Gône et Mâchon
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Gône et Mâchon
Gône&Mâchon Po r tfo l io I l e s t ar r i vé ! Ar r ière-c uisin e Le s co u l is s e s d’u n bo uc ho n Gône&Mâchon MAKE LIFE TAST Y spécialités lyonnaises Tout n’est pas dans le cochon INTERVIEW Têtedoie vs. Viannay ENQUÊTE Du surgelé dans votre assiette IDÉES ! Lyon s’adapte N°1 NOV.- DÉC. Alexandre Bassette Rédacteur en chef Gône&Mâchon Oui, mais encore ? 47 rue Sergent Michel Berthet 69 009 Lyon Tél.: 04 72 85 71 73 Fax.: 04 72 85 71 99 www.goneetmachon.wordpress.com Éditorial RÉDACTION : Directrice de la publication : Isabelle Dumas Directeur de la rédaction : Alexandre Buisine Rédacteur en chef : Alexandre Bassette Rédactrice en chef adjointe : Priscyllia Canabate Rédacteurs en chef web : Flora Chaduc Etienne Guinet Maquettiste : Guillaume Bernillon Secrétaires de rédaction : Guillaume Bernillon Emilie Lamine Rédacteurs : Maxime Autechaud Alexandre Bassette Guillaume Bernillon Morgane Buland Priscyllia Canabate Flora Chaduc Damien Corneloup Etienne Guinet Julie Morisod Emilie Lamine Remerciements : Chantal Guyot et Patricia Alexandre du magazine Gault&Millau pour leur aide précieuse Maquette inspirée du bi-mensuel Gault&Millau 2 | G&M n°1 novembre-décembre 2012 L a gastronomie à Lyon. Regards suspicieux autour de la table. La rédaction a les crocs de bonnes idées, mais c’est la panne. En délocalisant, on pourrait parler de trou normand. C’est juste un trou noir intellectuel. La gastronomie à Lyon : oui, mais encore ? Les langues se délient. Le mot « bouchon » frémit timidement sur les lèvres. En guise d’amuse-bouche une promenade dans le VieuxLyon. Un détour par la rue des Marronniers. Troisième à droite jusqu’à la rue Mercière. Un arrière-goût de tourisme culinaire. Le museau de porc réveille les papilles. Le goût des quenelles traine sur le palais. Un coussin lyonnais sucre la langue pour terminer. Spécialités lyonnaises et autres clichés. Entrée, plat, dessert et sieste digestive conseillée. Oui, mais encore ? Paul Bocuse ! Chef parmi les chefs dans le petit monde de la gastronomie lyonnaise. Gastronomie lyonnaise ? Le sujet n’était-il pas la gastronomie à Lyon ? C’est une piste à suivre. La distinction entre gastronomie lyonnaise et gastronomie à Lyon pimente la discussion : c’est du lard ou du cochon ? Cherchons plus loin. Le Larousse donne Connaissance de tout ce qui se rapporte à la cuisine, à l’ordonnancement des repas, à l’art de déguster et d’apprécier les mets. » Pour la partie « à Lyon », inutile de fouiller trop loin : il faut juste renouveler sa carte de transports en commun et jeter toutes les autres pour ne pas s’éloigner du centreville. Il n’y a plus qu’à ouvrir grand ses papilles et commencer un tour du monde des saveurs. Oui, mais encore ? La gastronomie à Lyon. Vaste sujet... Pour aller plus loin, rendez-vous 16 sur goneetmachon.wordpress.com 4 Portfolio Cité de la gastronomie Lyon met les petits plats dans les grands 8 So Historic Lyon, capitale de la gastronomie Frise gastrologique 10 10 Chefs en vue Interview croisée Christian Têtedoie - Mathieu Viannay Photos : Julie Morisod - Alexandre Bassette 6 Amuse-bouche 12 Enquête conso Ambiance glaciale dans les assiettes des consommateurs 14 Hygiène Contrôle qualité 15 So school Institut Paul Bocuse : CV étoilé 16 Dossier Entre identité et diversité culinaire 15 Photo : Vincent Ros 26 Focus Lyon à l’heure des nouveaux concepts 27 Enquête tourisme Une savoureuse visite 29 So Lyon La guerre des bouchons 30 Arrière-cuisine Une nuit au « Musée » 32 Quiz 30 n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 3 Photo : Etienne Guinet Photo : Priscyllia Canabate Sommaire n° 1 Portfolio Beaujolais Nouveau 4 | G&M n°1 novembre-décembre 2012 Beaujolais’ Day Terrasses improvisées. Charcuteries bien disposées. Bouteilles débouchées. Pas de doute, le Beaujolais Nouveau est arrivé. « Venez le goûter ! ». « Approchez, approchez ! ». Les commerçants haranguent la foule. Personne ne sait vraiment où donner de la tête. Il y aurait près de 2 500 variétés différentes à déguster. Alors, il y a ceux qui refusent poliment, ceux qui acceptent avec plaisir et ceux, un peu hors sujet, qui préfèrent des huîtres. « Il a un arrière-goût de banane ? », demande-t-on par habitude. Plutôt pêche de vigne, selon les dires. Surtout, il devient vite trop frais. Glacé, même. Mais ça ne gâche pas la fête. « L’important, dit-on, c’est de passer un bon moment. » Cette année, petite production ; moitié moins importante que l’an passé. Le sens du partage de certains est si grand que lorsqu’ils apprennent la nouvelle, ils préfèrent ne pas se resservir et passer au vin chaud. Par Alexandre Bassette PHOTOS MAXIME LELONG n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 5 Amuse-bouche CITÉ DE LA GASTRONOMIE Succès incertain Considérée comme la capitale historique de la gastronomie française, Lyon est en compétition avec quatre autres villes pour accueillir la cité de la gastronomie. De nombreuses informations, parfois, contradictoires, circulent sur sa candidature. Décryptage. TEXTE DAMIEN CORNELOUP L a cité de la gastronomie est un L’aspect culinaire a bien entendu été pris projet à l’initiative de l’Unesco, en compte, les spécialités de chaque ville être connus au mois de janvier prochain, qui a ajouté le « repas français » et leur légitimité à concourir dans cette après un examen détaillé de toutes les à son patrimoine immatériel en 2010. La compétition candidatures. compétition regroupait au départ six villes. localisation des villes est aussi un facteur Lyon, Beaune, Tours, Dijon et Chevilly- important. Ainsi, Tours et Chevilly-Larue, UN PARCOURS DIFFICILE Larue/Rungis sont toujours en compétition. situées à moins d’une heure de Paris, ainsi Malgré sa réputation culinaire internationale, La sixième, Versailles, a retiré sa candidature que Lyon, de par sa position centrale, Lyon n’est pas assurée de remporter la ayant été observées. La possèdent un avantage. Le jury a également est supervisée par la Mission Française du tenu compte de la faisabilité économique Patrimoine et des Cultures Alimentaires du projet. Toujours selon le ministère de parsèment encore son parcours. En premier (MFPCA), organisme qui a porté le dossier de candidature du « repas français », et par le ministère de la Culture. C’est l’une des obligations de l’État français suite à l’inscription au patrimoine immatériel de l’Unesco. Concrètement, la cité de la gastronomie consiste en la construction, dans la ville victorieuse, d’un grand complexe qui aura pour but de « mettre en valeur le patrimoine alimentaire français ». Il contiendra de nombreux restaurants, des marchés, un centre de formation, ainsi que d’autres établissements entièrement consacrés à l’art culinaire. Toutes les villes encore candidates ont été auditionnées Photo : Damien Corneloup le 15 octobre dernier, au ministère de la Culture. Elles ont présenté leur projet face à un jury composé de sept administrateurs de la MFPCA, dont son président, Jean-Robert Pitte. Le ministère de la Culture précise que plusieurs critères ont été examinés. 6 | G&M n°1 novembre-décembre 2012 L’Hôtel-Dieu doit accueillir la cité de la gastronomie en cas de victoire de Lyon. Infographie : Damien Corneloup Collomb, sénateur-maire socialiste de Lyon, projet semble passionner peu de monde réputation a déclaré en septembre : « Pas un seul à Lyon. Un manque d’enthousiasme qui ville. Sans oublier que la cité deviendra investisseur privé ne s’est déclaré intéressé s’expliquerait par le fait que la ville aurait également la représentation physique de pour participer au projet. » Un projet qui peu à gagner, mais beaucoup à perdre la qualité de la cuisine française auprès de coûterait au minimum 18 millions d’euros, défaut comme la capitale mondiale de la posait alors question et Gérard Collomb gastronomie, elle ne pâtirait que peu de a longtemps montré peu d’enthousiasme l’absence de la cité de la gastronomie. vis-à-vis de cette compétition. Lors du L’incidence rassemblement négligeable, car la réputation culinaire de soutien au projet historique de la l’Unesco. selon la mairie. La candidature de Lyon de culinaire sur le tourisme serait Lyon ne changera pas, selon les détracteurs l’opposition de droite sont même apparues du projet qui le jugent trop coûteux. aux côtés des chefs des Toques Blanches. Plusieurs articles parus dans la presse Finalement, le maire de Lyon a trouvé un régionale de tout l’hexagone ne manquent LE PROJET LYONNAIS EN CHIFFRES : pas de faire des pronostics. Infos ou intox, 18 MILLIONS D’EUROS avec le groupe de BTP Eiffage et s’est posé on observe que Lyon n’est jamais déclarée Coût du projet de la cité de la gastronomie, en défenseur du projet avant l’audition du vainqueur. Dijon et Tours seraient en tête, dont 15 millions pour l’installation dans 15 octobre. Quinze jours plus tard, Gérard suivies par Chevilly-Larue qui terminerait le Collomb dévoile le projet lyonnais : la cité podium. Gazetteinfo, site d’information de moitié par le groupe Eiffage. Dieu, et fera partie du projet de rénovation lyonnaise a fait preuve d’arrogance durant 15 000 M² de cet hôpital historique de Lyon. Le maire son audition au ministère de la Culture, Surface de la potentielle cité de la est désormais persuadé que la cité sera une attitude qui aurait déplu au jury. Des gastronomie, qui se situera dans la partie la informations à prendre avec des pincettes, plus ancienne de l’hôpital et dont 1 500 m² point fort du dossier : « Sans vouloir faire certes, mais qui pourraient inquiéter la seront situés à l’extérieur, en jardin. La cité de mauvaise publicité à certaines autres candidature lyonnaise. se tiendra sur quatre niveaux. villes en compétition, le projet lyonnais, Malgré les obstacles, Lyon reste toutefois contrairement à celui d’autres candidats, en compétition pour accueillir la cité de la 64 gastronomie, qui deviendrait assurément Nombre de chefs étoilés qui soutiennent le une projet lyonnais, emmenés par Paul Bocuse. de la gastronomie sera aménagée à l’Hôtel- en œuvre à court terme. » Néanmoins, ce concrétisation symbolique de la n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 7 So Historic Antiquité : Lugdunum (Lyon), de part sa position centrale détient le monopole du commerce du vin. Les Romains, en s’y installant 1759 : 1926 : Première mention d’une « mère » lyonnaise La première école de avec la « Mère Guy ». Près d’un siècle plus cuisine de France est créée à Lyon, par les chefs amènent des spécialités de l’Empire. Le cuisinier Septimanus, « Mère Guy », sera surnommée « la génie » qui tenait une auberge à Lugdunum, s’est fait connaître par son Marius Vettard et Alain Mennweg. talent à cuisiner, notamment, le cochon. Fin du XVIIIe siècle : Lyon et y introduit les glaces, qui 1532 : deviendront l’une des spécialités François Rabelais, médecin à Lyon, publie de la ville. la première édition de « Gargantua » dans cette ville. Les références culinaires du célèbre texte sont fortement inspirées de la cuisine lyonnaise. « Gargamelle Début du XIXe siècle : après avoir mangé grand planté majeure de la production Lyon devient une capitale de bière et de pâtes, de tripes. » Le texte a contribué à populariser au niveau national la cuisine concurrençant les pâtes lyonnaise. italiennes. XVIe siècle : Catherine de Médicis fait venir des pour améliorer la cuisine française et 1600 : 1837 : Le mariage entre le Roi Stendhal publie un Henri IV et l’Italienne Marie éloge de la cuisine de Médicis, célébré à lyonnaise : Lyon, contribue davantage « Je ne connais au mariage des saveurs qu’une chose que lyonnaises et italiennes. beaucoup. Les 1783 : « abats » (tripes, Le premier livre de recettes etc.) se banalisent l’on fasse très bien à Lyon, on y mange admirablement, et, 1933 : de gastronomie lyonnaise selon moi, mieux Eugénie Brazier et Fernand à Lyon pendant est publié : « La cuisinière qu’à Paris. » Point obtiennent trois étoiles. cette époque de bourgeoise » d’Amable Leroy. 1934 : Le gastronome Maurice la Renaissance. Edmond Sailland, alias L’humaniste Erasme Curnonsky, enchanté par fait l’éloge de 1801 : Fin XIX siècle : la gastronomie Joseph de Berchoux publie Les célèbres « mères » lyonnaise : «On n’est un poème précurseur nommé (dont la fameuse Eugénie pas mieux traité « Gastronomie ou l’homme des Brazier), quittent leurs chez soi qu’on ne champs à table », qui fait l’éloge foyers pour se mettre l’est à Lyon dans une de l’art culinaire lyonnais. La à leur compte. Elles hôtellerie ». réputation de la gastronomie deviendront un pilier de la réputation culinaire de Lyon à lyonnaise s’en est trouvée réputation mondiale de la l’international. renforcée avec ce poème. gastronomie lyonnaise. 8 | G&M n°1 novembre-décembre 2012 e la cuisine des « mères » et des bouchons, annonce que « Lyon est la capitale mondiale de la gastronomie ». Une déclaration qui lance la Les années Bocuse 1965 : Paul Bocuse obtient trois étoiles, qu’il possède toujours aujourd’hui. De l’Antiquité à nos jours, 1997 : Lyon a été et reste une ville L’Association de défense des bouchons lyonnais attribue majeure dans l’art culinaire. désormais un label nommé « Authentique Bouchon Lyonnais », Quels sont les évènements qui plus anciens et les plus typiques. ont fait la réputation de la ville ? Comment a-t-elle obtenu son titre 1987 : Paul Bocuse crée le « Bocuse d’Or », concours mondial pour la cuisine, qui se tient à Lyon. de « capitale mondiale de la gastronomie » ? Élements de réponses. TEXTE DAMIEN CORNELOUP © LeFotographe.com INFOGRAPHIE GUILLAUME BERNILLON 1989 : Paul Bocuse est élu « Cuisinier du siècle» et « pape de la cuisine » par Gault et Millau. 1990 : 2012 : Création de l’Ecole des Paul Bocuse, qui détient Arts Culinaires et de plusieurs restaurants à Lyon, l’hôtellerie ou Institut opère toujours. De nouveaux Bocuse. Le Chef en est chefs-cuisiniers lyonnais président d’honneur. font vivre la gastronomie lyonnaise, dont Christian Têtedoie ou Mathieu Viannay (héritier de la Mère Brazier et élève de Paul Bocuse). n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 9 Chefs en vue Christian Têtedoie «Il y a tellement d’offre que les gens sont de plus en plus exigeants » Pourquoi la considérée ville comme de Lyon capitale est-elle observe une montée des bistrots face de aux bouchons traditionnels. Comment la L’un rêvait de devenir cuisinier à onze ans, en découvrant l’ouvrage « La cuisine du marché » de Paul Bocuse ; l’autre a repris en 2008, l’un des restaurants pilier de la ville de Lyon, La mère PROPOS RECUEILLIS PAR EMILIE LAMINE expliquez-vous cette évolution ? Christian Têtedoie : Lyon a une histoire C.T. : Forcément les cuisiniers sont très tellement chargée que le statut de capitale attachés à surligner la sélection de leurs de la gastronomie s’impose naturellement. clients. Aujourd’hui, on s’aperçoit que Nous avons eu à travers les siècles, de les gens n’ont pas forcément toujours nombreuses personnes qui se sont chargées les moyens d’aller dans les restaurants justement de créer une cuisine particulière, gastronomiques alors beaucoup de chefs de goût et généreuse, à base de produits ouvrent des bistrots, qui se situent entre le simples. Ensuite, il y a un garde-manger bouchon et le restaurant gastronomique. autour de la ville assez exceptionnel ! Où Ce sont des endroits avec d’autres types que l’on se tourne, en Ardèche, dans l’Ain, de cuisine, des produits plus simples, etc., il n’y a que des beaux produits. donc avec un goût et une matière moins Mathieu Viannay : On a de la chance importants. s’approprier lui-même et faire quelque car Lyon se trouve dans un carrefour M.V. : L’un n’empêche pas l’autre, c’est chose de cohérent dans sa cuisine, qui doit géographique avec une multitude de normal. Les gens ont besoin de diversité. être en adéquation avec son lieu, la salle produits. On a une région très riche avec Il y a beaucoup de jeunes qui ont ouvert et l’ambiance. Quand je suis arrivé à Lyon, beaucoup d’appellations contrôlées, que faire de la je n’avais travaillé chez aucun chef et j’ai ce soit pour les vins avec la Bourgogne, le bistronomie », ça ne veut rien dire. C’est toujours fait ce que j’avais envie de faire. Beaujolais au nord, la vallée du Rhône au toujours de la cuisine. Ce sont des jeunes Il y a de la place pour tout : modernité et sud, même les vins de Savoie à l’est. Pour qui ont travaillé dans de grandes maisons, tradition dans la modernité. L’important, les produits, on peut trouver toutes sortes qui ont appris dans des restaurants étoilés c’est de ne pas tricher avec les produits et de fromages, la volaille de Bresse dans et qui font partager leur savoir souvent avec leur qualité. l’Ain, il y a les légumes et les fruits dans la un bon rapport qualité-prix. vallée du Rhône, l’Auvergne à côté. On a de Photo : Alexandre Bassette gastronomie ? Quel sera l’atout d’un nouveau chef, Pour un chef qui vient s’installer à Lyon, non Lyonnais ? S’il doit garder ces faut-il vraiment s’approprier les codes codes-là, que peut-il réinventer dans la des bouchons et des traditions de Lyon ? gastronomie lyonnaise ? C.T. : Ça me parait important. Le client C.T. : Ce n’est pas gênant de garder ces qui vient de l’international a quand même codes, la cuisine française est toujours en envie de découvrir cette fameuse cuisine mouvement et se reconstruit constamment. lyonnaise et je crois que c’est le rôle d’un On dit que les cuisiniers français sont Lyon se base sur la tradition de la chef d’auto-promouvoir son terroir. prétentieux, pour moi c’est une grosse gastronomie M.V. : Pas du tout ! Je pense qu’il doit déjà erreur. Ils ont toujours eu l’œil aguerri pour beaux produits et donc de bons restaurants. Les gens ont toujours eu cette tradition de la table et de se retrouver à table. On dit d’ailleurs : « À Lyon, au travail on fait ce que l’on peut mais à table on se force. » C’est un peu ça. française, 10 | G&M n°1 novembre-décembre 2012 pourtant, on Brazier, dans le quartier de la Croix Rousse. Les deux chefs cuisiniers, Christian Têtedoie et Mathieu Viannay nous parlent de l’évolution de la gastronomie dans la ville de Lyon. Mathieu Viannay « La gastronomie à Lyon,c’est la cuisine, ce n’est pas la cuisine lyonnaise » Photo : Julie Morisod Aujourd’hui, y a-t-il une demande différente des clients, dans le choix des C.T. : Absolument. Lyon est une ville menus par exemple ? traditionnellement C.T. : C’est tellement en mouvement que justement une cité expérimentale. Quand depuis bientôt trente ans et j’ai vu l’envie produit, elle le lance d’abord dans la région des gens changer constamment. C’est à parce que les clients sont exigeants. Si ça nous de nous adapter très rapidement à ces passe à Lyon ça passera partout. Mais le nouvelles tendances. Donc effectivement contraire peut aussi arriver. cela peut se traduire par de nouveaux plats M.V. : Oui, car il y a une clientèle de et de nouvelles formules au menu. connaisseurs donc ce n’est pas simple. Par M.V. : La demande va surtout vers des beaux contre, je pense que si on réussit ici, on peut produits et évidemment un bon rapport réussir ailleurs. réputée pour être qualité-prix parce que l’on vit une période prendre ce qu’il y avait de meilleur ailleurs assez compliquée économiquement. Les La gastronomie à Lyon, ce n’est pas et la capacité de repuiser dans la tradition gens ont toujours envie de découverte et en seulement la gastronomie lyonnaise ? pour mieux moderniser nos plats. même temps besoin de repères. On change C.T. : Alors là vous avez parlez d’un mot : M.V. : nos menus à chaque intersaison, en fonction gastronomie... Il faut plutôt parler de cuisine des périodes, des racines, des truffes, des cuisine. La différence est importante parce merveilleuse, quel que soit son style de légumes de printemps, etc. Seuls quelques que la cuisine française est à mon avis une cuisine. C’est vraiment la base. plats restent. des seules qui puisse se targuer d’être Il pourra trouver des produits merveilleux, donc faire une gastronomique. Tant qu’on parle de cuisine, Trouvez-vous que ce soit le cas à Lyon ? En ce moment, que faut-il adapter le qu’elle soit française ou pas, si elle est bien Quels sont les exemples ? plus ? faite, elle a sa place à Lyon. C.T. : Oui, regardez le succès de Joseph C.T. : On arrive à un moment où il y a M.V. : La gastronomie à Lyon, c’est toute la Viola qui est Meilleur Ouvrier de France. tellement d’offre que les gens sont de plus cuisine, pas seulement la cuisine lyonnaise. Il a choisi de se mettre justement dans la On peut faire de la cuisine contemporaine formule bistrot. Il fait une très jolie cuisine des cartes qui soient attractives, aussi bien ou autre. Mais on est proche de terroirs, et ça marche très bien. au niveau des prix que dans la qualité de la donc on utilise des produits de notre région. M.V. : Il y a plein de jeunes comme au Jean carte. Des plats qui soient à la fois dans la Cela ne nous empêche pas de sortir du Moulin, sur les quais, ou le Palégrié. Ce sont tradition mais aussi dans la modernité. registre traditionnel lyonnais. des bistrots qui ont ouvert il y a un an. Ces M.V. : Je ne sais pas. L’important c’est le jeunes ont créé de belles maisons et se sont travail, il n’y a que cela qui fasse réussir. Si un approprié leurs restaurants, souvent avec jour vous vous levez en vous disant que c’est des cartes très courtes. Ils sont très bons. gagné, c’est que ça commence à être perdu. n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 11 Enquête conso Le surgelé refroidit Livraisons et produits surgelés, bons ou mauvais. Le milieu de la restauration est parfois loin de ce que le consommateur imagine, même si tout le monde n’est pas à mettre dans le même sac. TEXTE PRISCYLLIA CANABATE P Le plus gros inconvénient avec les produits frais : leur conservation lus de 60 producteurs de fruits et fiabilité dans l’approvisionnement et gain légumes sur 35 000 m2 de surface. de temps et d’argent. Parmi ces produits, Repères Il s’agit du second marché de gros du frais, mais aussi du surgelé. Une alimentaire de France : Lyon-Corbas. surprise pour bien des consommateurs. Facile alors d’imaginer les chefs lyonnais Si certains restent indifférents, d’autres quatre conditions : se ruer sur les étals, choisir avec soin fruits se disent déçus. « Je vais au restaurant > le refroidissement doit être précoce, et légumes avant de retourner en cuisine pour manger des produits de qualité. » immédiatement après la fabrication d’un mijoter un plat pour le service du midi. La Aurélien plat cuisiné ou quelques heures après la réalité est souvent toute autre. Six heures restaurant Le Potiquet joue dans le camp récolte d’un légume du matin. Des camionnettes investissent des produits frais : « Pour moi, c’est une > le refroidissement doit être rapide à très les rues lyonnaises. Les commis s’activent ligne de conduite. J’aurais du mal à avoir basse température (-30 °C à -50°C) déjà aucune des plats de qualité avec du surgelé. » > aucune transformation ultérieure n’est casserole n’est encore sur le feu. Les bras Aucun doute, le surgelé a mauvaise autorisée sur un produit surgelé disponibles s’activent pour décharger les image. > la température de conservation doit être produits commandés. Mais pour un collaborateur de Davigel, inférieure à – 18°C Renseignements pris, à l’ère du « tout fournisseur plus rapide » de nombreux restaurateurs groupe Nestlé, qui a tenu à garder La surgélation permet de garantir la préfèrent se faire livrer. La pratique est l’anonymat : « C’est une question de sécurité sanitaire, les valeurs nutritionnelles très courante. Produits bruts ou élaborés, génération et le goût des produits. les catalogues des fournisseurs sont mais pas de goût. » L’erreur reposerait La congélation est simplement l’équivalent inépuisables. On trouve de tout. Les sur la distinction avec le congelé, une domestique avec un refroidissement moins raisons de cet engouement : facilité et méthode de conservation plus tardive qui rapide à une température moins froide. en cuisine. Pourtant, 12 | G&M n°1 novembre-décembre 2012 Gourrat, de et chef produits cuisinier surgelés d’habitudes, du Un produit « surgelé » doit respecter du d’image, les consommateurs CONFUSION À LA CARTE Alors, comment savoir ce qui est servi dans l’assiette ? Difficile de distinguer un produit frais et préparé sur place, d’un surgelé de qualité, brut ou élaboré. Pour pallier au problème, l’État et les représentations professionnelles créent en 2007 le titre de Maître Restaurateur. « C’est la garantie pour le client que la cuisine est faite sur place, par un professionnel », résume Patricia de Figueirédo, de l’association française des Maîtres Restaurateurs. Pour obtenir le titre, les conditions sont nombreuses (lire Focus). Parmi elles, l’établissement s’engage à utiliser moins de 10% de produits surgelés. « Cela nous permet de nous différencier, explique Aurélien Gourrat du Potiquet, de distinguer ceux qui font la cuisine et les autres. » Un autre restaurateur titré tempère : « C’est surtout une manière d’être reconnu sans adhérer à des associations telles que les Toques Blanches ou les Gueules de Lyon, avant de souffler que, le crédit Qui peut devenir maîtrerestaurateur ? Tout restaurateur peut demander à être le dirigeant d’une entreprise de restauration traditionnelle et répondre à de le cahier des charges. Les règles concernent la formation du candidat, l’origine et la transformation des produits utilisés, la décoration, l’aménagement intérieur et extérieur du restaurant ainsi que le respect des règles d’hygiènes. Ce cahier des charges impose une cuisine « authentique » réalisée sur place avec une majorité de produits frais (90%), ne recourant pas à l’assemblage ou à des plats déjà préparés. d’impôt qui accompagne le titre n’est pas négligeable. » En effet, le restaurateur voit ne garantit pas les bienfaits nutritionnels le montant de ses impôts réduit à hauteur et gustatifs du produit (lire Repères). de la moitié des dépenses nécessaires à « Les surgelés peuvent être très bons. la mise en conformité, avec le cahier des Nous sélectionnons avec attention nos charges de Maître Restaurateur. Pourtant, fournisseurs. 60% des produits sont la mesure ne convainc pas tout le monde. d’origine France et chaque lot subit une À Lyon, ils sont seulement 12 à porter série d’analyse pour s’assurer de leur ce titre, mais bien plus à ne pas utiliser qualité. Après, tout dépend comment ils exclusivement des produits surgelés. sont cuisinés. Pour le consommateur, il Maître vaut mieux un produit surgelé bien préparé Meilleur ouvrier de France. Etc. Au plutôt que des produits frais, congelés milieu de toutes ces reconnaissances, le par le restaurateur, qui risqueraient de consommateur est perdu. Pour clarifier la devenir secs, de perdre leur goût, voire situation et permettre une lecture claire leurs valeurs nutritionnelles. » Quant à en du type de produits utilisés, en 2011 apprendre un peu plus sur l’étendue du le député UMP Fernard Siré propose marché du surgelé à Lyon : impossible. d’inscrire sur la carte si les plats proposés « On ne peut distinguer les restaurateurs sont préparés sur place et à base de qui achètent du surgelé pour les repas produits frais et bruts. Mais rien n’a des employés ou juste pour quelques encore été fait. Reste à déterminer ce qui ingrédients, de ceux qui basent leur est le plus important dans une sortie au cuisine exclusivement sur ces produits », restaurant : ne manger que des produits explique l’employé de Davigel. frais ou partager un bon moment. restaurateur. Maître moyen d’un audit réalisé par un organisme comme des entreprises de restauration. rôtisseur. Photo : Priscyllia Canabate Photo : Priscyllia Canabate Focus Une fois préparé, difficile de distinguer le frais du surgelé n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 13 Hygiène Conforme sous toutes les formes Bien manger, ce n’est pas suffisant. Les restaurateurs sont soumis à de nombreuses obligations vérifiées par des contrôles fréquents. TEXTE EMILIE LAMINE n’est faite ! Les peines encourues passent d’une amende de 1 500 € à une fermeture temporaire. Une tromperie sur les produits peut même aboutir à 37 500 euros d’amende et à la prison avec sursis. « Il semble, au vu des plaintes que nous recevons, que les consommateurs sont de plus en plus attentifs à la qualité », souligne Photo : Priscyllia Canabate Hélène Brocheton de la DDPP. Un constat formation : « Vu le nombre d’émissions culinaires existantes, les consommateurs sont sensibles aux problèmes d’hygiène. » Pourtant, 150 plaintes ont été Après chaque préparation : nettoyage du plan de travail U plus enregistrées en 2011, contre environ 120 à sont réglées. Il reste souvent des petites en 2012. Mais l’année n’est pas terminée et n’importe quel moment dans broutilles. » Les restaurateurs peuvent ces chiffres ne prennent pas en compte les n les contrôleur peut restaurants arriver lyonnais, signalements anonymes ou téléphoniques. seul, parfois accompagné. Il ne s’agit pas de d’éviter tout problème, en attendant un contrôle du bureau d’hygiène. clients sourient. Tout est passé au peigne Sans surprise, le défaut de nettoyage est CHIFFRES-CLÉS le plus souvent relevé par les contrôleurs. du personnel, températures de stockage, En denrées alimentaires et déchets. d’aliments : « Les services d’hygiène ce qui concerne les problèmes > 600 restaurants contrôlés De l’origine des viandes aux plans de travail viennent plutôt après une plainte », dans le Rhône en 2012 abimés par les casseroles, chaque détail constate le gérant du restaurant les Pavés > 30 avertissements concernant compte. Mais d’après Serge Capovilla, de Saint Jean. Pour lui, « ces contrôles ne le nettoyage ou les travaux à effectuer inspecteur des fraudes au service protection sont pas un problème. Au contraire ! Cela > 40 procès-verbaux suite de la qualité de l’alimentation à la nous permet de nous rendre compte si l’on à des manquements en matière d’hygiène distribution, à la Direction départementale est aux normes et irréprochables face à nos > 2 fermetures provisoires, de la protection des populations (DDPP), clients. ». avec obligation de remettre les locaux en état avant réouverture du Rhône : « Il y a peu de problèmes en général. Les restaurants s’autocontrôlent et L’ÉTÉ, C’EST CHAUD > 150 avertissements, suivis C’est pendant la période estivale que d’un nouveau contrôle. alimentaire obligatoire depuis 2011. Donc les casseroles tremblent le plus. Du fast- lorsque l’on passe, la plupart des choses food 14 | G&M n°1 novembre-décembre 2012 au bouchon, aucune exception So school N’est pas Bocuse qui veut Inscrit en lettres capitales sur un CV, le nom de Paul Bocuse ouvre des portes aux étudiants de l’Institut, qui se referment si l’on ne se montre pas à la hauteur. TEXTE ALEXANDRE BASSETTE U niformes blancs. Dos bien droits. Ustensiles et plans de travail impeccables. Des réponses qui fusent : « Oui, chef. » Si cela ressemble à la cuisine d’un grand restaurant en plein service, il n’en est rien. Ici, à part le professeur, ils sont tous élèves et sont là pour apprendre. Le bachelor Arts Culinaires de l’Institut Paul Bocuse, IPB pour les intimes, accueille chaque année 75 apprentis originaires du monde entier. Ils viennent chercher ce qui Photo : Vincent Ros a fait la renommée du chef français aux quatre coins de la planète : l’excellence et la rigueur. Mais ce n’est pas tout. « Le nom de Bocuse joue beaucoup sur le CV l’an dernier, ça retient l’attention d’un Les étudiants de l’Institut Paul Bocuse ont des étoiles plein les yeux employeur. Ne pas l’avoir n’empêche pas accélérée pour laisser le temps d’aller plus « Le nom de Bocuse ne fait qu’ouvrir des de trouver du travail, mais tout dépend de loin. Sans parler de l’enrichissement que portes. On attend des diplômés d’être à la ce que l’on veut. Si on vise l’excellence ou confèrent les rencontres avec de grands hauteur, de faire leurs preuves. C’est presque la normalité », tranche-t-il. Car l’institut ne professionnels. plus dur pour eux. La barre est placée très raisonne pas que sur un nom célèbre. La Cossec, Meilleur Ouvrier de France et star haut. Ils doivent montrer leur volonté. » DRH d’un groupe hôtelier, auquel appartient de l’équipe enseignante. Cours de cuisine et management de la restauration, un titre « C’est une bonne école ». Mieux que les gastronomique, travail de produits de de responsable en cuisine et restauration autres ? Catherine François, proviseur- qualité, mise en pratique dans le restaurant gastronomique, tous deux griffés au nom du adjointe au lycée Hélène Boucher, qui d’application de chef lyonnais, sont délivrés par l’IPB. Sous forme au CAP cuisine, conteste : « Les bases comptabilité, de gestion ou encore de ces appellations pompeuses, un diplôme sont les mêmes pour tout le monde. » Une marketing. « La formation est très complète auréolé de prestige pour lequel il faut position qui ne convainc pas l’autre camp. et donne toutes les clés pour réussir débourser plus de 30 000 € en trois ans ; loin « C’est comme si l’on comparait un CAP et dans cette profession », résume Hadrien un master en marketing, ironise Géraldine Piscioneri. « Mais l’expérience prédomine, Derycke de l’IPB, c’est le même domaine renchérit-il, c’est un milieu où tout le monde mais ce n’est pas le même niveau. Chez se connaît, où le recrutement passe par le inscrire le nom de Bocuse sur son CV n’est nous, les bases sont étudiées en version bouche-à-oreille. » Pour Géraldine Derycke : pas donné à tout le monde. et traditionnelle cours théoriques par l’alternance. n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 15 Dossier Photo : Marie Perrin - Lyon Tourisme et Congrès Lyon ne rime pas qu’avec bouchon 16 | G&M n°1 novembre-décembre 2012 Ambiance typique, plats typiques, déco typique : le vrai bouchon lyonnais Dans le paysage lyonnais, la gastronomie s’impose depuis des siècles comme une institution majeure. Entre tradition et cuisines du monde, la ville profite à la fois d’une diversité peu comparable, et d’un attachement constant de sa population à la culture de la table. TEXTE MORGANE BULAND & JULIE MORISOD n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 17 Photo : Priscyllia Canabate Dossier Les étals lyonnais regorgent de spécialités venues des quatre coins du monde «L yon, capitale mondiale de Du côté des vignobles, même constat, manière qu’il serait réducteur de limiter la la des côtes du Rhône au Beaujolais en Bretagne aux crêperies, et Strasbourg aux passant par le Mâcon et le Bourgogne. Winstub. » Car à Lyon, il est bel et bien par le célèbre critique gastronomique Un apport varié et de qualité. Centre possible de manger de tout. Toulousain Maurice Edmond Sailland alias Curnonsky, de convergence des produits, Lyon se d’origine tombé amoureux de Lyon, Jean- reste aujourd’hui gastronomie encore ». ancrée Cette dans situe également sur la route des grandes François Mesplède, qui a testé près de l’image de la ville. Car Lyon et la cuisine, tables : « Avec Bernard Loiseau à Saulieu, 300 restaurants cette année recense dans c’est effectivement une histoire d’amour Fernand Point à Vienne, Anne-Sophie Pic la ville plusieurs bonnes adresses Cuisine qui dure, et ce, depuis plusieurs siècles. à Valence, Lyon est devenue un centre du Monde, essentiellement asiatiques. Il D’abord du fait de sa très enviable position gastronomique, car les gens voyageaient et choisit ainsi le vietnamien “Hong ha“ dans géographique. Dotée d’une longue tradition s’y arrêtaient », explique François Mailhes. le Vieux Lyon, les Japonais de “Chez Terra“ marchande, Lyon constituait autrefois le Mais dans le 6e arrondissement, ou encore “Do principal lieu de commercialisation des lyonnaise reste incontestable, la ville est Mo“ quai Rambaud. productions traditionnelles de la région. désormais bien loin de se limiter à sa seule Mais « Ce sont ces produits qui ont permis à la gastronomie de terroir. reste. François Mailhes par exemple ne si aujourd’hui l’identité culinaire ville de développer une gastronomie », le Proche-Orient n’est pas en tarit pas d’éloges sur son repas chez COUPS DE CŒUR EXOTIQUES “Alyssaar“, un restaurant syrien situé dans critique gastronomique à Tribune de Lyon. Critique gastronomique et ancien patron du le 1er arrondissement. « C’est une cuisine Volaille de Bresse dans l’Ain, poissons et Guide Michelin, Jean-François Mesplède orientale méditerranéenne assez franche grenouilles des Dombes et de la Saône, le souligne : « Il serait réducteur de sur les goûts, qui à un côté explosif. J’aime vaches charolaises, fromages de Savoie. limiter la ville aux bouchons, de la même beaucoup. » 18 | G&M n°1 novembre-décembre 2012 À Lyon, certains établissements exotiques produits exotiques qu’ils ne peuvent trouver d’abats. » Ce qui n’est pas le cas partout : sont même devenus des institutions. À ailleurs », se réjouit-il. “Domo de Jana“ « Il y a par exemple beaucoup moins de est ainsi l’unique épicerie sarde de Lyon à friteries à Lille, alors qu’auparavant c’était dont la famille arménienne du même nom proposer des produits de la mer Appellation une institution. Finalement, peu de villes s’est installée en 1929 après avoir fui le d’Origine Contrôlée (AOC), des fromages ont gardé leurs restaurants de terroir » génocide. Située dans le quartier très et autres charcuteries, tous droits importés assure François Mailhes. cosmopolite de la Guillotière, l’épicerie de l’île italienne. « Des restaurateurs Et loin de se limiter aux papilles, la diversité recèle de nombreux trésors du Proche- commencent à nous contacter de la cuisine à Lyon s’applique aussi au Orient et de la méditerranée. Preuve de gérant. porte-monnaie. « On peut satisfaire tous les appétits, à tous les prix, ce qui est un cas son intégration dans le patrimoine lyonnais, LYON ET SES SPÉCIFICITÉS unique en France » indique Jean-François Au-delà des bouchons, c’est donc tout Mesplède avant de poursuivre : « Il y a un melting pot culinaire qui s’exerce à évidemment beaucoup de restaurants de LE PARADOXE ITALIEN Lyon, offrant ainsi un large panel aux qualité dans d’autres villes européennes, Au cœur de ces cuisines d’ailleurs, la consommateurs. Jean-François italiennes en particulier ou nordique. Mais plus représentée reste sans doute l’Italie. Mesplède, c’est même cette diversité qui ce n’est pas certain qu’il y ait cette même « 50% de la cuisine étrangère à Lyon est contribue à « renforcer l’identité culinaire de diversité lyonnaise, avec ces bistrots de italienne », selon Augusto Barro Santos, chef la ville, et la positionne comme une place quartier où l’on mange bien et à des prix du restaurant “Augusto“, situé rue Neuve. forte de la gastronomie ». raisonnables, jusqu’au restaurant triplement D’origine brésilienne et formé à l’Institut D’autant plus qu’à Lyon, la tradition n’est étoilé. Ailleurs, il y a peu d’intermédiaires ». Paul Bocuse, il est passé par Troisgros ou pas en reste. Le succès touristique des Stratégiquement concentrés dans le centre- encore par la grande table italienne “Dal bouchons, une « cuisine de folklore », ville, la plupart des restaurants de Lyon sont Pescatore“ à Mantoue. Aujourd’hui, il met mais bonne selon François Mailhes, en est un point d’honneur à fabriquer ses pâtes et l’exemple. « Il y a de tout à Lyon, mais la pour les Lyonnais que pour les touristes. son pain lui-même. ville a réussi à préserver ses restaurants En termes de gastronomie, l’atout de la Mais pour Augusto, quantité ne rime pas traditionnels, sa cuisine populaire à base cité des Gônes réside également dans Bahadourian possède également une succursale aux Halles de Lyon. Pour avec qualité. « La plupart des établissements sa clientèle. Comme le dit un vieil adage italiens choisissent la facilité, en proposant lyonnais, « Au travail on fait ce qu’on peut, des plats préparés à l’avance » précise-t-il. mais, à table, on se force. » A Lyon, manger S’ajoutent à cela des pizzerias et diverses fait partie intégrante des habitudes et des enseignes de restauration rapide. coutumes. « Il y a des villes où les gens vont Pour l’heure, ils ne seraient donc que plutôt au cinéma, ou au bistrot. Ici, ils… quatre ou cinq à proposer une cuisine italienne de gastronome. Un paradoxe. « Lyon est attachée à l’Italie depuis le XVIe siècle et il est assez étrange que sa bonne cuisine ne soit pas plus présente à Lyon. Même si cela commence à venir » indique De la Mère Brazier à Mathieu Viannay François Mailhes, qui apprécie toutefois de dîner chez “Due by Maurizio“, dans le 9e arrondissement. Jean-François Mesplède recommande quant Bien qu’aujourd’hui, on ne recense qu’une femme étoilée dans la région Rhône-Alpes, à lui “Domo de Jana“, une épicerie comptoir la cuisine traditionnelle lyonnaise était dès le début du XVIIIe siècle une affaire de sarde située dans le 7e arrondissement, où femmes. Les Mères sont sans conteste à l’origine de la réputation gastronomique de l’on peut manger sur place et à des prix très Lyon. Au départ cuisinières des grandes familles bourgeoises, la plupart décidèrent abordables. Originaire de la Sardaigne, le par la suite d’ouvrir leurs propres établissements. Pour n’en citer qu’une : la Mère gérant Laurent Uras commence d’ailleurs à Brazier, première femme à obtenir trois étoiles au Guide Michelin en 1933, avec son se faire un nom. « Au départ, ma clientèle restaurant éponyme de la rue Royale. Mathieu Viannay l’a repris en 2009 revisitant les était composée des personnes du quartier, recettes phare de l’établissement devenu une institution. « La poularde demi-deuil res- et par la communauté sarde qui réside semble beaucoup à celle de la Mère Brazier quand on la présente en salle, mais on est autour de Lyon (3 000 foyers d’après lui sur un autre type de cuisson, avec une sauce différente, des petits légumes croquants. dans le Grand Lyon, ndlr). Mais de plus en Même principe avec l’artichaut au foie gras ». Comme beaucoup de chefs de sa géné- plus de Lyonnais d’autres quartiers viennent ration, Mathieu Viannay travaille autour du tandem tradition/innovation. par curiosité pour goûter, voire acheter ces n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 19 Dossier vont au restaurant. Les habitants conservent que la moyenne nationale. Très dynamique, auprès des jeunes chefs de tous horizons une gastronomie parce qu’ils la pratiquent la ville possède également un fort taux de qui décident de se lancer. Formés pour la et la fréquentent renouvellement. Ainsi, plus d’un tiers des plupart dans des établissements étoilés, Mailhes. Un avis partagé par Jean-François Lyonnais recensés en 2006 n’habitaient pas nombreux sont ceux qui délaissent les tarifs Mesplède : « Ces habitudes sont instaurées Lyon auparavant. 38% de ces nouveaux exorbitants de la capitale. « Les meilleurs depuis l’époque romaine, quand la ville Lyonnais venaient même d’une autre région représentants de la gastronomie à Lyon, était une place forte du commerce. C’est la de France. Mais pour François Mailhes, « à qu’ils s’appellent Philippe Gauvreau, ou seule ville que je connaisse où quand on est partir du moment où l’offre est importante, encore Mathieu Viannay, n’en sont pas à table, on continue de parler cuisine ». Les les gens qui viennent d’ailleurs adoptent originaires. La ville possède une attirance tables lyonnaises font aussi bien souvent cette habitude lyonnaise du restaurant. Ici, unique pour ces cuisiniers qui veulent bien Dans cette offre est telle qu’il est impossible de faire leur métier beaucoup de villes, on va au restaurant passer à côté, bien plus qu’ailleurs. ». Mesplède. Parmi eux, Tsuyoshi Arai, issu pour sceller un contrat, alors qu’à Lyon, les Loin de se contenter de remplir les salles, de la réputée école de cuisine de Tokyo. Sa contrats se discutent à table », ajoute-t-il. passion le conduit rapidement à s’envoler sur l’implantation des établissements. « S’il pour l’Hexagone. Il commence par ouvrir commence à y avoir de vrais restaurants DES ATTACHES VARIÉES japonais et plus seulement des bars à dans la commune de Saint-Valentin. Puis, attaches sushis, c’est parce que des Japonais se sont « attiré par les grands chefs étoilés » comme communes à la culture de la table, quand installés à Lyon. Ils constituent un petit fond il on sait qu’ils sont loin de constituer une de clientèle qui leur permet de vivre, avant qu’il choisit Lyon en 2009 pour ouvrir son clientèle homogène ? qu’arrive la clientèle lyonnaise » explique deuxième restaurant du même nom, dans le Avec 30% des habitants dont l’âge est François Mailhes. quartier Saint-Jean. Alliant cuisine française des Lyonnais possède ces l’explique, c’est tout naturellement et japonaise, il travaille les produits de la compris entre 15 et 29 ans, et d’historiques région et les cuisine avec tout l’art et la une ville jeune, étudiante et cosmopolite. UNE VILLE DE CHOIX POUR LES JEUNES CHEFS La population lyonnaise compte en effet Grâce à sa clientèle, la ville possède d’ailleurs au rendez-vous, puisque les douze également un réel pouvoir d’attractivité couverts de sa minuscule salle de la rue… Photo : Nicolas Villion technique d’un chef japonais. Le succès est Dans son restaurant, le chef Tsuyoshi Arai mêle produit du terroir et art de la cuisine japonaise 20 | G&M n°1 novembre-décembre 2012 Poids économique de la restauration rhônalpine Hypothèses, supputations et autres on-dit ne cessent de vouloir prouver la domination gastronomique lyonnaise au niveau hexagonal. Mais la région est-elle à l’image de sa capitale ? TEXTE ÉTIENNE GUINET U ne chose est sûre : la terre lyonnaise est fertile. De l’étoilé à la restauration rapide, les établissements prennent RHÔNE-ALPES : L’AGROALIMENTAIRE FAIT LA PART BELLE AUX PETITES ENTREPRISES racines. Les chiffres le prouvent. Au delà de Lyon c’est toute la région Rhône-Alpes qui accroît cette culture locale. En l’espace de dix ans, le nombre de restaurants a augmenté de 23%, majeure partie à la restauration rapide. Une étude menée en 2010 par des étudiants de l’Université Lumière Lyon 2, en collaboration avec la CCI, révèle que l’allongement de la distance travail-domicile a accentué le développement de la restauration rapide. En toute logique, cette catégorie de restaurants a explosé dans la région qui compte 5 119 établissements où l’on mange sur le pouce (soit une augmentation de 137% entre 2000 et 2011). La région lyonnaise demeure également une place forte de la gastronomie par son nombre de restaurants étoilés : cinq « 3 étoiles », Infographie : Alexandre Bassette - Priscyllia Canabate 18 « 2 étoiles » et 50 « 1 étoile ». Un palmarès qui place la région Rhône-Alpes en deuxième position derrière l’Ile de France. Un classement presque anecdotique, car la région parisienne est deux fois plus peuplée que son homologue rhônalpine. Un succès qui reste à relativiser pour une capitale de la gastronomie. En termes de services, la restauration représente seulement 3,2% du total rhônalpin. Une bouchée de pain. Concernant l’emploi : en 2011, seuls 29 000 salariés sont recensés dans le secteur de la restauration. En Île-de-France, ils sont 36 000. Une seconde place habituelle pour la région. n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 21 Photos : Priscyllia Canabate Dossier 22 | G&M n°1 novembre-décembre 2012 … « Les Toques Blanches offrent aux chefs des produits, l’engagement du restaurateur demi à l’avance. un retour d’image, qui peut leur être à promouvoir la qualité de la gastronomie UNE ASSOCIATION DE GASTRONOMES président lyonnaise dans la région Rhône-Alpes et de l’association. Cependant, éventuellement l’obtention du titre de n’entre pas qui veut. L’adhésion reste gastronomie en effet soumise à certaines conditions : nos gages de qualité », détaille Laurent continue de faire rayonner Lyon, c’est aussi être par exemple parrainé par au moins Bouvier. parce qu’elle est la seule ville qui a réussi deux à fédérer des cuisiniers. L’association des verrouiller davantage cette année, suite Toques Blanches lyonnaises, qui existe aux critiques que nous avons reçues, en depuis 1936 rassemble ainsi 90 chefs particulier concernant quelques-uns de au sein les associations de gastronomes nos partenaires, ou sur le fait que certains lyonnais, « C’est un cas unique en France. Même à chefs des Toques Blanches retournaient rassemblent également les cuisiniers. Paris ils n’ont pas réussi à s’entendre. Cela leurs vestes », explique Laurent Bouvier. Le Parmi elles, les Gueules de Lyon, une contribue à montrer que Lyon reste une partenariat entre l’association et le groupe association « de copains » qui comprend place forte sur le plan gastronomique » d’agroalimentaire neuf chefs. Ensemble, ils pratiquent la précise François Mailhes. En s’appuyant sur notamment suscité de vives réactions. bistronomie, un terme issu de la contraction ses partenariats (l’association en compte Aujourd’hui l’heure est d’ailleurs au démenti de deux mots : bistrot et gastronomie. Le une trentaine), les Toques Blanches sont à pour les Toques Blanches. À l’occasion de concept, une ambiance et un décor moins l’initiative de nombreuses manifestations à sa prochaine Assemblée Générale au mois guindés Lyon et dans sa région, qui lui offrent une de janvier, l’association sortira une Charte gastronomiques, mais avec des produits Si aujourd’hui encore la membres. « Nous Brake tentons France, de avait certaine visibilité médiatique : évènements DES CONCEPTS INÉDITS d’autres, que dans moins les médiatiques, établissements plus simples et dont la qualité se veut culinaires, sportifs, culturels, etc. De quoi les adhérents. « Cette charte intègre des équivalente dans l’assiette, et à des prix convaincre les professionnels du secteur. notions primordiales, comme la traçabilité surtout plus abordables. Les Gueules… 3 QUESTIONS À THOMAS PONSON « Il faut savoir se remettre en question » Membre des Gueules de Lyon, Que pensez-vous de l’offre à Lyon Thomas Ponson est propriétaire concernant la cuisine du Monde ? de quatre établissements (“Restaurant, Il commence à y avoir un beau panel, mais Comptoir“, “Café“, “Cantinetta“) rue je pense qu’il y a encore du travail pour Laurencin, dans le 2 arrondissement arriver au niveau des grandes villes euro- de Lyon. péennes. A Barcelone, Madrid ou en Italie e par exemple, tout bouge beaucoup, il y a Pourquoi avoir choisi d’ouvrir quatre vraiment des concepts innovants. établissements avec quatre concepts À Lyon, on est encore un peu limité au différents dans la même rue ? niveau des choix, mais aussi sur le plan Cela s’est fait naturellement, ce n’était qualitatif. Cela arrive petit à petit, mais pas prévu. J’ai ouvert le “Restaurant là-dessus nous avons un peu de retard. Je Thomas“ il y a dix ans. A l’époque, j’étais pense que cela est valable pour la plupart seul avec une serveuse. Cinq ans plus des styles de restaurants. Au niveau des tard, j’ai ouvert “Le Comptoir“, juste en cuisiniers en revanche, il y a de plus en plus face. Beaucoup plus orienté sur les vins, de jeunes chefs qui montent en puissance, avec une nouvelle façon de cuisiner : et je trouve que c’est une très bonne nous travaillons surtout le produit brut, chose. à la plancha. Ce concept répondait à de réelles attentes de la clientèle. Lyon peut-elle toujours être considérée Au Restaurant, nous faisons de la cuisine comme la capitale de la gastronomie ? me rends compte que dans les grandes ne faut pas trop se reposer sur ses lauriers, villes, et notamment à Lyon, il y a des et essayer d’être toujours innovant. Nous gens qui voyagent beaucoup, et qui ont ne sommes pas à la traine, mais il faut envie de plus de modernité. savoir se remettre en question. Photo : thvallier traditionnelle dans un décor classique. Je n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 23 Dossier Confluence au ralenti L pas marché comme nous l’espérions. Nous avons une clientèle de présente une vingtaine de points de vente de nourriture, bureau le midi qui mange des steak-frites, et quelques familles le cafés, snacks et restaurants confondus. La plupart sont soir... Ce n’est pas notre concept », déplore-t-il. Il faut dire que le rassemblés sur un étage à ciel ouvert. “Razowsky“, “Le Palais du restaurant travaille avec 90 % de produits frais. Mais à quoi s’attendait le chef d’origine mexicaine, passé par l’institut Paul Bocuse, aux concepts parisiens, franchisés depuis peu, et à la cuisine du en s’installant dans un centre commercial ? En pleine mutation, le menu lyonnais. Saucisson pistaché, rognons de veau, poire pochée François Mailhes : « à la Beaujolaise se retrouvent ainsi sur la carte du “Zinc-Zinc“. une vraie population qui ira au restaurant. Pour l’heure, ce n’est Dans ce tout nouveau quartier, modernité et diversité sont les pas réalisable. Il y a une clientèle de bureau, point. » Ce dernier principaux mots d’ordre. insiste même : « Un bémol cependant, et pas des moindres. A midi et demi, heure médiocre. C’est une logique industrielle comme à la Part Dieu ». du déjeuner, les restaurants sont presque vides. Dans ce centre qui Du côté du “Palais du fruit“, le directeur Tristan Songy se montre se veut une version chic de la Part Dieu, les seuls à faire le plein plus optimiste : « Dans quelque temps, je suis sûr que les gens sont les établissements de restauration rapide (“McDonald’s“, temps de s’habituer en vogue cuisine asiatique, représentée ici par “Woko“ et “Sushi son restaurant subit désormais le calme de l’après-saison estivale. Shop“, attire également les clients. Laurent Bouvier, qui dans le quartier aime manger au “Purple“, Mais pourquoi si peu de monde ailleurs ? Diego Garcia Victor, chef reste « cuisinier du “Zinc-Zinc“, ne cache pas sa déception : « Cela n’a Attendons de voir. Photo : Maxime Lelong “Subway“) et certaines chaines comme “Hippopotamus“. La très 24 | G&M n°1 novembre-décembre 2012 ». ÉVÉNEMENTS INCONTOURNABLES SIRHA - SALON MONDIAL RESTAURATION & HÔTELLERIE Seul salon du monde ouvert à tous les types de restauration Du 26 au 30 janvier 2013 Réservé aux professionnels Photo : Priscyllia Canabate Eurexpo SALON DES VINS ET DE LA GASTRONOMIE Cours de cuisine proposés par l’Atelier des Chefs 80 exposants Tous les ans en octobre Les produits lyonnais servent d’inspiration à la création de plats originaux Eurexpo … de Lyon sont également à l’origine d’un entrée, concept inédit en France : celui des duels cependant : composer chaque plat à partir culinaires. Ramené du Canada par l’un des de deux mots, choisis par chacun des SALON MER & VIGNE ET GASTRONOMIE membres de l’association, Thomas Ponson deux adversaires. Au fur et à mesure de la Première édition en 1996. et adapté à la sauce « Gueules de Lyon », dégustation, les clients votent pour le plat Une soixantaine de producteurs, le principe est simple : le temps d’une qu’ils préfèrent. éleveurs et viticulteurs proposent soirée, deux chefs s’affrontent autour de la Si au niveau national, Lyon parvient donc des dégustations : vins, produits du préparation de quatre plats (amuse bouche, à garder de façon légitime son titre de terroir, de la mer, fromage, charcuterie, capitale de la gastronomie, il est cependant chocolat, foie gras moins sûr que cela s’applique à plus grande Tous les ans en octobre Le réseau des délices plat, dessert). Une condition échelle. Même si elle constitue la deuxième métropole française, Lyon reste bien loin L’Embarcadère C’est à l’initiative de la ville de Lyon de certaines des villes les plus peuplées qu’est né en septembre 2007 le de la planète, comme le précise François Réseau Délices. Ses objectifs, encou- Mailhes : « À New York, on trouve absolument TROPHÉES DE LA GASTRONOMIE ET DES VINS rager les échanges entre cuisiniers, de tout. On peut très bien manger français, Organisée par le Progrès, en partenariat et faire de la gastronomie un outil de américain, pakistanais. Toutes les cuisines avec les Toques Blanches promotion pour les villes. Aujourd’hui, locales sont représentées, en raison du Tous les ans à l’automne le réseau regroupe une vingtaine de fort communautarisme qui règne dans villes du monde entier, d’Europe, cette ville ». Tokyo, où s’exprime tout l’art mais aussi des États-Unis, du Canada, de la cuisine japonaise, peut également se d’Asie, ou encore d’Amérique latine. présenter comme une concurrente sérieuse. Chaque année, au moins trois évène- Pour Lyon, pas de quoi rougir toutefois. Car Palais de la Bourse ments sont organisés dans trois de ces villes membres. L’occasion pour elles face à ces villes monde, elle continue de promouvoir leurs actions en matière incontestablement de jouer dans la cour de gastronomie. des grands. n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 25 Focus L’innovation débarque Grandes maisons, grands chefs, bouchons. Lyon possède son identité culinaire. Photo : Alexandre Bassette Pourtant, certains misent sur de nouveaux concepts pour pérenniser leur activité. TEXTE FLORA CHADUC L La maison Chorliet a pris un virage en créant son premier resto-boutique e restaurant de Lionel Fourcade ne choses originales pour réussir. « Lyon est propose qu’un produit : l’huître de déjà dotée d’un réseau de restaurants très Cancale. Mais ce n’est pas sa seule dense. Pour sortir du lot et parvenir à se Maintenant, il y a le choix entre quatre particularité. “La cabane à huître du curé“ faire une clientèle, c’est inévitable : il faut menus chaque mois, et le client réalise ouverte depuis le 30 octobre ne durera pas. innover. Je constate aussi que les gens sont entrée-plat-dessert de la formule qu’il Restaurant éphémère, il fermera ses portes de plus en plus attentifs à la qualité. Revenir choisit. Les recettes sont par ailleurs plus à des produits et des plats simples, mais de techniques, car les gens les trouvaient de l’avoir inventé : « C’est une idée anglo- grande qualité est également l’une des clés trop simples. On a donc évolué et on s’est saxonne. Il y a beaucoup de restaurants de la réussite en ce moment. » Pourtant, la adapté. » éphémères, à New-York notamment. » capitale des Gaules reste ancrée dans les L’innovation À Lyon, il s’agit pourtant d’une innovation, traditions et les restaurants à concept ne nouveaux arrivants. La “maison Chorliet“, bien que le gérant insiste pour ne pas la sont pas légion : « Je rêve que Lyon soit traiteur à Lyon depuis 1913, a innové à considérer comme telle : « Les personnes aussi dynamique que des villes comme l’occasion de ses 100 ans en créant un resto- qui travaillent à la montagne ont des Bruxelles ou Berlin avec des restos hybrides, boutique. L’idée : proposer des produits de restaurants éphémères sur une période très poussés en terme de décoration, qui traiteur en portion individuelle à emporter précise, de telle date à telle date. Ici, c’est font à la fois boutique, librairie, etc. » ou à déguster sur place. Derrière ce une grande ville et on ne vit pas au rythme les clients s’y perdaient, explique Alexandre n’est pas réservée aux concept se cache un constat récurrent : les S’ADAPTER AUX NOUVELLES DEMANDES gens ont de moins en moins de temps pour ça paraît novateur. Et justement, ça peut permettre aussi de recaler la saisonnalité À Lyon, “Cook and Go“ a été un des du magasin, explique : « Pour pérenniser des produits. Il y a des choses qui ont un symboles de l’innovation. L’enseigne, qui l’entreprise, il faut s’adapter aux demandes goût à un moment donné et différente à propose des cours de cuisine, se crée en d’aujourd’hui. Le temps de repas des une autre période. » 2006, et s’exporte à Paris, Grenoble, Lille, Français se raccourcit, je pense que c’est des saisons. C’est peut-être pour cela que manger. Jérôme Bellet-Chorliet, gérant idées Marseille, et maintenant Manhattan. Mais une orientation différente et adaptée. originales : ce sont les critères de sélection après six ans d’expérience, tout a été Même si le Lyonnais a un peu de mal avec du site My Little Lyon pour conseiller repensé pour satisfaire les demandes de le changement, on sent que le concept les internautes. Laurence Guilloud, la plus en plus pointues des clients. « Avant, plaît, que les gens adhèrent. On n’est pas responsable, pense qu’il faut proposer des il y avait beaucoup de recettes proposées, en décalage, on est adapté à l’époque. » Les concepts novateurs, 26 | G&M n°1 novembre-décembre 2012 les Enquête Tourisme La cuisine pour atout Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1998, Lyon est une destination touristique très prisée. Histoire riche, géographie avantageuse, Photo : Flurrysmoke large panel culturel, mais aussi gastronomie authentique. Malgré tout, y existe-t-il un tourisme culinaire ? TEXTE MAXIME AUTECHAUD Les Bocuse d’Or : une aubaine Tous les deux ans, la ville de Lyon accueille le plus grand rassemblement mondial dans le cadre de la gastronomie : le SIRHA. En point d’orgue depuis 1987 : le concours des Bocuse d’Or, qui se tiendra les 29 et 30 janvier prochain. Le prix, considéré comme le plus prestigieux que puisse recevoir un chef, rassemble de la planète qui feront des pieds et des mains pour obtenir le précieux sésame. Un même menu, plus de cinq heures de préparation devant une enceinte d’environ 8 000 personnes… Une foule hétéroclite qui comprend les délégations de chaque pays. Point culminant dans la sphère de la gastronomie mondiale, ce concours donne une visibilité certaine et permet un rayonnement sur les cinq continents. Même si les premières places sont accaparées par l’Europe de l’Ouest et les pays scandinaves, l’évènement n’en reste pas moins une manière de faire découvrir la ville au monde entier. F La rue mercière, vitrine de la gastronomie à Lyon ville de Lyon est un paradis L’AFFLUENCE NE CESSE D’AUGMENTER pour les amateurs de bonne En 2011, la ville de Lyon enregistrait bouffe. un orce est de constater que la Selon Pierre Orsi, demi-million de visiteurs, dont chef étoilé lyonnais : « La culture de la bonne chair remonte à bien avant Paul dénombre Bocuse, avec toutes les Mères qui ont Espagnols, grandement contribué à l’évolution de Canadiens. Mais les Japonais prennent cette gastronomie. » Les chefs lyonnais une place de plus en plus importante. se sont d’ailleurs toujours bien exportés La raison ? La notoriété de Bocuse, à travers le pays. Pour les plus connus, encore et toujours, qui a récemment la maison Troisgros à Roanne, Anne- ouvert plusieurs brasseries au Japon. « Il Sophie Pic à Valence ou Fernand Point n’est pas rare que les tours opérateurs et sa Pyramide qui ont fait la renommée organisent des visites dans l’Hexagone et de la ville de Vienne. Ces trois chefs sont prévoient deux ou trois jours pour visiter considérés comme les ambassadeurs de Lyon et sa gastronomie la gastronomie en France. Désormais, Colombero, une majorité Américains, membre d’Allemands, Italiens des et disciples s’ils vivent dans l’ombre du maître Paul Bocuse, ils n’en restent pas moins des Thenet, directrice de la promotion de références dans le milieu. Lyon, il existe bien un tourisme culinaire Car il est aujourd’hui impossible de parler à Lyon. « Les principales activités sont les de cuisine à Lyon sans évoquer Paul repas dans les restaurants, les cours de Bocuse. Celui-ci conserve trois étoiles cuisine, les visites guidées des Halles de Lyon, et les balades au marché. » Pour record ! Devenue une vraie marque, sa ce faire, la ville participe à des salons, notoriété est telle, qu’elle rejaillit sur la organise des conférences de presse à l’étranger, met en place des opérations le domaine de la gastronomie, le SIRHA, de street marketing en Europe, etc. Salon Mondial Restauration et Hôtellerie, Mais si tourisme culinaire il y a, c’est en prend place, tous les deux ans à Eurexpo, grande partie grâce aux bouchons, que en janvier (lire encadré). les visiteurs demandent spontanément… n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 27 dans mon établissement. » La notoriété de INSOLITE CULINAIRE Le bouchon a le vent en poupe. Une la cuisine lyonnaise au-delà des frontières intéressés. Pour Yves Rivoiron, gérant du Seule fausse note, l’absence d’aides de “Café des Fédérations“ la ville. Alors oui, il existe bel et bien visiteurs étrangers ne cesse d’augmenter. un tourisme culinaire à Lyon, mais il Et pour cause, l’authenticité de ces reste sous-exploité. Malgré un énorme tavernes lyonnaises éveille la curiosité potentiel, les institutions ne semblent pas qu’est-ce qu’un food truck ? Ce sont des médias étrangers. « L’an dernier, j’ai prendre la mesure du marché. Si bien que ces camions garés sur les trottoirs reçu près de treize chaines de télévision certains doivent mettre la main à la pâte qui vous proposent de la nourriture à étrangères venues tourner un reportage pour combler ce manque… emporter. Visible exclusivement dans « Une carte à jouer » Les food-truck s’installent la capitale, il est désormais possible de tenter l’expérience avec de goûteux mets libanais proposés par l’Aklé. Dégustez tous les délices de Beyrouth TEXTE GUILLAUME BERNILLON En juin dernier, une petite révolution a Quant au choix de Lyon, il ne doit rien eu lieu dans le monde gastronomique au hasard : « Ce n’est pas tant que nous lyonnais : la possibilité de dîner tout en sommes Lyonnais que parce que la ville visitant la ville. Avec le Trolley des Lumières, s’y prête, de par sa cuisine surprenante, Elisabeth Gardien et Romain Garnier qu’on ne trouve qu’ici, la République… Si vous arrivez à le trouver ! Ce restaurant nomade se gare chaque jour sur un des marchés de la ville. Pour le localiser, rendez-vous sur notre site internet. Gardien, avant d’avancer que, ce concept L’as des écaillers culinaire de la ville. Rencontre avec la code développer le tourisme gastronomique. C’est au mois de janvier dernier que Depuis que nous sommes là, ils ont le lyonnais Bruno Thevenin est devenu remarqué qu’il y avait quelque chose à vice-champion du monde des écaillers. un repas composé de spécialités faire sur ce point. » Il faut dire que l’offre L’objectif de ce concours, réaliser et de la ville. Telle est l’idée de actuelle est limitée et la co-gérante du présenter le plus beau plateau de fruits Romain Garnier à son retour d’Australie. Trolley, issue du milieu du tourisme, le de mer, pour une dizaine de personnes. Après avoir découvert (et travaillé) dans déplore : « Il y a de gros atouts culinaires à Les participants ont ainsi ouvert quatre un tramway de Melbourne qui propose un Lyon. Mais ce ne sont pas que la quenelle douzaines d’huîtres, préparé cinq service de restauration à bord, il décide et le tablier de sapeur. C’est avant tout une douzaines de coquillages et décortiqué d’adapter le concept à Lyon. Il s’associe cuisine qui sait sublimer tous les produits une trentaine de crevettes chacun. à Elizabeth Gardien pour se lancer dans régionaux, et là-dessus il y a un gros travail Formé auprès des professionnels des cette aventure, qui ne se construira pas de communication à réaliser. » Halles, et passé par de grandes maisons en un jour ! « Il nous a fallu plus d’une En attendant de voir émerger de nouvelles (le Bistrot de Lyon, la Coupole à Paris), année de démarches administratives pour idées, comme des circuits gastronomiques Bruno Thevenin possède un bar à fruits avoir l’autorisation de faire rouler cette à travers les quartiers de Lyon, Elisabeth de mer dans le centre de Tassin-la-Demi- gérante de ce concept unique en France. D écouvrir Lyon tout en dégustant voiture restaurant », Lune. Il faut dire qu’aucune structure du genre n’existait jusqu’à présent dans l’Hexagone. touristique pour la ville. Cuisine sexiste Diversité culinaire, peut-être, mais pour ce qui est de la parité, la copie est à revoir. Lyon ne compte aucune femme chef. Même Anne-Sophie Pic, qui s’est formée dans la capitale de la Photo : Service Spécial gastronomie s’est ensuite envolée vers A bord du Trolley des Lumières le long de la Saône 28 | G&M n°1 novembre-décembre 2012 de nouveaux horizons. C’est Paris qui, en France, en accueille le plus grand nombre. Rougui Dia, Hélène Darroze, Ghislaine Arabian, et Adeline Grattard comptent parmi elles. So Lyon La Guerre des bouchons aura bien lieu Avec la multiplication des appellations, clients et restaurateurs sont pris entre deux feux : les bouchons Photo : Priscyllia Canabate authentiques et les officiels. TEXTE JULIE MORISOD L’ambiance convivale des bouchons cache une «bataille» de renomée J usqu’à maintenant, seul Pierre Grison, La fronde peut commencer. En réaction, pour Yves Rivoiron, gérant du “Café des l’ancien critique gastronomique du Pierre Grison qui avait arrêté ses actions Fédérations“. Progrès, avait fait des bouchons son en 2002, sort aujourd’hui un nouveau Par ailleurs, les associations fonctionnent Guide des bouchons fait à la va-vite. différemment. Tandis que chez Pierre cheval de bataille. En créant en 1997 une Bouchons Pas Grison on est copain, il faut débourser une l’ex-journaliste placarde sûr que tous soient recommandables », somme avoisinant les 700 euros pour un Authentique association de Défense des lyonnais, bouchon assure un autre critique gastronomique, kit de promotion, sans compter l’adhésion lyonnais aux établissements dignes de ce Jean-François Mesplède, qui ne recense annuelle nom. Le but ? Distinguer les faux des vrais que sept bouchons dans son guide Lyon bouchons. Selon lui, le restaurant typique Restaurants. Pour contrer l’action de la aujourd’hui loin de faire l’unanimité. lyonnais l’appellation doit proposer d’espérer recevoir le cuisine CCI de Lyon, Pierre Grison argue de son Yves Rivoiron s’étonne encore de voir familiale et populaire à bases d’abats, de ancienneté. Il a prévenu le membre des les Toques Blanches « s’accaparer les cochonnailles et d’autres lyonnaiseries. Toques Blanches. Sans réponse. bouchons. » Le patron de l’établissement Les vins de la Région doivent être servis Que ce soit chez Pierre Grison, ou historique voit l’orage gronder : « Ils sont en pot. S’ajoutent à ces critères : déco Christophe retrouve en train de monter deux clans, ça va être typique, des critères semblables : qualité des la guerre des bouchons, moi je ne veux serviettes à une avant carreaux voire Marguin, ambiance on saucissons pendus. Sans oublier un patron produits, charismatique présent en salle. Mais le problème vient avant tout de conviviale, etc. Seulement voilà. Depuis cet été, la a rien du tout. » D’autres restaurateurs se sentent contraints d’adhérer à l’initiative Commission touristique de la CCI de Lyon, du représentée par l’ancien président des journaliste à établissement soit relégué au rang de Toques Blanches, Christophe Marguin, Tribune de Lyon : « Le bouchon lyonnais cuisine lyonnaise dans le prochain guide et Only Lyon tourisme, entrent dans la est un postulat un peu faux au départ. On bataille et lancent un label bouchon a mis en musée certaines recettes, mais que tous n’adhèreront pas, un bouchon lyonnais. Il devait être décerné le 30 avant on faisait toutes sortes de plats non labélisé ne sera pas synonyme novembre à 17 restaurants. dans les bouchons. » Édicter une charte de bouchon à éviter. À l’image d’Yves Une façon bouchon. Pour critique François Mailhes, gastronomique sérieuse : « Un argument touristique », n’était qu’une appellation. selon lui. Carrément « une fumisterie » de la commission, de peur que leur ne pas avoir besoin d’un label pour attirer la clientèle. » n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 29 Arrière - cuisine La cuisine perso de Luc Minaire Aux commandes depuis neuf ans du bouchon “le Musée“, Luc Minaire. Boulanger de métier, il anime la maison, entre service et histoire. À chaque fin de repas, les convives sont invités Photo : Etienne Guinet à finir leur verre dans la traboule abritant l’établissement. Au menu : anecdotes et calembours à propos de la cité des gones, clin d’oeil paradoxal pour ce patron stéphanois. Le restaurant est situé à côté du musée de l’imprimerie TEXTE ETIENNE GUINET N de comme une invitation à connaître son l’imprimerie et l’église Saint voisin et se sentir chez soi. À la manière de UNE CUISINE LYONNAISE FRANÇAISE Nizier, le Musée ne paie l’Académie Gourmande, et des Amicales Décoration et ambiance mises de côté, il pas de mine. Ce restaurant, de gueule, des associations qui, jadis faut maintenant choisir quoi manger. Pour Bouchon lyonnais, ne ressemble proposaient à une gent masculine, dans les passionnés de lecture, mieux vaut ne pas des arrière-salles, de conserver le caractère attendre la carte. Les mets sont annoncés à d’intimité pour célébrer le culte du bien- l’oral avec une pincée d’humour, pour rendre manger. « Le plus beau compliment c’est le choix plus corsé, mais plus alléchant. quand les gens me disent, qu’ils se sentent Andouillette, tripes, rognons, joue de porc, comme à la maison », précise Luc Minaire. mais aussi canard et escargots. “Le Musée“ bourlingue à travers la France et ses pays “Au Musée“, pas de politique, pas de grands est un bouchon lyonnais, mais il en faut limitrophes. Belgique, discours, ni aucune prétention à montrer de pour toutes les régions. Rien ne sert de Suisse… Et se pose entre Rhône et Saône. l’esprit. Ce n’est pas le genre de la maison. se cantonner à la cuisine lyonnaise. « Il y a Après dix ans à la tête d’une boulangerie L’unique affaire est de bien dîner. « Un jour, quelques jours, on a préparé de la cervelle à Saint Cyr au Mont d’Or, il achète un des généraux de la grande muette ont d’agneau au beurre, citron et câpres, dite restaurant : “Le Musée“. Un établissement mangé avec des gens d’extrême-gauche, à la grenobloise. Pourquoi grenobloise ? vieux de 300 ans. L’intérieur s’est imprégné en buvant des canons toute la soirée. Mon Car du temps où l’Isère était navigable, la du parfum d’antan. Fresque monastique, restaurant se rapproche du bistrot du village marchandise de poisson était parfumée au banquettes où tout le monde venait se rencontrer, où la citron et aux câpres pour dissimuler l’odeur prostituée mangeait avec le juge. » d’ammoniac. Dans un bouchon, on s’imagine oyé entre la galerie pourtant à aucun autre. UN REPAS POUR LES GASTROLÂTRES Haute-Savoie, de moleskine, nappes à carreaux, disposition familiale des tables ; 30 | G&M n°1 novembre-décembre 2012 Photo : Etienne Guinet Luc Minaire entouré de l’équipe du Musée ne manger que des tripes, mais à l’origine CLOU DU SPECTACLE à l’Oustau de Baumanière, Nicolas et sa il y avait deux sortes de restaurants: les Attendu comme la surprise du chef, Luc compagne ne tarissent pas d’éloge sur le tripiers et les bouchons. Dans les bouchons Minaire propose à ses convives un cours festin, moins sur la visite, « nous sommes la cuisine était très variée. » d’histoire en plein coeur de la traboule venus sur les conseils d’un ami. J’avais À l’image d’un véritable musée, tout est du musée de l’Imprimerie. Un monologue entendu parler de la traboule. Le tout est enrichissant, mais c’est compliqué de source de respect et de découverte avec les qui s’improvise guide vit chaque visite de Luc d’étrangers sont venus s’asseoir à ses tables. façon unique. « Je partage ce moment Minaire se défend toujours avec humour : Une occasion pour découvrir, à chaque fois, différemment « C’est l’accent du restaurateur fatigué ». le vrai visage de la cuisine française. « Les Certains vont rire, d’autres seulement Avec 80 couverts par jour en moyenne, étrangers qui viennent manger en France écouter. » “Le Musée“ ne manque pas de visites. imaginent qu’il y a des codes. À cause, Éplucher les pommes de terre, sortir les notamment, du cinéma américain qui prône poubelles, faire la plonge, le service, la bonne cuillère, la bonne fourchette. c’est vivant perdre l’atmosphère cosy et familiale qui Et quand je viens les voir en parlant un anglais cette leçon d’histoire comme le moment fait le succès de ce bouchon, était trop un peu bizarre, leur demandant comment ils qu’il affectionne le plus dans son métier. grande. L’important demeurait de garder vont, ils prennent conscience du contact. « J’arrive même à rire de mes propres une extrême attention aux plats. Car l’art On pousse la table pour être à côté du voisin blagues », s’amuse-t-il. culinaire à Lyon est encore loin d’être Venus pour la première fois déguster les un art mineur. N’est-ce pas monsieur recettes du chef de cuisine Loïc, formé Minaire ? verre de gnôle tous ensemble. » un avec patron chaque personne. touche-à-tout d’agrandir son restaurant. Mais la peur de n°1 novembre-décembre 2012 G&M | 31 Jeu quiz CONCOCTÉ PAR GUILLAUME BERNILLON ET ETIENNE GUINET LE TABLIER DE SAPEUR EST UN PLAT CÉLÈBRE POUR SON NOM. MAIS DE QUOI EST-IL COMPOSÉ ? A Une tarte à la praline A Tripes marinées dans du vin, puis et des papillottes panées et frites © Editions Albert René / Gosciny - Uderzo 1 QU’EST-CE QU’ACHÈTENT ASTERIX ET OBÉLIX À LUGDUNUM DANS « LE TOUR DE GAULE » ? B De la cervelle de canut et des cardons C Du saucisson et des quenelles COMBIEN DE RESTAURANTS GRAND LYONNAIS POSSÈDENT 2 ÉTOILES OU PLUS ? A3 4 B4 C5 7 B 51 cl. C 55 cl. au vin et vinaigre C VOUS TERMINEZ LA LECTURE DE GÔNE & MÂCHON. LE GÔNE EST LE MOT POUR QUALIFIER UN ENFANT À LYON, MAIS QU’EST-CE QU’UN MÂCHON ? A Un repas traditionnel matinal C Une brioche parfumée 3 A Le magret de canard B Les moules-frites C Le couscous A PARTIR DE QUELLE DATE LE BEAUJOLAIS NOUVEAU EST-IL MIS EN VENTE DANS LE MONDE ENTIER ? 5 B Une spécialité à base de fromage blanc LE POT LYONNAIS EST UNE BOUTEILLE AVEC UN CUL TRÈS ÉPAIS. QUELLE EST SA CONTENANCE ? A 46 cl. 2 B Tranche de foie cuite puis mouillée SELON UN SONDAGE TNS SOFRÈS PUBLIÉ EN OCTOBRE 2011, QUEL EST LE PLAT PRÉFÉRÉ DES FRANÇAIS ? A 6 B Le troisième jeudi de novembre C Le premier jeudi de décembre LA TOQUE EST UN ACCESSOIRE INDISPENSABLE DE TOUT GRAND CHEF CUISINIER. MAIS QUE SONT LES « TOQUES » À LYON ? LEQUEL DE CES GUIDES GASTRONOMIQUES N’EXISTE PAS ? : A 8 9 B C A Le bottin gourmand B Les tables de France C Le guide Hubert Réponses Retrouvez des explications aux réponses sur 6A 3A 5A 2B 4B 1C 9B 8B 7A 32 | G&M n°1 novembre-décembre 2012