Analyses parues dans le Monde du 19
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Analyses parues dans le Monde du 19
6 | france 0123 SAMEDI 19 DÉCEMBRE 2015 Le jeu des électeurs d’un tour à l’autre Reports de voix, abstention: «Le Monde» présente une étude affinée des résultats des élections régionales U ne semaine après le résultat des élections régionales des 6 et 13 décembre, des questions demeurent pour qui veut analyser en détail ce scrutin « sans vainqueur ni vaincu », comme nous l’écrivions au lende main du second tour. Dans quelle mesure le front républicain atil été efficace dans le NordPasde CalaisPicardie et en ProvenceAl pesCôte d’Azur? En IledeFrance, Valérie Pécresse atelle vraiment gagné grâce aux voix du Front na tional ? Comment se sont com portés les abstentionnistes du premier tour qui se sont décidés à aller voter? Autant de questions auxquelles la société de conseil électoral Liegey Muller Pons (LMP) tente de répondre dans les analyses que nous présentons en exclusivité. Pour Le Monde, la société s’est penchée sur les résultats des élec tions régionales, offrant une ana lyse affinée de leurs enseigne ments grâce à une méthode algo rithmique élaborée. Un report de 82 % des électeurs PS vers Xavier Bertrand L’ana lyse de LMP confirme ce que le ré sultat des urnes a montré : le front républicain est efficace pour contrer le Front national. Dans le NordPasdeCalaisPicar die (NPDCP) et en ProvenceAlpes Côted’Azur (PACA), les électeurs socialistes du premier tour se sont massivement reportés sur la droite, après le retrait de leur can didat. Cela est surtout vrai dans le NPDCP puisque 82,2 % des élec MÉTHODOLOGIE Si les analyses électorales que nous présentons se fondent sur les résultats concrets du scrutin des régionales, elles restent toutefois des estimations à prendre avec précaution. Elles ont été établies par la société en conseil électoral Liegey Muller Pons, à partir d’un modèle mathématique développé en 1997 par un professeur de science politique à l’université Harvard. Les résultats des élections ont été examinés commune par commune et permettent, grâce à un « algorithme statistique », d’établir des « trajectoires de votes » sur le comportement des électeurs entre les deux tours. Le détail de la méthode utilisée est disponible sur Lemonde.fr. Si le FN ne fait plus le plein dès le premier tour, il dispose en revanche d’une réserve de voix au second teurs PS ont voté pour Xavier Ber trand (qui est passé de 24,9 % à 57,7 % des suffrages), contre 58,9 % pour Christian Estrosi (passé de 26,4 % à 54,7 %). Le mou vement est moins important pour les autres voix de gauche (parti écologiste et Front de gauche) qui se sont reportées à moins de 50 % sur la droite, dans les deux cas. C’est en PACA que le regain de participation a été le plus impor tant : 51 % de ceux qui s’étaient abstenus au premier tour sont al lés voter au second, moitié pour la droite, moitié pour le FN. Dans le NPDCP, seuls 30 % de ceux qui s’étaient abstenus se sont décidés à aller voter, à 20 % pour la droite et 10 % pour le FN. Ce qui indique rait que Marion MaréchalLe Pen disposait d’une réserve de voix plus importante que sa tante, Ma rine Le Pen. Un socle immuable de 27,5 % d’abstentionnistes Au niveau national, le regain de participa tion constaté entre les deux tours (49,9 % au premier et 58,4 % au se cond) a également surtout profité à la droite et à la gauche. Si 55,4 % des abstentionnistes du premier tour se sont également abstenus au second, le reste se répartit ainsi: 18,6 % pour la droite, 14,7 % pour la gauche et 11,3 % pour le FN. Cela démontre que le parti d’ex trême droite ne fait plus le plein dès le premier tour mais dispose d’une réserve de voix au second. Cette évolution de la participa tion estelle due à la part des abs tentionnistes qui se sont décidés à aller voter au second tour? Pas seulement. D’après LMP, il y a un « chassécroisé » des électeurs : certains ont voté au premier tour et pas au second, et inversement. Concrètement, 14 % des inscrits n’ont participé qu’au premier tour, 22,5 % qu’au second, et 36 % ont voté aux deux. Ce qui laisse un socle stable de 27,5 % d’absten tionnistes pour les deux tours. Pour Vincent Pons, professeur à Harvard, « ce constat, validé par l’examen des listes d’émargement, souligne l’importance des straté Un abstentionniste du 1er tour sur deux s’est décidé à voter Un socle de 27,5 % d’abstentionnistes COMPORTEMENT DES ABSTENTIONNISTES DU 1ER TOUR AU 2D TOUR, EN % RÉPARTITION DU COMPORTEMENT DES INSCRITS ENTRE LES DEUX TOURS, EN % ont choisit au 2d tour 22,69 millions d’abstentionnistes au 1er tour (50,1% des inscrits) 11,3 % le Front national 14,7 % la gauche 18,6 % la droite 1 er TOUR 2 d TOUR 14 % 22,5 % Abstention 50,1% 27,5 % 22,5 % 14 % 55,4 % de s’abstenir ou de voter blanc ou nul Abstention 41,6% 27,5 % Participation 49,9% Participation 58,4% 36 % 45,3 millions d’inscrits 36 % Le front républicain plus massif en Nord-Pas-de-Calais-Picardie qu’en PACA RÉPARTITION DU REPORT DES VOIX DES ÉLECTEURS PS DU 1ER TOUR AU 2D TOUR, EN % NORD-PAS-DE-CALAIS-PICARDIE PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR 82,2 58,9 % ont voté à droite au 2d tour % ont voté à droite au 2d tour 405 199 voix pour la liste PS au 1er tour (18,1% des inscrits) 11,6 % ont voté blanc et nul 5,5 % se sont abstenus 21,2 % ont voté blanc et nul 294 398 voix pour la liste PS au 1er tour (16,6% des inscrits) 18,6 % se sont abstenus 0,6 % ont voté Front national 1,2 % ont voté Front national SOURCE : LIEGEY MULLER PONS gies de mobilisation ». Les partis politiques ont tout à gagner à en courager les « électeurs intermit tents». Un total de près de 9 millions d’électeurs FN L’autre enseigne ment intéressant de l’entredeux tours des régionales porte sur les électeurs qui ont voté FN. On sa vait déjà que le parti d’extrême droite avait battu un record au soir du second tour, avec 6,82 millions de voix en sa faveur. Selon les estimations de LMP, les électeurs frontistes sont tout aussi mouvants que les absten tionnistes: 2,12 millions auraient voté FN seulement au premier tour, 2,92 millions seulement au second et 3,9 millions au deux. Au total, ce seraient donc 8,94 mil lions d’électeurs qui ont voté FN à au moins un des deux tours : ce résultat relativiserait ainsi la théorie d’un « plafond de verre » auquel se heurterait le parti, lais sant présager, s’il se confirme, un nouveau record électoral de Ma rine Le Pen lors de l’élection prési dentielle en 2017. Les gros plans effectués par les chercheurs sur trois régions (NPDCP, PACA et IledeFrance) permettent également d’en savoir un peu plus sur le comportement des électeurs frontistes. Avec la Corse, la région francilienne est la seule où le FN ne s’est pas conso lidé entre les deux tours: la tête de liste, Wallerand de SaintJust, a même perdu 60000 voix d’un di manche à l’autre. D’après les esti mations de LMP, cellesci se re trouvent en grande partie dans l’abstention mais aussi dans le score de la candidate de droite, Va lérie Pécresse, qui aurait capté 11 % de ces voix. Pour autant, contrai rement à ce qu’avancent les socia listes, elle aurait gagné sans elles, mais son avance sur son adver saire n’aurait alors été que de 0,3 point. Les reports ont aussi concerné le candidat PS, Claude Bartolone, mais de manière beaucoup plus marginale puisque seuls 2 % des électeurs frontistes du premier tour ont voté pour lui au second. L’analyse du comportement des électeurs PS dans les deux autres régions montre que l’imperméa bilité entre le FN et le PS se vérifie aussi dans l’autre sens : seuls 0,6 % des électeurs socialistes du Nord ont voté pour Marine Le Pen au second tour, contre 1,2 % en PACA. La société LMP, qui se targue d’être « la première startup de stratégie électorale en Europe», a été créée par trois hommes, Guillaume Liegey, Arthur Muller et Vincent Pons, qui s’étaient in vestis dans la campagne de Fran çois Hollande en 2012. Depuis, elle s’est développée et propose à des candidats de gauche comme de droite d’accéder à des outils no tamment mathématiques pour cerner le comportement des élec teurs. p hélène bekmezian DenouveauxobstaclesàunecandidatureDufloten2017apparaissent La débâcle des régionales aggrave la situation financière d’Europe EcologieLes Verts et réduit son stock d’élus A u lendemain des régiona les, chacun fait ses comp tes. A Europe EcologieLes Verts, ils sont vite faits. Le parti d’Emmanuelle Cosse n’a obtenu que 66 conseillers régionaux con tre 265 en 2010. Une perte considé rable qui aura des conséquences non seulement financières mais aussi politiques. Car ces élections font un sacré trou dans le stock d’élus EELV et vont compliquer la tâche des écologistes si ces der niers décidaient de présenter un candidat à la présidentielle de 2017. « La question de la candidature se pose avant tout d’un point de vue politique, rappelle Denis Bau pin, député de Paris. Estce qu’il y a un espace pour une candidature écolo alors qu’il y a un risque im portant d’avoir Marine Le Pen au second tour ? C’est cette question qu’il faut se poser. » Pour pouvoir se présenter à une présidentielle, il faut au préalable réunir 500 parrainages que seuls les maires, parlementaires, dépu tés européens, conseillers dépar tementaux et régionaux peuvent donner. Selon les chiffres de la Fé dération des élus verts et écolo gistes (FEVE), qui recense les élus écologistes au sens large et non les seuls encartés à EELV, ces der niers ne sont plus qu’environ 275. Cela ne signifie pas que les éco logistes ne réussiront pas à obte nir les signatures nécessaires à une éventuelle candidature, mais cela rend leur collecte plus com pliquée. Ce qui ne semble pas ef frayer Yves Contassot, l’ancien mandataire financier d’Eva Joly pour la présidentielle de 2012. « Ça demandera du travail, recon naît le conseiller de Paris. Mais je ne me fais aucun souci. Des maires de droite viendront taper à notre porte. On n’ira pas les chercher mais on les aura. » A cela s’ajoute une situation fi nancière bien délicate. Le parti était déjà lourdement endetté avant les régionales. Il doit désor mais compter sans les reverse ments de près de 200 conseillers régionaux, soit 600 000 euros de moins par an pour les finances des régions. Il faut aussi rembour ser les frais de campagnes dans les deux régions où EELV n’a pas fait 5 % et ne peut donc pas prétendre à une aide de l’Etat. « Une campagne à petit budget » Si en BourgogneFrancheComté, ce résultat avait été anticipé, ce n’était pas le cas en NordPasde CalaisPicardie, où EELV, allié au Parti de gauche, a dépensé 350 000 euros. Une souscription lancée au lendemain du premier tour a déjà permis de récolter 140 000 euros, affirme Thierry Brochot, secrétaire départemen tal de Picardie. Mardi, lors d’un bureau exécutif, la direction du parti a réaffirmé sa volonté de vendre rapidement son siège parisien affiché à 3,5 millions d’euros et qui n’a toujours pas trouvé preneur. Des mesures d’économie, pour près de 400 000 euros, ont également été listées qui devront être adoptées par le prochain conseil fédéral d’EELV, les 9 et 10 janvier 2016. Un vote qui s’annonce douloureux : « une baisse de la masse salariale » a en effet été actée. Selon Jacques Boutault, membre de la direction et maire du 2e arrondissement de Paris, « le licenciement d’un tiers des salariés » sur les 16 qui tra vaillent au siège est « sur la table ». La direction ne semble cepen dant pas inquiète sur la capacité fi nancière du parti à présenter un candidat en 2017. Son trésorier, Jean Desessard, rappelle que les prétendants qui réussissent à réu nir les 500 signatures et qui font moins de 5 % des voix peuvent ob tenir le remboursement de leurs frais à hauteur de 800 000 euros. « Mais ça veut dire que la campa gne devra se limiter au plafond de remboursement, note M. Boutault. Ce devra être une campagne à petit budget. » Pas de quoi faire les affaires de Cécile Duflot. Depuis plusieurs mois, l’exministre du logement indique se préparer à l’éventua lité d’une candidature. Elle l’a re dit mardi 15 décembre dans un entretien au Monde. Reste que dans les sondages, à dixsept mois de l’échéance, sa candida ture ne décolle pas. Dans une étude TNS Sofres pour Le Figaro parue mercredi, l’exministre du logement est toujours donnée à 3 %. A peine mieux qu’Eva Joly qui avait réuni 2,31 % des voix en 2012. Après avoir quitté avec fracas le gouvernement en 2014, Mme Du flot tend désormais la main à François Hollande en condition nant sa présence en 2017 à la mise en place d’une « coalition de transformation » alliant socialis tes, écologistes et communistes. « C’est la dernière occasion que le président de la République a pour infléchir le message, explique Da vid Cormand, numéro deux d’EELV. Soit il fait ça, soit le PS de vient le parti de l’accompagne ment qui ne fait que maintenir le système. » p raphaëlle besse desmoulières