LE PATRIMOINE IMMOBILIER DES ANNÉES 50 – 70 : de la

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LE PATRIMOINE IMMOBILIER DES ANNÉES 50 – 70 : de la
LE PATRIMOINE
IMMOBILIER DES ANNÉES 50 – 70 :
de la stratégie à l’action.
SAINT-NAZAIRE, les 6 et 7 octobre 2015
ATELIER N°1 « Patrimoine immobilier des années 50-70 et centre-ville »
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PRÉSIDENCE VILLE DE SAINT-NAZAIRE
Laurianne DENIAUD 1re adjointe à l’urbanisme, foncier, logement, citoyenneté, participation des habitants et
politique de la ville – Ville de Saint-Nazaire
Loïc JAUVIN Agence d’urbanisme de Saint-Nazaire (ADDRN)
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INTERVENANTS
Franck ANTICH Agence d’urbanisme de Lorient (Audelor)
Christophe NORAZ Agence d’urbanisme de Saint-Nazaire (ADDRN)
Catherine MARTOS Dunkerque Grand Littoral
Patrice DUNY Agence d’urbanisme de Caen (AUCAME)
Louis HENRY Caisse des Dépôts
Dominique DHERVILLEZ Agence d’Urbanisme du Havre (AURH)
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Loïc JAUVIN
Bienvenue à toutes et à tous. Cet atelier, qui ouvre une série d'ateliers pour ce deuxième colloque Prisme deux ans après
Brest, va se consacrer à la problématique de revitalisation, de renouveau de l'attractivité des centres villes de la
Reconstruction, tel que cela a été évoqué ce matin en plénière. Je suis Loïc Jauvin, je travaille à l'Agence d'urbanisme de la
région nazairienne, je suis urbaniste architecte, mais cet après-midi, mon rôle sera celui d'animateur. Nous accueillerons six
intervenants pour cet atelier présidé par Laurianne Deniaud, première adjointe au maire de Saint-Nazaire, adjointe à
l'urbanisme et qui présentera en introduction les enjeux pour retrouver un nouveau souffle pour ces centres villes de la
Reconstruction.
Laurianne DENIAUD
Merci Loïc. Je suis ravie d'être avec vous cet après-midi et je salue tous les intervenants que je n'ai pas eu le temps de saluer.
Je ferai une courte introduction, car il me semble qu'il sera plus intéressant d'écouter chacun des intervenants et d'avoir ensuite
un échange, ce qui est le propre des ateliers.
Tel que cela a été soulevé par une personne dans la salle ce matin, sur le fait que, au-delà de la problématique des enjeux du
centre-ville qui sont héritiers d'un patrimoine bâti de la Reconstruction des années 50-70, nous sommes en présence d'un
patrimoine vieillissant. C'est à travers ce prisme et peut-être plus largement encore le rôle des villes moyennes reconstruites
dans ces années qui nous interpellent. Globalement, c'est de cette manière que nous avons abordé les choses sur les
questions du patrimoine bâti à Saint-Nazaire et au niveau de l'agglomération. Il est important de le dire, car nos villes
moyennes sont rarement sous le feu des projecteurs et souvent dans l'ombrage des grandes capitales régionales des territoires
métropolitains qui captent une grande part d'attention. Il est opportun de rappeler que les villes moyennes constituent un
maillage extrêmement important pour l'aménagement de notre territoire et de notre communauté de destin, des points
charnières entre l'échelle locale et nationale, qui peuvent en même temps proposer un cadre de vie agréable, de l'emploi – cela
fait aussi partie de l'identité – et du logement de qualité. Ces éléments d'attractivité reposent sur ce rôle charnière entre
l'espace urbain et l'espace rural, sur le rôle de ce maillage territorial avec des villes qui jouent un véritable rôle de ville-centre
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dans un bassin de vie proche, dans une fonction d'offre de services, de qualité d'équipements publics et aussi dans la
multiplicité des fonctions et des usages urbains de leur territoire.
Quel que soit l'enjeu des villes moyennes, il reste de répondre au défi majeur de leur avenir en vitalisant leur développement
économique, en créant de l'emploi tout en préservant les atouts de cadre de vie qui lui permettent aujourd'hui soit de
recommencer à gagner de la population ou de ne pas trop en perdre. Dans ce dynamisme à soutenir, le volet de
renouvellement urbain joue un rôle majeur. Il est important de le resituer ainsi. Comme discuté avec nos collègues élus ce midi,
l'une des grandes problématiques pour les villes moyennes est de parvenir à garder de la population sur nos villes moyennes,
enrayer cette perte de population. Pendant dix ans, Saint-Nazaire n'a cessé de perdre de la population puis nous avons
commencé à en regagner depuis trois ans. Nous sommes très heureux notamment d'avoir pu ouvrir cinq classes à la dernière
rentrée scolaire. Je me suis aperçue en discutant avec mon collègue de Dunkerque que certaines villes moyennes continuent à
perdre de la population de manière extrêmement importante.
Ces enjeux de renouvellement urbain, de revitalisation du centre-ville et de réhabilitation du patrimoine des années 50-70
comme facteur de captation de population pour permettre aux villes-centres et aux villes moyennes de rester attractives et
diffuser un certain nombre de valeurs et d'équipements sur le territoire, se trouvent au cœur des problématiques que nous
avons à traiter cet après-midi.
Loïc JAUVIN
Merci Laurianne pour cette introduction qui redonne de l'altitude par rapport au débat sur la question de ces centres villes et qui
replace le débat sur l'enjeu de leur rénovation, du renouvellement de l'attractivité dans des enjeux d'aménagement du territoire
et pas seulement des enjeux de réhabilitation du patrimoine hérité. Autour de cette question des enjeux, des problématiques,
des stratégies et des méthodes d'intervention sur ces centres villes, nous avons choisi d'illustrer ces approches à travers des
témoignages, des retours d'expérience à travers des réflexions et actions engagées sur différents territoires, en l'occurrence
Dunkerque, Caen, Le Havre, Saint-Nazaire. Ces illustrations constitueront la première partie de l'atelier pour pouvoir ensuite
débattre avec vous, entendre vos questions, vos témoignages, vos objections, ou encore les contributions complémentaires
que chacun pourra apporter. Sans plus tarder, je laisse Catherine Martos se présenter.
Catherine MARTOS
Bonjour, je travaille à la communauté urbaine de Dunkerque depuis un an et demi et suis directrice des projets urbains. J'ai
découvert avec beaucoup d'émerveillement la ville de Dunkerque et le patrimoine de la Reconstruction, que je ne connaissais
que de loin. Ma première surprise a été de voir que ce patrimoine n'était que peu reconnu par les habitants et par un grand
nombre d'élus.
Avant d'aborder la revitalisation du centre-ville de Dunkerque, je vais donner quelques éléments de cadrage. Sur cette
photographie, nous pouvons voir le centre-ville reconstruit avec les anciens espaces portuaires désaffectés qui ont été, depuis
les années 70-80, progressivement reconquis juste à côté du centre-ville historique. La Reconstruction est un héritage difficile,
nous voyons ici la ville au lendemain de la guerre en 1945. Comme les villes évoquées ce matin, plus de 70 % de Dunkerque a
été détruite. Sur les 3 362 immeubles d'avant-guerre, seuls 1 032 ont été estimés réparables. Cela a été un traumatisme
important sur le territoire de Dunkerque, lié à la guerre et aux destructions bien sûr, mais aussi renforcé par la forme urbaine
prise par la Reconstruction qui s'est, certes appuyée sur la trame préexistante, mais dont la typologie de l'habitat a beaucoup
changé. Nous sommes passés à des maisons de ville individuelles avant la guerre, à de l'habitat collectif en copropriété,
accompagné d'un remembrement foncier profond. Ce traumatisme est encore ressenti aujourd'hui par les habitants de
Dunkerque.
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Le plan d'urbanisme réalisé par Théodore Leveau de 1945 à 1949 a servi de base à la Reconstruction. Le tracé des voies est
resté proche de l'ancien tracé avec l'élargissement des voies et des îlots d'habitats collectifs avec une majorité de constructions
en front à rue et des intérieurs d'îlots occupés par des jardins, des cours ou des garages en copropriété. Cet héritage est
difficile, car les architectures et ensembles urbains ne sont pas toujours reconnus par les Dunkerquois, mais plutôt par les
experts extérieurs. Les immeubles en copropriété souffrent du manque d'entretien, notamment avec des désordres techniques
au niveau des garde-corps, des terrasses, pour certains immeubles aucune intervention n'a eu lieu depuis soixante ans.
Cependant, il existe une vraie richesse patrimoniale. Nous pouvons voir sur cette photographie cinq îlots réalisés par quatre
architectes, dont l'architecte en chef Jean Niermans, appelés les îlots rouges. À l'échelle des îlots, nous avons une composition
d'îlots semi-ouverts sur la rue avec des passages parfois sous voûtes qui génèrent des circulations piétonnes des rues vers les
intérieurs d'îlots. Nous avons des traitements architecturaux très soignés qui allient une esthétique d'avant-guerre des années
20-30, mais aussi une esthétique des villes du Nord. Pour ceux qui la connaissent, nous retrouvons des similitudes avec l'École
d'Amsterdam et notamment les architectes autour de Michel de Klerk mais il y a aussi une esthétique plus moderniste des
années 50. L'usage de la terre cuite, de la brique, les traitements d'angles particulièrement soignés, l'encadrement souligné des
baies, entre autres, sont des spécificités de l'architecture dunkerquoise. C'est une architecture pleine de détails qui nécessite
un savoir-faire et une mise en œuvre assez précise. C'est le cas par exemple des joints en biais, qui, lorsqu'il y a de la lumière,
donnent des lignes fines. Il n'y a pourtant aucun bâtiment public ou privé protégé à Dunkerque, que ce soit au titre des
monuments historiques ou du fameux article L123-1-7 du PLU.
Pour revenir à la question de la revitalisation de l'attractivité du centre-ville, j'aimerais vous rappeler le Projet Neptune des
années 90, que Loïc Jauvin a particulièrement bien connu. Il visait notamment à revitaliser l'attractivité du centre-ville. À cette
époque en particulier, c'est à travers la question du commerce et de la requalification des espaces publics que nous sommes
intervenus avec la création de deux pôles commerciaux : le Pôle Marine en 1999, abritant une quinzaine de cinémas et des
salles de restauration, et le Centre Marine au début des années 2000, liés entre eux par l'Axe Marine, lui-même traité par un
alignement de blocs de grès du sculpteur Richard Nonas. Lieux repliés sur eux-mêmes avec des façades fermées et opaques,
peu ouverts sur la ville, ces deux pôles étaient cependant destinés à redynamiser le centre.
Le déficit d'attractivité du centre-ville se poursuit aujourd'hui et sur la question commerciale, déjà posée à l'époque, nous
constatons qu'il y a aujourd'hui une évasion commerciale assez importante à l'extérieur de l'agglomération, vers Calais, la
métropole lilloise ou la Belgique. Sur la période 2008-2010, un nouveau projet de commerces est imaginé aux limites de l'hyper
centre, sur l'emplacement d'un ancien lycée. Ce projet relativement important pour le marché dunkerquois va s'accompagner
d'un projet de logements. Un autre projet de centre commercial situé à l'extérieur de la ville est ensuite évoqué, malgré la
problématique de paupérisation du centre-ville que cela pouvait engendrer. En mars 2014, une nouvelle gouvernance est élue,
elle va stopper ces projets et redéfinir une stratégie de revitalisation du centre-ville dans le cadre du projet Phœnix, nouvelle
ambition pour le centre d'agglomération. La stratégie du projet Phoenix est multiple et vise trois grands objectifs, mis en avant
pour renforcer l'attractivité de la ville.
D'une part, la redynamisation du commerce dans le centre-ville historique reconstruit avec notamment la création de nouvelles
boucles commerciales piétonnes à proximité du Pôle Marine et du Centre Marine. D'autre part, le renforcement de l'offre de
loisirs et de divertissements à proximité des cinémas. À l'heure actuelle, une recherche d'investisseurs est en cours pour faire
venir des programmes ludiques, notamment de bowling, de laser games. Enfin, la création à plus long terme d'un pôle tertiaire,
à proximité de la gare. Autour de ces trois grands axes, plusieurs projets et actions ont été définis et à l'heure actuelle, certains
d'entre eux sont en œuvre.
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S'agissant de la question de redynamisation du commerce, un office du commerce a été créé en 2015, chargé de construire
une stratégie marketing et commerciale du projet Phoenix, avec l'ensemble des acteurs locaux. Cet office est présidé par le
maire et composé de 24 membres, parmi eux des élus de la ville et des partenaires institutionnels, des représentants des
commerçants et des représentants des syndicats professionnels. Il a pour objectif d'élaborer un plan de communication et
d'animation commerciale commun avec ces acteurs ainsi qu'une charte d'occupation du domaine public.
Parmi les autres projets et actions, nous avons le renforcement de l'accessibilité et la requalification des espaces publics
centraux autour d'un projet appelé Deca+. Il s'agit d'un nouveau projet de l'agglomération qui va renforcer la desserte des
centres villes avec des lignes de bus à haut niveau de services. Ce projet va être accompagné de réaménagements des
espaces publics du centre. Il est également prévu un jalonnement dynamique des places de stationnement en centre-ville pour
indiquer en temps réel aux automobilistes l'état d'occupation des parcs de stationnement. Nous envisageons également la
création de parkings gratuits à dix minutes à pied de l'hyper centre. Par ailleurs, nous mènerons des interventions spécifiques
sur le patrimoine avec l'accompagnement des copropriétés du patrimoine de la Reconstruction, la mise en œuvre d'un plan de
ravalement obligatoire des centres villes sur au moins deux places du centre-ville pour le moment et le projet de relance de
l'AVAP de Dunkerque, dont une première étude avait été menée en 2012.
Pour revenir sur le projet de boucle commerciale qui se trouve sur le site des écoles du parc de la Marine d'une part et d'autre
part sur le site du bâtiment des Affaires maritimes, notons qu'il est important dans le cadre de revitalisation du centre-ville. Il
s'agit de renforcer l'attractivité commerciale et résidentielle. C'est donc un projet d'habitat avec un nombre de logements
estimés à 80-100 logements avec 8 000 m2 de commerces autour. L'idée est de relier les différents centres commerciaux qui
existent à travers une traversée de cet îlot, à l'emplacement des constructions préexistantes comme ce bâtiment des Affaires
maritimes, construit en 1954 par le Ministère de la Marine. Il a été racheté par la communauté urbaine de Dunkerque en 2008
ou 2010 en vue de sa démolition, mais lorsque nous avons commencé à travailler sur le site, nous nous sommes dit qu'il était
dommage de démolir ce bâtiment. Nous en avons discuté avec l'architecte des Bâtiments de France et avons été convaincus
qu'il fallait essayer de maintenir ce bâtiment et de l'intégrer au projet urbain. Les écoles, elles, ne pouvaient être maintenues
dans ce projet puisqu'elles étaient contradictoires dans ce programme, mais nous avons trouvé intéressant de pouvoir intégrer
la petite rotonde de l'école maternelle dans le projet. À l'heure actuelle, nous avons une consultation en cours sous forme de
dialogues compétitifs avec des groupements de trois promoteurs-opérateurs. Nous en sommes à la moitié de ce projet et nous
voyons dans ce qu'ils proposent que ces bâtiments parviennent à être intégrés dans ces projets. Ce projet Déca+ va donc
engendrer une revitalisation des espaces publics du centre-ville avec, en particulier, plus d'espace aux piétons. D'autre part,
depuis janvier 2015, un plan de ravalement obligatoire a été lancé sur deux places du centre-ville. Cela fonctionne bien, nous
constatons une bonne réactivité des copropriétaires. Sur notre action d'accompagnement des copropriétés, une étude a été
lancée par la communauté urbaine de Dunkerque. Nous voyons sur cette diapositive un îlot test où nous essayons d'identifier
les actions possibles et les problèmes. Nous devrions nous orienter vers une OPAH de centre-ville.
Je terminerai sur la relance prochaine de l'AVAP de Dunkerque. Une étude avait été lancée en 2012 et n'avait pas abouti. Le
maire a alors demandé au président de la communauté urbaine de Dunkerque de relancer cette AVAP, qui sera l'un des outils
pour revaloriser le patrimoine et le centre-ville de Dunkerque.
Loïc JAUVIN
Merci pour ce témoignage. Nous voyons que Dunkerque a choisi de mettre en place sa stratégie autour de ses spécificités et
de son contexte de ville reconstruite et portuaire. Nous allons maintenant pouvoir le comparer avec le contexte de la ville de
Caen.
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Patrice DUNY
Nous avons parlé ce matin des points communs aux villes reconstruites, mais il y a aussi un certain nombre de différences. Je
retiens cependant que l'un des projets de la revitalisation de Dunkerque s'appelle Phoenix et il se trouve qu'il y a une statue du
Phoenix devant l'université de Caen, reconstruite au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Nous avons donc bien cette idée de
résurrection de ces villes.
La ville de Caen a subi des bombardements et a été détruite à 75 % au moins au niveau de son parc de logements, tel que l'a
rappelé la présidente de l'Agence d'urbanisme, Madame de la Provôté, ce matin. Caen a la particularité d'avoir un centre
reconstruit qui jouxte le centre ancien qui, lui, n'a pas été détruit.
Par rapport à ce qui va être dit aujourd'hui, je souhaitais vous informer que Caen est un peu en retard sur l'action menée sur
son centre reconstruit, car la prise de conscience du problème est relativement récente. En effet, jusqu'ici, Caen n'allait pas trop
mal et nous avons des signaux faibles de déqualification, nous sommes dans une situation sans commune mesure avec ce qui
était relaté notamment par notre collègue de Flers ce matin.
Pour quelles raisons cette prise de conscience est-elle récente ? Tout d'abord, Caen a une position particulière dans l'armature
urbaine de sa région, qu'elle domine. C'est la grande ville de la Basse-Normandie et aujourd'hui de la Normandie de l'Ouest.
Elle n'a pas vraiment de concurrents dans un rayon d'environ 100 kilomètres, même si nos amis du Havre sont dans ce rayon,
le Pont de Normandie n'existe que depuis 1992. Par ailleurs, en termes de fonctionnement urbain, Caen a tout son arrière-pays
qui, lui, est plein et entier. C'est une ville qui concentre l'essentiel des fonctions supérieures de la région de Basse-Normandie
et qui sert une population beaucoup plus large que celle de son agglomération. Je vous rappelle qu'il y a 110 000 habitants
environ à Caen dans une agglomération de 200 000 habitants, au cœur d'une aire urbaine de 400 000 habitants. La région de
Basse-Normandie représente environ 1,5 M d'habitants, mais l'essentiel des fonctions supérieures (de santé, culturelle,
universitaire) sont concentrées sur la ville de Caen. Cette concentration d'équipements se fait à l'immédiate proximité de son
centre-ville reconstruit et de son centre ancien.
Aujourd'hui, la prise de conscience est réelle, mais le problème n'est pas encore trop lourd. En revanche, nous disposons d'un
exemple assez unique d'un centre reconstruit qui jouxte un centre ancien non détruit avec des monuments emblématiques de
la ville préservés tels que l'Abbaye aux Hommes, l'Abbaye aux Dames, le château. Cette Reconstruction a donc été beaucoup
moins traumatisante qu'à Dunkerque notamment. Il reste d'importantes choses du passé et la reconstruction a été relativement
douce. Elle a utilisé un matériau très connu chez nous, la pierre de Caen, matériau assez fabuleux parce qu'il prend la lumière
et la rend de manière très douce. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si une partie des bâtiments britanniques après la Conquête
de l'Angleterre a été construite en pierre de Caen. Ce matériau unifie la partie reconstruite et la partie ancienne au point
d'ailleurs que lorsque nous posons la question à nos concitoyens de nous dire où s'arrête la partie ancienne et où commence la
nouvelle, il n'est pas toujours évident de le savoir.
Cette reconstruction est relativement massive sur le centre de Caen avec des zones de conception traditionnelle avec des îlots
haussmanniens, une voirie ample, des compositions urbaines assez classiques, mais dans les zones plus au Sud et au Nord
des remparts du château, nous trouvons une véritable introduction du modernisme dans la reconstruction. Il n'en demeure pas
moins que nous n'avons pas eu les débats qui ont eu lieu dans certaines villes : la reconstruction a été plutôt bien acceptée,
avec notamment des logements neufs confortables qui répondaient aux attentes des habitants. Surtout, la ville a beaucoup
grossi à cette période, beaucoup de nouveaux habitants qui n'avaient pas connu la ville d'avant-guerre sont venus s'y installer
et ont trouvé que cette reconstruction était réussie.
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La reconstruction se présente au Nord sous forme d'îlots, la partie Sud abrite des bâtiments orientés, îlots semi-ouverts de type
moderne avec cette caractéristique caennaise de voirie ample, large et bien dimensionnée. Cela contraste avec la partie
ancienne non détruite où nous avons un tissu ancien, classique. Ce n'est plus le tissu médiéval du XIème siècle, date de la
fondation de Caen, puisqu'il a été revu aux XVII et XVIIIème siècles en élargissant un certain nombre de voies avec
l'introduction d'éléments de la Renaissance. Mais globalement nous sommes sur une forme urbaine de type ancien. Cette
partie est d'ailleurs relativement bien aménagée avec des espaces publics agréables, en partie piétonniers et je suis au regret
de vous annoncer que dans la compétition centre ancien contre centre reconstruit, c'est le centre ancien qui a gagné très
largement.
Nous avons commencé à nous poser la question de ce qu'il se passait dans le centre à l'occasion de deux sujets.
Premièrement, sur le sujet commercial. L'agglomération caennaise s'est étendue en termes de m2 périphériques à partir du
milieu des années 2000, les années 2007 et 2008 ayant été des années particulièrement fastes. Il y a eu un vrai lever de
boucliers des commerçants du centre-ville et nous avons alors commencé à nous poser la question de savoir comment
fonctionnait le centre de Caen. Quelles sont les raisons des éventuelles – elles sont plus éventuelles que réelles – difficultés du
commerce du centre-ville ? Nous avons, nous Agence d'urbanisme, été chargés de faire une étude sur ce centre. Comme cela
a été dit ce matin – mais à l'époque, nous ne le savions pas – le centre de Caen a vu sa population s'effondrer
démographiquement. Entre 1963, fin de la reconstruction, et aujourd'hui, nous avons perdu 40 % des habitants. Les experts en
commerce que nous avons mandatés et sollicités ont déclaré que c'était probablement cela qui était le plus délétère pour le
centre plutôt que des m2 en périphérie, où nous ne sommes pas tout à fait sur le même produit. En revanche, lorsqu'il n'y a plus
de chalandise primaire dans un centre commerçant, ce dernier a du mal à survivre sur sa chalandise de caractère
métropolitain.
Vous ne serez donc pas surpris, tout comme dans beaucoup d'autres villes le centre de Caen s'effondre sur lui-même. La ville
perd des habitants au profit du périurbain. Ces analyses nous ont également permis de voir le différentiel de prix immobilier
entre le centre ancien et le centre reconstruit. En 2005, ce différentiel était de l'ordre de 10 %, il est monté jusqu'à 40 %, le
centre reconstruit ayant véritablement décroché pendant la crise. Il est aujourd'hui encore de l'ordre de 30 %. Nous avons un
vrai différentiel dans des parcs qui sont pourtant très proches physiquement et qui bénéficient à peu près des mêmes services.
Cela vaut pour l'immobilier en termes résidentiels, mais également pour l'immobilier commercial. Force est de constater
qu'aujourd'hui notre commerce de centre-ville numéro 1, qui est aussi notre commerce métropolitain, est dans le centre ancien.
Le centre reconstruit n'a jamais réussi à capter la chalandise commerciale, on peut régulièrement y voir des magasins à vendre
ou vacants. Ce phénomène est plutôt classique dans le centre reconstruit et très peu présent dans le centre ancien, même s'il
commence à y avoir quelques signes de faiblesse due à la reconfiguration de l'offre commerciale que nous connaissons
partout. Notre centre ancien est plus cher en termes d'immobilier et plus attractif en termes de commerces. Pourquoi ? Le
centre ancien est très bien placé et bien desservi par les transports collectifs y compris par le tramway, proche des lieux
récréatifs, des lieux de restauration. Le centre reconstruit lui, se contente globalement de sa fonction résidentielle et n'a pas
réussi à prendre des parts de marché sur le centre ancien en termes de commerces et d'équipements d'attractivité.
D'où cela vient-il ? Regardons la configuration de ce centre reconstruit. Vous pouvez voir sur cette diapositive que la voirie, en
tant qu'endroit où passent les véhicules, est très largement dimensionnée. La dame qui se trouve sur l'îlot central en train
d'essayer de traverser est à l'hyper centre de Caen. La voirie est donc premièrement et avant tout dévolue à l'automobile qui
circule et deuxièmement à l'automobile qui stationne. Il y a du stationnement partout. Dès qu'il y a une voie, elle est bordée sur
un côté voir sur les deux côtés par des véhicules en stationnement. Certaines places à Caen sont potentiellement très
agréables, mais elles ont été envahies par le stationnement. Cela est grave sur l'espace public vu par le public, mais lorsque
nous observons les cœurs d'îlots, cela est même encore pire. Ces cœurs d'îlots qui n'étaient a priori pas destinés à cela sont
maintenant des parkings, des garages. Dans le centre reconstruit, se trouvent des appartements traversants très agréables,
mais d'un côté vous vous heurtez au bruit de la circulation et à la vue des voitures en stationnement et de l'autre côté, il n'y a
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pas de bruit, mais là encore des voitures en stationnement, ce qui n'est pas alléchant en termes d'attractivité résidentielle. Les
rares espaces du centre reconstruit qui ne sont pas dévolus à l'automobile bénéficient d'un espace public et d'une qualité
d'espace public que j'ai pudiquement qualifié de « perfectible ». Je pense que les photographies parlent d'elles-mêmes. La
marche à pied n'étant pas prévue dans ce centre reconstruit, le piéton est systématiquement dévié en divers endroits pour
permettre à la voiture de passer plus confortablement. Sur les traversées par exemple, se trouvent des barrières qui vont
empêcher le piéton de passer et l'obligent à faire un détour. Rien n'est fait pour le confort du piéton. Contrairement à ce que
disent certains commerçants du centre de Caen, nous sommes rigoureusement sur le modèle opposé du « new parking = new
business », nous sommes plutôt sur le modèle « trop de parkings = pas de business » et l'exemple de Caen le démontre.
Pour synthétiser, force est de constater que dans la bataille visible, physique, locale à Caen, entre un centre ancien et un
centre reconstruit, c'est le centre ancien qui l'emporte, comme je vous le disais tout à l'heure. Pourtant, si l'on reprend ce que
nous évoquions ce matin sur la question de l'accessibilité, du stationnement, des ascenseurs, des performances thermiques et
phoniques, ce centre ancien ne répond pas à ces problématiques. Les carences que nous trouvons dans le parc reconstruit se
retrouvent finalement dans le centre ancien, nous avons pourtant cet écart de 30 % dans les prix immobiliers et fonciers et une
vraie attractivité commerciale différenciée. C'est donc qu'il y a autre chose que le bâti. Il y a bien l'ambiance, le contexte, cette
urbanité, cet élément difficile à palper, mais très important et qui fait que le choix résidentiel de nos concitoyens se fait à la fois
pour la cellule logement, nous le savons, mais aussi pour ce qui se passe autour. Si vous avez des enfants et que vous devez
les envoyer à l'école dans le contexte que je viens de vous présenter où traverser une route est une aventure quasi mortelle,
cela est forcément peu attractif pour les familles. Il faut regarder ce centre reconstruit comme ayant probablement des
potentialités puisque son bâti n'est pas rejeté, bénéficie d'espaces amples, agréables avec de jolies places. Mais si nous
regardions la question des espaces publics en même temps que la question du bâti dans le cadre de la reconfiguration de ce
centre reconstruit, je pense que nous ferions moins d'erreurs qu'en ne regardant que le bâti.
Je terminerai ce propos en forme de question et je vois que nos amis Nazairiens ont commencé à faire des efforts plus louables
en la matière : et si la question de l'attractivité de ce parc immobilier n'était pas qu'une question de bâti, mais aussi une
question d'espace public, pour ne pas dire aussi une question d'urbanisme ? Je vous remercie de votre attention.
Loïc JAUVIN
Merci pour cette précieuse intervention qui, par le biais d'une comparaison vécue, nous permet aussi de relativiser les enjeux
des stratégies mis en place dans les centres villes de la Reconstruction et permet de porter un regard un peu différencié sur les
actions et interventions à mettre en place. Nous allons peut-être poursuivre le jeu des comparaisons à travers une autre
expérience avec Vivien Duthoit que je vais inviter à se présenter, à parler de son parcours professionnel et comment il se
trouve aujourd'hui confronté à deux contextes à la fois différents et similaires dans les objectifs, à travers la comparaison entre
son expérience à Mulhouse et celle à Saint-Nazaire.
Vivien DUTHOIT
Bonjour à tous. Je suis directeur de l'action économique à la CARENE Saint-Nazaire Agglomération depuis juin dernier. J'étais
auparavant en poste à Mulhouse où j'occupais un poste équivalent de directeur du pôle développement économique, mutualisé
entre la ville et l'agglomération de Mulhouse. J'étais notamment en charge des questions commerciales à la fois sous l'angle de
l'occupation du domaine public et sous l'angle du développement pour lequel le manager du commerce m'était rattaché. Mon
intervention aujourd'hui se place dans ce double contexte. Je ferai d'abord un retour de mon expérience à Mulhouse en me
centrant sur la question du commerce et j'ouvrirai un peu sur la problématique nazairienne que mes collègues de l'Agence
d'urbanisme reprendront ensuite.
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L'objet de mon intervention portera d'abord sur Mulhouse Grand Centre, le plan de centre-ville de Mulhouse, j'apporterai un
éclairage sur le volet du commerce pour enfin dresser quelques enseignements. Je précise que Mulhouse n'est pas une ville
reconstruite. Un quartier a été détruit à côté de la gare qui a fait l'objet d'une reconstruction, mais il n'y a pas eu de destruction
très importante. Les points communs qu'elle partage avec d'autres villes de la Reconstruction est que c'est une « ville
champignon » du XIXème siècle, notamment champignon industriel, puisque c'était l'un des berceaux de la révolution
industrielle en France. Il s'agit d'une ville ancienne très petite qui s'est ensuite rapidement développée et s'est progressivement
reconstruite sur elle-même. Les usines de la périphérie immédiate du vieux centre historique ont été progressivement détruites
et déplacées un peu plus loin. Nous avons un tissu urbain très difficile à lire, un centre historique assez restreint et donc
incomparable à ce que l'on peut voir ailleurs en Alsace comme à Colmar ou à Strasbourg où l'on trouve des centres historiques
qui sont l'idéal type.
J'aimerais rappeler quelques tendances actuelles en matière de commerce et les enjeux pour les centres villes. La question de
la périphérie a été évoquée tout à l'heure, c'est une question ancienne qui date des années 70, mais avec une accélération
dans les années 2000 et qui continue de se poursuivre actuellement. Un récent article titrait que plus d'un million de m2
commerciaux étaient prévus en 2014-2015 en France. Nous pouvons donc voir qu'il y a une poursuite de cette tendance à la
construction de m2 commerciaux en périphérie. L'autre élément de tendance lourd est la fuite d'activité professionnelle,
notamment dans le tertiaire vers la périphérie. Nous avons le commerce, mais nous avons également les bureaux avec
l'émergence de zones d'activités tertiaires en particulier en périphérie qui répondent à une demande des entreprises,
notamment en termes d'accessibilité routière, en termes d'image de marque qui a été et continu d'être un enjeu aujourd'hui. Il y
a donc des enjeux de complémentarité sur les deux volets.
Nous pouvons aussi observer une tendance un peu plus récente en matière de commerce qui impacte les centres villes : le ecommerce qui concerne bien sûr la périphérie, mais également les centres villes où l'on retrouve souvent des indépendants qui
ont une difficulté à s'adapter à ce nouveau contexte. Nous observons des mutations dans certains types d'enseignes, les
grands magasins notamment avec une concentration dans les métropoles et en particulier à Paris pour ce modèle de
commerce. Autre exemple avec les agences bancaires. Pendant toute une période, nous avons vu un développement presque
exponentiel de ces agences qui occupaient voire colonisaient certains sites de centre-ville alors qu'aujourd'hui nous voyons la
tendance plutôt inverse à la consolidation. La Société Générale a notamment fait des annonces récentes en ce sens. Voici les
évolutions que nous observons en matière commerciale.
Des commerces se sont développés autour des hypermarchés en périphérie, aujourd'hui nous pouvons voir la tendance
inverse où le modèle de ces hypermarchés est plutôt remise en cause par les consommateurs qui plébiscitent les moyennes
surfaces et des choses nouvelles qui recréent une ambiance de centre-ville. Je fais alors le lien avec deux exemples comme
les projets Atlantis à Nantes et Atoll à Angers qui sont des centres commerciaux récents ou reconfigurés et qui proposent bien
plus que des m2 commerciaux. On y trouve du loisir avec du cinéma, du théâtre, des activités récréatives. La structure d'Atoll
est intéressante, les parkings sont à l'extérieur et au milieu se trouvent des activités différentes. Aujourd'hui, ces centres
commerciaux recréent ce que l'on peut trouver en centre-ville avec des cellules un peu plus petites et plus concentrées. Cela
représente une nouvelle concurrence pour les centres villes. L'aspect positif, en revanche, pour les centres villes se situe dans
le retour à l'achat local et la valorisation de l'achat de proximité, valeurs montantes aujourd'hui.
Pour en revenir plus spécifiquement à Mulhouse, un plan global y a été lancé, dénommé Mulhouse Grand Centre avec une
identité dédiée, avec pour grand objectif stratégique de réinventer et réenchanter le centre-ville pour en faire un cœur
d'agglomération avec deux enjeux. Comment recréer une ambiance qui donne envie d'habiter, mais aussi de venir faire du
shopping en centre-ville ? Comment porter le message qu'un centre-ville qui va bien c'est toute l'agglomération qui s'en porte
mieux et qu'il n'y a pas forcément d'opposition frontale entre la périphérie et le centre-ville ? Ici, nous avons donc des enjeux de
complémentarité et de dynamiques d'effets entraînants.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Ce plan constitué comme une globalité repose sur quatre piliers qui sont l'accessibilité et le stationnement, sur le commerce,
sur l'habitat, enfin sur les espaces publics. Ce plan représente 30 M€ au total, porté soit par la collectivité locale soit par la ville
de manière directe. Ce projet a mis du temps à se mettre en place : en 2007-2008, nous avons réalisé les premiers diagnostics
dans le cas de l'élaboration du PLU, nous étions alors dans un contexte où Mulhouse avait construit, développé son tramway,
ce qui avait fortement impacté le centre-ville dans les représentations des usagers, des consommateurs, donc des
Mulhousiens, mais également des commerçants qui ont vu une baisse du chiffre d'affaires. Nous avions donc des
problématiques qui émergeaient en matière commerciale à ce moment. Après les élections de 2008 s'en sont suivis les états
généraux du commerce qui ont permis d'enclencher des réflexions de 2009 à 2011 avec la mise en place des outils courant
2010 et un lancement opérationnel en 2011. Nous avons donc à présent un peu de recul sur cette mise en œuvre.
Je vais maintenant détailler les différents axes. Le premier axe est celui de mieux circuler, mieux stationner. Mulhouse n'est pas
véritablement parvenue à gérer le problème d'accessibilité routière. Par rapport à certaines grandes métropoles, la ville n'est
pas très embouteillée, mais nous avons cette perception qui est réelle et sur laquelle il est nécessaire d'agir. Pour agir, nous
avons d'abord travaillé sur le plan de circulation afin de le rendre plus lisible, plus fluide dans les endroits embouteillés. Nous
avons également travaillé sur les tarifs selon les utilisateurs, soit pour les personnes nécessitant d'un stationnement de courtes
durées soit pour les résidents ou les personnes travaillant dans le centre-ville, avec une tarification très peu chère. Des débats
ont eu lieu sur la gratuité du stationnement, mais nous avons opté pour des tarifs peu élevés puisque le stationnement dans les
parties du plan d'ouvrage s'élève à 2 € les quatre heures. Nous avons par ailleurs travaillé sur le paiement en soirée afin
d'inciter les personnes à sortir sur Mulhouse le soir. Sur les enjeux de signalétique, nous avons des signalétiques dynamiques,
également piétonnes et touristiques, qui étaient importantes pour donner une identité au centre-ville.
Le deuxième axe porte sur le cadre de vie et le logement. L'enjeu est de faire revenir en centre-ville des cadres et des familles
qui ont tendance à déserter le centre-ville pour aller s'installer dans les quartiers périphériques de la ville, notamment dans les
villages qui sont très accessibles avec cette envie d'avoir son propre logement, sa propre maison, son jardin. Nous avons
d'abord effectué un travail de recensement et de conception globale au travers d'une réflexion sur les fonciers mutables, les
fonciers que possédaient la ville et qu'elle pouvait elle-même mobiliser et sur des interventions publiques ou privées sur
certains îlots pour recréer une offre de logements plutôt haut de gamme. C'est le cas par exemple du projet White Loft, qui est
la restructuration d'un garage qui datait des années 50-60 pour accueillir des lofts. Il s'agit d'un projet en portage privé par un
promoteur privé, aujourd'hui réalisé. Autre exemple avec le projet de logements rue de la Moselle avec la maison Engelmann,
qui lui, est en portage public. Un autre élément concerne le travail de valorisation diffuse sur les liaisons urbaines et les liaisons
piétonnes. Nous avons réalisé un travail assez fin au sein des îlots et enfin, des interventions sur le bâti dégradé et sur le
ravalement de façades, en place également dans d'autres villes, ce qui a produit des effets positifs pour le centre-ville.
S'agissant des espaces publics, nous avons pris plusieurs directions, toujours pour essayer de donner une ambiance de ville
agréable, pour redonner l'envie de vivre en ville. Nous avons donc travaillé sur les places, les squares comme le square
Steinbach, poumon vert du centre-ville à proximité immédiate de la place principale de Mulhouse, la place de la Paix. Ce qui
était autrefois une place parking est devenue aujourd'hui une zone quasiment entièrement piétonnière avec des bancs et un
habillage qui donne envie de venir y passer quelques heures, proche d'un marché animé faisant vivre cette place. La notion de
fil rouge a été intéressante dans le cadre de Mulhouse Grand Centre avec une mission de design urbain et d'image du centreville pour lui donner une identité propre et visible. Nous avons au Sud, à côté du Canal du Rhône au Rhin, la gare TGV de
Mulhouse. À partir de là, l'idée était de pouvoir visualiser un trajet, un itinéraire au sein du centre historique, du centre
commerçant, matérialisé par la couleur rouge qui est l'une des couleurs de la ville de Mulhouse. Cela est passé par des
ponctuations que nous retrouvons un peu partout dans l'espace public : la plus simple étant des clous posés sur le sol et qui
permettent de faire le lien entre les différents sites, les autres, plus originales, ont été de mettre des drapeaux rouges en ville,
cela donne une image au centre-ville ou encore le kiosque qui a été rénové, réinstallé et repeint en rouge. Il s'agit donc de
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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petites interventions qui donnent une ambiance à la ville et doivent permettre de montrer que nous ne sommes pas dans un
centre commercial classique, mais dans quelque chose d'un peu différent et attractif.
J'en viens maintenant au cœur de notre sujet : l'aspect commercial. L'enjeu pour le centre-ville, comme je le disais, est de se
différencier, notamment par l'offre d'enseignes, à la fois avec des enseignes nationales, mais aussi avec un accompagnement
des porteurs de projets, avec une qualité de services. Nous avons travaillé sur l'ambiance shopping de manière plus générale,
mais aussi sur les espaces publics et sur l'animation de la ville. En termes de méthode, nous avons travaillé avec le Cabinet
Bérénice sur l'armature commerciale et le contexte concurrentiel, puis sur un travail plus fin sur le centre-ville de Mulhouse qui
nous a finalement amenés à considérer ce centre-ville comme une zone commerciale en tant que telle avec des emplacements
qui sont moins recherchés par les développeurs et d'avoir la capacité de discuter d'égal à égal avec les développeurs
d'enseignes afin de leur vendre le centre-ville. Ce diagnostic a ensuite conduit à une modification d'un certain nombre d'enjeux
et à la mise en place d'un plan d'action, en travaillant à la fois sur l'offre alimentaire, sur le fait qu'il était nécessaire de
compléter l'offre commerciale du centre-ville en l'élargissant à l'équipement de la personne et de la maison, la culture, les loisirs
et la restauration. Nous avons également travaillé sur les friches commerciales. Même s'il n'y a pas forcément de portage par la
collectivité, un dialogue a été engagé avec les propriétaires des centres commerciaux principaux. Un certain nombre
d'éléments ont été identifiés sur l'accessibilité, la signalétique, le confort d'achat et sur l'identité du centre-ville.
Nos opérations les plus emblématiques sont visibles notamment avec la Maison Engelmann. Il s'agit de la requalification d'un
îlot, d'une friche commerciale, située dans l'hyper centre avec une double opération à la fois commerciale avec la création
d'une halle gourmande réunissant des commerces de bouche de très bonne qualité et également une opération de logements
en étage, là aussi avec des logements plutôt haut de gamme. Cela nous a permis d'un côté de compléter l'offre commerciale et
de l'autre de requalifier l'identité visuelle. Nous avons réalisé un travail sur l'îlot lui-même, mais également sur les espaces
publics et la voirie, requalifiés et piétonnisés et par ce biais, rendus plus attractifs. L'opération a globalement bien fonctionné
jusqu'à présent et nous notons un effet intéressant avec un effet levier sur l'ensemble de l'îlot, car une intermédiation a été
également opérée avec les unités commerçantes à proximité et a permis d'avoir un ensemble global, cohérent. Nos
interventions ont eu lieu de façon diffuse avec du portage immobilier, sur des cellules commerçantes réhabilitées et remises sur
le marché, aux endroits stratégiques identifiés avec le Cabinet et les services de la ville et de l'agglomération. Enfin, l'axe
important dans le plan d'action est la mise en place d'un manager du commerce et au-delà peut-être d'un office du commerce,
puisque l'enjeu identifié par Bérénice était de pouvoir s'assurer un pilotage unifié de la stratégie commerciale du centre-ville. Le
manager du commerce est responsable de la stratégie de promotion commerciale du centre-ville, il en est le garant en quelque
sorte. Deuxièmement, nous avions besoin d'avoir un interlocuteur unique, à la fois pour les développeurs et pour les porteurs
de projets locaux qui pouvaient être suivis en bénéficiant de conseils et à la fois pour les agences immobilières vis-à-vis des
banques et de tous les acteurs du centre-ville. Autre aspect important de son action, la prospection d'enseignes et
l'identification des locaux vacants, notamment avec un outil important qui est une base de données des locaux vacants et des
locaux commerciaux permettant d'avoir une veille en centre-ville et un suivi de la vacance. Cela permet également de mener
des opérations de prospection efficaces puisque nous avons immédiatement des offres à proposer que ce soit dans le public ou
dans le privé. Nous avons par ailleurs une action de promotion qui passe soit par des actions directes vis-à-vis des
développeurs, également par les réseaux sociaux en local avec une page Facebook très active soit, globalement, par une
contribution à la stratégie événementielle du centre-ville afin que ce dernier soit plus animé.
Trois ans après, nous pouvons donc commencer à tirer certains enseignements. Ce qui est remarquable est qu'une dynamique
positive a été enclenchée sur la question des locaux vacants. Fin avril 2011, nous avions 109 locaux vacants, nous sommes
passés en janvier 2015 à 68 locaux vacants, soit une baisse de 37 % à périmètre constant sur l'hyper centre de Mulhouse.
Cette action est donc assez visible. Nous avons eu des ouvertures et des fermetures importantes, comme partout. Nous avons
eu des moments assez compliqués avec le grand magasin du centre-ville de Mulhouse qui a mis la clé sous la porte, mais non
nécessairement à cause de facteurs liés au centre-ville en tant que tel, mais aussi au contexte économique plus large. Nous
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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observons globalement un effet positif sur l'hyper centre marchand. Nous pouvons constater aussi un effet levier sur certains
îlots, la Maison Engelmann en est un exemple, mais d'autres projets en matière d'habitat ou d'hébergement ont également vu le
jour dans ce cadre, il y a eu une forme de confiance dans l'avenir du centre-ville. L'image évolue donc, mais cela prend du
temps. Cette action commence à porter ses fruits, mais cela nécessite qu'elle soit intégrée par les acteurs du centre-ville et par
les habitants eux-mêmes. Ces plans d'action doivent s'inscrire dans la durée pour être efficaces. Parmi les enseignements,
nous avons noté l'importance d'avoir une stratégie claire et partagée, d'avoir un manager focalisé sur ce rôle de transversalité
de mise en lien, de mise en relation et également sur la nécessité de trouver des complémentarités avec les périphéries.
Comme dit précédemment, il ne s'agit pas d'opposer périphérie et centre-ville, mais de réussir à trouver une forme de
dynamique gagnant-gagnant en jouant sur les enseignes. Cela suppose d'avoir un pilotage qui s'opère à l'échelle de
l'agglomération, ce qui n'est pas toujours le cas.
En ce qui concerne Saint-Nazaire, nous avons des enjeux proches sur beaucoup de points en termes de commerce,
d'attractivité commerciale, de concurrence de la périphérie, sur les questions d'offre en centre-ville. Nous avons d'autres enjeux
spécifiques, notamment sur la question de la taille des cellules commerciales, cela est peut-être propre au patrimoine de la
Reconstruction, qui ne sont pas forcément adaptées aujourd'hui aux besoins des grandes enseignes et avec des points d'appui
sur Saint-Nazaire en termes d'armature commerciale avec des centres commerciaux comme le Ruban Bleu ou comme le
Paquebot. Nous avons par ailleurs un contexte économique local relativement porteur aujourd'hui à Saint-Nazaire et nous
espérons qu'il y aura un effet d'entraînement sur la ville en matière de dynamique commerciale.
Loïc JAUVIN
Merci pour cette intervention Vivien. Dans le contexte du club Prisme, même si Mulhouse peut paraître un peu hors cadre par
rapport aux villes de la Reconstruction, il n'en est pas moins que la stratégie de revitalisation commerciale de la ville a été une
source d'inspiration pour la stratégie globale que Saint-Nazaire a mise en place et avec certains points de similitude dans les
préoccupations de la vitalité commerciale du centre-ville notamment, en complémentarité des périphéries. Pour ceci, nous
allons passer directement à l'exercice pour voir comment Saint-Nazaire s'est inspirée en partie de Mulhouse pour mettre en
place sa propre stratégie de revitalisation du centre-ville.
Christophe NORAZ
Merci, Loïc pour cette transition. Nous allons effectivement essayer de voir ensemble quel est le poids que joue ce patrimoine
de la Reconstruction, objet de ce colloque, dans le centre-ville de Saint-Nazaire, comment il impacte, conditionne et module
son avenir et son devenir. Nous avons déjà parlé de Saint-Nazaire et la chance que j'ai par rapport aux autres intervenants est
que je suis sur place, donc je vous fais confiance pour aller voir, découvrir, arpenter l'ensemble des rues du centre-ville, si cela
n'est pas déjà fait.
Je ne reviendrai pas sur tous les fondamentaux du centre-ville au sein même de Saint-Nazaire. Néanmoins, pour brosser le
cadre et parce que cela est important, je vous propose de regarder cette photographie. Quels sont les éléments que nous
pouvons en extraire ? Cette photographie est riche et permet de poser quelques fondamentaux, géographiques d'abord avec la
Loire et l'estuaire, l'océan, le littoral ; fondamentaux historiques ensuite avec la base sous-marine, signe tangible de l'Histoire –
Saint-Nazaire, comme nous l'avons vu a été détruite à plus de 80 % dans le centre-ville – et avec le patrimoine de la
Reconstruction, autre héritage de l'Histoire. Nous distinguons des îlots de formes rectangulaires, assez reconnaissables, des
cœurs d'îlot assez végétalisés pour certains, bordés par des habitats résidentiels. D'autres types d'îlots existent également,
assez grands, plutôt composites avec de l'habitat individuel. Le patrimoine de la Reconstruction n'est pas que du collectif, il
s'agit aussi de maisons individuelles qui sont à valoriser. Ce n'est pas non plus que du résidentiel, il s'agit aussi d'équipements
publics : l'Hôtel de Ville, les halles inaugurées en 1958 ou encore la gare inaugurée en 1955. Bref, nous avons un patrimoine
de la Reconstruction en matière d'équipements publics avec une géographie particulière, ces éléments ont été posés à un
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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endroit et ils s'y trouvent encore aujourd'hui. Ils ont été créés dans les mêmes années et ont donc vieilli conjointement, avec
toutes les problématiques d'usure que nous connaissons aujourd'hui. Enfin, qu'il s'agisse du bâti résidentiel ou des
équipements publics, ces éléments ne flottent pas les uns à côté des autres, il y a une trame, un canevas, une organisation
particulière de ces éléments. Pour nous, cette organisation impacte énormément la forme et conditionne donc le devenir du
centre-ville de Saint-Nazaire. Le dernier point à ajouter porte sur un certain nombre de traces que nous voyons issues de
projets réalisés. Si certes il y a une volonté politique forte et nouvelle d'intervenir de façon globale concentrée sur le centre-ville,
nous avions un certain nombre d'actions dans les années précédentes. C'est le cas notamment avec le Paquebot, centre
commercial en structure métallique construit en 1989. Voici donc un acte en faveur du centre-ville il y a vingt-cinq ans, mais
resté tout de même isolé. En effet, nous n'avions pas vu d'autres interventions sur le patrimoine de la Reconstruction mis à part
certaines actions du côté de la base sous-marine.
Parmi les constats partagés et rappelés, notamment par Laurianne Deniaud ce matin sur la situation des villes moyennes, nous
faisons face aujourd'hui à des tensions. Démographiques d'une part, avec une perte de 700 habitants dans le centre-ville ces
cinq dernières années, un taux de vacance de 11 %, ce qui est beaucoup et révélateur des problématiques d'habitat que vous
connaissez tous. Monsieur Dutoit l'a rappelé, que ce soit à Mulhouse ou ici, nous avons aussi des tensions commerciales fortes
avec une fragilisation de l'activité, départ de franchises, le taux de vacance est supérieur à 20 % incluant 15 % sur le centreville marchand, mais si nous prenons la globalité du centre-ville reconstruit, ce chiffre monte à 20,3 %, taux extrêmement fort et
signe tangible de la fragilisation de l'activité commerciale du centre-ville. Cela est lié en grande partie par la périphérie, mais
aussi peut-être à des éléments intrinsèques à Saint-Nazaire, par son organisation, par la forme de son centre-ville. Nous avons
des problématiques également en termes de convivialité, comme cela a beaucoup été évoqué pour la ville de Caen, en matière
de forme des espaces publics, d'animation, de problématiques de déplacement, d'accessibilité. Voici donc les problématiques
auxquelles nous devons faire face et qui relèvent des thématiques très diverses.
Je travaille à l'Agence d'urbanisme. Pour nous, les fondamentaux sont les éléments d'analyse urbaine. Plutôt que de projeter
des photographies, j'a donc choisi de projeter des cartographies. Vous reconnaissez le théâtre où nous nous trouvons à
l'instant, à proximité de la base sous-marine que j'ai évoquée et un certain nombre des principaux équipements publics et
privés du centre-ville : deux centres commerciaux, les équipements publics, les halles, la gare, la médiathèque, la mairie. Voici
de façon schématique la structure, la trame qui compose les rues et les îlots du centre-ville. Lorsque je vois cela et ayant
entendu les interventions précédentes, je suis assez frappé, car ni Dunkerque, ni Caen, ni Mulhouse n'ont une telle rigidité ni
une telle superficie dans leur structure. Cela est pour nous un élément évident. Ce schéma est assez limpide, nous observons
un cadre rectangulaire, extérieur avec des limites assez franches. Le centre-ville comporte deux axes Nord-Sud et Est-Ouest
qui sont des axes, qui dans leur fonctionnement, sont encore avérés comme étant les principaux sur le centre-ville. Nous avons
ensuite des axes secondaires et tertiaires qui viennent délimiter un certain nombre d'îlots avec des formes très octogonales.
Ceci est la base et nous n'allons pas modifier en deux ou trois ans les grandes percées d'Haussmann ni même les 25 % de
logements qui se trouvent en centre-ville. Il faut donc d'abord accepter cette situation et reconnaître que nous avons une très
forte structure urbaine, extrêmement prégnante et d'une taille redoutable.
De l'intérieur de la gare à l'intérieur de l'Hôtel de Ville, nous avons quasiment 1,5 kilomètre. Ici, ce rectangle mesure 120
hectares, c'est-à-dire à peu près la moitié du centre-ville de Nantes. Nous sommes là sur des superficies très importantes, avec
une ampleur importante par rapport aux autres villes. Nous pouvons remarquer que cette structure urbaine vient conditionner
toute l'organisation, y compris en matière d'habitat. Nous pouvons voir que nous avons un peu d'habitats individuels au Nord du
site, les bâtiments prennent ensuite de la hauteur là où ils viennent longer, épouser, suivre tous ces fameux axes de la
reconstruction. Les formes urbaines viennent s'inscrire dans la structure urbaine. Sur l'organisation du commerce et des
services, Saint-Nazaire compte 64 rues avec des activités commerciales avec plus de 800 cellules qui s'organisent sur
l'ensemble de ces 120 hectares, en venant longer, adhérer, souligner l'ensemble de ses rues. Cela est pour nous une
organisation très spécifique. J'ai beaucoup apprécié l'intervention de Caen qui évoquait la forme des espaces publics. Cela est
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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une question d'urbanisme, d'organisation urbaine qui est chez nous très linéaire, très réglée à l'inverse des centres villes
médiévaux où l'on peut se perdre et flâner. Cette organisation est conditionnée par la structure urbaine et est très étirée dans
l'ensemble du centre-ville. Nous avons donc tout d'abord dû mettre cette composante à plat et la reconnaître pour élaborer la
stratégie.
Sur l'organisation du commerce et des services, cela est assez tentaculaire, nous pouvons voir un noyau avec les équipements
à la personne (coiffure, habillement, etc) au sein de cette cellule commerciale avec des branches qui essaient à chaque fois de
trouver la mairie, la gare, les halles, qui restent en somme sur l'histoire qui est la leur depuis les années 50. Mais la situation
n'est aujourd'hui plus la même, les tensions commerciales sont importantes d'où l'élaboration d'une stratégie sur le centre-ville.
Cette organisation urbaine et cette superficie conséquente nous ont conduits à opter pour une stratégie de concentration. Nous
ne pouvions continuer de considérer que le centre-ville, notamment le centre-ville marchand, va d'un bout à l'autre de la gare
jusqu'à la mairie, en passant par le front de mer, etc. C'est trop. En étudiant d'autres centres villes comme Annecy, Chambéry,
Lorient qui sont des villes comparables à Saint-Nazaire en termes de nombre d'habitants, nous avons observé que toutes ont
des centres villes plus resserrés, plus concentrés à la taille de leur population. Ici, nous avons des surfaces et des
organisations urbaines très spécifiques. Notre stratégie était donc soit de continuer à développer un peu partout avec un risque
d'amplification d'affaissement du centre, soit de prioriser le centre-ville là où se concentre aujourd'hui le cœur marchand en
concentrant nos efforts, avec des économies de moyens, nous permettant ainsi de concentrer l'intensité urbaine, l'animation, et
aussi parce que la structure urbaine nous y obligeait.
Nous avons délimité trois périmètres d'intervention : le périmètre du centre-ville reconstruit, avec une réflexion générale des
interventions sur l'habitat et la reconstruction. Nous avons un deuxième périmètre où nous avons concentré toutes nos actions
sur le commerce, l'habitat, les équipements et espaces publics pour avoir un effet levier suffisamment important et générateur
et enfin un troisième périmètre linéaire qui correspond au centre-ville marchand, du Ruban Bleu au Paquebot, qui correspond
aujourd'hui au linéaire qui fonctionne le mieux à Saint-Nazaire. Comme à Mulhouse, nous avons fait appel au Cabinet
Bérénice, qui est intervenu il y a un an et qui, dans ses conclusions, a été extrêmement drastique. À Saint-Nazaire, le centreville marchand qui fonctionne est exclusivement la Flèche Rouge. Il s'agit donc dans un premier temps de le conforter, le
solidifier et ensuite, lorsque la machine sera véritablement repartie et la dynamique véritablement engagée, nous pourrons
continuer à reconnecter vers la mairie, les halles, etc. Nous avons dû entendre ce discours et porter politiquement cette
concentration des efforts et des moyens sur un périmètre vraiment resserré.
Sans trop revenir dessus, vous avez compris que les leviers de la stratégie, comporte une logique de projets globale qui
intervient sur une multitude de problématiques comme le commerce qui constitue le premier axe, l'habitat, notre deuxième axe,
l'emploi qui est le troisième axe, les équipements publics et structurants, quatrième axe, enfin notre cinquième axe qui
concerne l'espace public, la convivialité, le confort, l'usage, mais aussi les déplacements, l'animation et la communication. Il
s'agit donc d'un vrai projet urbain, global de centre-ville. Pour finir, je vous présente deux cartographies. L'une résume
l'ensemble des actions pour le projet de centre-ville et indique notre périmètre de concentration des actions avec la question de
savoir comment nous devons articuler ce périmètre aux autres secteurs de la ville et autres projets. Concernant ces derniers, il
y a un lien fort aux projets existants, Saint-Nazaire étant notamment en train d'achever la dernière phase de son front de mer.
Nous avons cherché à concentrer les interventions dans ce périmètre. La deuxième cartographie présente un périmètre qui est
une concession déléguée à la SEM pour le portage d'immobilier commercial et d'immobilier résidentiel. Lui aussi a la tâche de
venir concentrer les efforts sur le cœur du centre-ville.
Pour finir, cette stratégie soumise aux temporalités du projet urbain et des questions d'économie auxquelles nous devons faire
face aujourd'hui est une stratégie à dix ou quinze ans. Elle compte quand même déjà quelques actions emblématiques à court
terme, car nous n'avons pas le choix et que l'urgence du centre-ville l'exige avec par exemple la rénovation des halles, du
marché, qui est un lieu identitaire fort de Saint-Nazaire et arrive aujourd'hui en bout de course. Nous espérons que cela
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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constituera un effet de levier fort dans le projet de centre-ville. Autres exemples : la mise en œuvre d'une mission de design
urbain sur tous les espaces publics du plateau marchand pour accompagner là aussi les commerces, le cœur du centre-ville
(scénographie, jalonnement, etc), la reconversion de sites de renouvellement urbain majeur pour l'habitat, le renforcement de
l'animation et de l'événementiel, axe fort et enfin, tout ce qui concerne l'intervention sur le patrimoine bâti, le ravalement des
façades. Il nous faut avoir un panel d'interventions assez large, mais avec des actions que nous pourrons mener dans des
temps maîtrisés et qui ont pour but d'avoir un effet levier conséquent et fort sur le centre-ville à court terme.
Patrice DUNY
Je fais juste une intervention, car je n'ai pas pris le temps tout à l'heure, mais en préparant ma venue aujourd'hui, j'ai trouvé une
citation intéressante sur le commerce, c'est un échange qui a lieu à l'occasion de l'enquête publique sur le plan de la
reconstruction de Caen. Nous sommes en 1947 et le président de l'association syndicale de Roman Beaumont de l'Île SaintJean a objecté le commerce prospère dans les rues étroites. Le commissaire-enquêteur lui avait répondu avec cette saillie
prospective, mais complète que j'ai trouvée très drôle à voir aujourd'hui : « La clientèle d'un centre régional n'est pas composée
que d'argenteurs locaux. A-t-on songé que le jour ne manquera de venir où tout paysan moyen aura son auto qu'il sera heureux
de pouvoir faire stationner devant le magasin de son choix ». Replaçons-nous dans le travail de la reconstruction, dans la
configuration d'esprit de l'époque. Il y avait effectivement une idée du modernisme, une idée de prospective, mais ici le
commissaire-enquêteur n'avait pas poussé jusqu'au bout les feux des effets de l'automobile sur l'urbanisation et sur le mode de
fonctionnement. Il avait vu les personnes qui venaient en voiture devant les commerces, mais n'avait pas vu le périurbain,
l'urbanisme commercial périphérique. J'étais sur le point de me dire que nous sommes probablement confrontés aux mêmes
enjeux aujourd'hui en matière commerciale avec l'effet du numérique. Nous avons des saillies prospectives qui ne vont pas
jusqu'au bout. Essayons d'intégrer dans notre réflexion que nous devons nous placer par rapport au temps qui est le nôtre dans
un temps futur et, tout en sachant que nous allons nous tromper, essayons de nous tromper le moins possible.
Loïc JAUVIN
Je pense que sur ces questions, l'intervention de Monsieur Louis Henry ne manquera pas de nous amener quelques éclairages
tout à l'heure. Mais tout de suite, l'intervention de Dominique Dhervillez va certainement entrer en résonnance directe avec
l'intervention précédente notamment sur la question de cet héritage de la Reconstruction qui ne touche pas que le bâti.
Dominique DHERVILLEZ
Je vais vous parler d'une reconstruction particulière, puisqu'elle a été radicale, il s'agit de celle du Havre. Avant 1939, nous
avions une ville récente créée en 1517, avec un plan en damier, régulier, ville de la Renaissance avec des architectures
néoclassiques. En septembre 1944, le bombardement du centre de la ville et du port a été total. Les expressions « tapis de
bombes » ou « tabula rasa » datent de cette époque à propos du Havre. L'une des décisions prises en réaction à cette brutalité
a été celle de la reconstruction. Le Général de Gaulle a demandé à Raoul Dautry, ministre de la Reconstruction, de nommer le
reconstructeur du Havre, en l'occurrence Auguste Perret qui avait alors 75 ans. Il s'est vu confier la reconstruction totale : plan
d'urbanisme, plan d'architecture, soit une seule commande à une seule personne avec une réalisation souhaitée rapide. Perret
a eu la sagesse de mobiliser ses anciens étudiants pour les mettre en concours interne pour définir le plan d'urbanisme,
sachant que lui-même avait déjà des idées sur l'architecture qu'il voulait développer. Vous voyez ici les dessins mis au point par
ses élèves et par lui-même ainsi que le plan final présenté, choisi et mis en œuvre, sur une trame de 6,24 m, sur un matériau
unique : le béton armé, un architecte unique : Auguste Perret et une ville unique, totale, totalitaire, entièrement en béton et en
toitures-terrasses qui est le Havre. Le style architectural est très particulier, le classicisme structurel avec des immeubles à
fenêtres de toutes hauteurs, une expression des porteurs en béton que nous pouvons voir de l'extérieur et une modernité de la
composition urbaine, avec des détails de très grande qualité – le béton a aujourd'hui plutôt régressé dans ses utilisations – et
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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une monumentalité donnent à la ville un caractère particulier et lui confèrent des qualités puissantes d'urbanisme et
d'architecture, mais qui, en même temps, a rencontré beaucoup de problèmes.
La reconstruction porte au départ sur beaucoup d'espaces libres, qui ont été progressivement comblés par les constructeurs.
Nous voyons ici le musée Malraux construit par Guy Lagneau et Jean Prouvé, le théâtre construit par l'architecte brésilien
Oscar Niemeyer, l'ensemble de logements réalisé par Georges Candilis à la place d'un constructeur de bateau puis la
passerelle du bassin du commerce construite par Guillaume Gillet. Il y a une succession cohérente de commandes
d'architecture moderne qui s'est réalisée pendant toute la phase de reconstruction. Nous avons donc un patrimoine particulier
lié à ce fait historique avec une commande particulière et une organisation totale de l'État. La ville du Havre n'a pas eu son mot
à dire, qui plus est, le maire, Pierre Courant, était le ministre de la Reconstruction, succédant ainsi à Raoul Dautry. Il
n'appréciait pas Perret, qui lui s'en moquait. L'État a donc construit, mais la ville a été marquée par le bombardement puis par
une commande architecturale et urbaine qui n'a pas été celle que les Havrais désiraient et qui était en rupture forte avec les
traditions normandes de construction locale. Nous étions alors dans un mode princier, avec une commande du prince
directement à l'architecte dans un langage d'architecture très codifiée qui n'a rien à voir avec l'architecture vernaculaire. Un
hiatus s'est alors créé entre les habitants et leur ville, eux-mêmes se sentaient martyrs et ne pouvaient même pas se plaindre,
car ils avaient été bombardés par les libérateurs. Ce traumatisme d'un bombardement puis d'un acte de reconstruction qui n'a
pas été reconnu par l'État – si je ne me trompe pas, ce n'est qu'au 70ème anniversaire de la libération que, enfin, les victimes
civiles ont été reconnues par l'État – n'a pas pu cicatriser les blessures malgré le fait que l'État a estimé faire ce qu'il pensait
devoir faire, tout comme Perret.
Longtemps après, des architectes ont dit aux élèves du Havre de l'époque que Le Havre était une ville magnifique. Une
ZPPAUP a été lancée et recouvrait toute la partie reconstruite. Un travail de prise de conscience patrimoniale a été réalisé,
avec une valorisation des façades, notamment des façades commerciales. Au même moment, Antoine Rufenacht, maire du
Havre arrivé en 1995 a entrepris de déposer la candidature de sa ville au Patrimoine de l'Humanité. Premier jalon après la
ZPPAUP, le label ville d'art et histoire a été décerné sur la reconstruction, puis a eu lieu une magnifique exposition sur l'œuvre
d'Auguste Perret, témoignant de la reconnaissance de l'immobilier des années 50. Ce dossier, que j'ai eu le bonheur de diriger
lorsque je travaillais à la ville, a été bâti sur l'idée que l'Unesco avait peu de patrimoine du XXème siècle, que les pays nantis
dont la France se devaient d'innover dans les candidatures pour sortir des sentiers battus de l'architecture de la Grande
Histoire et de passer avant une candidature n'ayant toujours pas aboutie qui est l'œuvre de Le Corbusier. C'était la ligne
stratégique d'aboutissement de cette candidature avec un dossier scientifique de haute qualité. En 2003, l'inscription est
passée au premier tour et a été transmise à l'Unesco l'année suivante. En 2005, l'inscription du patrimoine reconstruit a été
votée à l'Assemblée Générale de l'Unesco à Bilbao à l'unanimité. Cela a été la surprise de tous les Havrais qui continuaient à
prendre cette candidature pour une blague et à penser qu'elle n'aurait jamais abouti.
Le Havre est condamné à être dans la modernité de son patrimoine, ses habitants pourtant auraient aimé qu'il soit plus
ordinaire, plus banal. Moi-même, je pense que la banalité est une très belle chose, je ne suis donc pas en train de la repousser,
mais il est très dur de vivre dans un univers architecturé total, structuré, marqué par la modernité alors que cette dernière n'est
pas portée par les habitants. Le théâtre de Niemeyer par exemple n'a pas du tout été accepté, Niemeyer étant pourtant un
architecte de talent. Il a été appelé le « pot de yaourt » ou le « volcan ». Dans le dossier de candidature à l'Unesco, le
« volcan » a été noté comme étant un élément constitutif. Nous voyons ici le télescopage de deux architectures qui, de mon
point de vue, est maîtrisé et réussi, mais cela pose le problème que rencontre actuellement la ville qui est de savoir ce que
nous devons faire. Devons-nous nous muséifier au risque de se scléroser et perdre des habitants, des commerces ? Les
stratégies qui sont envisagées sont d'abord de désenclaver la reconstruction qui tournait le dos à la mer afin de réconcilier le
centre avec la mer et sa plage et de s'entendre avec le port, ce qui n'a pas été aisé, pour faire des reconquêtes foncières et
trouver des moyens d'extension de la ville à côté de son centre pour augmenter la taille critique de ce centre. Cela a donc été
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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un travail sur la bordure de l'ensemble des bassins historiques du port et sur les zones envisagées pour le développement avec
des plans urbains qui se réalisent progressivement incluant des réhabilitations de bâtiments portuaires, des constructions qui
ne peuvent plus trouver leur élément dans le centre comme les bâtiments universitaires, les bâtiments tertiaires ou les
bâtiments de commerce. Une échelle métropolitaine que Le Havre cherche désespérément en s'accrochant fortement à la
vallée de la Seine et à la puissance de ce port qui n'est peut-être pas au niveau qu'il pourrait atteindre par rapport aux ports
d'Anvers ou de Rotterdam. Ces derniers sont des exemples que nous aimerions suivre pour augmenter la taille critique de la
centralité du Havre, lui trouver des éléments métropolitains, s'accrocher à une logique métropolitaine qui dépasse celle de
l'emprise géographique du bassin de proximité pour avoir et porter des ambitions.
Ces ambitions sont l'enseignement supérieur, il me semble que François Hollande est venu inaugurer un porte-conteneurs de
20 000 boîtes et l'École Maritime qui vient d'être terminée. Le Havre cherche un destin dans l'économie maritime internationale,
dans les rapports plus forts avec Paris et les flux logistiques entre la ville portuaire, le port et la capitale de la France et cherche
aussi à trouver – et je pense que ce moment arrive – la reconnaissance de toute l'œuvre des constructeurs des années 50.
Une tendance va arriver et il me semble qu'il va falloir accrocher la voile là-dessus pour dire que la ville moderne, celle des
années 50, est, comme la plupart des villes de la Reconstruction, un cadre qui trouve enfin des personnes qui l'apprécient, y
compris les habitants eux-mêmes. L'agglomération s'engage dans un dossier de pays d'art et d'histoire pour réconcilier les
valeurs portuaires, architecturales, les valeurs paysagères de l'ensemble des territoires autour du Havre et accrocher le
patrimoine reconstruit du Havre à un ensemble pour trouver des attractivités qui manquent cruellement.
Le projet urbain est un projet que l'on appelle Archipel, qui est le résultat des ouvrages portuaires qui ont creusé la côte pour
faire des bassins et la ville peut à présent coloniser un foncier que le port accepte enfin de libérer pour pouvoir développer avec
des logiques d'urbanisme du XXIème siècle, puisées notamment dans les exemples anversois ou rotterdamois. L'objectif est de
continuer une œuvre d'architecture contemporaine avec des projets d'urbanisme dessinés par l'agence que je dirigeais jusqu'à
il y a encore quelques mois et par Bruno Fortier qui a beaucoup travaillé avec nous et attend un redémarrage de la France qui
ne devrait pas tarder, sauf erreur de ma part.
Loîc JAUVIN
Merci à Dominique Dhervillez pour cette intervention et pour sa conclusion sur une dimension prospective qui nous amène
directement à l'intervention de Louis Henry de la Caisse des Dépôts et consignations à propos du travail qu'il a pu mener avec
des étudiants en économie de Paris Dauphine.
Louis HENRY
Je travaille sur le thème de la ville durable à la Caisse des Dépôts. Beaucoup de choses ont été dites cet après-midi y compris
sur le fait qu'on peut se tromper et c'est peut-être là que nous excellerons le mieux dans cette intervention.
La première chose que j'ai entendue et que j'ai trouvée forte concerne la ville de Caen. Ceux qui n'ont pas connu la ville d'avant
reconstruction l'ont trouvée bien. Cela m'a fait penser à la fois à des interventions de chirurgie esthétique et à la difficulté qui
existe lorsque l'on souhaite une ville nouvelle dans laquelle rien ne changerait par rapport à avant une démolition, qui est une
souffrance et rend l'acte fondateur, un acte difficile. Nous voudrions que cela ressemble à ce qu'il y avait avant, mais qui
corresponde en même temps à des modes de vie qui viendront après. Finalement, c'est peut-être à un moment tout à fait
totalitaire que l'on peut imposer le mode de vie que devront avoir les personnes qui habiteront la ville. On leur impose un
schéma urbain, une construction architecturale, des éléments remarquables, tout est défini en une fois. Pour revenir au sujet
précédent, c'est un peu la même chose que dans la culture du thuya. Le thuya est un arbre que l'on reproduit par boutures au
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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lieu de le reproduire comme autrefois par des graines. L'avantage de la graine, de la reproduction sexuée, dont, je pense, nous
sommes tous issus ici aujourd'hui, est que nous sommes des individus tous différents. Quand on produit la ville à partir d'un
modèle unique en un instant, tout est pareil. Nous le voyons au Havre où nous avons un modèle certes remarquable, mais
unique, nous l'avons vu aussi à Saint-Nazaire ou dans tout autre exemple cité aujourd'hui. Il reste pourtant quelques points très
originaux, des points que nous ne trouvons nulle part ailleurs. Ces points trouvés par la ville d'avant, par exemple le château à
Caen, trop massif pour être démoli ou le petit édifice à côté d'ici qui servait à ranger les barques. Ce sont des éléments qui
n'ont pas été démolis et qui continuent à structurer la ville, à donner des points de repère. Que pouvons-nous faire à partir de
cela ? Ce ne sont sûrement pas les urbanistes qui définissent la ville. On peut définir une ville en marchant dedans, ce sont
donc les piétons qui la définissent ainsi que son plan d'urbanisme. C'est parce qu'on la parcourt, qu'on y trouve une manière de
s'y déplacer, que l'on parvient à la construire mentalement dans sa tête et à l'aimer. Ceci est un point très important.
Nous l'avons dit de manière contradictoire à propos de plusieurs villes avec parfois le fait que la ville a été complètement
adaptée à la voiture, mais nous avons aussi entendu, au contraire, que la ville a été totalement inadaptée à la voiture.
Visiblement, ces deux situations existent, il n'y a à la fois pas de place pour mettre les voitures et à la fois, cette place a été
faite pour qu'elles roulent. Nous sommes dans des contradictions un peu compliquées de ce point de vue.
Je pense cependant que le mode de circulation de demain, nous ne le connaissons absolument pas. Le succès du vélo par
exemple a été assez inattendu à l'issue d'une assez longue période. Ceci dit, cela n'est pas vrai dans le cas d'une ville comme
Copenhague où son plan d'urbanisme a été construit avec deux règles : la première est que 30 % de l'espace public devait être
donnés au vélo, ce qui est beaucoup et que, à côté d'un bâtiment ancien, la copie de l'ancien n'est pas possible. Ce sont des
règles urbaines simples et qui laissent des choses très ouvertes tout en permettant d'avoir des choses riches et compliquées.
Nous allons évoquer comment avoir quelques éléments de retour d'attractivité pour le centre-ville. Nous avons donc envie de
retrouver les « choses d'avant » du centre-ville, j'aime beaucoup une citation que l'on peut trouver dans Le Guépard qui est que
« pour que tout reste comme avant, il va falloir tout changer ». Nous voyons bien que ce qu'il va falloir changer n'est pas ce qui
va être construit, mais si nous voulons nous retrouver dans la situation d'avant, il va falloir imposer aux autres toutes sortes de
règles. Nous cherchons peut-être à ne pas être comme avant, ce qui évitera d'avoir à comparer. Cela a été dit pour Mulhouse,
où ce qui est agréable est d'avoir envie de vivre la ville. Les centres villes sont définis par leur animation, élément qui a
apparemment disparu puisque j'ai entendu dire que l'animation est très difficile à moins de 150 000 habitants. Ils sont
également définis par leur ancienneté et leur feuilleté, c'est-à-dire les couches superposées de la ville. Dans une ville ancienne,
il reste deux ou trois éléments, dans les villes reconstruites il n'y a pas de feuilleté. S'il n'y a ni le feuilleté ni l'animation, est-ce
que le centre-ville est encore un centre-ville ou est-ce qu'il s'est déplacé ailleurs ? Peut-être le centre-ville est-il devenu une
périphérie d'une autre urbanité qui se serait localisée ailleurs ? Ceci est une question que je laisse ouverte. Ce qui est sûr est
que la structure actuelle des villes reconstruites n'est pas bien adaptée au commerce et qu'elle est un peu obsolète. Nous
avons dit que la programmation est souvent uniforme et dictée sur un mode de vie à venir. J'ai beaucoup apprécié l'idée des
agriculteurs qui viendraient se garer devant les magasins.
Sur la question de retrouver l'attractivité, nous allons lancer un petit film réalisé par les étudiants de Paris Dauphine. Nous
avons posé la question à ces jeunes économistes de savoir ce qui pourrait redonner de l'attractivité à la ville dans un contexte
de réchauffement climatique. Nous voyons qu'en France, nous prenons comme l'image de quelque chose d'attractif pour
vendre un logiciel par exemple, une prairie et du ciel. Le dimanche, les Italiens, eux, se parfument et vont en ville lorsque nous,
nous enfilons un jean et allons dans les bois. Il y a des différences culturelles considérables dont je ne saurais expliquer les
origines, mais ce qui est sûr est que pour montrer l'attractivité, nous, en France, nous montrons un paysage vierge sans
habitants, sans hommes. Le travail des étudiants nous a emmené dans des endroits assez inattendus. Ce travail a été confié
en double, d'une part à des étudiants urbanistes de Nanterre, d'autre part à des étudiants économistes de Dauphine. J'ai suivi
ceux de Dauphine en leur disant qu'il ne fallait pas essayer de concurrencer des urbanistes, car ils n'y arriveraient pas, ce n'est
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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pas leur métier, mais qu'il fallait, en revanche, essayer de réfléchir à tout ce qui peut redonner de l'attractivité au centre-ville
dans un contexte de ville où il fait trop chaud. Ils ont choisi soit des morceaux de banlieue comme à Ivry, soit des centres villes
périphériques de grande ville comme à Saint-Priest, à côté de Lyon. Je trouve qu'il est intéressant d'avoir choisi ces exemples
comme centres villes. Cela montre bien que le centre-ville n'est pas forcément à l'endroit où on l'attend.
Leur idée était d'attirer un nouveau public. Au fond, aujourd'hui, quelles raisons ont les jeunes, les enfants de venir en centreville ? Il n'y a pas grand-chose pour eux ou qui puisse être attrayant. Mais dans le centre-ville beaucoup de choses peuvent se
parcourir. Ce qui peut permettre d'avoir une autre lecture du centre-ville est par exemple d'y pratiquer une activité qui se
pratique d'une manière nombreuse, mais inconfortable comme la course à pied. Aujourd'hui, énormément de personnes
pratiquent ce sport et le pratiquent en ville. Cet itinéraire qui permet de courir permet également de découvrir la ville. Si le
parcours en courant peut se faire en passant dans le centre-ville, c'est une manière de le découvrir pour une population qui ne
le connaît pas. Il s'agit aussi d'un certain nombre d'activités praticables lorsqu'il y a du vide. Dans le centre-ville, nous l'avons
vu, il y a une certaine désaffectation, soit commerciale, soit d'autre nature qui fait qu'il y a des locaux vides. Je connais
quelqu'un qui, en parlant du département de la Creuse, disait que si vous avez du vide, il faut leur vendre du vide. L'idée est de
dire que c'est une richesse d'avoir des espaces inoccupés. On peut avoir une occupation temporaire, inattendue, surprenante
qui fait que l'on va à la fois trouver dans le centre-ville ces quelques éléments de repères identifiés tout à l’heure, les
fondamentaux, les monuments, les quelques édifices qui ont résisté et en même temps, on va avoir de l'inattendu, comme des
food trucks, visibles maintenant dans beaucoup d'endroits. On trouve maintenant une nourriture de qualité dans des endroits
dans lesquels on ne s'y attendait pas ou des activités qui vont durer trois ou six mois dans un local commercial ou ailleurs et qui
vont faire qu'on a envie de venir dans ce cadre que l'on connaît pour s'accrocher au tuteur qu'est la ville.
La ville n'est autre chose qu'un tuteur. Elle n'est pas là pour définir ce que l'on vient y faire, c'est un tuteur sur lequel il est
possible de s'accrocher. Nous pouvons développer des points singuliers, des points remarquables et des points de vue
particuliers en grimpant par exemple sur un toit pour découvrir un morceau de la ville que l'on ne connaît pas. Je suis allé à
Londres, avant les Jeux olympiques, dans le bâtiment où la décision a été prise. Nous étions alors dans un quartier d'une très
grande banalité, nous sommes entrés à l'intérieur d'une école, puis de cette école, nous avons pris un ascenseur qui montait
sur douze étages pour arriver dans une salle où tout à coup, nous pouvions voir toute l'étendue sur laquelle pouvaient être
construits ces Jeux olympiques. Il apparaissait évident qu'il s'agissait de l'endroit où la construction devait avoir lieu. Cette
surprise de la vue d'en haut, nous pouvons l'avoir dans beaucoup d'endroits avec des moyens qui n'ont pas besoin d'être
conséquents. Si vous y réfléchissez, vous vous rendrez compte qu'il y a beaucoup de vos points de vue qui sont des points de
vue d'en haut d'un certain nombre de villes. Ceci pourrait être l'un des points que nous pourrions développer de manière
importante. Nous pouvons aussi imaginer pour des centres villes de villes moyennes une politique telle que celle développée
en Suède à Umeå, ville des bouleaux. Chaque bâtiment en bois qui brûlait mettait également le feu à la maison en bois du
voisin lorsqu'il y avait des incendies. Il y avait donc un renouvellement urbain continu et il a été décidé de planter des allées de
bouleaux qui permettaient de couper le feu entre les allées de bâtiments. Dans cette ville, dont le centre-ville n'était pas en très
bon état, les élus ont eu une idée relativement bonne qui a été de construire d'abord un bâtiment dans lequel pouvait avoir lieu
des spectacles musicaux puis dans la foulée de créer un label musical, le Label Umeå que les Suédois connaissent bien. Ce
label a rencontré un vif succès et les habitants de la ville se sont sentis attachés à cette marque commerciale et artistique dont
ils étaient fiers. Je pense que l'acte fondateur culturel est quelque chose permettant de créer un véritable attachement de la
population à son site.
J'ai entendu à propos de Dunkerque que la ville avait été construite par des architectes heureux, qui avaient subi beaucoup
d'influences extérieures et qui avaient su mettre en scène le décor urbain et redonner du plaisir à la ville. C'est l'idée que nous
devons retrouver ici et que les étudiants ont souhaité montrer au travers de ce film : comment redonner du plaisir à une ville de
banlieue de Lyon, Saint-Priest, qui n'est pas, de prime abord, la ville la plus riante ? Le point commun entre les groupes
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d'étudiants qui ont travaillé sur le réchauffement climatique et l'attractivité a été de se positionner sur les hauts de Saint-Priest
où ils pouvaient prendre des points de vue différents, en hauteur, depuis le château, pour voir la ville. Leur message consistait
à dire que ce qui peut faire l'attractivité de la ville est la culture, la présence de l'eau, de la végétation qui est recherchée partout
et de l'air. Ils ont alors imaginé quelques mécanismes sympathiques permettant de recevoir un peu d'air lorsqu'il fait très chaud.
Ce que j'ai trouvé intéressant dans le travail réalisé par ces étudiants et qui permet d'avoir une autre lecture du centre-ville était
l'idée d'avoir une ville que l'on peut parcourir sans carte bleue. Ce qui se fait ici peut se faire sans carte bancaire. On peut se
promener, aller dans le centre-ville sans avoir rien à y faire. On redécouvre des percées, des points de vue en tant que piéton
puis une autre fois on y viendra pour faire fonctionner le commerce et parce qu'on y trouvera des commerces qu'on ne trouvera
pas ailleurs. Si l'on trouve exactement les mêmes commerces en centre-ville qu'en périphérie, l'intérêt est alors extrêmement
limité. Il faut des actions éphémères renouvelées et inattendues. Comment le centre-ville peut-il être un support de mode de
vie ?
À la Caisse des Dépôts, nous avons imaginé de développer un concept de totem qui pourrait se reproduire dans un certain
nombre de villes moyennes, c'est-à-dire un endroit identifié, précis, dans lequel nous pourrions à la fois avoir un lieu de travail
partagé, un point d'accès au territoire très bien relié au réseau, un lieu d'échanges collaboratifs où nous pouvons produire
ensemble des choses, un lieu de loisirs où il est possible de se retrouver pour pratiquer des loisirs en commun, une base de
pratique sportive (skate, roller, etc), un lieu où l'on peut venir « entier », comme le disent les Néerlandais, c'est-à-dire avec sa
tête et son corps. Nous ne sommes pas plusieurs morceaux, nous sommes des personnes qui travaillent, qui ont des loisirs, qui
ont des enfants ou bien nous sommes des enfants ou des personnes âgées. La ville sera d'ailleurs pratiquée en très grande
partie par des personnes âgées, cela est une certitude. Comment donc pouvons-nous gérer cette transition du centre-ville ?
Comment peut-on restaurer l'attractivité en ayant à la fois des choses que nous nous attendons à y trouver et à la fois des
choses que nous allons y trouver sans même s'y attendre ? Cela peut passer par la requalification du parc, par des
interventions par rondes successives plutôt que par planification, cela permet de voir si une première chose fonctionne et s'il
est opportun de l'étendre plutôt que d'avoir une planification sur vingt ou trente ans, durée d'un projet urbain, qui fait que malgré
la qualité du projet, il est déjà obsolète au moment où il est réalisé. Il faut donc « valuer » plutôt qu'évaluer. Évaluer signifie que
l'on a réfléchi avant à la manière dont on allait mesurer la réussite. Cette dernière peut être inattendue et l'on peut créer la
méthode pour valoriser cette réussite au fur et à mesure de l'avancée du projet.
Pour résumer ce que fait la Caisse des Dépôts dans le domaine immobilier, nous intervenons sur le financement de l'immobilier
tertiaire, commercial, des loisirs urbains. Cela se complète assez bien avec ce que nous venons de voir, mais aussi des
maisons de santé, des EHPAD (centres de santé pour personnes dépendantes), des équipements de tourisme ainsi que des
opérations en îlots, en co-investissement, en renouvellement urbain. Ce qu'il faut parvenir à faire est d'abord de reconstruire les
conditions qui peuvent rendre le centre-ville attrayant : la culture, la végétation, les parcours, tout ce qui fait qu'on peut l'aimer.
Loïc JAUVIN
Merci pour cette intervention qui ouvre vers une dimension prospective des enjeux de renouveau de l'attractivité des centres
villes de la Reconstruction. Le débat est à présent ouvert, nous sommes ouverts à vos questions, vos remarques, vos
réflexions, vos contradictions, vu la dimension dialectique de l'approche qui vient d'être brossée à travers ce rendu
d'expériences.
Laurence LE CIEUX, Ville du Havre
Je suis Laurence Le Cieux du Havre. Après l'intervention de Dunkerque, que je connais bien ayant été en poste dans les
années 80 au Musée des Beaux-Arts, je me suis posé la question de la dimension de valorisation du patrimoine et de la
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dimension culturelle dont nous avons entendu parler dans la dernière intervention. Cela me paraît être un vecteur tout à fait
important au regard de notre expérience havraise sur la prise en considération par les habitants et les touristes, qui viennent
nombreux dans une ville attractive, des qualités de cette ville. Par rapport au projet exposé sur Dunkerque, il y a dans ce cœur
de la ville reconstruite plusieurs éléments. J'étais donc il y a longtemps en poste au Musée des Beaux-Arts avant que le musée
portuaire n'existe. L'installation du musée portuaire sur la citadelle a créé une sorte de fracture et il me semble que cette notion
de parcours, qui a également été évoquée dans une autre intervention, et de boucles est une approche tout à fait nécessaire
pour que cela puisse prendre au sein de nos centres reconstruits.
Patrice DUNY
Nous l'avons dit, les dimensions de nos villes s'y prêtent. Nous nous trouvons sur des distances d'un sur deux kilomètres, si
nous traduisons cela en termes de marche à pied, nous nous trouvons donc sur des distances de l'ordre d'une vingtaine de
minutes. L'ensemble de nos centres reconstruits est parfaitement adapté à la marche à pied et nous avons oublié de configurer
la ville pour ce mode de déplacement parfaitement écologique et tout à fait moderne qu'est la marche à pied. Je suis assez
d'accord sur le fait que la reconquête des villes se fera par le plaisir qu'il y a à y circuler pour voir des choses qui y sont
expliquées. La compréhension de l'architecture, de l'urbanisme n'est pas forcément innée et il ne faut pas rester entre gens
savants qui apprécient des choses et qui ne les feraient pas apprécier aux autres, cela est un travail pédagogique. La marche à
pied et le confort qu'elle engendre me paraissent être un préalable absolu à toute reprise en considération de ce patrimoine et
même à son explication et à sa compréhension. Il y a deux choses que nous devons faire : la première, il faut aller doucement
et la deuxième, il faut lever la tête. Croyez-moi que lorsque nous aurons réussi à faire simultanément ces deux choses, nous
aurons beaucoup progressé dans la compréhension de nos villes.
Loïc JAUVIN
Sur cette question, nous avons des itinéraires, des circuits, des distances. J'interpelais tout à l'heure Monsieur Franck Antich, je
pense que Lorient a aussi sans doute une réflexion qui s'est maturée avec le temps.
Franck ANTICH
Sachant que nous avons eu une problématique de reconversion militaro-portuaire avec une base de sous-marins en centre-ville
de Lorient, nous avons dû réapprendre à intégrer ce quartier militaire dans la ville par sa réappropriation urbaine, mais aussi sa
réappropriation en termes de fonction et de parcours des Lorientais. Cette notion de bouclage, d'appropriation, de fonction
économique ou d'habitat que nous devons établir à un endroit précis, surtout dans le cadre d'une reconversion, est la base de
facteurs permettant de voir si nous avons ou non réussi. Aujourd'hui, nous voyons que ce quartier qui est devenu un quartier de
la ville à part entière est pratiqué, usité et au fur et à mesure de cette confortation de pratiques, qui ne sont pas des pratiques
dures, nous réalisons que ce quartier redevient un quartier de la ville et fait partie de l'attractivité de notre territoire au même
titre qu'une reconversion d'îlots ou de commerces en plein centre-ville. Il est vrai que ces notions de réappropriation de
parcours et de sensibilité des personnes et de leur usage sont des facteurs assez importants pour nous, sur notre territoire.
J'ai également une question à vous poser. Au regard de tous vos exposés, nous nous sommes tous focalisés sur ce que nous
faisons et devons faire dans nos centres villes, mais en parallèle, personne n'a évoqué ce qu'il faisait pour éviter le
développement des commerces en périphérie. Lorsque nous regardons vos exemples, vous mettez beaucoup d'énergie sur
cette requalification et sur la dynamique du centre-ville, ce qui est important – nous faisons la même chose –, mais derrière,
que faites-vous pour pouvoir faire face aux nouveaux usages en périphérie ? Nous parlions tout à l'heure de restructuration des
nouveaux centres commerciaux : il est souvent question de villes-centres, mais les villes périphériques ont aussi leur propre
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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logique et sont souvent ravies d'accueillir une grande surface. J'aimerais donc connaître vos différentes expériences en termes
de politiques commerciales entre autres en périphérie.
Laurianne DENIAUD
Je donnerai une esquive de réponse pour Saint-Nazaire par rapport à l'extension des zones commerciales dans la ville et en
périphérie. Tout d'abord, sur ce qu'il se passe en périphérie de notre ville ou des villes-centres, nous manquons aujourd'hui
d'outils pour pouvoir limiter l'extension ou pour pouvoir travailler de manière complémentaire sur la destinée de ces zones
commerciales. L'outil que nous avons à disposition est la concertation sur cette question avec nos collègues des autres villes.
En revanche, en ce qui concerne les centres commerciaux situés à l'intérieur même de notre territoire, nous avons fait le choix
de miser sur la complémentarité entre une offre que peut offrir un centre-ville et celle que peut offrir une zone commerciale.
Pour cela, nous réglementons les surfaces à aménager pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de petites surfaces qui se
développent dans les zones commerciales, mais plutôt de grandes surfaces, qui de toute façon ne trouveront pas de lieux
d'accueil par rapport à leurs attentes en centre-ville de Saint-Nazaire. Sinon, effectivement, nous prenons le risque que ces
locomotives aillent s'installer dans des zones périphériques à la ville. Nous travaillons donc vraiment sur cette complémentarité
entre nos zones commerciales et le centre-ville de Saint-Nazaire. Pour le moment, notre outil porte sur la question de la
surface, sur les autorisations d'aménagement, de retournement, ce sur quoi nous sommes très vigilants et sur la question des
galeries commerciales afin qu'elles ne prennent le pas sur le centre-ville. Nous travaillons également sur la question des pôles
de proximité. Comment faire demain pour que les fleuristes, les commerces de bouche, les pharmacies ne se développent pas
dans ces zones commerciales, mais dans les pôles de proximité de la ville, notamment dans le centre-ville ?
Dominique DHERVILLEZ
Sur le cas particulier du Havre, la ville a pu réaliser dans les années 2000 un centre commercial en plein cœur de ville, le
Centre Coty, avec une grande surface occupée par Monoprix et Printemps. Cette galerie commerciale fonctionne bien, mais ne
parvient pas à drainer aussi fort qu'elle le pourrait, car il y a les centres commerciaux de périphérie qui constituent une barrière
d'approche pour les personnes se trouvant à l'extérieur. La deuxième tentative est celle du centre commercial Vauban, qui est
le résultat de la transformation d'un magasin portuaire de 60 000 m2. Il devait être un centre innovant sur le temps libre, le
voyage, le sport. Il a été acheté par un gestionnaire de centres commerciaux qui y a mis des enseignes banales et a fait
échouer la stratégie, aujourd'hui ce centre n'arrive pas non plus à percer.
Depuis l'arrivée de la LME, les élus ont beau faire ce qu'ils estiment devoir faire, il y a des CDAC qui ont lieu avec des votes
négatifs et où le recours l'emporte systématiquement. Aujourd'hui, ce sont donc les grands investisseurs commerciaux,
immobiliers qui font la danse. Ils font croire qu'ils créent des emplois et l'État se couche. Nous sommes donc dans une situation
dramatique avec des bombes à retardement qui toucheront toutes les villes.
Patrice DUNY
J'apporte mon témoignage pour Caen qui est doté d'un centre un peu particulier, comme je l'expliquais précédemment, en ce
sens qu'il n'a pas de concurrence. Il a donc une très vaste chalandise. Quelques éléments me permettent de dire qu'il faut
rester raisonnablement optimiste. Dans le centre de Caen, une rue est dédiée à la bande dessinée, la rue Froide, regroupant
des marchands de bandes dessinées très spécialisés que l'on ne trouve qu'ici. Les personnes viennent, car ce produit est
unique. Si nous sommes sur une offre équivalente à ce que l'on trouve en grande périphérie et en grande distribution, le centre
a effectivement peu d'intérêt si ce n'est ce que l'on appelle l'expérience urbaine de l'acte d'achat. Il faut, en revanche, pouvoir y
trouver des produits et configurations de choix, des expériences différentes de ce que vous trouverez dans la grande
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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distribution, qui est très normée avec des plans marketing, etc. La ville-centre doit se différencier. Si l'on veut reproduire dans le
centre la même offre qu'en périphérie, le centre a perdu. En revanche, le centre offre cette particularité d'être le seul endroit
que tous les habitants d'un vaste territoire connaissent. Nous parlions de Saint-Priest tout à l'heure, dans la banlieue de Lyon.
Lorsque l'on n'est pas originaire de cette ville, il n'y a pas franchement de raison d'y aller. Alors que tous les habitants de nos
villes connaissent et partagent cet espace du centre, car ils savent où il se trouve, ils y sont tous allés. Cela est unique et si
nous parvenons à avoir une offre adaptée à cette spécificité, alors nous avons des chances de faire de ces centres
commerciaux quelque chose de très vivant. À Caen, nous avons deux centres commerciaux majeurs ayant une chalandise qui
dépasse très largement les autres. Le centre commercial régional périphérique, Mondeville II, et le centre-ville de Caen. Ils ont
tous deux une chalandise et des performances économiques qui sont sans commune mesure avec les centres commerciaux
périphériques. Parmi ces deux numéros 1, il y a le centre-ville. Cela est lié à sa spécificité d'absence de concurrence et de plus
grand centre commercial en milieu urbain de Basse-Normandie.
Essayons de prendre ces exemples pour se dire que si l'on ne différencie pas en termes de qualité de produits, de l'offre, de
l'expérience, nous allons droit dans le mur. Les citoyens seront attirés vers ce qui est attractif, ils savent le détecter. Si ce n'est
pas attractif et non accessible, alors ils choisiront le plus pratique.
Vivien DUTHOIT
Je vais dans le même sens que ce que vous venez tous de dire. En tant que technicien et opérateur direct sur les questions de
CDAC par exemple, je confirme que ce sont des problématiques difficiles à gérer. Nous sommes dans une dualité avec un
centre-ville et une zone périphérique qui malgré tout représente des pôles d'emploi importants, notamment dans des
communes qui sont de plus en plus tertiaires, tournées vers la consommation, il ne faut pas le nier. L'enjeu est effectivement de
trouver une complémentarité, les centres villes doivent se différencier, cela est évident, avec notamment comme je l'expliquais
pour ce qui était recherché à Mulhouse, des enseignes nationales un peu différentes ou qui n'existent pas sur le bassin, ou
encore des porteurs de projets indépendants qui vont pouvoir apporter cette innovation. En revanche, je tempérerai quelque
peu en disant que le consommateur doit aussi pouvoir y trouver des enseignes nationales un peu plus standardisées. Il faut les
deux, d'où l'intérêt d'avoir des centres commerciaux nouveaux, renouvelés qui permettent d'avoir des grandes surfaces. Là est
toute la difficulté.
Je vous rejoins également sur l'idée qu'il y a une inflation du m2 en périphérie qui est apparue dans les années 2000 et qui se
poursuit encore actuellement. Le réseau Procos représente justement à la fois les grandes enseignes, les grands acteurs du
commerce et de la grande distribution, qui eux-mêmes le disent. Aujourd'hui, il y a trop de projets de m2, nous sommes dans
une logique d'investisseurs, les zones périphériques, elles-mêmes, se cannibalisent. Il faut trouver des outils pour limiter ces
développements et je pense que les évolutions en cours au niveau des intercommunalités, le PLU intercommunal doivent
permettre de trouver une rationalisation et des outils à disposition des élus pour agir au niveau de l'agglomération. Raisonner
uniquement « centre-ville » ne permettra pas d'aboutir à des résultats probants.
Laurianne DENIAUD
Je suis d'accord avec cela même si l'échelle de l'agglomération reste encore insuffisante par rapport à la problématique des
périphéries. Nous abordons beaucoup depuis ce matin la question des zones commerciales périphériques, mais il y a une
thématique beaucoup moins abordée qui est celle du poids du numérique et d'Internet dans les nouveaux modes de
consommation. Je suis intimement persuadée que c'est un phénomène naissant et qui, déjà à sa naissance, est tout aussi
important que le phénomène des zones commerciales et qui ne peut qu'augmenter, alors que ce n'est pas forcément le cas de
l'expérience des zones commerciales périphériques. Le raisonnement est assez similaire : qu'est-ce qui fait qu'un samedi
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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après-midi, je vais en centre-ville de Saint-Nazaire plutôt que d'acheter des vêtements soldés à -50 % en ligne sur le site
Ventes Privées ? Nous devons réfléchir à ces questions, étant donné l'existence de ces offres commerciales extrêmement
intéressantes et concurrentielles sur Internet aujourd'hui.
Delphine AGIER, SOLIHA
Bonjour, je m'appelle Delphine Agier de SOLIHA, Solidaires pour l'habitat, anciennement association Pact et Habitat &
Développement. J'ai plusieurs questions à vous poser non sur la thématique commerciale, mais plutôt sur les habitants et
éventuellement leurs autres attentes. Procédez-vous à des enquêtes habitants ? Vous avez beaucoup parlé de ce qu'il serait
souhaitable de mettre en place dans les centres villes et de l'image que peuvent en avoir leurs habitants. Certaines villes
pratiquent ces enquêtes avec les mêmes questions posées à intervalles réguliers tous les deux ou trois ans afin d'évaluer
l'évolution du sentiment et le ressenti des habitants et mesurer l'impact éventuel de leurs actions.
Nous sommes souvent amenés à rencontrer les habitants sur leurs questions d'habitat, mais nous posons souvent, avec les
villes, d'autres questions et la notion de nature, de présence de jardins dans les quartiers et dans les villes revient très souvent.
Ma deuxième question porte donc sur ce sujet : est-ce que ces notions de jardins partagés, cogérés sont des éléments que
vous avez imaginé dans ces centres villes reconstruits ? Y a-t-il la place pour cela ou souhaitez-vous en créer ?
Ma troisième question porte sur les éventuelles stratégies que vous avez, en termes de prospectives sur le vieillissement de la
population, dans l'offre que vous pouvez proposer ou essayez de développer.
Loïc JAUVIN
Y a-t-il d'autres questions pour compléter celles qui viennent d'être posées ?
François ROBLIN, CAUE de l’Orne
François Roblin du CAUE de l'Orne. Nous travaillons notamment à Flers, qui a été présentée ce matin. Cela est très intéressant
de parler du commerce, c'est une question pour le centre-ville qui pose la question de la centralité, nous avons parlé des
périphéries, du périurbain, du « périrural » puisque nous avons trouvé ce concept de métropole rurale pour amener cette
approche visant à définir où se trouve finalement le centre et ce que signifie la notion de centralité. Dans différentes zones en
France, nous nous posons tous la même question sur le patrimoine de la Reconstruction que sur les autres centres anciens, à
savoir comment cela évolue et vit. La question de la reconstruction se pose sur le bâti spécifique. Une fois que nous disposons
d'un commerce en bas, nous nous posons les mêmes questions que pour ce qu'il se passe au-dessus notamment pour l'habitat
ou le tertiaire. Nous observons que nous avons les mêmes problématiques : une fois que le rez-de-chaussée est utilisé, nous
ne savons pas comment utiliser l'étage. Par exemple, dans le Sud de la France, nous avons des maisons anciennes avec des
pâtures qui nécessitent d'emprunter des passages à l'arrière, par une cour. Dans les îlots de la Reconstruction, nous pourrions
raisonner en ces mêmes termes par rapport aux problématiques d'accessibilité des publics différents selon s'ils sont jeunes ou
plus âgés. Le parcours résidentiel évolue dans la vie, nous observons qu'aujourd'hui, nous ne sommes plus sur un seul mode
d'habitat, mais sur une évolution qui fait passer en centre-ville lorsque l'on est jeune, puis en maison individuelle lorsque l'on a
sa famille puis l'âge aidant, il y a un retour en centre-ville ou en EHPAD sur quelque chose de plus accessible. Une même
problématique dans le bâti de la Reconstruction comme dans la ville ancienne sera par exemple la question de l'accès aux
étages. Aujourd'hui, dans l'habitat individuel à l'extérieur, il se crée des cabinets médicaux où seuls les rez-de-chaussée sont
utilisés, car accessibles. Cela pose de vraies questions sur la réutilisation du bâti dans les centres anciens qu'ils soient issus de
la reconstruction ou non en termes d'occupation du rez-de-chaussée et en termes de bâti lui-même. Faut-il supprimer les
commerces afin d'utiliser les rez-de-chaussée différemment ? Nous menons justement sur ces questions des réflexions avec de
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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jeunes architectes en décembre prochain. Faut-il remettre la maison individuelle en centre-ville ? Ceci est volontairement
provocateur.
Christophe NORAZ
S'agissant des composantes sociologiques, nous avons compris que le temps du parcours de la vie, du plaisir de la vie est de
plus en plus important. À la question du ressenti et de l'usage des pratiques, nous avons mené depuis un peu plus d'un an
plusieurs enquêtes sociologiques qualitatives sur le centre-ville dès le démarrage de l'élaboration de la stratégie. Plus de 4 000
personnes ont été interrogées dans le centre-ville afin de comprendre leurs pratiques et leurs usages du centre-ville, leur
ressenti, ce qui a représenté des éléments importants pour nous. Nous avons mené d'autres enquêtes sur le vélo, actuellement
une enquête est en cours d'élaboration sur les questions du genre et des espaces publics. Nous avons donc une série
d'enquêtes pour lesquelles nous ne nous sommes pas contentés de rester en centre-ville, nous sommes également allés en
zone périurbaine où des enquêtes d'entretien ont eu lieu afin de comprendre quels types de produits les personnes
recherchent, pourquoi se les approprier à tel endroit, et savoir s'ils seraient intéressés pour venir en centre-ville, si oui, à quelles
conditions, etc. Nous avons encore peu de retours, car cela fait 18 mois que nous avons commencé cette série d'enquêtes.
Nous verrons dans quelques années quels seront les taux de retour et les taux de satisfaction de la population dans cette
démarche d'évaluation, menée notamment par l'Agence d'urbanisme. Nous souhaitons par ce biais dépasser la question
purement théorique pour véritablement entrer dans le vécu et la perception des habitants, composante fondamentale de tout
projet urbain.
Enfin, je donnerai des éléments de réponse sur la question d'habitat individuel et d'usage de rez-de-chaussée. Nous
accordons, dans notre stratégie de revitalisation du centre-ville de Saint-Nazaire, une place importante à la maison individuelle.
Nous avons aujourd'hui trois sites de renouvellement urbain qui sont importants, situés en plein centre-ville, sur lesquels nous
cherchons à développer de nouveaux produits immobiliers, principalement autour de la maison de ville. Nous avons du collectif,
puisqu'il compose principalement le centre-ville de Saint-Nazaire actuellement, nous souhaitons donc pouvoir proposer d'autres
produits pour aller chercher d'autres types de population en restant toujours dans l'idée du rééquilibrage sociodémographique.
Voici ce que nous essaierons de faire sur les opérations de renouvellement urbain.
S'agissant de la question des rez-de-chaussée et pour revenir à la stratégie de Saint-Nazaire, vous avez dû le voir dans mon
intervention, nous avons beaucoup de cellules commerciales qui sont vides actuellement. Si nous partons du principe que nous
cherchons à concentrer, à resserrer, il y a de facto des cellules commerciales qui ne seront plus vouées à accueillir du
commerce demain. Quel type d'activités allons-nous pouvoir imaginer dans ces fameux rez-de-chaussée ? La question est
ouverte, l'exploration est en cours, nous sommes en train de chercher des pistes programmatiques. Cela peut être du tertiaire,
de la micro activité ou encore de l'habitat pour des personnes âgées.
Elisabeth TAUDIERE, architecte Basse-Normandie
Je suis Elisabeth Taudière, architecte, je travaille à la Maison de l'architecture de Basse-Normandie qui est une structure
culturelle, dédiée à la sensibilisation à l'architecture et à l'urbanisme. Je suis contente d'être ici aujourd'hui, car je pense que
nous sommes la seule structure culturelle à participer à ce colloque. Nous y participons justement, car nous avons comme
thématique, aux côtés de nos partenaires, la reconstruction comme un vaste chantier sur lequel nous allons pouvoir
expérimenter, un peu à l'image des architectes et urbanistes qui ont construit ces villes avec un enthousiasme et l'envie
d'innover et d'expérimenter.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Nous pensons que se réapproprier ce patrimoine est aussi l'occasion d'imaginer ensemble la ville de demain. L'une de nos
actions est de mettre en place des résidences d'architectes, situées pour l'heure surtout dans des bourgs ruraux qui ont
également un patrimoine reconstruit et qui sont de petits laboratoires dans lesquels nous accueillons de jeunes architectes qui
vont plutôt essayer de travailler sur des usages comme la médiation auprès des habitants afin qu'ils puissent se réapproprier
leur patrimoine et s'y projeter. À l'échelle des villes plus importantes, nous allons commencer cet hiver une expérimentation à
Avranches, dans un quartier qui vient d'entrer en rénovation zone prioritaire et qui va entamer un travail de rénovation urbaine
sur un quartier reconstruit. Nous avons une équipe qui va arriver au mois d novembre pour initier un travail sur les espaces
publics. Nous ne sommes pas dans de grands dispositifs fonciers, financiers, mais sur des actions culturelles très douces,
simples et conviviales où l'architecte réintègre les quartiers et le terrain et va rencontrer la population, travailler avec elle sur la
préfiguration de l'usage, sur des installations très simples, des micro architectures afin de pouvoir initier de nouveaux usages.
J'ai été attentive à la dernière intervention sur la ville sans carte bleue, pouvoir se promener, avoir une entrée très différente de
celles commerciales, très techniques, financières, professionnelles et technocratiques, institutionnelles dans la ville, mais à
l'inverse une entrée créative, gratuite, festive, conviviale et qui se fait plutôt par les usages et les habitants dans l'imagination et
la création de la ville de demain. Il y a peut-être justement un croisement à faire entre ce volet culturel, créatif et prospectif et
des volets plus traditionnels et institutionnels. C'est cette contribution que nous souhaitons apporter aux réflexions de toutes les
collectivités présentes ici, avec les expérimentations que nous mènerons ou menons déjà avec des collectivités locales
souhaitant innover et expérimenter en associant de jeunes professionnels qui pourront inventer la ville avec eux. Je n'ai donc
pas de question, mais plutôt une invitation pour tous à suivre ce que nous sommes en train de mener et ce que nous initierons
cet hiver et dans les années à venir.
Loïc JAUVIN
Nous voyons ici des approches aimables, festives, des micro actions, une proximité qui peuvent tout à fait trouver leur place
dans des stratégies d'ensemble qui ont lieu à toutes les échelles et qui ne sont pas forcément cantonnées dans de l'intervention
lourde, mais qui peuvent au contraire trouver leur place dans des interventions à beaucoup plus petite échelle.
Laurianne DENIAUD
Afin d'alimenter la réflexion sur cet aspect, je dirai qu'avec le travail que réalise l'Atelier, le centre d'information sur les projets
urbains, nous travaillons en partenariat avec Saint-Nazaire Tourisme et Patrimoine et nous développons un certain nombre
d'actions qui vont dans ce sens. Nous pouvons citer deux exemples pour cette année. La carte sensible et poétique du centreville de Saint-Nazaire où l'idée est d'inviter tous les Nazairiens, pas seulement ceux qui habitent le centre-ville, à venir décrire
avec leurs mots, leurs sons, la ville qu'ils vivent et qu'ils voudraient vivre demain à Saint-Nazaire de manière sensible et
poétique. Nous avons une autre illustration qui rejoint la question de la végétalisation, où nous allons proposer aux Nazairiens
d'exprimer leurs idées les plus folles sur la nature en ville. Notre objectif est de leur demander de créer des microprojets avec
leurs idées pour faire revenir la nature en ville. Même si nous avons des rangées d'arbres – ceci est propre à la reconstruction
– nous avons aussi beaucoup de cœurs d'îlots. Les Nazairiens ont la perception d'une ville assez minérale et assez grise.
L'adjoint à la culture qui vient de partir aurait beaucoup aimé votre intervention.
Je souhaite apporter un autre élément. Je ne sais pas s'il est possible de faire un lien avec les autres villes de la
Reconstruction qui sont pour beaucoup des villes industrielles détruites, car stratégiques avec un positionnement stratège en
termes d'aménagement du territoire, mais dans l'enquête qualitative menée sur notre centre-ville, un élément important ressort
et nous ne devons pas le nier. Il s'agit de la question de la sécurité et en l'occurrence du sentiment d'insécurité que peuvent
avoir les femmes en centre-ville. C'est pour cela que nous avons décidé de lancer une étude sur la question du genre et de
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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l'espace public. Dans les premiers résultats, nous avons appris que Saint-Nazaire était une ville très masculine dans son
rapport. Nous pouvons peut-être lier cela à la forte tradition industrielle. Elle est aussi très masculine, car l'industrie fait que
nous avons des travailleurs temporaires, des intérimaires, qui sont souvent des hommes qui viennent sans leur famille. Il me
semble que cette question de la masculinité de notre centre-ville est à prendre en compte, car il y a de nombreuses femmes qui
ont dit ne pas forcément trouver leur place après 17h, heure à laquelle il y a essentiellement des hommes dans les rues, aux
terrasses des cafés. Peut-on faire un lien spécifique avec villes de la Reconstruction qui sont peut-être des villes plus
industrielles que d'autres ? Je ne sais pas. Ceci est ma réflexion de l'instant.
Bruno REGNIER, Cabinet ALAP
Je suis Bruno Regnier du Cabinet ALAP Architecture, nous travaillons à la fois à Caen et à Saint-Nazaire. Il y a quelque chose
sur le travail sur le patrimoine qui revient en permanence. Nous sommes tous en train de parler de patrimoine dans la valeur
culturelle, elle est très importante et c'est pour cela que nous faisons des AVAP et que nous essayons de repérer le patrimoine
et lui donner une valeur, de le porter à l'appréciation du public, mais de notre expérience, la dimension culturelle du patrimoine,
une fois prise en compte par les habitants, se valorise du côté du patrimoine immobilier, tel que je le vois ici. Plus nous faisons
comprendre aux personnes que le bâti dans lequel ils sont a une valeur culturelle et plus ce dernier prend de la valeur en
termes de patrimoine, de valeurs capables d'être transmises. Nous cherchons à s'accrocher et à faire comprendre que plus l'on
prend en compte la valeur culturelle, plus les personnes ont en main quelque chose qui a plus de valeur au-delà du culturel. Je
ne sais pas si je me suis fait comprendre, mais c'est quelque chose que je souhaitais dire !
François ROBLIN
Par rapport au patrimoine, nous avons travaillé avec les collèges en proposant aux collégiens des visites commentées de la
ville. Il faut commencer par les plus jeunes, ils sont l'avenir et sont ceux qui vont investir sur la connaissance de leur patrimoine.
Cette appropriation du patrimoine, évoquée tout à l'heure par Patrice Duny, est très importante. Nous nous apercevons que la
population ne s'est pas encore approprié ce patrimoine. Nous faisons depuis plusieurs années un gros travail sur la ville de
Flers pour mettre en place des expositions, des visites, un guide à l'Office du tourisme vient commenter le patrimoine de la
Reconstruction.
Par ailleurs, sur la notion de l'évolution du centre-ville, des commerces et des locaux tertiaires sont effectivement vacants et
cette réappropriation doit donc avoir lieu. Il y a aussi beaucoup de logements vides. Nous constatons donc une vacance dans
tous les domaines. Nous savons que la ville s'est repliée sur elle-même, mais il y a aussi de nouveaux modes d'utilisation et
nous nous sommes posé des questions sur la notion de densité. Nous nous apercevons que le centre-ville est peut-être trop
dense, cela pose la question des maisons individuelles dans le centre, de la place des espaces verts, bref, des espaces dans
lesquels les personnes se sentent à l'aise. Nous créons des espaces énormes, mais vides en périphérie qui ne sont pas que
des espaces de stationnement. J'ai été sidéré qu'il me soit demandé dans certaines villes de faire de l'habitat dense en
opération de rénovation urbaine par exemple et à côté, le collègue travaillant sur les zones d'activité se permettait de faire des
espaces énormes en disant que l'industriel devra à terme agrandir ses locaux. Nous nous retrouvons donc avec des espaces
complètement dilués en périphérie. Pour tout ce qui concerne le logement, nous allons condenser les personnes qu'elles soient
satisfaites ou non.
Isabelle ROBERGE, Conseil régional de Basse-Normandie
Bonjour, je m'appelle Isabelle Roberge, je travaille au Conseil Régional de Basse-Normandie. J'avais une réflexion sur la
concurrence ville-centre et communes périphériques, je pense à Caen en particulier, mais aussi à d'autres villes moyennes en
Basse-Normandie où l'on observe une concurrence entre les quartiers au sein même de la ville. Au sein de mon service,
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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l'aménagement du territoire, nous avons fortement financé les projets ANRU, nous avons focalisé sur des quartiers avec
d'autres tranches urbaines où nous avons installé des bâtiments neufs, aux normes. Nous traitons aussi du sujet de la santé et
avons offert aux professionnels de santé du centre-ville d'aller s'installer dans des quartiers proches du centre-ville pour pouvoir
constituer des pôles de santé regroupant une vingtaine de professionnels et tous les usagers qui suivent derrière, cela pose
des questions en termes de consommation dans le centre-ville puisque les professionnels de santé restent des cadres
supérieurs qui consomment, autant que des questions en termes de flux que nous avons enlevés du centre-ville. L'enjeu
aujourd'hui est d'avoir, au sein de ces projets de rénovation urbaine, une vision qui aille au-delà de l'échelle du quartier. Nous
travaillons dans des quartiers intégrés dans la ville et qui n'ont pas les problématiques de quartier des agglomérations plus
importantes. Malgré tout, je remarque que nous avons vidé les centres villes avec nos propres politiques publiques.
Patrice DUNY
Sur ces questions de densité, de nouveaux usages et d'utilisation, il est vrai que nous nous trouvons quelque peu sur des
injonctions contradictoires. On nous demande de faire plus dense alors même que nous savons que dans certains endroits il
n'y a pas de marché pour ce type de produits. Le cas du programme local de l'habitat de Rennes est assez connu, il y avait
obligation de faire de l'habitat collectif dans tous les villages alors qu'il n'y a pas de marché pour le collectif dans certains
villages. Nous en arrivons donc parfois à des choses qui ne sont ni raisonnables ni réalistes.
Je voulais revenir sur ce dont nous nous sommes rendu compte à l'occasion du programme local de l'habitat de Caen. Si le
centre reconstruit de Caen ne va pas trop mal, c'est parce qu'il était sans concurrence. Il y avait peu de logements à Caen et le
développement économique ayant été relativement conséquent dans les années 2000, ce parc était vraiment utilisé, car il n'y
avait rien d'autre. Mais pour des raisons démographiques, notamment avec la chute de la taille des ménages, il a fallu se
remettre à construire dans la ville, nous avons donc créé une offre alternative neuve aux normes, plutôt bien faite, alors qu'il n'y
avait pas de concurrence pour le parc de la Reconstruction. À partir du moment où la concurrence est arrivée, les carences de
ce parc sont apparues, carences à la fois en termes phoniques et thermiques, mais aussi le mauvais rapport qualité-prix. Nous
étions alors sur des tarifs autour de 2 000 € du m2. Ces prix restent encore élevés pour de l'ancien et cela signifie que ce parc
n'était pas accessible à tout le monde. Je suis en train de dire que si nous voulons que ces parcs et que ces centres villes
soient habités et qu'il y ait une certaine densité, il faut réfléchir à la question de l'organisation de la rareté.
Or, aujourd'hui, jamais nous n'avons eu aussi peu de rareté de logements à l'échelle des aires urbaines. Nous sommes dans
des jeux à somme nulle en termes de population, puisque celle-ci croît peu dans nos territoires, y compris au plan national. En
gros, lorsque nous prenons un habitant quelque part c'est que nous l'avons piqué à quelqu'un. À partir du moment où il n'y a
pas de politique restrictive – personne ne veut en faire aujourd'hui – les flux s'organisent naturellement en fonction des
aspirations des habitants. Ce que nous montrent ces phénomènes lorsqu'il n'y a pas de restriction est que les centres se vident
parce qu'ils sont mixtes, en termes de population et d'activité et en termes de génération. Or, nous voyons bien que lorsque
nous permettons à nos concitoyens le choix, ils se regroupent par affinités, par âge, par classe sociale et l'individualisme
aidant, ils ont tendance à éviter la cohabitation et cela pose la question de la difficulté de la copropriété, du collectif. Sans
pression, les centres villes vont garder leurs qualités intrinsèques certes, mais devenir ce que sont les centres villes américains,
des espaces tertiaires uniquement. Sans pression donc, pas de choix politique en matière d'habitat, mais qui veut imposer la
pression aujourd'hui ? Bonne question.
Pascale HAMEAU, Élue, Saint-Nazaire
Je m'appelle Pascale Hameau, élue à Saint-Nazaire, je vais laisser la parole à ceux de l'extérieur en priorité, mais puisque j'ai
le micro, j'en profite. J'ai vécu en Bretagne, en Basse-Normandie et suis Nazairienne aujourd'hui. Certains éléments de
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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comparaison dits aujourd'hui m'intéressent en matière d'habitat et en matière de centre-ville. Je pense que la manière de vivre
en centre-ville est essentielle et la manière d'y déambuler avec plaisir l'est aussi. Nous avons en tant qu'élus un regard de
gestionnaire, nous avons la responsabilité de faire vivre nos villes et d'améliorer sa qualité de vie autant que possible, c'est
l'une de nos missions. Pour cela, nous avons une certaine échéance. Dans ce genre de colloque, il serait intéressant de faire
de la prospective à plus long terme et je trouve que la question de notre regard sur le commerce est essentielle : est-ce que
nos centres villes vivront toujours du commerce demain ? Le commerce se fera-t-il in situ ? Je n'en suis pas certaine, le
numérique prend déjà le relais aujourd'hui et le drive aussi. Nos centres villes seront-ils des centres commerciaux demain ? Je
ne le sais pas. En tout cas, il restera sans doute un lieu de déambulation, de rencontres et que veut-on en faire ? Je suis très
sensible à l'environnement et un lieu de déambulation avec un espace doux, pacifié où l'on se sent bien, sans commerces, cela
me paraît être une bonne chose, mais il faut qu'il soit pensé, et peut-être pensé aujourd'hui pour demain. Cela m'intéresserait
d'avoir votre avis là-dessus.
Dominique DHERVILLEZ
Sur le commerce, l'animation et le centre-ville, je voudrais rappeler qu'historiquement les commerçants sont venus pour faire
vivre les bourgs. Le pouvoir, les administrations n'étaient alors pas les mêmes que maintenant. Aujourd'hui, le commerce suit le
client et il bouge, car le client bouge. Les médecins par exemple quittent actuellement le centre-ville pour des questions
d'accessibilité, de zone franche, de rente foncière, cela est similaire pour les professions juridiques. Cela est une forme
d'étalement urbain comme une autre, où les boulangeries iront s'installer dans les stations-service, etc. Il y a une déliquescence
de ce qui constituait les éléments de centralité, de substrat et de partie apparente, le commerce, et cela est très inquiétant,
auquel s'ajoute effectivement le problème d'Internet. Nous faisons du commerce par Internet, de l'administration par Internet,
bientôt la médecine par Internet ? Sans lancer un cri d'alarme, il y a lieu d'être réellement inquiets sur cet espace public qui a
constitué nos villes historiques européennes. Nous pouvons constater que c'est toujours dans les années 10-15 de chaque
siècle que des bouleversements ont lieu. Nous sommes en 2015, il va donc y avoir des bouleversements analogues à ceux
qu'ont connu les siècles précédents et qui ont bouleversé nos modes de vie, fracassé des populations et des métiers.
Actuellement, est-ce que ce qui constitue l'idée de la ville est en train de se changer en bien ou en rien ? Cela est la question.
Patrice DUNY
Dans l'Histoire, il faut savoir que jamais une forme de commerce n'a totalement supplanté la précédente. J'en veux pour preuve
le marché qui est archaïque et qui pourtant survit. Il faut se dire qu'il y a des endroits où restera un commerce d'aujourd'hui et je
pense que ce sera dans les centres villes pour les raisons que j'évoquais tout à l'heure de connaissance du centre-ville par tout
le monde. Mais il est vrai que nous sommes au début de changements que nous ne maîtrisons pas et que nous ne mesurons
sûrement pas, malgré tout, nous ne faisons pas complètement tabula rasa du passé sauf très rarement pour des raisons
militaires, comme au Havre. Nous sommes dans la sédimentation, les choses du passé restent toujours.
Vivien DUTHOIT
Cela est une question de réinvention de ce qu'est le centre-ville et de ce qu'est le commerce en centre-ville. Nous avons tout de
même plaisir à nous trouver au même endroit, dans des endroits communs, à avoir une activité où nous allons déambuler, nous
promener, et le shopping, le commerce font aujourd'hui partie de la civilisation. Je ne pense donc pas que nous allons tous
rester derrière notre ordinateur avec une souris à aller faire du shopping en ligne. Ce n'est pas une expérience très
sympathique. Elle s'avère peut-être moins chère, mais nous n'éprouvons pas de plaisir. C'est pour ces raisons qu'il est
important à mon sens de mettre l'accent sur l'aspect plaisir en centre-ville. Les commerces, mais aussi les cafés, les bars, les
restaurants amènent de la vie et cela est une expérience qu'il n'est possible de trouver qu'en centre-ville. Les centres
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commerciaux nouvelle génération ont tendance à recréer cette ambiance. Nous sommes donc dans une forme de concurrence,
à nous de faire en sorte que les centres villes restent attractifs.
Louis HENRY
Nous pourrions ajouter pour terminer ce qui vient d'être dit que le centre-ville est l'occasion d'une expérience sensorielle que
nous n'avons pas ailleurs. Le rapport à la ville est déjà une expérience sensorielle, mais un achat sur Internet n'est pas quelque
chose que nous avons touché, senti.
Sur la prospective, je pense effectivement que les choses n'évoluent jamais complètement du tout au tout. Je me souviens
qu'on nous disait en géographie qu'au Moyen-Âge, la ville était le lieu des rencontres intellectuelles, marchandes et sexuelles. Il
me semble que cela reste à peu près vrai aujourd'hui. Ces fondamentaux restent et ne sont pas près de bouger. Beaucoup de
choses vont changer, la population va vieillir, les modes de transport vont peut-être changer, nous n'aurons peut-être plus le
droit de conduire au-delà de 70 ans par exemple, ce qui serait une vraie révolution par rapport à la situation actuelle surtout par
rapport à l'importante population vieillissante ou bien nous aurons peut-être des véhicules autonomes qui permettront à des
gens de 90 ans de se déplacer comme ils le voudront. Nous pouvons essayer de réfléchir à quelques adaptations, à quelques
phénomènes prévisibles. Le réchauffement climatique est un phénomène désormais prévisible, le vieillissement de la
population l'est également. Un certain nombre de modifications dans nos pratiques quotidiennes sont prévisibles et je pense
que si nous préparons la ville à s'adapter à trois ou quatre modifications importantes et certaines – non à tout ce qui peut se
produire – la ville aura acquis une souplesse qui lui permettra de s'adapter à plein d'autres choses qui n'auront pas été prévues.
Loïc JAUVIN
Monsieur Henry, je vous remercie pour cette dernière intervention conclusive de cet atelier et qui ouvre le débat tourné vers
l'avenir, vers les enjeux de demain pour nos centres villes renouvelés, pour leur nouveau souffle. Je vais passer la parole à
Laurianne afin de conclure en deux mots étant donné que les restitutions se feront en plénière.
Laurianne DENIAUD
En deux mots, j'essaierai de retranscrire le mieux possible cet atelier qui a été extrêmement riche, puisque nous n'avons pas vu
passer les trois heures d'atelier. Cela est un bon signal. J'aimerais remercier chaleureusement nos intervenants et l'ensemble
des participants qui ont contribué à cette après-midi riche et constructive pour les années à venir. Je vous remercie.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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