L`espace, “lieu privilégié pour la planète terre”, mais aussi “lieu de
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L`espace, “lieu privilégié pour la planète terre”, mais aussi “lieu de
Dossier : Télécommunications par satellites Yannick d’ESCATHA (CM69) Président du CNES (Centre National d’Études Spatiales) L’espace, “lieu privilégié pour la planète terre”, mais aussi “lieu de compétition” Le Club Mines-Aéronautique et Espace (président : Denis Sauvage (N00)) est l’un des clubs actifs qui réunissent de manière transverse les anciens élèves des Écoles des Mines. Il a donc donné tout naturellement la parole au président du CNES pour qu’il lui transmette sa vision à long terme des télécommunications spatiales. politique de l’Union Européenne en matière d’espace a pour objet de maîtriser les cinq domaines suivants : l’accès à l’espace, La les applications grand public, la contribution au développement durable, les sciences spatiales, le couple sécurité-défense. Mais couvrir les cinq domaines avec un budget six fois inférieur à celui des États-Unis oblige l’Union Européenne à avoir une stratégie de niche, bien entendu L’enjeu des années à venir est de mettre “l’œil” du satellite au service des hommes et de leur planète, en se donnant plus d’“Espace” pour permettre une meilleure compréhension des phénomènes physiques. Comment donner plus d’espace à la Terre ? Comment accéder à l’espace grâce à une industrie de lanceurs compétitive ? Comment répondre aux différents besoin de flexibilité et de disponibilité avec une gamme de lanceurs variés ? Ariane 5 ECA (10 tonnes de charge utile en GTO) est exploitée avec succès depuis son retour en vol en février 2005. Les lanceurs russe et italien, Soyouz (3 tonnes de charge utile en GTO) et Vega (1,5 tonnes en orbite basse) seront opérationnels sur le Centre Spatial Guyanais en 2009. Vega permettra notamment de répondre au marché des petits satellites européens actuellement lancés par les concurrents. Le CNES utilise le développement des applications “grand public” pour faire de l’espace un bienfait pour la Terre Le satellite se met en effet aujourd’hui à la disposition du terrien pour répondre à ses besoins d’information (Télévision HD, Internet Haut Débit, GPS et bientôt Galiléo), pour améliorer sa sécurité (sauvetage, balises ARGOS) et enfin pour aider au développement et à la santé des zones isolées (télé-médecine, télé-éducation). Les satellites deviennent les “radiologues” privilégiés 8 qui surveillent la santé de notre planète. En matière de développement durable, les projets de satellites scientifiques, auxquels participe le CNES, sont souvent le fruit d’une coopération européenne voire mondiale très prometteuse. Citons plusieurs exemples : • L’Inde mise beaucoup sur le spatial pour développer la télé-éducation et la télé-médecine grâce à l’internet haut débit par satellite dans un grand pays où les villages sont très dispersés. • Grâce à la fusion dans des modèles intégrés de plusieurs natures d’information et de capteurs, provenant en partie de l’espace, il est possible de mieux prédire les prochaines zones agricoles visées par un nuage de criquets, et donc de s’en protéger. • Les données des satellites d’altimétrie océanique, comme Topex Poseidon ou Jason, complétées des informations transmises par les bouées à des satellites de recueil de données, comme Argos, permettent de mesurer les interfaces entre l’océan et l’atmosphère et de prédire, par exemple, les évolutions du phénomène catastrophique El Nino (avec ses conséquences sur le climat). • Le satellite Jason 1 détecta bien les deux grandes vagues déclenchées par le terrible tsunami de décembre 2004. Mais les modes de transmission de cette information aux autorités et aux populations pour déclencher immédiatement les évacuations n’existent pas. • Parasol, satellite d’étude de l’impact radiatif des nuages et des aérosols, participe, en association avec Aqua, Aura, Calipso et Cloudsat, à la constitution du laboratoire spatial franco-américain A-train (train spatial), unique pour l’étude du réchauffement climatique. • Par ailleurs, les satellites fournissent une nouvelle approche de l’exploitation des ressources agricoles, grâce à un couplage des données météorologiques et d’analyse des sols et des cultures. • Les satellites sont aussi de précieux partenaires de l’aménagement du territoire participant à l’essor de la cartographie vue du ciel, et des modèles numériques 3D du terrain. Juillet/Août 2008 - Revue des Ingénieurs ■ Dossier : Télécommunications par satellites grâce à la micro-gravité en orbite de vérifier le postulat d’Einstein (égalité de la masse inerte et de la masse pesante). La sécurité et la défense constituent la cinquième et dernière application de l’espace pour notre planète Dans ce domaine, les satellites sont devenus de puissants alliés pour la connaissance et l’anticipation, la prévention et la gestion des crises : télécom, positionnement et navigation, écoute, centralisation de l’information, observation optique infrarouge et radar. À cet égard, il doit être plus facile de déboucher sur des accords de coopération pour la construction de l’Europe de la défense dans le domaine des satellites (car on part de presque rien). L’espace représente l’avenir de l’humanité car il nous offre les clés pour garder notre planète habitable pour les générations futures Image satellite haute résolution prise par un satellite de la NASA. On voit à gauche la barre montagneuse des Andes qui émerge de la fumée, tandis que les plaines plus à l'est n'ont pas vu le soleil depuis plusieurs jours. Chaque point rouge désigne un incendie en cours au moment de la photo. L’espace offre un énorme potentiel d’expérimentation et de connaissance scientifique Parce qu’elle offre une “visibilité” plus grande, la sortie des instruments hors de l’atmosphère nous permet de mieux appréhender notre connaissance de l’Univers. Hubble nous a appris plus sur l’univers que ce que nous en avons appris depuis l’Antiquité : les télescopes spatiaux ont révolutionné la connaissance que nous avions de l’espace, et même de ses lois physiques. Plus il devient nécessaire de préserver notre planète des gaspillages, de la surexploitation et des émissions polluantes, plus l’espace apparaît comme le “lieu de recul” à privilégier pour comprendre et donc maîtriser notre système Terre et son évolution sous l’effet de l’humain. Les satellites seront nos anges gardiens, qui nous permettront de comprendre comment notre planète, si complexe, fonctionne, ouvrant ainsi la voie à la modélisation, à la prévision et donc à la prévention. Tous les projets de satellites ont des retombées industrielles. Tous les programmes sont internationaux et les coûts sont partagés avec de très nombreux pays (cinq, dont le Brésil, dans le cas du projet Corot, par exemple). Au plan mondial, le chiffre d’affaires de l’industrie et des services des satellites est de l’ordre de 100 milliards de dollars Au niveau de l’Union Européenne, la France joue un rôle moteur, grâce à une politique ambitieuse lancée dans les années 60 : 12 000 emplois en France et beaucoup de PME innovantes, 40% des capacités européennes environ. Les sciences spatiales œuvrent par exemple à la recherche d’exoplanètes (lancement du satellite Corot en décembre 2006) ou à l’analyse des trous noirs grâce à des projets de télescopes spatiaux de plus en plus innovants : une idée nouvelle est par exemple d’utiliser le vol en formation pour faire d’un satellite la lentille et de l’autre le plan focal (projet Simbol-X). Le CNES, lui-même maître d’ouvrage des projets, avec nombre de partenaires internationaux, comporte un siège et trois centres techniques, dont celui de Kourou (1300 personnes dont 250 CNES), emploie 2400 collaborateurs au total et gère 1,6 milliard d’euros, affectés en gros, moitié aux projets réalisés dans le cadre de l’ESA (European Space Agency), et moitié aux projets “multilatéraux”. Recherchant l’origine de la matière, des satellites tels que Rosetta “volent” à la rencontre de comètes (Comète ChuryumovGerasimenko). Les missions de robots “Rovers” sur Mars (ExoMars) doivent permettre d’élargir le champ de nos connaissances sur la planète la plus jumelle de la nôtre et comprendre, voire anticiper les conditions du maintien de la vie sur notre belle planète bleue. D’autres, tel le satellite Microscope, ambitionnent L’espace est l’avenir de l’Humanité, en ce sens qu’il nous permettra de garder notre belle planète bleue habitable pour nos descendants. C’est pourquoi le CNES a choisi comme signature “de l’Espace pour la Terre”, et que cet “Objectif Terre”, est une des priorités de la Présidence Française de l’Union Européenne (2ème semestre 2008). ■ ■ Revue des Ingénieurs - Juillet/Août 2008 9