Le regard de Gérard Collomb sur l`hôpital public

Transcription

Le regard de Gérard Collomb sur l`hôpital public
INTERVIEW
Le regard de Gérard Collomb
sur l’hôpital public
our Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon, président de conseil
d’administration des Hospices civils de Lyon depuis plus de 7 ans,
le système de financement actuel ne prend pas assez bien en
compte les spécificités des centres hospitalo-universitaires. À ses yeux,
la T2A ne doit pas induire un retrait de l’hôpital public sur certaines de
ses missions de service public.
P
PHAR : Malgré vos fonctions de sénateur-maire de
Lyon, et alors que vous aviez la possibilité de déléguer cette tâche, vous avez souhaité assurer la
présidence du conseil d’administration des Hospices civils de Lyon. Quelle importance revêt pour
vous cette fonction ?
Gérard Collomb : La fonction de président du CA du CHU
me paraît essentielle compte tenu des enjeux majeurs qui
se posent au service public hospitalier depuis plusieurs
années, mais aussi de la situation spécifique que connaissent les HCL. Les Hospices civils de Lyon, forts de près de
23 000 personnels, constituent le premier employeur de la
région Rhône-Alpes – et, a fortiori, de la ville de Lyon.
Comme c’est le cas pour de nombreuses communes,
l’établissement hospitalier représente un acteur majeur du
développement économique du territoire. Cela est particulièrement vrai à Lyon, puisque notre agglomération appuie
fortement son essor sur le secteur de la santé (recherche,
industries, biotech, pôles de compétitivité…). Au sein de ce
tissu, les Hospices civils de Lyon ont une place prépondérante. En 2001, lorsque je suis devenu maire, les HCL s’apprêtaient à engager un plan de restructuration sans précédent dont il convenait de suivre au plus près la bonne
réalisation. De surcroît, ces fortes restructurations induisent
la désaffection de nombreux sites hospitaliers (hôpitaux
Debrousse, Antiquaille, Hôtel-Dieu) dont les enjeux de
reconversion sont très importants pour notre cité. Le travail
partenarial entre la ville de Lyon et les HCL sur cette « réintégration » du patrimoine dans la ville est essentiel.
PHAR : La future loi « Hôpital, patients, santé et territoires » pourrait aboutir à un moindre rôle des
élus dans la gestion des affaires de l’hôpital avec,
notamment, la transformation du conseil d’administration en conseil de surveillance chargé uniquement des orientations stratégiques et des équilibres
financiers de l’établissement. Cet effacement du
rôle des élus est-il, selon vous, une bonne chose ?
G.C. : Je viens d’évoquer toutes les raisons qui m’ont conduit
à présider personnellement
le CA des HCL et à suivre au
plus près la vie de cet établissement.
Elles sont une première réponse : l’établissement hospitalier interagit en permanence avec la vie de la ville et il m’apparaît donc plus que nécessaire que le maire et les élus locaux
soient particulièrement présents et concernés. Le président du CA, parce qu’il est maire, peut user d’un légitime
pouvoir de médiation en cas de difficultés ou de conflits internes. Pour la même raison, il dispose d’une capacité d’interpellation du ministère qu’aucun autre membre du CA, quelles que soient sa qualité et ses compétences, ne peut avoir.
Je l’ai fait à de nombreuses reprises au sujet de la situation
financière de l’établissement, parfois avec succès. Tout
comme je participe aux initiatives croissantes des maires des
grandes villes de France, légitimement préoccupés par la
situation des établissements publics hospitaliers. C’est pourquoi,
Je plaide pour que le
même s’il est parfois
rôle de président
ambigu et difficile à tenir,
je plaide pour que le rôle
du CA reste confié au
de président reste confié
maire de la commune.
au maire de la commune.
PHAR : Le président de la République souhaite faire
du directeur « le seul patron de l’hôpital ». Le mal
de l'hôpital public tient-il, selon vous, au simple fait
que son directeur n'y a pas assez de pouvoirs ?
G.C. : Je suis administrateur des HCL depuis fort longtemps
et président du CA depuis plus de 7 ans. Je constate qu’il
y a, effectivement, manifestement un problème de gouvernance à l’hôpital. Quand vous êtes maire, vous pouvez
dessiner la politique que vous souhaitez conduire pour la ville,
choisir votre exécutif, vos collaborateurs, vous maitrisez
votre budget en faisant appel ou non à l’impôt en fonction
de l’ampleur de votre projet. Vous évaluez, vous décidez, vous
mettez en œuvre, vous assumez. À l’hôpital public, c’est bien
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INTERVIEW
différent... Les compétences, les hiérarchies, les
responsabilités sont partagées et diluées. Et, effectivement, le directeur général n’a pas forcément tous les
pouvoirs ni les moyens nécessaires à l’application des
stratégies qu’il souhaite mettre en œuvre ou à la résolution de certains conflits qui peuvent bloquer le bon
fonctionnement de l’établissement. Le renforcement
des pouvoirs du directeur me paraît donc souhaitable,
dans la mesure où il reste éclairé par les instances et
acteurs internes de l’hôpital.
PHAR : Les futures agences régionales de santé
sont appelées à devenir les véritables autorités locales en matière de santé. Quelles sont
les conditions indispensables à la réussite de
cette réforme ?
G.C. : Naturellement, sur le papier, il est séduisant
qu’une instance unique soit créée aux fins d’organiser
au mieux, sur un territoire, les politiques sanitaires.
Il y a urgence, par exemple – et j’attends beaucoup des ARS
sur ce point – à mieux coordonner les activités hospitalières avec la médecine de ville ou avec le secteur médico-social
(amont et aval d’hospitalisation). Il y a aussi des enjeux
considérables en termes de psychiatrie et de prise en
charge de la santé mentale qui, là encore, nécessitent un travail partenarial entre toutes les institutions concernées, que
les ARS pourraient coordonner. Je ne suis pas certain, néanmoins, que cela suffise et je ne voudrais pas que la création
des ARS soit un alibi pour un désengagement financier de
l’État. Il s’agit, malheureusement, d’un phénomène que
nous avons déjà observé avec les groupements régionaux
de santé publique.
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cience médico-économique ; à Lyon, nous prenons largement notre part. Mais les autorités publiques doivent, en
contrepartie, mettre en place des mécanismes pour permettre à l’hôpital public, et spécifiquement aux CHU, de préserver leurs missions spécifiques. Il conviendrait, par exemple,
de disposer d’un chiffrage sincère des MIGAC et d’une
juste rémunération de celles-ci.
PHAR : Justement, le passage de la T2A à 100 %
dans les hôpitaux publics semble avoir affaibli les
établissements les plus fragiles et déstabilisé les
centres hospitaliers universitaires. Ce système de
financement est-il, selon vous, réellement adapté
aux hôpitaux publics ? Quel regard portez-vous en
PHAR : Une majorité de praticiens hospitaliers
particulier sur la situation financière difficile des
redoute une privatisation rampante du service
HCL ?
G.C. : Il me semble que le système actuel de la T2A prépublic hospitasente des inconvénients importants pour les grands
lier. Les réformes en cours
établissements publics (CHU). Il doit au minimum être
Le renforcement des
représententpondéré par des mécanismes qui prennent en compte
elles, à vos yeux,
leurs missions spécifiques de recours, d’accueil des
pouvoirs du directeur me
un tel risque ?
publics précaires, de permanence des soins… Aujourparaît souhaitable dans
G.C. : Ce qui me
d’hui 29 CHU sur 31 sont en déficit en France. On ne
la mesure où il reste éclairé peut tout de même pas faire peser la responsabilité
paraîtrait particulièrement préoccupar les instances et acteurs de cette situation sur 29 « mauvais » directeurs génépant serait que les
raux !
de l’hôpital.
nouveaux modes
Pour ce qui concerne les HCL, la situation financière difde financement
ficile que nous connaissons s’explique par un phénoinduisent un retrait
mène de ciseaux : d’une part le passage à la T2A, qui
de l’hôpital public sur certaines missions de service public
a été accéléré par le président Sarkozy par rapport au calenet/ou une moindre offre en secteur 1. On ne peut demandrier initial, d’autre part l’impact ponctuel des très lourds
der à l’hôpital public, dans le même temps, de se placer en
investissements justifiés, engagés il y a plusieurs années, dans
situation concurrentielle dans le cadre du financement à l’acle cadre de la restructuration de l’hôpital et qui se traduisent
tivité et de maintenir une mission d’accueil global, incondien ce moment même par des frais financiers considérables
tionnel et accessible à tous. Il est certain que l’hôpital public
qui pèsent sur l’exploitation et qui endettent les HCL de façon
a des efforts de gestion à faire pour améliorer son effiinsupportable.
INTERVIEW
PHAR : Le projet de loi « Hôpital, patients, santé
important de médecins qui vont partir à la retraite dans les
et territoires » entend
prochaines années se pose inévitablement la
étendre la possibilité
question du rapport cotisants-bénéficiaires.
pour la direction de l’hôComme dans d’autres catégories professionnelLa T2A présente des
pital de recourir à des
les, il appartient à l’État d’en assurer la régulation
inconvénients
contrats de droit privé
dans le contexte économique et financier difficile
afin de recruter des
que nous connaissons.
importants
médecins hospitaliers.
Cette solution suffira-tPropos recueillis par Alexandre DHORDAIN
elle, selon vous, à rendre l’hôpital public attractif à l’heure où les médecins fuient le secteur
public ?
G.C. : Tout d’abord, j’aimerais bien que cette affirmation très
répandue que les médecins fuient
le secteur public soit davantage
objectivée. Certes, nous rencontrons ce problème dans certaines
disciplines telles que l’anesthésie ou
OCTOBRE 2008
la radiologie et il est vrai que les
1er octobre
Réunion IRCANTEC au ministère de la Santé
rémunérations proposées par le
7 octobre
Réunion téléphonique FPSH
secteur privé sont sans commune
8 octobre
Réunion SNPHAR (Paris)
mesure avec celles du public. Pour9 octobre
Réunion IRCANTEC au ministère de la Santé, Bureau du SNPHAR
tant, je n’ai pas le sentiment d’une
10 octobre
Réunion du conseil d'administration (Clermont-Ferrand)
véritable hémorragie et bien des
14 octobre
Présentation des estimations retraite au Kremlin-Bicêtre (président
praticiens sont fidèles au service
du SNPHAR)
public et à ses missions. Il est cer16-17 octobre
Grève nationale des soins urgents et non urgents
22 octobre
CA de l'INPH (Paris)
tain, néanmoins, que des mesures
28 octobre
Conférence téléphonique du CA du SNPHAR
doivent être prises pour conforter
à leurs yeux l’attractivité du service
NOVEMBRE 2008
public, parmi lesquelles la rému12 novembre
Parution de l'encart dans le journal Le Monde et début de la sousnération est un élément, mais pas
cription pour le financer
le seul. En tout état de cause, des
13
novembre
Conférence
de presse SNPHAR (Paris); Rendez-vous du Bureau avec
modalités plus adaptées pourraient
les
Parlementaires;
réunion avec la FPSH. Réunion SNPHAR (Paris)
prendre en compte la pénibilité de
14
novembre
Réunion du conseil d'administration (Paris)
certaines spécialités, les volumes
27 novembre
CA INPH ( Paris)
d’activité…
DÉCEMBRE 2008
PHAR : Pour la défense de leur
1er décembre
Conférence téléphonique PH Services : gestion du contrat
retraite, les praticiens hospiprévoyance
taliers ont mené une grève de
11 décembre
Conférence de presse FPSH (paris)
48 heures en octobre dernier.
12 décembre
Réunion du conseil d'administration (Paris)
Ce mouvement fut largement
15 décembre
Euromanifestation avec les médecins européens devant le Parlement
suivi puisque 60 % des médeeuropéen
cins hospitaliers y ont parti16 décembre
Euromanifestation avec les syndicats européens (ETUC)
cipé, mais à ce jour sans réac17 décembre
Réunion de la Commission statutaire nationale (Paris). Rencontre avec
tion des pouvoirs publics. Estles syndicats de la fonction publique hospitalière (Paris)
18 décembre
Clôture de la souscription pour l'encart dans le journal le Monde du
il juste, selon vous, de bais12 novembre
ser d’autorité de 20 à 30 % la
retraite des praticiens hospiJANVIER 2009
taliers, et cela sans de véri06 janvier
Publication des candidatures à l'élection au CA
tables négociations ?
22 janvier
Réunion du CA (Paris)
G.C. : Cette question découle de la
pyramide des âges des médecins
23 janvier
Assemblée générale du SNPHAR (Paris).
Renouvellement pour moitié du CA 2009
hospitaliers qui est aujourd’hui très
préoccupante. Avec le nombre
A G E ND A D U C A
21

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