Isaac, l`enfant du rire et de la promesse

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Isaac, l`enfant du rire et de la promesse
Isaac, l’enfant du rire et de la promesse
Père Alain Marchadour, bibliste, assomptionniste PEE
Dans les récits bibliques, Isaac n'apparaît que de façon passagère, fils dAbraham, père
des croyants, et père de Jacob, qui deviendra IsraëI, de qui sortiront les « fils d'Israël »,
(Israélites). Son nom apparaît surtout dans la séquence suivante : « Dieu dAbraham,
Dieu d'Isaac et Dieu de Jacob. »
Pourtant, sa présence discrète est un chaînon essentiel, à travers quelques récits où
passe quelque chose du mystère du Dieu biblique" La tradition chrétienne a vu en lui
une figure annonciatrice de Jésus.
Dans le parcours dAbraham et de Sara, la promesse d'une grande descendance se
heurte à de nombreux obstacles : d'abord le danger couru par Sara, présentée par
Abraham comme sa soeur et prise dans le harem du pharaon, puis la stérilité de la
matriarche et l'âge avancé du couple. Et pourtant I'impossible advient : les vieillards
(1OO ans pour Abraham et 90 ans pour Sara !), forts de la promesse de l'ange de
Dieu, donnent naissance à l'enfant du rire: Isaac. Ce nom, dans l'univers du ProcheOrient ancien, est à l'origine un nom formé du nom de Dieu et de la troisième
personne du verbe, «rire»: « Itsahaq-El », «Que Dieu sourie ! », « Qu'il soit
favorable ! »
Le jeune Isaac a dû ressentir dans sa chair quelque chose de l'épreuve imposée par
Dieu à Abraham: « Prends ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac, va [...]
tu l’offriras en sacrifice » (Gn 22,2).
Un des éléments les plus troublants de ce récit concerne le silence d'Isaac. De bout
en bout, lui, la victime désignée par Dieu à Abraham, reste passif et silencieux, sauf
pour demander à son père: « Où est l'agneau pour l'holocauste ? »
Après l'intervention in extremis de l'ange du Seigneur, le jeune homme semble
même disparaître du récit qui énumère tous les personnages... sauf Isaac : «
Abraham retourna auprès de ses serviteurs et ensemble ils se mirent en route pour
Bershéba. » Où est passé I'enfant? C'est comme s'il avait fait place, grâce à la foi
dAbraham, à la multitude promise par Dieu. Deux éléments du récit ouvrent une
brèche dans cet effacement d'Isaac. D'abord, du début à la fin, rien n'est dit d'une
résistance d'Isaac à son destin tragique, pas même quand il va être sacrifié.
Cela a été interprété par beaucoup, comme un consentement tacite. Le second
élément tient à un adverbe présent à deux reprises dans le récit:
« tous deux
ensemble » (v 6 et v. B). L interprétation juive y a lu la communion entre le Père et le
fils dans l’adhésion à l’appel de Dieu
Elle a aussi ce récit comme une préfiguration des épreuves extrêmes traversées par
Israël au cours de I'histoire, en particulier la Shoah : quand il semble, à vue
humaine, que Dieu abandonne son peuple dans l'épreuve, I'exemple des patriarches
est une lumière qui luit dans la nuit la plus obscure.
Dans le long chapitre qui raconte la recherche d'une femme pour Isaac (Gn 24),
celui-ci reste le silencieux puisque c'est l’intendant dAbraham qui s'en va au pays des
ancêtres chercher une femme pour lui. Beau récit plein de couleur locale, où, auprès
d'un puits, lieu traditionnel des rencontres amoureuses dans la Bible, l’intendant
trouve Rébecca. Comme Abraham avant elle, elle quitte son pays pour la terre de
Canaan. Les promesses de Dieu s'inscrivent dans l'amour naissant entre deux êtres
humains qui ne se connaissaient pas : « Isaac introduisit Rébecca dans sa tente : il
l'épousa, elle devint sa femme, et il l'aima. »
Le fils inattendu
Les Pères de l'Eglise verront en Isaac la figure de Jésus. Tels Abraham et Isaac allant
ensemble vers le sacrifice, le Père et le Fils communient dans le même amour pour
l'humanité. L’évangéliste Jean voit dans le rire d'Abraham, au moment de l'annonce
de la naissance d'Isaac, l'allégresse pour la venue de Jésus (Jn 8, 56). Jésus réalise
alors le souhait inclus dans le sens étymologique du nom d'Isaac : " Dieu a souri et
été bienveillant. "