administrateurs : quelles sont vos responsabilités en

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administrateurs : quelles sont vos responsabilités en
June 2013
administrateurs : quelles sont vos
responsabilités en matière d’emploi?
Par Robert Boyd, CRIA[*], avocat et Pierre-Christian Hoffman[**], stagiaire en droit,
McMillan, S.E.N.C.R.L., s.r.l.
Texte préparé pour la revue électronique VigieRT (ORHRI)
Vous a-t-on invité à faire partie d’un conseil d’administration? Le défi vous intéresse, et
vous pensez être en mesure d’y apporter une contribution intéressante. Il faut alors vous
assurer de bien connaître les responsabilités associées à une telle fonction, surtout
lorsqu’un manquement à celles-ci peut vous coûter cher!
De nombreux membres de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés font partie
d’un ou de plusieurs conseils d’administration. À l’approche de la période des vacances
estivales, nous vous proposons un tour d’horizon des principales responsabilités des
administrateurs en matière d’emploi. Dans quelles circonstances un administrateur peut-il
être tenu au paiement des salaires? Quelles sont les situations pouvant entraîner la
responsabilité pénale de l’administrateur? Les administrateurs devraient-ils se préoccuper
des questions de santé et de sécurité au travail?
En principe, en ce qui concerne les agissements d’une société, ses administrateurs n’ont pas
de responsabilités civile et pénale envers les employés de celle-ci ou toute autre personne
avec qui elle traite. En effet, la société possède une personnalité juridique distincte de celle
des membres de son personnel[1]. Elle est donc seule responsable du manquement à ses
engagements contractuels ou encore du préjudice causé à autrui en raison d’un
comportement fautif. Ainsi, les administrateurs ne pourront être tenus personnellement
responsables des contrats signés par la société ou encore des fautes commises par la
société (par exemple, le congédiement abusif d’un salarié). Il s’agit du principe de la
responsabilité limitée des administrateurs.
Une personne qui subit un préjudice en raison d’une faute commise par la société devra
donc en principe poursuivre cette dernière plutôt que ses administrateurs[2].
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Toutefois, estimant que les administrateurs jouent en quelque sorte un rôle de gardien
veillant à ce que la société qu’ils administrent ne se comporte pas de façon délinquante, le
législateur a prévu plusieurs exceptions au principe de la responsabilité limitée des
administrateurs. Que ce soit en matière civile ou pénale, la Loi prévoit en effet que, dans
certaines situations, l’administrateur peut être tenu responsable en son nom personnel. Plus
particulièrement, en matière d’emploi, plusieurs situations sont susceptibles d’entraîner la
responsabilité personnelle des administrateurs, et ceci, afin d’assurer aux salariés une
réparation adéquate lorsque la société n’assume plus ses obligations, ou encore, afin de leur
imposer une sanction personnelle servant de mesure incitative à la prévention de certains
actes répréhensibles commis par les administrateurs dans le cadre de leurs fonctions.
responsabilité civile
responsabilité générale des administrateurs envers la société
Le Code civil du Québec prévoit que les administrateurs ont un devoir de fiduciaire envers la
société qu’ils administrent, c’est-à-dire qu’ils sont mandataires de la personne morale et ont
un devoir de prudence et de diligence envers elle. Par ailleurs, ils doivent agir dans son
intérêt supérieur avec loyauté et honnêteté[3].
Les administrateurs sont tenus d’agir en tout temps au meilleur de leurs connaissances et
doivent s’assurer du respect des lois, des règlements intérieurs de la société et des
conventions unanimes d’actionnaires. Le devoir de loyauté et de diligence des
administrateurs augmente en fonction de la charge ou de la fonction qu’ils assument. Le
devoir de fiduciaire comprend, entre autres, l’obligation d’agir de bonne foi, de ne pas
divulguer de l’information confidentielle de la société et d’éviter de faire passer son propre
intérêt avant celui de la société en prévenant les situations de conflit d’intérêts.
La Loi sur les sociétés par actions du Québec (la « LSA ») spécifie davantage le cadre et la
portée des devoirs et des obligations des administrateurs de sociétés par actions constituées
en vertu de la loi québécoise. Les administrateurs de sociétés constituées sous le régime
fédéral sont quant à eux soumis aux dispositions de la Loi canadienne sur les sociétés par
actions (la « LCSA »). En vertu de la loi fédérale, la Cour suprême a conclu que les
administrateurs ont un devoir de fiduciaire non seulement envers les actionnaires de la
société, mais également envers ses employés, fournisseurs, créanciers, consommateurs,
gouvernements et l’environnement[4]. Or, la loi québécoise, tout comme la loi ontarienne,
prévoit que le devoir de loyauté, de prudence et de diligence des administrateurs existe
uniquement « envers la société ».
responsabilité pour les salaires impayés
Les administrateurs sont solidairement responsables des salaires impayés aux employés
pour les services rendus à la société pendant au maximum six mois de leur mandat[5]. La
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responsabilité pour les salaires impayés est la plupart du temps soulevée à la suite de la
faillite d’une société. Il est important de noter que celle-ci constitue une responsabilité
exorbitante du droit commun qui ne nécessite pas la preuve d’une quelconque faute de la
part de l’administrateur et qui doit donc être interprétée restrictivement[6]. Ainsi, la notion
de « salaire » ne doit pas être interprétée comme englobant toute dette envers les
employés contractée par la société[7].
Aux fins d’établir la responsabilité des administrateurs, la jurisprudence reconnaît
généralement que la notion de salaire englobe :
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la rémunération directe;
les commissions;
les primes;
les vacances;
le remboursement des dépenses;
les congés mobiles;
les heures supplémentaires;
les avantages sociaux;
les primes d’assiduité et de productivité;
les cotisations syndicales[8];
les contributions de l’employeur au régime de retraite et à l’assurance collective.
Cependant, elle exclut :
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l’indemnité en tant que préavis de fin d’emploi et l’indemnité de licenciement[9];
l’indemnité pour congédiement illégal;
les congés de maladie;
les fonds de placement privés;
les primes d’assurance collective;
le remboursement de frais médicaux.
Bien que l’employé soit dispensé de fournir une preuve de la faute de l’administrateur lors
du défaut de paiement des salaires, ce dernier n’est pas sans moyen de défense. En effet,
l’administrateur pourra s’exonérer s’il parvient à prouver certaines circonstances
démontrant soit qu’il a agi avec diligence, soit qu’il a eu en quelque sorte des raisons
valables de penser que les salaires avaient été payés par la société ou le seraient.
L’administrateur d’une société fédérale pourra être exonéré de sa responsabilité à l’égard
des salaires impayés s’il démontre qu’il a agi en s’appuyant de bonne foi sur les rapports
financiers de la société ou sur des rapports de professionnels (avocats, comptables,
ingénieurs, estimateurs ou autres) [10].
Quant aux sociétés constituées sous le régime québécois, l’administrateur bénéficie d’une
protection plus large. Ce dernier peut invoquer en défense l’appui de bonne foi sur un
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rapport, une information ou l’opinion d’un dirigeant ou d’un comité du conseil
d’administration qu’il croit digne de confiance, d’un conseiller juridique, d’un expertcomptable ou d’un autre expert afin de s’exonérer des salaires impayés[11]. De plus,
contrairement à l’administrateur d’une société constituée sous la loi fédérale, il bénéficie
également d’une exonération s’il parvient à prouver qu’il a agi avec prudence et diligence
raisonnable dans les circonstances, et ce, sans qu’il se soit nécessairement fié au rapport
d’un professionnel, d’un dirigeant ou d’un comité du conseil[12].
Notons que le délai pour intenter un recours pour salaire impayé diffère selon la loi sous
laquelle la société a été constituée. En vertu de la LSA, l’employé doit exercer son recours
dans l’année au cours de laquelle la dette est devenue exigible[13]. Quant à elle, la LCSA
prévoit que la poursuite doit être intentée contre les administrateurs pendant leur mandat
ou dans les deux ans suivant la fin de ce dernier[14]. Par ailleurs, toujours dans le cas de la
LCSA, la poursuite contre les administrateurs sera ouverte uniquement dans les trois cas
suivants :
a. l’exécution n’a pu satisfaire au montant accordé par jugement, à la suite d’une action en
recouvrement de la créance intentée contre la société dans les six mois de l’échéance;
b. l’existence de la créance est établie dans les six mois de la première des dates suivantes
: celle du début des procédures de liquidation ou de dissolution de la société ou celle de
sa dissolution;
c. l’existence de la créance est établie dans les six mois d’une cession de biens ou d’une
ordonnance de faillite frappant la société conformément à la Loi sur la faillite et
l’insolvabilité[15].
Dans une affaire récente[16], la Cour du Québec a conclu que l’envoi d’un avis d’enquête
prévu à l’article 116 de la Loi sur les normes du travail (la « LNT ») n’a pas pour effet de
suspendre ou de prolonger le délai d’un an prescrit par l’article 154(2) de la LSA pour
poursuivre les administrateurs pour salaires impayés. En effet, selon la Cour, la LNT traite
de la suspension d’une prescription extinctive, alors que le délai d’un an mentionné à
l’article 154(2) de la LSA n’en est pas un de prescription, mais est plutôt un « délai comme
condition de la création de la responsabilité solidaire »[17]. Ainsi, l’article 154(2) de la LSA
s’applique autant à la Commission des normes du travail poursuivant l’employeur au nom de
l’employé qu’à un employé de la société le poursuivant en son propre nom devant les
tribunaux de droit commun. Bref, l’avis d’enquête de l’article 116 de la LNT ne peut
suspendre le délai de l’article 154(2) de la LSA.
responsabilité pour les retenues fiscales ou déductions à la source
L’employeur doit retenir à la source une portion de salaire à titre d’impôt sur le revenu de
ses employés ainsi que les différentes contributions (RRQ, RC, AE, TPS, TVQ) prévues par la
Loi. L’administrateur est personnellement responsable des sommes dues et impayées à
l’État en raison de l’omission de la société de les prélever si cette dernière fait faillite ou ne
satisfait pas à un jugement lui ordonnant de payer ces sommes. Toutefois, afin de
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s’exonérer, l’administrateur peut établir qu’il a agi avec le degré de soin, de diligence et de
compétence d’une personne raisonnable pour empêcher le manquement.
responsabilité en matière de régimes de retraite?
Au Québec, la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (la « LRCR ») prévoit qu’un
comité de retraite doit être formé pour administrer le régime de retraite de l’employeur[18].
Ce comité constitue une entité juridique distincte de l’employeur et du syndicat. À l’instar
des administrateurs de la société, le comité de retraite doit agir avec prudence, diligence et
compétence, telle une personne raisonnable.
En raison de l’existence d’un comité de retraite, les administrateurs de la société
n’assumeront pas de responsabilités directes dans l’administration de ce régime. En fait,
sauf exception, selon l’état actuel de la jurisprudence, dès l’enregistrement du régime de
retraite, l’employeur québécois n’a plus d’obligation de fiduciaire envers le régime de
retraite. La situation québécoise se distingue de celle de l’Ontario où les tribunaux ont
reconnu le devoir de fiduciaire de l’employeur envers le régime de retraite, tel que confirmé
par la Cour suprême dans la récente décision Indalex[19].
responsabilité pénale
principes
Les législateurs provinciaux et fédéraux ont édicté des infractions pénales et criminelles afin
de punir les employeurs négligents et de prévenir la survenance d’événements pouvant
avoir des conséquences sur la santé et la sécurité de leurs employés. Puisque la société agit
au moyen de son conseil d’administration[20], les administrateurs sont souvent redevables
pour le paiement d’amendes et peuvent parfois être condamnés, dans de très rares cas, à
des peines d’emprisonnement.
La majorité des infractions pénales prescrites en vertu de lois provinciales sont de
responsabilité stricte, c’est-à-dire que la poursuite est dispensée de prouver une quelconque
intention de l’accusé hors de tout doute raisonnable comme c’est le cas lorsqu’il s’agit d’une
infraction criminelle de mens rea[21]. La faute est présumée : l’accusé a le fardeau de
repousser, par balance des probabilités, la présomption d’intention avec une défense de
diligence raisonnable ou d’erreur de fait raisonnable[22]. Les infractions règlementaires
prescrites par une loi provinciale sont présumées être de responsabilité stricte en l’absence
d’expression du genre « intentionnellement » ou « sciemment » indiquant la présence d’une
infraction de mens rea[23].
Quant à eux, la plupart des actes criminels énoncés dans le Code criminel doivent faire
l’objet d’une preuve hors de tout doute raisonnable de la part du poursuivant de la
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survenance de l’acte matériel et de l’intention de commettre un tel acte, en plus de toute
autre intention particulière prévue par le législateur fédéral. En matière d’accidents du
travail, le législateur a modifié le Code criminel afin de retenir la responsabilité des
administrateurs dont la négligence grave a entraîné la survenance d’un accident du travail.
La portée de la responsabilité de l’administrateur en matière pénale dépend de chaque loi
particulière en vertu de laquelle une infraction est édictée. Certains régimes sont plus
sévères que d’autres et imposent un fardeau d’exonération plus lourd à l’administrateur.
la responsabilité pénale en matière d’accidents du travail
En 2003, le législateur fédéral a apporté des amendements au Code criminel afin, entre
autres, d’élargir la portée de la responsabilité de l’employeur en matière d’accidents du
travail.
D’abord, l’article 217.1 du Code criminel prévoit le devoir de celui qui dirige
l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche, ou qui est habilité à le faire, de
prendre les mesures nécessaires pour éviter qu’autrui en subisse des blessures corporelles.
Ainsi, les administrateurs et gestionnaires chargés de mettre en œuvre et de faire respecter
les normes en matière de sécurité au travail peuvent encourir le risque d’être condamnés à
des amendes ou même à des peines d’emprisonnement pour négligence criminelle en cas
d’insouciance grave pour la vie ou l’intégrité corporelle des employés de l’entreprise[24].
L’article 22.1 du Code criminel prescrit une responsabilité participative des organisations qui
s’applique lorsque la poursuite est tenue de prouver la négligence criminelle des agents ou
des cadres supérieurs de l’organisation[25]. Ainsi, la Couronne doit d’abord prouver que
l’agent ou le cadre supérieur a fait quelque chose ou a omis d’effectuer un devoir imposé
par la loi, tel que l’obligation d’établir des mesures pour éviter les blessures corporelles
prescrit par l’article 217.1, en montrant « une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard
de la vie d’autrui »[26]. Une fois la responsabilité criminelle de l’administrateur établie, la
poursuite peut invoquer l’article 22.1 pour faire reconnaître la responsabilité participative de
l’organisation et demander l’imposition d’une amende[27].
En vertu de l’article 22.1, l’employeur peut être tenu criminellement responsable en raison
de l’action ou de l’omission de l’un de ses agents équivalant à de la négligence criminelle et
causant un accident du travail. L’agent manque à son devoir lorsqu’il omet de prendre les
mesures voulues pour éviter qu’un accident du travail survienne et cause des blessures
corporelles.
De plus, le comportement négligent des cadres supérieurs peut engager la responsabilité
criminelle de l’employeur, celui-ci étant considéré comme ayant participé à l’infraction si les
cadres supérieurs « se sont écartés de façon marquée de la norme de diligence qu’il aurait
été raisonnable d’adopter »[28]. Le cadre supérieur est défini comme étant un « agent
jouant un rôle important dans l’élaboration des orientations de l’organisation visée ou
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assurant la gestion d’un important domaine d’activités de celle-ci, y compris, dans le cas
d’une personne morale, l’administrateur, le premier dirigeant ou le directeur financier »[29].
Les administrateurs pourront normalement se décharger de toute responsabilité s’ils
démontrent qu’ils ont pris des mesures raisonnables afin de s’assurer que la société :
1.
2.
3.
4.
détermine les risques en matière d’accidents du travail et les élimine;
émet des directives pour s’assurer que les risques repérés ne se produisent pas;
supervise de façon adéquate l’accomplissement du travail;
exerce son autorité et ne tolère aucun manquement aux règles de sécurité.
En cas de condamnation et afin de déterminer le montant de l’amende, le tribunal prendra
en compte, entre autres, les avantages tirés par l’employeur par la perpétration de
l’infraction, l’effet de l’amende sur la viabilité financière de l’employeur, la culpabilité de
l’employeur pour des infractions similaires dans le passé, les restitutions ou indemnisations
versées à la victime et l’adoption de nouvelles mesures en vue de s’assurer que l’infraction
ne se reproduise plus[30].
Dans la jurisprudence, on retrouve deux décisions dans lesquelles la négligence criminelle
de l’employeur a été reconnue en vertu de l’article 22.1. Or, dans les deux cas, l’employeur
a reconnu sa culpabilité.
Dans l’affaire R. c. Transpavé inc.[31], rendue en 2008 par la Cour du Québec, la
défenderesse a plaidé coupable à une accusation de négligence criminelle ayant causé la
mort d’un de ses employés. La défenderesse avait reconnu avoir manqué à ses devoirs de
prévoyance imposé par la Loi sur la santé et la sécurité au travail, d’établir des mesures de
sécurité appropriées et de former adéquatement ses employés et d’autorité en ne s’assurant
pas que les employés respectaient les mesures de sécurité mises en place. À la suite d’une
proposition commune des parties, une amende de 100 000 $ fut imposée à la défenderesse,
ce qui permettait, selon le tribunal, de la punir suffisamment tout en n’affectant pas
excessivement sa santé financière.
Plus récemment, dans la décision R. v. Metron Construction Corporation[32], la Cour de
justice de l’Ontario a condamné la société défenderesse pour négligence criminelle ayant
causé la mort. L’accusé avait alors plaidé coupable et proposé une amende de 100 000 $,
alors que la Couronne en réclamait une d’un million de dollars, compte tenu de la gravité de
l’accident. En effet, il y avait eu effondrement d’une plateforme ayant causé la mort de
quatre employés. La preuve démontrait que le superviseur de la plateforme ainsi que deux
autres employés avaient consommé de la marijuana, que seulement deux cordes de
sécurité étaient disponibles sur la plateforme et que cette dernière n’avait pas été construite
adéquatement et ne respectait pas les normes de sécurité de la Loi sur la santé et la
sécurité au travail ontarienne. Compte tenu des critères prévus par le Code criminel, la Cour
conclut qu’une amende de 200 000 $ était appropriée, puisque la proposition de 100 000 $
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était trop basse pour punir suffisamment la défenderesse tandis que celle d’un million de
dollars aurait causé la faillite de l’accusée.
Dans ces deux cas, il importe de mentionner que la condamnation visait la société et ne
mettait pas en cause la responsabilité des administrateurs.
exemples d’infractions pénales prévues aux lois de l’emploi
Les administrateurs sont tenus de s’assurer que l’organisation respecte les lois en vigueur, y
compris les lois de l’emploi. Bien que la plupart des lois prévoient la responsabilité de
l’employeur, certaines prévoient particulièrement la responsabilité personnelle des
administrateurs en cas d’infraction.
En général, il doit y avoir un élément de connaissance de l’infraction. Les tableaux suivants
illustrent certaines infractions reconnaissant la responsabilité personnelle des
administrateurs :
Code du travail**
Infractions
Pénalités
Défaut de reconnaître ou de
De 100 $ à 1000 $ pour
négocier de bonne foi avec une chaque jour ou fraction de
association de salariés accréditée jour que dure l’infraction
(art. 53)
Déclaration, provocation ou
De 5000 $ à 50 000 $ pour
participation à un lock-out illégal chaque jour ou partie de jour
(art. 106, 107, 109)
que dure l’infraction
Contravention aux dispositions
1000 $ pour chaque jour ou
anti-briseurs de grève (art.
partie de jour que dure
109.1)
l’infraction
Ingérence dans les activités
De 100 $ à 1000 $ pour
d’une association de salariés,
chaque jour ou partie de jour
intimidation ou autres actions
que dure l’infraction
antisyndicales (art. 12, 13, 14)
Défaut de se conformer à une
1re infraction : de 100 $ à
obligation ou à une prohibition
500 $
imposée par le Code ou à une
Récidive : de 1000 $ à 5000
décision de la Commission des
$
relations du travail (p. ex. :
entraver la tenue d’un scrutin
secret, modifier les conditions de
travail à la suite du dépôt d’une
requête en accréditation)
**Dispositions similaires en vertu du Code canadien du travail.
Responsabilité
Est partie à toute infraction
et passible de la peine
prévue au même titre
qu’une personne qui la
commet toute personne qui
aide à la commettre ou
conseille de la commettre,
et dans le cas où l’infraction
est commise par une
personne morale ou par une
association, est coupable de
l’infraction tout
administrateur, dirigeant ou
gérant qui, de quelque
manière, approuve l’acte
qui constitue l’infraction ou
y acquiesce.
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Loi sur les normes du travail
Infractions
Pénalités
Responsabilité
Destruction de registre ou de De 600 $ à 1200 $
Si une personne morale
document
commet une infraction, un
dirigeant, administrateur,
Entrave au travail de la
De 600 $ à 1200 $
employé ou agent de cette
Commission des normes du
personne morale qui a prescrit
travail
ou
autorisé l’accomplissement
Défaut de donner l’avis de
1500 $ par semaine ou partie
de
l’infraction
ou qui y a
licenciement collectif
de semaine
consenti ou acquiescé est
réputé être partie à
l’infraction.
Charte des droits et libertés de la personne
Infractions
Pénalités (art. 232 C.p.p.)
Actes discriminatoires
De 50 $ à 2000 $
Entrave ou tentative d’entrave
au travail de la Commission
des droits de la personne
Représailles contre une
victime
Loi sur la santé et la sécurité du travail
Infractions
Pénalités
Fausse déclaration ou refus de 1re infraction : de 500 $ à
fournir l’information requise
1000 $
par la Loi
Récidive : de 1000 $ à 2000 $
Contrevenir à la loi ou à un
1re infraction : de 1500 $ à
ordre rendu en vertu de la loi 30 000 $
ou induire une personne à ne Récidive : de 3000 $ à 6000 $
Récidives additionnelles : de
pas s’y conformer (p. ex. :
défaut d’établir un programme 6 000 $ à 12 000 $
de prévention, défaut de tenir
les registres obligatoires,
défaut de mettre sur pied un
comité de santé et sécurité)
Action ou omission de manière 1re infraction : de 15 000 $ à
à compromettre directement 60 000 $
et sérieusement la santé, la
Récidive : de 30 000 $ à
sécurité ou l’intégrité d’un
150 000 $
travailleur
Récidives additionnelles : de
60 000 $ à 300 000 $
Responsabilité
Tout officier, administrateur,
employé ou agent qui a
prescrit ou autorisé cette
infraction est réputé être
partie à l’infraction (art. 135).
Responsabilité
Si une société commet une
infraction, tout administrateur,
dirigeant, officier, employé ou
représentant de celle-ci qui a
prescrit ou autorisé
l’accomplissement de l’acte
est réputé y avoir participé.
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En conclusion, les administrateurs doivent être bien avisés des implications d’une telle
fonction, tant sur le plan de la responsabilité civile que de la responsabilité pénale. Il est
clair que la loi impose de lourdes responsabilités aux administrateurs. S’il est vrai que les
administrateurs ne seront généralement pas responsables des faits et gestes de la société,
certaines situations pourront mener à la reconnaissance de leur responsabilité personnelle.
En matière d’emploi, les administrateurs devront s’assurer périodiquement du paiement des
salaires et de la retenue des déductions à la source, particulièrement lorsque la santé
financière de la société est mise en cause. Enfin, les administrateurs devront exercer une
grande vigilance au regard du respect par la société de ses diverses obligations découlant
des lois de l’emploi et des lois sur la santé et la sécurité au travail, étant entendu que
certaines situations, certes exceptionnelles, mais possibles, pourraient mener à des plaintes
pénales et même à des accusations criminelles les visant personnellement.
Source : VigieRT, juin 2013.
* Me Robert Boyd est avocat au sein du cabinet McMillan, S.E.N.C.R.L., s.r.l.
**Pierre-Christian Hoffman est stagiaire en droit au sein du cabinet McMillan, S.E.N.C.R.L.,
s.r.l.
1
Art. 298(1) C.c.Q.
2
À moins que ceux-ci aient eux-mêmes commis une faute extracontractuelle ou aient
activement contribué à une telle faute. Voir : Lanoue c. Brasserie Labatt ltée, 1999
CanLII 13784 (QC CA).
3
Art. 322 C.c.Q.
4
Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise, 2004 CSC 68 (CanLII), [2004] 3
R.C.S. 461, 2004 CSC 68.
5
Art. 154 LSA, 118 LCSA.
6
Allard c. Myhill, 2012 QCCA 2024, par. 48.
7
Ibid, par. 49.
8
L’inclusion des cotisations syndicales dans la notion de salaire est plus controversée. Les
cotisations syndicales sont dues au syndicat et non, à l’employé.
9
La jurisprudence apporte cependant certaines nuances. Au provincial, l’indemnité de fin
d’emploi pourrait être incluse dans la notion de salaire si elle est prévue dans la
convention collective. Une telle indemnité pourrait également être incluse dans la notion
de salaire si un contrat établit que son paiement est fait en reconnaissance des années de
service et qu’il s’agit donc en quelque sorte du paiement d’un salaire en différé.
10
Art. 123(4) LCSA.
11
Art. 121 LSA.
12
Art. 158(1) LSA.
13
Art. 154(2) LSA.
14
Art. 119(3) LCSA.
15
Art. 119(2) LCSA.
16
Commission des normes du travail c. Fakhri, 2013 QCCQ 714.
17
Ibid.
18
Art. 147 LRCR.
19
Sun Indalex Finance, LLC c. Syndicat des Métallos, 2013 CSC 6.
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32
Art. 311 C.c.Q.
Beaudet c. Simard, 1997 CarswellQue 1520, par. 23 (C.Q.) (WeC).
R. c. Sault Ste. Marie, 1978 CanLII 11, p. 1326 (C.S.C.).
Id., par. 26.
Santerre c. Maisons usinées Côté inc., 2006 QCCRT 447, par. 43.
TFE Industries Inc. c. R, 2009 NBCA 39, par. 3.
Art. 219 C.cr.
Art. 735 C.cr.
Art. 22.1b) C.cr.
Art. 2 C.cr.
Art. 718.21 C.cr.
2008 QCCQ 1598.
2012 ONCJ 506.
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