Regard sur l`accueil du jeune enfant au Québec, rencontre avec les

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Regard sur l`accueil du jeune enfant au Québec, rencontre avec les
Regard sur l’accueil du jeune enfant au Québec,
rencontre avec les amis...
Par Danielle Pommier
Danielle Pommier est étudiante à l’école d’Éducatrice de Jeunes
Enfants de Lyon, en France.
Elle a effectué un stage au Québec en juin 2009 et elle nous raconte
son expérience. Ce texte est paru dans le journal de l’AQM, Grandir
en multiâge, vol. 5, n°3, p 11-13, septembre 2009.
Métro Jolicoeur…
Lundi 28 juin 2009, je sors du métro Jolicoeur* sous une pluie battante (*quel joli nom pour une
station de métro qui me conduit à un CPE : centre de la petite enfance…). À Montréal depuis la
veille, je suis impatiente de faire connaissance avec « Les Petits Lutins de Côte Saint-Paul », où
doit se dérouler mon stage professionnel durant un mois. La cordialité des différents échanges de
courriels avec la conseillère pédagogique chargée d’accompagner mon stage m’a rendue
confiante et sereine à la découverte de ce nouvel environnement.
Je suis actuellement en formation d’éducatrice de jeunes enfants en France, à l’Ecole Santé
Social Sud-est, située à Lyon. Le centre de formation nous donne la possibilité d’effectuer un
stage à l’étranger, à la charnière de la deuxième et de la troisième année de formation. Des
recherches sur internet pour des travaux d’étude m’ont amenée à découvrir des pédagogies
différentes venues du Québec. J’ai d’ailleurs, à cette occasion, fait la connaissance avec
l’Association Québécoise pour le Multiâge (AQM). De plus, le Québec étant une destination
rêvée pour moi, il m’a semblé évident de choisir ce pays pour effectuer mon stage (intérêts
culturel et professionnels se trouvant alors réunis), et de solliciter Jean-Marc, de l’AQM, pour
m’aider à trouver un CPE susceptible de m’accueillir. L’aventure commençait…
Julie Lanthier, conseillère pédagogique au CPE « Les Petits Lutins de Côte Saint-Paul », fut la
première personne à répondre favorablement à l’appel de Jean-Marc. Mon projet prenait corps...
Dominique Malleval, formatrice au centre de formation E.S.S.S.E., fut chargée de
l’accompagnement des stagiaires-éducateurs à l’étranger. Certains étudiants ont choisi de faire un
stage en Europe (Allemagne, Suède, Belgique, Suisse, Espagne), d’autres en Afrique (Burkina
Faso, Sénégal). Enfin 4 ont choisi de partir au Québec et parmi
elles Anne, Anne-sophie, Sonia, et moi-même, accueillies dans
différents CPE de Montréal. Après de longs mois de
préparation, de réunions, et de démarches administratives auprès
de l’Ambassade du Canada (obtention du permis de travail
notamment), je me retrouve enfin devant la porte des « Petits
Lutins ». Après une entrevue, Julie me propose de faire la visite
des deux installations de ce CPE. Je vais ainsi de local en local,
à la rencontre de chaque éducatrice et de leur groupe d’enfants.
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Mes premières impressions…
En tout premier lieu, je suis saisie par l’impression de calme et de tranquillité de ce lieu, compte
tenu du nombre d’enfants et d’adultes qui partagent cet espace (42 enfants dans l’installation
« côté cour » et 80 enfants du « côté jardin »). Les enfants sont accueillis dans des groupes de 8 à
10 animés par une éducatrice (2 dans le groupe des poupons), répartis dans les deux installations.
Je reçois un accueil chaleureux des éducatrices, intéressées par ma démarche. Les enfants jouent
librement, seuls ou en petit groupe. Nous rencontrons un enfant (groupe des 3 à 5 ans), qui
chemine seul dans le couloir. Il est chargé par son éducatrice d’aller demander un objet dans un
autre local. Je perçois du contentement sur son visage. Il est visiblement satisfait d’accomplir
cette « mission ». Je me dis que les enfants doivent être habitués à se déplacer eux-mêmes dans
d’autres locaux et à rencontrer d’autres adultes. (Il me faudra moi-même un certain temps pour
me repérer dans ce CPE et trouver tel ou tel local !).
Il m’a fallu rapidement m’adapter aux expressions et mots québécois « débarbouillettes, bas et
souliers, gougounes, napkinnes, balounes, ça trippe fort !!… ». Les enfants m’ont bien aidée
dans cet apprentissage. Et j’ai remarqué qu’avec eux le contact s’était établi spontanément dès
les premières minutes. Ils n’ont pas montré de réserve envers moi, comme s’ils étaient habitués à
rencontrer d’autres personnes qu’ils ne connaissent pas forcément.
Enfants et éducatrices ont témoigné de grandes qualités d’accueil et d’ouverture, j’en suis encore
très émue au souvenir de moments vécus ensemble. Ici, la proximité est immédiate, la chaleur
aussi, facilitée sans doute par le tutoiement, et le fait que les éducatrices désignent les enfants par
le terme « d’amis ». Après quelques jours, j’étais immergée
dans le fonctionnement de ce CPE passant successivement du
groupe des « explorateurs », au groupe des « fleurs », aux
« grenouilles », aux « p’tites bébittes », au camp de jour, aux
« p’tits soleils », aux « coccinelles », et enfin aux
« z’acrobates ». J’ai choisi d’organiser mon stage en participant
à des groupes d’âges différents, afin de diversifier les
situations d’observations, et de faire connaissance avec
plusieurs éducatrices.
Et le multiâge ? Venons-y…
Aux « Petits Lutins », le multiâge fait partie des valeurs fondamentales de l’accueil du jeune
enfant, tout comme le programme « High Scope » (dont « jouer c’est magique », découle). Au
travers des nombreuses observations effectuées auprès des enfants et des pratiques des
éducatrices, des valeurs phares me sont apparues : l’autonomie, la responsabilisation, la
démocratie à tous niveaux, l’entraide et la solidarité, me permettant d’affirmer que « les Petits
Lutins » développaient « fort » les compétences sociales.
Dans ce CPE, l’accueil en multiâge est organisé en trois groupes : les enfants de 6 à 18 mois,
ceux de 18 à 35 mois et ceux de 3 à 5 ans. L’un des effets majeurs de cette organisation est la
stimulation des interactions entre enfants. J’ai en effet observé des comportements d’entraide de
la part des plus grands envers les plus jeunes, surtout dans les groupes de 3 à 5 ans. Par
exemple : « au moment de la sieste, alors que le calme règne dans le local, les enfants vont
chercher leur matelas et leur couverture, l’installent à la place habituelle, se déshabillent
sommairement et s’allongent. Z., la plus jeune du groupe, est aidée par un plus grand garçon
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pour retirer le matelas du placard et l’installer. Sans un mot, il l’aide également à retirer son
chandail. Le garçon se couche sur son matelas et déplie la couverture sur lui. Z. l’observe, puis
décide de s’allonger aussi sur son matelas et tente de déplier sa couverture. » Dans cette
interaction, j’ai observé un comportement spontané d’entraide du garçon plus âgé envers Z. Mais
aussi, je pense que pour Z. le garçon plus âgé est un modèle à imiter. Les enfants apprennent
ainsi par leurs pairs et non plus uniquement par l’adulte. Ceci constitue à mes yeux une des
valeurs phare du multiâge.
« Véronique, j’ai l’ goût d’aller dans l’ corridor pour promener mon poupon… »
Ainsi commence la demande d’un enfant à son éducatrice. Celle-ci l’a autorisée à parcourir les
couloirs du CPE avec sa poussette. De retour un moment après, elle a souhaité aller dans un autre
groupe car elle était intéressée par l’activité proposée par une autre éducatrice. Ici, un enfant peut
aller dans un autre groupe qu’il a choisi, ponctuellement, avec l’accord de son éducatrice et
compte tenu des contraintes d’organisation (nombre de place restant dans le groupe). Les
échanges inter-groupe permettent à ceux qui le souhaitent de connaître les autres enfants et les
autres éducatrices du CPE, développant ainsi leurs facultés d’adaptation. Ceci permet également
aux fratries de groupes d’âge différents, de se retrouver et de passer un moment ensemble. J’ai
remarqué une grande confiance témoignée par l’adulte, ainsi que la responsabilisation et
l’autonomie laissée à l’enfant pour décider lui-même de son activité. Tout part des besoins de
l’enfant. La concertation de l’enfant, le matin, sur le choix d’activité qu’il souhaite,
l’accomplissement de tâches collectives…, tout
concourt à favoriser une participation active de
l’enfant. Il devient acteur de son développement.
L’éducatrice repose sa confiance dans les capacités de
l’enfant. Quand un conflit naît, j’ai remarqué peu
d’intervention de l’adulte. Les enfants sont
encouragés à rechercher eux-mêmes leurs solutions, à
travailler leur compétence à résoudre les problèmes.
L’adulte ne fait que soutenir et accompagner ce
processus pour les plus jeunes.
De gauche à droite : Julie, Danielle, Linda et Claire.
Un « défi » pour les éducatrices en multiâge…
Accompagner des enfants d’âges très différents nécessite, à mon avis, de grandes qualités
d’adaptation, d’observation et de connaissance des différents stade de développement de l’enfant.
Et cette pratique professionnelle est soutenue par les conseillères pédagogiques, qui permettent
en outre d’aplanir les disparités éducatives.
Le soutien aux éducatrices…
Je remarque un fonctionnement très différents des milieux professionnels rencontrés en France,
où l’on rencontre des équipes multidisciplinaires auprès des enfants (éducatrice, infirmière
puéricultrice, auxiliaires de puériculture, et autres personnes suivant les établissements…). Aux
« Petits Lutins », comme c’est le cas dans d’autres CPE, je fais connaissance avec des éducatrices
qui accompagnent seules un groupe d’enfants. Cette situation m’interpelle. Ne se sent-on pas
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isolés en cas de situation pédagogique particulière, ou lorsqu’un enfant a des besoins particuliers
auxquels on ne sait pas comment répondre ? Ne se sent-on pas parfois un peu « démuni » ?
Toutes ces questions ont trouvé des réponses évidentes par la découverte du rôle de la conseillère
pédagogique dans un CPE. J’ai pu observer son travail auprès des enfants et des éducatrices.
Julie et Linda, les deux conseillères pédagogiques rattachées à chaque installation, m’ont parues
proches des éducatrices et du groupe d’enfants, partageant des moments dans chaque local,
réalisant des observations en cas de besoin. Le soutien, l’écoute, l’encadrement et la formation
continue occupe une grande place aux « Petits Lutins de Côte Saint-Paul ».
En effet, les éducatrices et les conseillères pédagogiques se rencontrent régulièrement
individuellement ou en groupe, afin d’échanger sur leur vécu, les objectifs qu’elles se sont fixées.
Chaque mois elles se rencontrent en sous-groupe. La première heure est consacrée à la
planification, la seconde prend la forme d’un atelier.
Enfin, chaque semaine les éducatrices disposent de 2
heures pour faire des recherches pédagogiques, préparer
une sortie ou une activité, rencontrer individuellement ou
à plusieurs la conseillère pédagogique autour d’un thème
(aménagement de l’espace, repas, activités…). La
formation continue est importante, en fonction de la
demande et des besoins de l’éducatrice et de son groupe,
afin d’échanger sur des aspects pédagogiques ou pour
rechercher ensemble une solution à une difficulté vécue
par l’éducatrice.
Ouverture, multi-culturalité…
« Les Petits Lutins de Côte Saint-Paul » sont situés dans un quartier où règne une grande
diversité socioculturelle. Et j’ai constaté que dans cet environnement, le programme pédagogique
de ce CPE prenait tout son sens. Educatrices et enfants viennent de différentes origines
culturelles (au sein de l’équipe pédagogique et dans le groupe d’enfants). J’ai perçu cette multiculturalité comme une force et un avantage, une ouverture et un enrichissement mutuel. Dans un
groupe d’enfants, l’éducatrice avait disposé dans son local une carte du monde, sur laquelle
chaque enfant avait collé une gommette pour situer son pays d’origine. J’ai ainsi pu mesurer
l’accueil très multiculturel de ce CPE. Et j’ai été touchée quand elle m’a invitée à apposer moi
aussi ma gommette pour aider les enfants à situer la France sur la carte. Ceci a donné lieu à un
échange entre eux et moi à ce sujet, mais surtout, m’a permis symboliquement de faire partie du
groupe, de marquer ma place.
J’ai constaté que, durant ce stage, est né en moi un sentiment d’appartenance au même milieu
professionnel, au-delà des frontières, la reconnaissance d’un lien éducatif reposant sur le respect
de l’enfant, de ses besoins et de son autonomie. Ce projet longuement mûri enrichit beaucoup
mon parcours de formation. Il est une opportunité intéressante de pouvoir rencontrer d’autres
enfants, d’autres professionnels dans un autre contexte socio-culturel.
Un regret : la durée de ce stage m’a paru trop courte. En effet, bien que je me sois vite adaptée à
la vie au Québec, il faut du temps pour comprendre le fonctionnement d’un CPE, s’imprégner
du programme pédagogique, analyser mes observations. C’est pourquoi j’ai du renoncer à
certains objectifs qui m’auraient parus intéressants à explorer. Mais je compte bien garder le
contact, et peut-être revenir aux « Petits Lutins » pour une visite ou plus… En tout cas, cette
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expérience aura beaucoup enrichi ma future pratique professionnelle en France.
Je remercie très chaleureusement Julie Lanthier, chargée d’assurer mon soutien pédagogique
durant ce stage. Elle m’a donné sa disponibilité, sa cordialité, et j’ai apprécié son
professionnalisme et son enthousiasme. Je remercie aussi vivement Josée (directrice
administrative), Linda (conseillère pédagogique), pour la qualité de leur accueil, leur ouverture et
leur engagement pour assurer la continuité de ce programme pédagogique. Enfin, j’ai une pensée
amicale pour tous ceux et celles qui ont accompagné mon séjour, qui m’ont accueillie dans leur
local, ont répondu à mes questions, m’ont donné une facette de leur travail, avec leur sourire et
leur cordialité.
Bon épanouissement à tous les « Petits Lutins » et bonne route à leurs éducatrices…
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