. Une équipe qui se doit
d’être solidaire pour faire face à la dureté
des conditions de travail, comme des
marins sur leur petit bateau.
Marielle Bastide
\ En chiffres
80
La coopérative du lamanage des ports de Marseille et Fos existe
depuis 1946 et emploie 95 personnes, dont 80 lamaneurs. Ces
derniers, après trois ans et demi de stage dans les trois stations
(Marseille, Port-de-Bouc et Fos), deviennent associés de la société.
« C’est un aboutissement », explique Adrien Paporakis, stagiaire à
Fos, port géré par la société Fluxel.
Tous font partie d’une commission (hygiène, matériel, vie de
l’entreprise...) et peuvent être élus au conseil d’administration.
Franck Rossi, aujourd’hui président, a été lamaneur pendant
19 ans. « La vie en communauté me manque un peu parfois »,
confie le gérant.
20 | Vmarseille | janvier 2013
350
Nombres d’heures mensuelles des lamaneurs. Une semaine de
travail, puis une semaine de repos. En moyenne, les lamaneurs
sont âgés de 39 ans et entrent dans la profession à 24. Comme les
marins, leur régime est spécial et ils partent à la retraite à 55 ans.
18 000
Chaque année, les lamaneurs prennent en charge 9 000 escales,
soit 18 000 opérations, à Marseille, Fos et Port-de-Bouc. Bateaux
de commerce, pétroliers, bateaux de croisière, mais aussi sousmarins et porte-avions. L’activité est régie par la préfecture, avec
une mission de service public (lutte anti-pollution, dépannage...).
janvier 2013 | Vmarseille | 21

Documents pareils