A PERDRE LA RAISON Joachim Lafosse, Belgique, France (2012

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A PERDRE LA RAISON Joachim Lafosse, Belgique, France (2012
A PERDRE LA RAISON
Joachim Lafosse, Belgique, France (2012)
A partir de 12 ans
Conseillé pour les 13 ans et plus
Joachim Lafosse est un réalisateur, scénariste et dramaturge belge né en
1975. Il effectue des études de réalisation à l’Institut des arts de diffusion et
se fait connaître avec son court-métrage de fin d’études Tribu, qui remporte
plusieurs prix au Festival de Namur en 2001. Il réalise son premier longmétrage en 2004, Folie privée, qui met en scène une séparation difficile. La
thématique des rapports familiaux et la désintégration des liens sera une
caractéristique centrale de ses films suivants. Ses deux derniers longs, À
perdre la raison et Les Chevaliers blancs, ont été inspirés de faits divers.
FILMOGRAPHIE :
2000 : Égoïste Nature (CM)
2001 : Tribu (CM)
2001 : Scarface (D)
2004 : Folie privée
2006 : Ça rend heureux
2006 : Nue Propriété
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2008 : Élève libre
2012 : À perdre la raison
2015 : Les Chevaliers blancs
TAGS : amour, famille, enfants, foyer, dépression, meurtre
BANDE-ANNONCE : https://www.youtube.com/watch?v=Lc_5grUYAM0
PRIX :
Prix d’interprétation féminine Un Certain Regard au Festival de Cannes 2012
Prix du meilleur réalisateur, Prix du meilleur film, Prix de la meilleure actrice et
Prix du meilleur montage au Magritte du cinéma 2013
SYNOPSIS :
Mounir et Murielle forment un jeune couple amoureux et heureux. Ils décident
de se marier et les enfants arrivent vite. Mais ce qui commence comme une
histoire d’amour se transforme progressivement en un triangle de
dépendances et de dominations chaperonnées par le père adoptif de Mounir,
le très aisé médecin André Pinget, dont la générosité n’est pas sans
exigences. Une atmosphère irrespirable s’installe et pousse Murielle à
commettre l’impensable.
EXTRAIT INTERVIEW AVEC LE RÉALISATEUR :
A propos de la thématique du film…
Ce qui m’a donné fort envie de faire le film, c’est que cette histoire m’offrait la
possibilité de questionner le don et l’altruisme qui se transforment en
perversion, et qui annulent et font perdre toute autonomie. On a tous déjà
reçu un cadeau, qui nous met mal à l’aise, et dont on perçoit qu’il va
engendrer une dette, même implicite. Dans cette histoire, il y a avait ce sujetCopyright © Festival de Cinéma Européen des Arcs – Révélations Culturelles. Toute
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là. Mais il y a plusieurs couches. Derrière ce trio tragique et maléfique, il y a
aussi une possibilité de s’interroger sur le néo-colonialisme. C'est-à-dire cet
homme qui donne, qui soutient, et puis quand les gens qu’il a protégés ont
envie de s’émanciper, de grandir, de se libérer, il ne supporte pas. Et ça, je
trouve que c’est quelque chose de très moderne, de très contemporain. Je
pense qu’on est prêt, pays occidentaux, européens, à aider, mais on est vite
très embêtés quand ça s’émancipe…
A propos des acteurs…
Quand j’avais vu "Un Prophète", j’avais été étonné par l’homosexualité latente
qui s’en dégageait. Et qui convenait à la relation entre les deux personnages
masculins de mon film. J’avais envie de proposer le scénario à Tahar Rahim,
et un autre grand acteur que Niels Arestrup avait accepté, avant de se
rétracter. Tahar m’a alors dit : « allons chercher Niels » ! J’avais un peu peur,
parce que cela pouvait marquer un manque d’originalité, et puis très vite je
me suis dit que non… Que c’était un couple déjà existant qui a une affection
qui va se dégager du film, et que l’histoire est finalement celle d’une femme
qui s’engage dans une relation de couple sans se rendre compte qu’un couple
préexiste déjà au sien… Donc en choisissant ce casting, cela faisait écho au
récit. Le premier jour du tournage, Tahar et Niels sont venus pour me dire que
s’ils étaient moins bons que dans "Un Prophète", la presse allait dire d’eux
que sans Audiard, ils ne servaient à rien… Vous imaginez la pression !
Heureusement, Emilie Dequenne était là pour leur tenir tête. A la deuxième
semaine de tournage, quand Emilie tourne, toute seule, cette scène où elle
conduit et se met à pleurer, je me suis dit « ça y est, c’est bon, elle a attrapé
le personnage. » Pour la première fois de ma carrière, j’ai été parfois
spectateur de mon film, sur le tournage, grâce aux acteurs. Et ça, c’était
magnifique.
(Source – Abus de ciné : http://www.abusdecine.com/interview/a-perdre-laraison)
THÉMATIQUES ET INTERPRÉTATIONS :
À propos du sujet du film :
L’intrigue du film est directement inspirée d’un fait réel survenu en
Belgique concernant un quintuple infanticide commis par une mère vivant une
situation irrespirable. Le fait divers a été depuis toujours une des sources
principales des histoires racontées dans la littérature et dans le cinéma. La
réalité nous confronte souvent à l’inconcevable, devenant ainsi plus forte que
l’imagination. Le réalisateur Joachim Lafosse prétendait avec ce film montrer
comment une personne en apparence normale peut arriver à commettre un
acte si atroce et, de manière plus générale, nous faire réfléchir sur le fait que
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personne n’est à l’abri de tomber dans une obscurité totale qui brouille valeurs
et repères.
Et ils vécurent heureux…
Ici l’accent n’est pas mis sur la rencontre et la cristallisation
amoureuse, tropes souvent abordés dans la fiction, mais sur l’après, la vie
après le mariage et comment ces personnes folles amoureuses bâtissent une
vie commune. La consolidation du couple passe normalement par la
constitution d’un nouveau foyer qui est le lieu de leur indépendance.
C’est cette condition intrinsèque à un couple épanoui qui est ici
transgressée par la présence constante aux côtés des amoureux du père
adoptif de Mounir. Ce médecin aisé qui déambule seul dans le monde est le
bienfaiteur de la famille du jeune homme de longue date et il n’hésite pas à
proposer au nouveau couple de s’installer avec lui afin de leur faciliter les
choses au début. Cependant, bien qu’ils bénéficient d’un confort matériel
certain, le manque d’intimité et de communication, ainsi que l’infantilisation du
couple du fait de leur dépendance matérielle, le rendent vulnérable face à la
domination psychologique, déguisée en générosité, exercée sur eux par le
docteur Pinget. La sphère privée est ainsi envahie par une présence
dérangeante envers laquelle les protagonistes ont l’impression d’avoir une
dette morale, une obligation de lui rendre ce qu’il a fait pour eux en le laissant
prendre part à leur vie.
La question de la normalité de ce triangle se pose lorsque le regard
externe de la psychologue juge malsaine la cohabitation de couple avec le
médecin. Murielle et Mounir ont accepté de vivre dans une configuration
familiale dont ils ont honte, mais dont ils n’arrivent pas à se défaire.
À propos des personnages et de la réalisation :
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Le docteur André Pinget incarne le mythe du bon Samaritain dont la
générosité ne connaît pas de limites. Mais cette figure est renversée puisqu’il
n’est pas sans demander une contrepartie. Sa générosité devient ainsi un
cadeau empoisonné puisqu’il impose au couple sa présence castratrice qui ne
les laisse pas développer pleinement leurs rôles dans l’unité familiale
nouvellement formée. Son personnage fonctionne comme un élément
perturbateur du couple. Il nous apparaît au début du film comme ayant le rôle
dominant dans la relation de dépendance mais peu à peu se révèle avoir
davantage besoin de Mounir et de sa famille qu’eux n’ont besoin de lui.
Mounir est quant à lui un jeune homme submergé par la conscience
de sa dette envers son protecteur, qui l’a sorti du Maroc enfant, lui a donné
une éducation et l’a aidé à se forger un avenir en Belgique. Pendant
longtemps il est incapable de voir l’influence négative d’André sur sa famille
jusqu’à ce que sa femme le lui fait remarquer. Mais il est déjà trop tard, la
dynamique de filiation perverse s’est installée et il sera constamment tiraillé
entre les besoins de sa femme et les reproches muets de Pinget, qu’il ne se
résolut pas à quitter même si objectivement il n’y a aucun besoin de continuer
à vivre sous son aile puisqu’ils ont les moyens financiers de s’émanciper.
Mounir se voit éclipsé par Pinget même dans son rôle de chef de famille,
puisqu’il ne prend aucune décision sans le consulter.
Murielle nous apparaît d’abord comme une femme amoureuse et
débordante de bonheur face à la perspective d’une vie commune avec
Mounir. Mais son mariage va très vite devenir une progressive descente aux
enfers orchestrée par le docteur avec le concours involontaire de Mounir. Ses
désirs et ambitions se voient frustrés et elle est reléguée au rôle de gestatrice
à répétition. Elle s’efface de plus en plus jusqu’à tomber dans une apathie qui
débouchera très vite en une dépression dont même sa psychologue et seule
confidente n’arrive à la faire sortir. Elle incarne une sorte de Médée
contemporaine même si son geste terrible n’est pas une vengeance mais la
seule échappatoire qu’elle trouve à sa situation.
Le triangle que forment les personnages est composé de deux
couples : Mounir et Murielle d’une part et Mounir et André de l’autre. Les
tensions se génèrent dans les intersections. Aux yeux de Murielle, André
représente un opposant dans son désir d’intimité et Murielle représente un
opposant pour André dans ceci qu’elle éloigne Mounir de lui.
Avec l’arrivée des enfants et l’entassement dans l’espace physique
l’ambiance devient de plus en plus oppressante et la maison devient une
prison pour Murielle.
La chronologie de l’histoire repose sur quelques moments
particulièrement marquants pour le couple au cours de quelques années.
Cette condensation montre le cheminement de Murielle à travers de petits
détails qui minent progressivement son équilibre psychologique.
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PISTES DE RÉFLEXION POUR LES ÉLÈVES :
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Est-ce que le propos du réalisateur de faire un film sur un fait divers si
polémique te parait légitime ?
Pourquoi Murielle ne se révolte-t-elle pas avant d’arriver au drame ?
Quel rôle joue la musique dans le film ?
Comment l’image reflète-t-elle l’atmosphère anxiogène ?
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