Logement social à Ottawa

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Logement social à Ottawa
Les taux d’inoccupation à Ottawa ont grimpé au cours des dernières années. Selon les
données de la SCHL (octobre 2004), ils s’élèvent maintenant à 3,9 %. Mais le coût des
loyers n’a pas baissé pour autant, bien qu’il augmente à un rythme plus lent. La capacité
financière demeure un problème majeur pour les ménages à faible revenu vivant à Ottawa,
qui occupe le troisième rang des villes canadiennes où les loyers sont les plus chers.
Logement social à Ottawa*
CATHERINE BOUCHER
Coordonnatrice exécutive, Centretown Citizens Ottawa Corporation
Le logement social au Canada et en Ontario
Les logements abordables destinés aux ménages
à revenu faible ou modeste sont surtout fournis
par le secteur privé. Les logements sociaux, qui
se caractérisent par des loyers adaptés aux
revenus des locataires, comptent pour environ
15 % de l’ensemble du secteur du logement
social au Canada.
Les logements sociaux ont typiquement été
financés par des programmes mis en œuvre par
les instances gouvernementales supérieures.
Jusqu’au milieu des années 1980, par l’entremise
de la Société canadienne d’hypothèques et de
logement (SCHL), le gouvernement fédéral
accordait des subventions aux provinces, à des
sociétés sans but lucratif, ou à des coopératives
communautaires afin de financer le logement. Le
tout premier programme fédéral de ce type était
axé sur le logement public. Les provinces, qui
possédaient et géraient alors d’importants
lotissements consacrés au logement, étaient
responsables de son administration. Au milieu
des années 1970, le secteur communautaire a
commencé à prendre la relève. En règle générale,
les lotissements étaient désormais beaucoup plus
petits. De plus, les programmes comportaient un
volet financier en vertu duquel les loyers de
certaines unités variaient selon le revenu des
ménages, alors que les autres atteignaient des
niveaux comparables à ceux du marché privé.
Au milieu des années 1980, dans le cadre
d’un programme constitutionnel plus vaste, le
gouvernement fédéral a accepté de faire du
logement un domaine de compétence provinciale.
Contrairement à de nombreuses provinces qui ne
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disposaient pas des ressources nécessaires pour
continuer d’appuyer le logement social, ou qui
n’avaient pas la volonté politique de le faire,
l’Ontario s’est livrée à l’élargissement intensif
de son inventaire de logements abordables. Ce
programme a cependant connu une fin abrupte
en juin 1995, avec la modification du paysage
politique. Quelques semaines après son arrivée
au pouvoir, le gouvernement conservateur de
Mike Harris annonçait l’annulation de tous les
nouveaux logements sociaux promis.
De plus, le gouvernement Harris a décidé de
déplacer certains éléments fiscaux de la province
aux municipalités. Cette décision a entraîné le
« transfert » des coûts provinciaux du logement
social vers les municipalités en 1998. Le
gouvernement fédéral continue de payer sa part
de l’ancien inventaire, mais les municipalités
assument désormais entièrement les coûts
d’exploitation des immeubles financés par le
gouvernement provincial. À Ottawa, le budget
annuel prévu pour le logement social est
d’environ 65 millions de dollars.
Nouveaux logements abordables :
le contexte actuel
Les municipalités ontariennes ne disposent pas de
ressources suffisantes pour construire de nouveaux
logements abordables. La Ville d’Ottawa a déployé
beaucoup d’efforts pour se doter de nouveaux
logements sociaux en partenariat avec des
*
Cet article est fondé sur une présentation donnée à
l’occasion d’une discussion entre experts sur le logement et
les nouveaux arrivants, tenue à Ottawa le 11 mai 2005.
organismes communautaires mais, depuis 1995,
à cause de fonds insuffisants, seules 555
nouvelles unités permanentes ont vu le jour sur
son territoire.
Ayant transféré ses compétences en la matière
aux provinces, le gouvernement fédéral a réagi à
la montée de l’itinérance au pays, au milieu des
années 1990, en affectant davantage de
ressources. Les Initiatives de partenariat en
action communautaire (IPAC) ont ainsi permis de
financer d’autres refuges ou d’améliorer les
mesures destinées aux populations vulnérables.
Cependant, les directives des IPAC sont claires :
les fonds ne peuvent servir à la construction de
logements permanents.
Réagissant aux pressions exercées par des
intervenants et des municipalités, le gouvernement
fédéral a annoncé en 2001 la mise en œuvre
d’une nouvelle initiative axée sur le logement
abordable. Les coûts de celle-ci devaient être
partagés avec les provinces. En dépit du succès
du programme dans quelques provinces,
l’Ontario a refusé de verser l’équivalent des fonds
fédéraux jusqu’à tout récemment, soit en avril
2005. Compte tenu des délais requis pour « roder »
tout programme gouvernemental, les collectivités
ne pouvaient espérer profiter des retombées
promises avant la fin 2006. En outre, comme la
construction de nouveaux logements nécessite
environ deux ans entre l’étape de la conception
et celle de l’« emménagement », on peut
s’attendre à ne voir les résultats de cette annonce
qu’en 2008 et ce, à condition que le programme
survive aux nouvelles donnes politiques qui
pourraient survenir entre-temps. Le programme
comporte également un volet permettant la
réhabilitation ou la conversion de logements
existants, ainsi que le versement d’une modeste
« allocation pour le logement » dans le secteur
privé de l’habitation. Ces efforts pourraient
déboucher sur la proposition de solutions plus
rapides pour quelques foyers dans le besoin, mais
il faudra plus de temps pour que se concrétise la
véritable solution à long terme, c’est-à-dire la
création de logements sociaux appartenant à la
collectivité et gérés par cette dernière.
Portrait de la situation du logement à Ottawa
Les taux d’inoccupation à Ottawa ont grimpé au
cours des dernières années. Selon les données de
la SCHL (octobre 2004), ils s’élèvent maintenant
à 3,9 %. Mais le coût des loyers n’a pas baissé
pour autant, bien qu’il augmente à un rythme
plus lent. La capacité financière demeure un
problème majeur pour les ménages à faible
revenu vivant à Ottawa, qui occupe le troisième
rang des villes canadiennes où les loyers sont les
plus chers.
Coût moyen des loyers à Ottawa :
• Studio : 623 $;
• Logement avec une chambre à coucher : 771 $;
• Logement avec deux chambres à coucher : 940 $.
Voici, en comparaison, les loyers abordables
de divers ménages à faible revenu :
• Personne célibataire participant au programme
Ontario au travail (aide sociale) : 335 $;
• Personne célibataire participant au POSPH
(prestations d’invalidité ontariennes) : 425 $;
• Travailleur à temps
minimum : 387 $.
plein
au
salaire
L’écart est énorme pour les personnes vivant
avec un revenu très bas. Il est cependant aussi
frappant de constater que même les ménages
bénéficiant de modestes salaires ont de la
difficulté à répondre à leurs besoins de logement
sans consacrer plus de 30 % de leur revenu brut
au loyer. Par exemple, une éducatrice en garderie
dont le salaire annuel est de 32 000 $ peut
raisonnablement consacrer à son loyer 800 $ par
mois, alors que le loyer moyen d’un appartement
comportant deux chambres à coucher est de
940 $. Que se passerait-il si cette personne avait
trois enfants et s’il lui fallait donc un
appartement plus grand? Elle devrait payer
1 156 $ pour un appartement comportant trois
chambres à coucher et consacrer à son loyer
presque 45 % de son revenu brut. Imaginez sa
situation si ses enfants avaient tous besoin de
nouvelles bottes en même temps et que, le même
mois, les factures de gaz et d’électricité étaient
plus élevées qu’à l’habitude.
Inventaire et mode d’attribution
des logements sociaux
Ottawa compte environ 22 000 unités de
logement social. L’Ottawa Community Housing
Corporation (qui est composée de l’ancienne
société de logement et de l’ancienne société sans
but lucratif de la Ville d’Ottawa) possède et gère
la plupart de celles-ci, soit environ 16 000 unités.
Le reste de l’inventaire est géré par environ
80 coopératives ou sociétés sans but lucratif.
La liste d’attente pour l’obtention d’un
logement abordable, sur laquelle figurent
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Avoir la possibilité d’inviter des amis, de se servir un jus du frigo lorsqu’on en a envie,
de marcher de la maison à l’école et de faire ses devoirs dans un environnement calme
sont des choses que bien des gens prennent pour acquis. Les enfants vivant dans des
refuges ne jouissent pas de ces privilèges fondamentaux et sont confrontés à une
expérience très déstabilisante pour l’ensemble de la famille.
environ 11 000 foyers, fait l’objet d’une gestion
centrale à l’aide du Répertoire des logements
sociaux. Le principal mode d’attribution est
chronologique et, selon la grandeur du logement
requis, la période d’attente moyenne est de
cinq à huit ans. Des exceptions à l’ordre
chronologique sont acceptées pour les victimes
de violence conjugale qui, en Ontario, se voient
accorder la priorité en tout temps. Par ailleurs,
la Ville d’Ottawa a établi deux autres groupes
prioritaires : les sans-abri et les cas « urgents »
pour la sécurité de personnes. Tous les
fournisseurs de logements doivent réserver une
unité vacante sur dix aux personnes faisant
partie de l’un de ces deux groupes, en plus de se
conformer aux règles provinciales relatives aux
victimes de violence conjugale.
Incidence sur les nouveaux arrivants
La majorité des nouveaux arrivants ont des
revenus faibles ou modestes. Il leur est donc
Àtrès difficile de trouver des logements
abordables. À Ottawa, la tendance aux loyers
élevés et un marché locatif généralement
vigoureux, qui offre très peu de logements bas de
gamme, compliquent la situation des nouveaux
arrivants. Bien qu’il existe quelques zones où les
logements laissent à désirer à Ottawa, la plupart
d’entre elles ont été rayées de la carte dans les
années 1970 dans le cadre de divers efforts de
« renouvellement urbain » ou sous l’effet de
l’embourgeoisement des quartiers plus anciens.
Le mode de répartition chronologique des
logements abordables fait en sorte que les familles
et les personnes doivent trouver d’autres lieux
pour se loger lorsque leur nom figure sur la liste
d’attente. Entre-temps, elles aboutissent pour la
plupart dans des logements qui sont inabordables
et inadéquats, où les mauvaises conditions de vie
et le surpeuplement sont la norme.
À cette situation vient s’ajouter un phénomène
plus récent, soit la demande croissante pour des
unités de logement très grandes afin d’héberger des
familles nombreuses, principalement composées de
réfugiés d’Afrique du Nord. Comme l’inventaire
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existant propose généralement des unités plus
petites avec une ou deux chambres à coucher, tant
dans le secteur privé que dans celui sans but
lucratif, ces familles éprouvent beaucoup de
difficulté à trouver un logement approprié.
Dans de nombreux cas, les familles touchées
par ce problème sont forcées d’opter pour les
refuges, ce qui leur confère un certain avantage
sur les autres demandeurs, sur le plan
chronologique, lorsqu’un logement social
approprié devient disponible. Toutefois, le
manque d’unités de logement adaptées aux
familles nombreuses prolonge considérablement
leur attente par rapport aux plus petites familles
sans abri. Pour les enfants, surtout, il est pour le
moins pénible de vivre dans un refuge. Avoir la
possibilité d’inviter des amis, de se servir un jus
du frigo lorsqu’ils en ont envie, de marcher de la
maison à l’école et de faire ses devoirs dans un
environnement calme sont des choses que bien
des gens prennent pour acquis. Les enfants
vivant dans des refuges ne jouissent pas de
ces privilèges fondamentaux et sont confrontés
à une expérience très déstabilisante pour
l’ensemble de la famille.
À la pénurie de logements convenant aux
grosses familles s’ajoute le fait que les « nouveaux
programmes de logement » n’établissent aucune
distinction en ce qui a trait à la grandeur des
unités sur le plan du financement. À cause de cela,
les promoteurs reçoivent le même financement
que ce soit pour un studio ou une maison
comportant quatre chambres à coucher. Alors que
le coût de construction d’une telle maison peut
atteindre trois fois celui d’un studio, aucune
mesure incitative n’existe pour encourager les
promoteurs à élargir cet inventaire le cas échéant.
En plus des obstacles auxquels se heurtent
les nouveaux arrivants appelés à s’adapter à un
nouvel environnement, comme se frayer un
chemin au travers les mille et une exigences
bureaucratiques, apprendre une nouvelle
langue et trouver un emploi, la recherche d’un
logement convenable et abordable représente
un défi immense.

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