janvier 2009 - Guts Of Darkness

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janvier 2009 - Guts Of Darkness
Guts Of Darkness
Le webzine des musiques sombres et expérimentales : rock, jazz,
progressif, metal, electro, hardcore...
janvier 2009
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Les chroniques
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PURCELL (1659-1695) (Henry) : Dido and Aeneas (Didon et Énée)
Chronique réalisée par Dioneo
Chant de gloire, de joie pure et pleine ; puis de chute abrupte, fatale, grandeur précipitée toute vive au tombeau.
Trois cents ans et plus après sa mise au monde, il nous saisit encore, nous élève. Instille en nos tissus un
bonheur limpide ou inquiet tour à tour, frémissant à tous les instants. Corps et âme, nous réconcilie. Est-ce à
dire que Didon et Énée, en essence, dans son dessin, sa manière ou ses narrations, échapperait à son époque
? Certes non, pas plus qu’à son auteur. Ils sont bien là, basse continue, clavecin et violoncelle ; ces brillants
octosyllabes, ces ballets de cour qui fleurissent entre les actes. Ces harmonies qui, vues d’ici après tant de
révolutions, de symphonies et d’atonal, nous semblent si simples, naïves presque. Ces thèmes antiques, aussi,
tellement chers à l’âge baroque, si soucieux d’enjamber les siècles écoulés à la rencontre d’un temps idéal. Et
les tournures typiques de l’Anglais, sa délicatesse -proprement merveilleuse- dans la mélodie, son intuition
inouïe de l’espace (le chœur en échos dans la grotte des Sorcières, procédé qu’il reprendra et développera
-magnifiquement- dans The Fairy Queen…). Sons sens du surgissement dans l’enchaînement des rythmes, la
succession des mouvements. Non… C’est ailleurs que bat l’éternelle jeunesse de cet unique opéra. Elle
foisonne dans le monde qu’il décrit, où il nous précipite. Un Âge d’Or ? Sans doute. Mais pas une Utopie, un
système clos et engoncé, pas un mièvre paradis. Une perfection vivante, plutôt, à jamais mouvante, qui prend
souffrances et plaisir comme autant de moteurs plutôt que de motifs ; qui ramifie leurs figures en pures
émotions plastiques. Le miracle, en cette Carthage, est qu’on respire, qu’on chasse, qu’on s’adonne aux bals
comme à la cour d’Angleterre, sans que jamais nul ne s’abaisse ; tout est hauteur, envol ; les amours des
Grands, des Héros, ceux-là qui scellent les alliances et le sort du Monde, s’éploient en jeux et ris, peau à peau,
haleines mêlées ; le Guerrier est doux Amant ; la Reine et Grâce toute terrestre ; les rondes engagent la vie
entière et le sang des bêtes tuées ne laissent rien au vulgaire. Le Mal même, en sa noire assemblée, n’est pas
honteux péché que l’on pointe du doigt en huant sa laideur ; comme tout ici, il est entier, parfaitement formé en
toutes ses parties, irréprochable dans sa trajectoire. Ses ombres ont leur beauté, aux entrelacs de ses furies,
en ses chœurs aux canons presque asymétriques. Sa ruse est le danger, la part du feu qui happe au moindre
signe celui qui s’attarde au vain contentement. La ruine est sa nature, qu’il suivra jusqu’au bout. En ce monde,
aussi, on n’a pas la bassesse de survivre lorsque se brise le sublime embrassement. Le Troyen reparti, leurré
par les sorcières, la reine, sans un pleur, s’abandonne et se coule au néant. S’éteignent les basses en leur
descente chromatique. Et tandis que le corps s’engloutit dans la terre, jaillit la voix de Dame Janet Baker, en cet
air à jamais poignant, si puissant dans sa pudeur qu’il nous soulève et nous ravi, nous propulse aussi haut que
monte la complainte. Le chœur, ensuite, en sa déploration, n’a cure de nous enfouir. Lentement il nous dépose
en un lieu où le silence résonne de tous nos désirs, de nos aspirations à l’entière existence. Déjà s’exauce la
supplique. En nous s’imprime la Beauté, irrigant nos vaisseaux plus jamais en repos. Son souvenir grandit et
germe, s’enracine, alors qu’à chaque seconde s’éloigne l’heure de son trépas. Nous la touchons des lèvres.
Elle laisse sur nos peau et dans nos méandres le goût à jamais fugitif d’une vie non mutilée… Combien sont-ils,
les chef d’œuvres, qui se fondent ainsi à nos chairs ?
Note : 6/6
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FARKA TOURÉ (Ali) : Radio Mali
Chronique réalisée par Dioneo
Cet homme était un fleuve ; les pays sur ses rives avec leurs canaux, leurs récoltes ; leurs légendes qui rôdent
en attendant de s’incarner ; et puis, plus loin du bord, ce désert où l’on voit venir, à des lieues à la ronde, tout
ce qui s’aventure, passe au loin ou s’approche. Né tout en haut de la boucle du Niger, grand épandeur de vie
entre les sables, Ali Farka Touré, très jeune, a parcouru le Mali, s’imprégnant de rythmes, de langages, de
fables ; il s’est mis à apprendre, lui que sa naissance n’avait pas fait musicien : la vitesse des parlers, les
variations infimes et primordiales d’un accent porté ci ou là ; le battement qui sourd à la marche nomade ; les
chants d’apaisement aux veillées des cultivateurs. Quand il franchit, plus tard, d’autres frontières, on ne voulut
voir en lui qu'un maître du blues africain. Ce à quoi il répondit toujours : "Ils ont les feuilles, je détiens les
racines". Il affirmait aussi, plus impénétrable : "le bleu n’est qu’une couleur"… À l’écoute de ce recueil,
enregistrements glanés sur le vif avec un matériel somme toute rustique, bien avant la gloire mondiale, on
comprend le rapprochement. Et l’on adhère plus encore au déni. Certes, il y a bien accointances. Au-delà même
des questions de gammes, de modes, de mesures par douze ou seize. Il y a dans ces accords en arpèges, cette
voix de tête, ces mélodies en boucles obnubilées et ces véloces variations, ce même détachement surnaturel,
ce flegme métaphysique des blues très anciens, ceux que la cire ont saisi de justesse au début d’un autre
siècle, juste avant que s’éteignent ceux en qui ils couvaient. Cette fraîcheur mystique, cette ivresse méditative
qui rend plus proche et plus bruissante la profondeur des nuits aux surfaces immobiles. Mais une différence
frappe l’oreille et l’entendement. C’est que ces chants-là n’ont pas été brisés. Leur flux n’a pas été interrompu,
arraché à leurs cours, réduits à presque rien avant de ressurgir, en bribes pétrifiées où perçaient d'autres
surgeons. Ils disent les citées sacrées, la litanie des lignées apprises par cœur, depuis les héros fondateurs,
grands découvreurs du ciel, jusqu’au dernier-né qui marche encore à peine ; le sillage de la pirogue, qui porte
librement l’amant à son aimée. Ces chants continuent -en Songhaï, en Peul, en Tamascheq- une épopée
vivante, actuelle, sans cesse modifiée, enrichie, changée par les temps où résonnent les mots du conteur ; sa
voix n’est pas celle de l’individu errant, déraciné, tout juste libéré du nom d’esclave mais pas du poids de sa
misère. C’est plus que la voix d’un homme. C’est la voix de peuples mêlés, planteurs, guerriers, chasseurs,
Touaregs en caravanes qui semaient derrière eux des villes (Tombouctou…) ; celles d’Empires défaits par les
armes, tranchés par des frontières d’Europe mais qui, par les sous-terrains, n’ont jamais cessé d’envoyer
partout des émissaires de leurs savoirs, de leur sagesse nourricière, de leur gloire à peine éteinte. De palais en
village, d’un côté à l’autre de l’eau. Touré lui-même se disait véhicule, messager pour la voix des Esprits,
élément conducteur plutôt que créateur. Et de fait sous ses doigts, dans sa gorge, s’accordent et dialoguent,
plutôt qu’ils ne s’affrontent, le calme des mosquées et celui, plus mystérieux, immémoriale, redoutable
peut-être, des êtres sis aux fond des ondes. Cette musique n’entend pas nous divertir. Elle veut nous traverser,
passer par nous comme un courant. Elle entre par nos pores, étire nos minutes et alentie nos gestes. Un calme
incandescent lentement nous emplit. C’est vers nous-même que le flot nous porte. Cet homme était un fleuve.
Sa voix est une énigme. Le bleu est une couleur et nous cherchons la rive.
Note : 5/6
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UNLEASHED : Where no life dwells
Chronique réalisée par pokemonslaughter
Eh oui, il y a toujours des classiques qui manquent sur guts, et toujours dans ce créneau que je porte si haut
dans mon coeur, le death metal. Alors oui, comment pouviez vous continuer à lire ce site, sans jamais hurler à
l'absence de Unleashed ? Vous me décevez m'sieurs dames... Sutout que ce premir album de ces suèdois fait
un peu partie du "Top 3" du genre, avec le premier Entombed et Dismember... Certains me diront que j'oublie
Grave, et ils n'auront pas tort d'ailleurs. Mais Unleashed, je ne sais pas, ça a un côté archétypal absolu quoi. Le
vieux death suèdois, c'est un peu cet album. Je veux dire, le truc ultra boeuf, groovy, bien froid, speed, qui
réfléchit pas avec ses gros refrains et ses structures toutes connes. Unleashed se place ainsi dans une
mouvance death je dirai "primaire", héritier direct des groupes de thrash obscurs des années 80, ou de
formations comme Carnage ou... Grave justement. Et si Unleashed se la joue trip viking/dieux anciens, cela
permet aussi de bien les différencier de ses comparses plus poisseux et brutaux, et d'y ajouter une bonne dose
"d'esprit guerrier". La guerre ! J'ai laché le mot, c'est un peu ça ce disque. Pas dans le sens ultra brutal à fond
les ballons, non plus une successions de gros hymnes tout cons, 3min de moyenne, avec des riffs super
simples et catchy, dont on se souvient longtemps.. Et c'est un peu la grande classe de cet album, bon nombres
de morceaux y sont mémorables : "Before the creation of time", "Unleashed, "Into the glory ride", "Where life
ends" et j'en passe... Le riffing alerne tremolo classiques, gros breaks en quinte, les rythmiques bourrent façon
grand classique du genre.. Et puis il y a le chant de Johnny Hedlund. Pas Le chanteur de death ultime, mais ce
type possède un grain qui lui est bien propre, rocailleux, agressif, intelligible, avec son lot de "yaaaa"
obligatoire... Pour le reste, voici donc un album classique du genre, sans concessions, qui passe bien les
années grâce à une prod propre et puissante, et surtout avec des compos simples et catchy, limite punks dans
l'esprit. Je regretterai juste cette intro totalement nulle ("bon les mecs il nous faut de la guitare classique ! Tu
sais en jouer ? non, pas grave on en fout quand même") et quelques redondances, le disque s'apprend vite..
Mais avait-il seulement la prétention de durer ? Je ne crois pas. il y a des albums comme ça, un peu fait de bric
et de broc qui deviennent des références, assurément cet album en fait partie... Classique.
Note : 5/6
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CHELSEA HOTEL : We're all gonna die !!!
Chronique réalisée par Twilight
Chelsea Hotel venait de Piacenza, petite ville 'pas loin de Milan', autrement dit hors des circuits musicaux
traditionnels. Pour certains tels que Luca Frazzi (animateur à l'époque d'un petit programme punk sur une radio
locale qui signe ici les notes du livret), ce détail a pris une ampleur qui peut paraître amusante à une époque où
Internet règne en maître sur la majorité de la planète: à l'instar de Black Flag pour les kids des bleds les plus
paumés des USA, Chelsea Hotel a démontré que le punk était là, existait hors de Milan, Rome ou Turin, signal
on ne peut plus clair pour les gamins de la province. Si le groupe a débuté par des reprises des Sex Pistols, UK
Subs ou autres Stooges en 1979, c'est avec l'arrivée du chanteur Andrea 'Black Demon' Covalle en 1981 que va
réellement débuter son embryon de carrière. Luca Frazzi en parle comme d'un sorte de Darby Crash local,
frontman charismatique et extrême qui se serait mutilé enveloppé du drapeau italien lors d'un concert donné
près d'une centrale nucléaire. Avec sa venue, ainsi que celle du bassiste Maurizio Dodi, la musique de Chelsea
Hotel va se rapprocher des influences américaines comme The Germs ou Black Flag, soit un punk rapide et
torturé. En 1982 sort l'unique enregistrement de nos Italiens, la k7 démo, 'We're all gonna die !!!' qui nous est
présentée ici, remasterisée par le batteur et agrémentée de quelques bonus live. Après écoute, c'est un
sentiment de frustration qui m'envahit; les Chelsea Hotel avaient du potentiel, c'est certain, hélas la qualité
sonore est assez mauvaise et seuls les amateurs de raw punk ou les passionnés de la scène italienne s'en
rendront compte. Il est plus que dommage de savoir qu'il ne restera rien d'autre de ce bon groupe. Tout
démarre avec l'excellent 'Bloody life' et son intro de bruits capturés dans un café le matin, avec le tintement des
tasses, des bribes de conversations puis une batterie tribale et martelante attaque pour un morceau oscillant
entre punk 77 et une touche presque post punk goth comme on la retrouvera sur 'Mud' ou 'A certain kind of
killer' par exemple. Des chansons comme 'Wild one', ultra rapides, se situent nettement plus dans une tradition
hardcore américaine, 'We're all gonna die' a même des instants qui frisent le chaos sonore. J'aime aussi 'I'm
dead' avec son introduction de guitares sifflantes et de synthé fantômatique saturé. Le passage aux titres live
se remarque assez peu étant donné la piètre qualité du son. Cette réédition s'adresse donc uniquement aux
fans du genre et j'avoue qu'il m'est difficile de la noter; les compositions sont bonnes mais ce n'est pas cet
enregistrement qui leur rendra justice; je comprends néanmoins la démarche des passionnés qui se sont
chargés de la publication de ce cd et je laisserai à Luca Frazzi le mot de la fin: 'Les écouter aujourd'hui ce n'est
pas seulement ajouter un autre fragement d'histoire au puzzle mais aussi et surtout pleurer cette passion'. 3,5/6
Note : 3/6
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JAY REATARD / DEERHUNTER : Fluorescent Grey B/W Oh It's Such A Shame
Chronique réalisée par dariev stands
Rassurant : il est encore possible, à notre époque avancée, de voire éclore de nouveaux talents qu’on n'avait
pas remarqué, et qui éblouissent de par leur insolent talent mélodique… Jay Reatard est de ceux-là. Cet
américain obsessionnel dans l’âme semble s’être investi d’une sainte mission : recréer à lui tout seul
l’équivalent du coffret Nuggets ! Allait-il montrer un signe de faiblesse sur ce split-single somme toute assez
éclipsé par le fol engouement suscité par la compilation de singles Matador sortie cette année ? Que nenni,
puisque «Fluorescent Grey » en est un extrait. Ce split reprend une tradition bien usitée dans l'underground
américain (nottamment avec Sub Pop) : chaque groupe fait une reprise de l'autre. Face A : Jay Reatard, donc,
hurlant avec conviction une chanson assez lénifiante de Deerhunter qui devient ici une pépite garage rock
comme auraient pu en pondre les Electric Prunes où les Shadows of Knight un soir de pleine lune… Une
preuve de plus que les adjectifs « psychédélique » et « énergique » peuvent se marier et faire des étincelles.
Fluorescent Grey est bâtie sur un seul accord répété à l’envi, avec un passage space rock au milieu des plus
étranges… Grandiose, c’est le mot pour décrire cette merveille dont même le Swan de Phantom of the Paradise
n’aurait pas osé rêver dans ses songes les plus humides. Les moins roublards Deerhunter se font donc
facilement battre à plate couture, et pourtant leur reprise est une bombe lui aussi ! Un charmant petit gimmick
new wave s’y fait culbuter par des grattes fuzzées et une rythmique tout aussi entraînante que sur la face A.
Même guitare sèche, même envolée vers la plénitude psyché, et même dédain de la répétition, à la fois marque
d’inventivité, snobisme, et flemme de s’adapter aux contraintes commerciales. Deux morceaux qui frappent vite
et juste par deux artistes dont je me dois de vous parler en détail ici tantôt, avant qu’ils fassent de la merde où
qu’on les laisse tomber dans l’oubli. De quoi se rappeler que 2008 fut, tout bien considéré, une année faste
comme il n’y en a pas eu depuis un bail, surtout en termes de nouveaux groupes…
Note : 4/6
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WEASEL WALTER : Early recordings 1988 - 1991
Chronique réalisée par dariev stands
Elle est pas belle la vie ? Voir toutes ses démos et morceaux de jeunesse enregistrées sur le 4-pistes des
parents remplir à ras bord une compilation, 20 ans après, voilà qui doit faire plaisir.
Surprise, c’est le label français Savage Land qui héberge cette réjouissante rétrospective, nous documentant
au passage d’un petit schéma expliquant tout le parcours pré-Lutte150achers de ce jeune multi-instrumentiste
encore mineur à l’époque (et habitant la campagne), et nous détaillant ses influences : obsédé par la no-wave et
le free, Walter l’est aussi par Xenakis, Beefheart et les Residents. Ca s’entend, bien sur, quoique autant vous
prévenir tout de suite : comme tout est fait maison, le son est au moins aussi pourri que celui des démos de Mr
Bungle, à la même époque. Retroussons donc nos oreilles. Quand il ne groove pas indécemment sur une
dynamique bien post-punk new yorkais sur le bien nommé Contort Me, Weasel Walter usine des impros free
franchement bien troussées dans lesquels il martyrise de pauvres saxophones façon Mme Musquin dans
l’ascenseur, sans oublier de foutre les sons casio cheapos qui vont avec. Certaines pièces sont écrites, comme
cet excellent Inferno 23 qui pulse comme du Sun Ra trempé dans une cuve de Stoner juteux. Tout seul dans sa
cave, le boutonneux Weasel Walter déconstruisait donc tranquillement les musiques englouties par son
estomac vorace, à mesure qu’il se frayait un chemin dans les très difficiles années 80. Techniques d’overdubs
sur jam-sessions fumeuses vues chez Frank Zappa, plans de batterie repiqués à la légendaire Palmolive des
Slits, improvisations freeform sur des thèmes d’Albert Ayler ou de Stevie Wonder ; tout y passe. Les musiques
jazz les plus libres se heurtaient ici aux contraintes sonores et à l’approche Do-it-yourself du punk et de la
no-wave la plus crue, préfigurant la débauche expérimentale des nombreux futurs groupes du garçon, Flying
Lutte150achers en étant le principal et seul projet à vraiment long terme. Avec ceux de certains de ses acolytes
comme Dylan Cosa et Mick Barr, ils forment une sorte de nébuleuse passionnante et parfois difficile à suivre
que je tenterai de démêler dans le futur, oscillant de manière dangereusement instable entre grindcore, zeuhl,
décombres de la no-wave et math rock, toujours en flirtant avec les extrêmes. Une scène au combien riche,
injustement cantonnée à son underground, contrairement à la scène Jap, forcément plus alléchante et
exotique, en plus d’être plus ancienne. A noter que le livret contient aussi certaines superbes
peintures/collages de l’artiste, dans un esprit bien barré à la Basquiat. New-yorkais dans l’âme.
Note : 4/6
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ASVA : What you don't know is frontier
Chronique réalisée par dariev stands
Avant de vous parler de ce deuxième et tant attendu album d’ASVA (inespéré a vrai dire), j’en aurait
inlassablement parcouru les « paysages intérieurs », bien souvent désolés et inhabités. On sait par expérience
que ce genre de musique s’apprécie sur la longueur, parfois dans des conditions d’écoutes bien précises. J’en
attendait personnellement beaucoup de ce « all-star band » (comme s’il suffisait de remplacer le mot
« supergroupe » pour que le concept tout entier cesse d’être ringard), après un Futurist’s against the ocean qui
en avait remis plus d’un dronester encapuchonné à sa place. J’en attendais trop, peut-être… Coupons court au
suspense : What you don’t know is frontier déçoit. Le groupe y limite la prise de risques qu’on attend toujours
fébrilement (à tort ?) d’un tel collectif pour nous proposer quatre instrumentaux très très ankylosés, qui évitent
certes tous les clichés du style, mais en oublient au passage de nous faire rêver. Il y a bien sûr quelques
moments magiques, soyons honnêtes, on n’invite pas Trey Spruance en studio avec ses instruments bizarres
impunément sans avoir quelque résultat ! Le très difficile à apprivoiser Christopher Colombus en est la preuve :
voilà juste la bande-son parfaite pour la découverte des Caraïbes par ce bon vieux Gérard Depardieu dans 1492,
le film de Ridley Scott ! Tout y est, la dérive morbide sur l’océan moite et embrumé, puis l’éblouissement de la
découverte des tropiques, jusqu’au battements de la marche militaire une fois les pieds posé sur le sol. A la
lumière de cette mise en abîme, on pourrait également trouver en cette plage éponyme un substitut excellent
pour la scène du départ des 3 caravelles, lourde de menaces, en lieu et place du morceau à chœurs de Vangelis
proposé dans le film. Mais le vrai chef d’œuvre du disque, et là le mot n’est pas usurpé ; c’est ce A Game in
Hell, Hard Work in Heaven d’anthologie, pour lequel tout le reste de l’album ne semble être qu’un écrin (et c’est
peut-être bien là tout le problème, ainsi que la solution), dans lequel la voix divine de Holly Johnston (un nom à
retenir au plus vite), vient chanter l’immensité et surtout l’hostilité du nouveau monde dans une langue
inconnue. Les guitares et les orgues sont ici utilisés avec une maîtrise qui frise le génie, au service d’une mise
en place des sons qui laisse pantois. Plus que le riff principal d’une simplicité mélodique parfaite, c’est la
production qui est à saluer. L’accélération finale achève le pauvre auditeur, écrabouillé sous une pluie de
météorites comme sculptées dans la roche de l’Olympe, et symbole des éléments déchaînés qui viendront
s’abattre sur la vanité du petit Christophe Colomb qui avait osé dompter la nature alors vierge de toute
domination humaine. A Trap For Judges (morceau ressuscité du premier 12 pouces du groupe en 2005), qui
n’en apparaît que plus fadasse en comparaison, viendrait alors évoquer la retraite en catastrophe, la queue
entre les jambes et les illusions perdues… Pourtant G. Stuart Dahlquist, chef d’orchestre du projet, avait bien
décrit ce disque comme une sorte d’élégie adressée à son frère musicien, fauché par un accident de voiture…
« What you Don’t Know is Frontier parle de la renaissance… de cette lumière au bout du tunnel… Amen » pour
le citer. Mouais. Je me bornerai, pour ma part, à la vérité suivante : Le drone-doom, espace fantasmatique s’il
en est, est ouvert aux visions de l’auditeur… Parfois, l’ennui où l’émerveillement qu’il procure ne sont qu’une
question de choix.
Note : 4/6
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JANE 'S ADDICTION : Three days
Chronique réalisée par dariev stands
Celui-là ne devrait pas vous paraître trop étranger. Emblème d’une époque révolue, cet objet fut l’une des
dernières sorties du Jane’s Addiction originel, groupe miraculeux comme la fin des années 80 en a bizarrement
lâchés quelques-uns, et preuve irréfutable que le grand public avait soif de quelque chose d’autre, bien avant
l’électrochoc Nirvana. On ne glosera pas sur le sacrilège de séparer Three Days de Then She Did pour les
besoins de ce single… on part du principe que vous connaissez déjà ce diptyque beau à pleurer, grand moment
de l’histoire du rock’n’roll s’il en est, et qui perd beaucoup de son sens séparément. Si ce n’est pas le cas,
procurez vous Ritual De Lo Habitual, et commençez par la piste 6. Vite, vite ! Ca commence dans un
recueillement mystique, petite prière adressée à quelque dieu aztèque, allumage de photophores et dessin de
pentagrammes sur le plancher, avant de basculer dans l’orgie à laquelle Perry Farrell fait allusion sans jamais
vraiment la nommer (sa spécialité.). Ce riff de basse sépulcral vient vous choper par la taille, vous attire dans
un coin sombre, tandis que la guitare serpentine vous enlace façon Doors avec une impudeur délicieuse… Tant
de mystères à élucider dans ce début de morceau… Pourquoi une telle tristesse abyssale s’en dégage-elle ? (Je
lance un concours : donnez votre interprétation…) Nostalgie de l’utérus, attente de la mort, rituel de perte
d’innocence, Three Days est tout ça à la fois. Kama sutra vaudou, sexe en chaussettes, embrasement
spontané… Tout est comme sur la pochette de l’album. Three Days en était bien sûr la pièce maîtresse. Si on
devait résumer en un mot : Perfection. La façon dont le groupe, jouant comme un seul homme, nous amène,
l’air de rien, à l’irrésistible montée où Perry entonne “Shadows of the morning light, shadows of the evening
sun, til the shadows and the light were one...” est tout simplement l’un des plus grands tour de passe-passe
qu’il m’ait été donné d’entendre. Et le plus beau, c’est que cette belle dynamique est aussitôt sacrifiée lors d’un
changement de tempo où l’on sent bien que la folie prend instantanément le dessus. Tout individu non pris de
convulsions quand Perry fait péter son « Erotic Jesus !!!! » après le long solo de Dave Navarro est
officiellement… ben, normal, quoi d’autre ? Bref, toute tentative de décrire un morceau-fleuve pareil étant vouée
à l’échec, je me bornerai à ceci : Three Days, ou comment se retrouver à poil dans le sable en criant « all of us
with wings, oh oh oh » sans s’en rendre compte en 3 leçons. Encore un truc de hippies, on confesse. Mais il
faudrait une sacrée dose de mauvaise foi pour y résister. Le temps d’un morceau, Jane’s Addiction a bel est
bien été le plus grand groupe du monde, c’est dit. Invoquant Joy Division, Led Zeppelin et Jeff Buckley (qui
n’atteindra jamais de telles cimes selon votre serviteur) en un même fantôme, Three Days était le Stairway to
heaven de la génération 90’s, celle à qui on a collé un gros « X » sur le front (pas le groupe, malheureusement)
et qu’on a poussé dans le fleuve consommation sans lui demander son avis. Three Days est l’incarnation du
romantique et du sublime (au sens originel du terme) américain. Three Days est un orgasme, et pis c’est tout
(de 10 minutes, en plus, hop, pas besoin d’être une femme, qu’est ce qui vous faut bordel ?). A côté de ça, nous
avons le vrai single radio du lot : Stop, qui concentre un peu tous les penchants putassiers et fusion du groupe,
et qui semble, tel le portrait de Dorian Gray, avoir vieilli pendant que 3 Days se complaisait dans ses excès sans
perdre une ride. Bon, ça reste une petite sauterie bien amenée (hummmm, cette petite voix hispanique…), mais
on lui préfèrera la démo de I Would For You, instant fragile de basse-nappes de claviers-voix, sorte d’errance
post-coïtale dans les méandres d’une californie englouties sous les eaux du pacifique… Mettez Then She Did
en lieu et place de Stop et vous obtenez un 6/6 franc et massif, à écouter pour pêcher dans la rivière de la vie,
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sans modération. “Night is shelter for nudity’s shiver”... Ouvrons les yeux : ç’aurait été une grossière erreur de
ne pas splitter après ça.
Note : 5/6
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POPOL VUH : Affenstunde
Chronique réalisée par Hellman
Ce premier album du groupe de Florian Fricke a deux mérites : d'abord, celui d'introduire Popol Vuh dans le
paysage de la musique pop ouest allemande, au point de redéfinir celle-ci ou, tout au moins, lui apporter
quelques nuances essentielles. Ensuite d'être historiquement considéré comme le premier disque de cette
même scène à utiliser de manière intensive le synthétiseur Moog. Un détail me direz-vous. Sauf que à
considérer les supposés précurseurs de l'électronique, Kraftwerk et Tangerine Dream en tête, voilà une
information qui remet quelque peu les choses en perspective... Baptisé Popol Vuh en hommage au célèbre
texte maya qui relate la création du monde, c'est tout naturellement que Fricke y laisse transparaître son
approche fondamentalement mystique, une démarche très singulière, à l'opposé des expérimentations pures et
dures menées par certains de ses compatriotes, sans commune mesure non plus avec les relans
psychédéliques et space rock que traîneront longtemps avec eux des formations comme Amon Düül II ou Ash
Ra Tempel. "Affenstunde" permet à Popol Vuh de se créer déjà sa propre niche, faite d'une musique dont la
première des qualités est sa dimension méditative, chose qui, très vite, les poussera à collaborer intensivement
avec le réalisateur Werner Herzog pour l'illustration sonore de ses films. L'album est divisé en deux longues
suites : les atmosphériques "Ich Mache Einen Spiegel", découpé en trois parties dont seule la seconde se
focalise sur les percussions ("Dream Part 5"), et, bien sûr, la plage titre. Un seul groupe à l'époque partage
cette même fascination pour les musiques transcendentales et les rythmiques indigènes, c'est le Third Ear
Band de Glen Sweeney. Ce premier disque de Popol Vuh s'inscrit sans complexe dans la même lignée, même
s'ils vont assez rapidement s'employer à rapidement redéfinir leur identité en étoffant leur son sur les
publications suivantes.
Note : 4/6
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POPOL VUH : In Den Garten Pharaos
Chronique réalisée par Hellman
Si les plus dubitatifs avaient du mal à pleinement saisir les prémices d'une dimension spirituelle sur la première
réalisation de Popol Vuh, "In Den Garten Pharaos" devrait sans peine les aider à en capturer l'essence même.
Fricke reconduit pour la seconde et dernière fois la même formule de groupe avec, à ses côtés, le
percussioniste Holger Trülzsch et le claviériste Frank Fiedler. Comme ce fût déjà le cas pour "Affenstunde",
l'album s'articule autour de deux longues pièces. La première donne son titre à l'album et jouit d'une aura
méditative et apaisante de circonstance, portée par les flots d'une musique tout en densité de textures diverses
qui évolue comme le reflet des nuages qui se miroite dans les eaux profondes du Nil. Les interventions
mesurées des percussions viennent donner au morceau son côté pittoresque. Moog, synthétiseur, et piano
électrique génèrent quantité de sons aux colorations distinctes, parfois évocatrices d'une certaine forme de
torpeur. Ces brêves interventions donnent le ton pour la longue exposition suivante. Sur "Vuh", la tension est
omniprésente, principalement en raison d'un orgue monumental qui nous guide pendant plus de vingt minutes
dans les dédales d'un paysage hanté où chacun y projètera les fruits de sa propre imagination. Quelle qu'en
soit la nature qu'on lui prête, quelle que soit le cadre qu'on lui délimite, cette pièce résonne comme un appel
aux vertus transcendentales. La fascination exercée par l'au-delà génère aussi son lot d'inquiétude et d'effroi.
Aussi cela ne se fait pas sans mal ; attiré par la lumière, intrigué, curieux face à l'inconnu, mais quelque peu
tétanisé par la crainte qu'il inspire, c'est sans défense que nous nous avançons dans ce temple seulement
connu des dieux. SPV qui a réédité l'album en 2004 nous gratifie de "Kha-white Structures", bonus en deux
parties qui nous fait découvrir un Popol Vuh beaucoup plus expérimental.
Note : 5/6
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POPOL VUH : Hosianna Mantra
Chronique réalisée par Hellman
Le contraste est pour le moins radical. Jusque là, le moog et le synthétiseur étaient la marque de fabrique de
Popol Vuh. Ces sons éléctroniques ainsi générés définissaient le socle à partir duquel Florian Fricke pouvait se
laisser aller à ses divagations mystiques. Elles ne le quittent pas pour autant mais, à l'image de ce "Ah!" qui
ouvre l'album, Popol Vuh troque désormais son costume pour un habillage purement acoustique. Piano,
clavecin, violon et clarinette dépeignent une atmosphère qui, elle aussi, invite à l'introspection. C'est la manière
de nous y conduire qui se révèle toutefois surprenante. Elle jète les bases de ce que Popol Vuh sera amené à
nous offrir dans sa seconde partie de carrière. Fricke entame ainsi un nouveau cycle à l'esthétique dans un
certain sens plus symphonique, nourrie des qualités bucoliques et champêtres que l'on pouvait retrouver chez
tout un tas de groupes anglais ou italiens de la scène progressive de l'époque. Néanmoins, Popol Vuh demeure
intègre et fidèle à sa ligne de conduite. Du moins, jusqu'à présent. Bien que son nouveau groupe soit à présent
constitué de musiciens émérites, parmi lesquels nous retrouvons le guitariste de Gila, Conny Veit, la musique
de Popol Vuh reste délicate et précieuse, enchanteresse et magique. Le silence impose sa force évocatrice tout
au long de l'album. Tant de subtilité et de parcimonie dans les arrangements étonnent à une période où la
surenchère et l'excès prédominent. "Hosianna Mantra" s'écoute comme on contemple une oeuvre pointilliste ;
selon l'angle de vue, on s'attardera alternativement sur la finesse des détails ou sur une vue d'ensemble qui
prend alors tout son sens. Finalement plus proche d'un folk progressif qui s'inspirerait à la fois de la rigueur
d'Erik Satie et de la religiosité d'Olivier Messiaen, "Hosianna Mantra" marque un tournant important dans la
carrière du groupe allemand.
Note : 3/6
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POPOL VUH : Seligpreisung
Chronique réalisée par Hellman
La suite logique, c'est à "Seligpreisung" qu'il reviendra de l'assumer. Au groupe déjà solide qui comprend
Klaus Wiese au tambura (pour beaucoup dans les atmosphères méditatives d'inspiration indienne que
comprend la musique de Popol Vuh) et Robert Eliscu à la clarinette, vient à présent se greffer la personnalité de
Daniel Fichelscher, batteur et guitariste de son état, qui viendra d'abord remplacer Conny Veit mais surtout
s'imposer sur le long terme comme seul autre membre permanent de la formation de Florian Fricke. Sur cet
album, il partage son futur rôle de guitariste avec Veit, encore sur le départ. En vérité, Fichelscher se consacre
essentiellement à la batterie, une première dans le chef de Popol Vuh, instrument qu'il tiendra également pour
le collectif Amon Düül II sur les albums "Carnival in Babylon", "Wolf City" et "Live in London". Ceci, plus le
chant pas toujours crédité de la jeune chinoise Djong Yun (seulement présente ici sur le titre bonus "Be in
Love") quand il ne s'agit pas tout simplement de celui moins affriolant de Fricke lui-même, nous donnent un
album dont le maître mot est sans doute sérénité au déroulement plus que parfaitement rectiligne. Les
quelques passages où la batterie s'emballe et impose le tempo à une guitare volubile mais toujours délicate
rattache le tout à une esthétique plus conventionnellement rock sans qu'il n'y ait jamais débordement pour
autant. C'est peut-être le côté un peu trop léger induit par cette approche qui donne à l'ensemble un goût de
superficialité qu'il partage avec une certaine portion de la musique new age. Quelque part, il n'est pas
inconsidéré ou irresponsable de penser que ce sont des albums tels que "Hosianna Mantra", ce
"Seligpreisung" ou encore le "Einsjager & Siebenjager" à venir qui ont ouvert la voie au Dead Can Dance de
Brendan Perry et Lisa Gerrard...
Note : 3/6
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POPOL VUH : Einsjager & Siebenjager
Chronique réalisée par Hellman
Du tir groupé d'albums à l'esthétique plus progressive, "Einsjager & Siebenjager" est sans doute celui qui
devrait récolter le plus de suffrage car il assume pleinement, et pour un ultime tour de piste, l'orientation prise
depuis "Hosianna Mantra" et timidement négociée sur "Seligpreisung". Ce cinquième album de Popol Vuh n'est
pas meilleur pour autant. Mais c'est dans son courage et sa conviction profonde qu'il faut aller puiser les
qualités nécessaires qui en font, de fait, un album plus abouti que ses deux nobles prédécesseurs. "King
Minos" et son instrumentation dynamique nous rappellent qu'en ce début de décennie, les valeurs étalons sont
le Genesis de "Selling England by The Pound", le Pink Floyd de "More", voire le Mike Oldfield de "Hergest
Ridge" dont le son de guitare électrique en est ici fort proche, jusqu'à en être troublant. Du reste, l'album
alterne pièces mélancoliques où s'expriment piano à queue et guitares acoustiques ("Kleiner Krieger",
"Morgengruß"), et titres plus enlevés d'inspiration purement symphonique, à la Bo Hansson ou Gryphon,
comme l'illustre de façon éloquente la longue plage titre finale de dix neuf minutes, avec sa succession de
thèmes et de breaks, typique d'un genre auquel Popol Vuh semblait pourtant étranger. Batterie et guitares
dominent le propos plus que jamais, confirmant ainsi la main mise de Daniel Fichelscher sur le groupe de
Florian Fricke, autrefois plus atmosphérique. Mais nous ne sommes pas là pour jeter la faute et le discrédit sur
qui que ce soit. Si Popol Vuh a emprunté ce chemin, c'est bien parce qu'il le désirait. Il est donc très important
de souligner une fois encore à ceux qui sont venus à Popol Vuh par le biais des musiques de films "Nosferatu"
ou "Aguirre" qu'à l'écoute de "Einsjager & Siebenjager" ils risquent de déchanter. C'est pourtant bel et bien le
même groupe. Et celui-ci d'entamer une troisième partie de carrière dès la publication suivante.
Note : 3/6
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SECONDE CHAMBRE : Victoires prochaines 83-89
Chronique réalisée par Twilight
Seconde Chambre était un groupe originaire de Angers; actif de 1984 à 1989, il traduit l'impatience et le refus de
compromis de musiciens passionnés qui refusaient de caresser leur public dans le sens du poil et qui en
viendront à se saborder eux-mêmes à force de dérapages scéniques et de changements de line-up. Le
désormais incontournable label Brouillard Définitif nous propose ici sous forme d'un double cd la réédition des
trois vinyls produits par le groupe agrémentés de quelques inédits. Sortis respectivement en 1985 et 86, les
deux premiers se nomment 'Lord Brain' et 'Brisé' et nous dévoilent une musique sombre et écorchée aux
guitares acides et incisives où se dégagent des influences mêlant post-punk et psychédélisme, entre Joy
Division et Velvet Underground. Si la rythmique louche volontiers du côté de Bauhaus ('Un banquet de géants')
ou plus généralement des combos post punk, le travail saturé de la guitare vise une intensité qui préfigure celle
que l'on retrouvera plus tard chez my Bloody Valentine. Parfois, le ton est plus calme mais amer dans le propos
('Le miel d'hier'). Ce premier cd ressemble donc à une corde de funambule où l'on oscillerait entre exorcisme
brute et désenchantement brumeux. L'autre cd compile des morceaux sortis en 1990 après deux changements
de personnel sous le titre de 'An expensive party'. Si la ligne d'attaque n'a pas radicalement changé, l'aspect
écorché et post punk brut est moins évident (encore que le bon ' Monkey of God' prouverait le contraire); des
influences blues rock sale pointent le bout de leur nez ('Têtes réduites', 'Medecine man') et le côté brumeux
désenchanté est plus que jamais présent ('Dimanches', 'Enfants du siècle', 'Marie'). Les compos sont toujours
très efficaces pourtant j'avoue que d'un point de vue personnel, l'impression qu'une flamme s'était éteinte ne
m'a pas quitté au cours de l'écoute; la sincérité reste la clef mais selon moi 'Lord Brain' et 'Brisé' dégagent
beaucoup plus d'intensité. Il serait faux d'affirmer que Seconde Chambre est un groupe majeur injustement
méconnu mais cette réédtion reste d'un intérêt certain, les musiciens ne manquent pas de sincérité et cela se
sent dans l'écriture...Pour citer les notes du livret signées Eric Sourice, 'Vivants, brillants, bruyants, émouvants,
irritants, écorchés, ils furent tout cela à la fois et c'est bien ça le principal...'
Note : 4/6
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ZORN (John) : The dreamers
Chronique réalisée par dariev stands
Vous avez aimé The Gift. Mais si, vous savez, le dernier volet de la trilogie "Music for Children" illustré par ce
pervers pépère de Trevor Brown… Ruez vous dessus si vous ne connaissez pas encore. Bien, vous avez aimé,
The Gift, disais-je, et vous désespériez que tonton Zorn revienne un jour à cette veine lounge-jazz si
délicieusement surannée et hors d’age, qu’on ne lui attendait pas à l’époque. Vous allez probablement
apprécier The Dreamers, un disque qui crée la surprise après la récente série de disques férocement
expérimentaux avec Mike Patton… Puisque la saveur des arrières sales de club de massage de The Gift fait ici
son grand retour ! J’en vois déjà qui tressaillent. Point de Trevor Brown ici, puisque c’est un certain Chippy qui
habille le classieux digipack, avec feuilles de calque et autocollants kawaï. On reste donc dans un univers de
jouets shootés à l’opium, toujours aussi atmosphérique et faussement inoffensif. The Dreamers maintient un
remarquable niveau de qualité sur la longueur, du tubesque Mow Mow (non, Marco, tu ne referas pas le coup de
Makaahaa … bien essayé) aux échardes d’un Anulikwutsayl un peu lourd, en passant par la clarté diaphane de
Of Wonder And Certainty, curieusement dédié à Lou Reed. Comme il est désormais de bon ton de se méfier des
jeux de John Zorn et de ses acolytes, on ne sera pas surpris de trouver sous cette ambiance bien muzak
comme il faut quelques éléments corrompus, comme ces solos de claviers effrénés de Jamie Saft sur Toys, ou
ces bruits de jungle et cris de lynx un peu partout le long du disque… C’est quand même le noyau dur de la
dream team du nec plus ultra (ouf) de l’écurie Masada qu’on retrouve ici, entre un Trevor Dunn toujours aussi
modeste et discret et un Ribot qui arrive à sonner crade même avec cette production hypra-léchée et purifiée.
Mais celui qu’on entend le moins, ça reste le patron, en bon compositeur et patriarche de tout ce monde…
Note : 4/6
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THE MARS VOLTA : Tremulant
Chronique réalisée par dariev stands
Je suis désolé, mais moi, je le trouve terrible, ce premier 3-titres des deux kiki-la-peluche… Alors avant de
replonger dans les méandres filandreux de la discographie d’At The Drive-In, un petit détour s’imposait par ce
premier EP, que même les plus farouches détracteurs du groupe s’accordaient à sauver du supposé naufrage
que constitue le reste de leur discographie.
Soyons clairs d’emblée : les deux comparses sont ici remontés à bloc après le crash d’At The Drive-In en plein
début de gloire, hésitant à l’époque entre Mars Volta et leur autre groupe dub, De Facto. Ce qu’ils livrent ici est
en quelque sorte leur carte de visite, un condensé de leur savoir faire, du plus simple au plus biscornu (la
montée est assez raide, d’ailleurs), et là où le grouillement intense de leur musique leur vaut critique (justifiée)
sur les formats longs, elle se révèle un atout sur un format court… Aussi dense qu’un album, Tremulant fit
l’effet d’une mini-bombe lors de sa sortie, un virage à 180° (du punk au prog, d’autres exemples à recenser ?),
au moins aussi surprenant que celui de Radiohead peu avant, mais moins médiatisé car peu savaient qu’il
s’agissait des deux leaders d’ATDI. Passons sur les lyrics, encore plus inutilement cryptiques que ceux d’ATDI
(on notera la référence à Akira), et examinons de plus près l’asticot. Avec le recul, on constate que les
influences 70’s sont ici encore totalement endormies : pas de solii ampoulés, mais des effets de trémolos (d’où
le titre ?) robotique sur la voix inspirés par Brainac. Certes, la tonitruante entrée en matière Cut That City
envoie du boogie-woogie bien chaud et du claviers là où il faut ; mais ce qui fait la substantifique moelle, le suc,
le miel de ces 3 titres, ce sont les moments guitaristiques les plus tordus, ceux où Omar fait sortir de ses six
cordes des démons incroyables aux silhouettes filiformes et noirâtres comme des cavaliers de chez Dali.
Captez donc cette 3ème minute de flottement, d’indicible grelottement latent dans Concertina, où ces quelques
notes malades à la 4eme minute de Cut that city. Enuch Provocateur, quant à lui, n’est qu’enchevêtrement de
trilles de guitares, effarant bordel où des brindilles d’electricité tressautent sur des structures rythmiques
brinquebalantes (les tempos bizarres et bancaux deviendront ensuite une marque de fabrique du duo… un
gimmick si l’on préfère, ce qui n’est pas forcément bon). Chercher à y voir trop clair serait se méprendre sur les
intentions de la musique du duo… Le malaise, finalement, viendra surtout de cette outro drum’n’bass pour
aliénés, cerise sur le gâteau au curare pour certains, vilaine farce qui tourne à l’indigestion pour d’autres. Cet
eunuque de Cedric les aura justement bien provoqués, avec ses cris de madone effarouchée.
Note : 4/6
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POPOL VUH : Aguirre
Chronique réalisée par Hellman
En entamant son partenariat avec le réalisateur allemand Werner Herzog, Popol Vuh va revenir à l'essentiel et
redécouvrir le formidable potentiel qui est le sien en matière de musique hautement suggestive. Le groupe s'est
désormais recentré sur les deux fortes personnalités que sont Florian Fricke et Daniel Fichelscher, seuls
maîtres à bord, et géniteurs d'univers musicaux diamétralement opposés mais complémentaires. "Aguirre I",
trop court, retourne sur les pas de "Vuh", longue pièce tétanisante qui concluait "In Den Garten Pharaos". Le
synthétiseur reprend possession du terrain, sorte de chorale angélique s'extrayant des ténèbres, soutenu par
des interventions de guitare très en retrait, juste ce qu'il faut pour souligner les parties de clavier, immuables,
en leur apportant un contrepoids dans les gammes et les textures. Scindée en trois mouvements (depuis
l'addition du titre bonus), cette pièce, à elle seule, justifie le fait que l'on doive s'attarder sur ce disque. Peu
après "Morgengruß II" vient nous rappeler que l'heure est au compromis et que "Aguirre", l'album, fera le lien
entre les qualités atmosphériques de Florian Fricke et les inclinaisons plus psychédéliques de Daniel
Fichelscher. La longue pièce "Vergegenwartigung", conduite par une guitare acoustique, et doublée par les
interventions acides d'une guitare électrique, nous évoquent encore le Floyd de "More" ou "Obscured by
Clouds", deux autres musiques de film. Le groupe de Roger Waters serait donc la référence pour Florian Fricke
? On peut raisonnablement le penser. Bien que "Aguirre" soit destiné à l'illustration d'un film, son écoute sans
support image se révèle être une expérience fort plaisante. La différence notable entre cette publication et les
précédentes, c'est l'absence volontaire de batterie, permettant à la musique de décoller et de rencontrer les
objectifs que depuis toujours le groupe s'était fixé.
Note : 5/6
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POPOL VUH : Das Hohelied Salomos
Chronique réalisée par Hellman
Entre deux musiques de film, Popol Vuh trouve le temps de peaufiner son art, allant puiser dans ce nouvel
exercice un moyen de redéfinir son parcours. L'aspect religieux de la musique de Popol Vuh n'aura sans doute
jamais été aussi évidente que sur ce nouveau disque, ne serait-ce qu'au regard de l'énoncé, "Das Hohelied
Salomos", puisque Florian Fricke conceptualise cette nouvelle publication autour des cantiques du Roi
Salomon. Difficile de faire plus biblique vous avouerez. Musicalement, le groupe (avec comme seule invitée la
chanteuse Djong Yun), continue sur la lancée des albums studios précédents, à mi-chemin entre
"Seligpreisung" et "Hosianna Mantra". L'album favorise les formats courts, encouragé par la discipline des
plans séquences destinés au cinéma, et abandonne le recours systématique à la batterie. La présence de Al
Gromer et Shana Kumar consolide une approche beaucoup plus percussive sur ce disque (tablas, clochettes,
tambourin, cymbales), plus en accord avec l'atmosphère apaisante que l'album est sensé générer. L'influence
des mantras indiens refait ainsi surface sur un titre comme "Der winter ist vorbei", presque hypnotisant.
Ailleurs, le discours est sensiblement le même avec la guitare qui conduit une nouvelle fois la destinée du
groupe, ce qui n'est pas sans rappeler les oeuvres personnelles de l'ex-Genesis Anthony Phillips. Des
hésitations du passé on forge sa propre expérience. C'est à partir de ces leçons apprises de disques en
disques que Popol Vuh est semble-t-il enfin arrivé à une sorte de maîtrise de son discours, parfaitement
équilibré. Sans détours, "Das Hohelied Salomos" apparaît comme le meilleur disque publié par Popol Vuh
depuis l'arrivée de Daniel Fichelscher. Cela n'a toujours rien à voir avec les musiques de film composées pour
Herzog ou leurs débuts plus planants, il n'en demeure pas moins un album de qualité.
Note : 4/6
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POPOL VUH : Letzte Tage Letzte Nachte
Chronique réalisée par Hellman
"Letzte Tage Letzte Nachte" va mettre un terme à la seconde partie de carrière de Popol Vuh qui, de 1971 à
1976, en cinq albums, de "Hosianna Mantra" à ce "Letzte Tage Letzte Nachte", aura exploré toutes les facettes
possibles et imaginables d'une musique tournée vers l'introspection et la spiritualité, bercée par les harmonies
paradisiaques et les chants angéliques inspirés des cultures orientales. Elle va puiser dans les références
psychédéliques de l'époque les sentiments d'altération de la réalité, de quête de plénitude, sans pour autant
s'abandonner aux excès qui vont habituellement de paire et qui en ont fait la renommée. Pour de simples
questions de logistique, la production de ce nouvel album possède un son un tout petit peu plus rude, rendant
la guitare volubile de Daniel Fichelscher encore plus proéminente que d'habitude, alors que nous pensions que
tous les échelons avaient depuis longtemps été atteints. De telles circonstances auraient pu favoriser un retour
à une esthétique plus marquée par l'empreinte du rock progressif. Mais il n'en est rien. Sur base de ce qui fût
accompli par Popol Vuh sur "Das Hohelied Salomos", "Letzte Tage Letzte Nachte" réaffirme le désir du groupe
à trouver sa voie au milieu d'un décor onirique sans aucune forme d'agressivité. Seule entorse à la règle
peut-être : "Dort ist Der Weg", puis la plage titre, avec comme invitée de marque, la Renate Knaupf des Amon
Düül II. C'est moins à sa présence au chant qu'à l'entrée de la batterie que nous devons le fait de voir alors le
disque se projeter dans une direction plus ouvertement rock et pop. Mais, au risque de me répéter, qu'on ne s'y
trompe pas : que ce soit avec ces deux titres, l'album ou même leurs enregistrements précédents, ce n'est pas
le succès que Fricke et Fichelscher recherchaient. Mais bien une forme d'épanouissement qui tend vers
l'absolu.
Note : 3/6
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POPOL VUH : Herz Aus Glas
Chronique réalisée par Hellman
Deuxième participation du groupe allemand à la réalisation de la musique d'un film de Werner Herzog, "Herz
Aus Glas" ne trahit en rien le long cheminement qui a conduit Popol Vuh à stabiliser son mode d'expression à
travers le prisme des mantras hindoux en déclinaisons de proportions modestes pour les oreilles occidentales.
À l'instar des italiens de Goblin qui signèrent quelques unes des bandes sons les plus emblématiques des films
d'épouvante de Dario Argento, Popol Vuh ne va désormais presque exclusivement exister qu'à travers ce travail
en se consacrant à cette tâche qui consiste à créer des musiques pour images. "Nosferatu", "Fitzcarraldo",
"Cobra Verde" et "Mein Liebster Feind" suivront, parfois avec des intervalles de plus en plus grand entre
chaque publication. "Herz Aus Glas" est un peu à part car très peu d'éléments laissent à entendre qu'il s'agit là
à proprement parler d'une musique de film. À dire vrai, il aurait pu s'agir d'un nouvel essai studio dans le
prolongement de ce que Popol Vuh avait accompli sur "Letzte Tage Letzte Nachte" qu'on n'y aurait vu que du
feu... C'est d'ailleurs sans doute sous cet angle particulier qu'il faut s'imprégner du présent disque sous peine
de voir poindre la déception. Contrairement à "Aguirre" qui se reposait sur un thème unique, redondant mais
puissant, ou encore "Nosferatu" qui, bien que constitué de divers éléments rassemblés vaille que vaille dans
l'espoir un peu fou d'en faire un tout pas toujours cohérent, comportait quelques moments forts qui
soulignaient la dimension horrifique du film. Rien de tout cela ici. On retrouve les parfums épicés de l'Inde
profonde grâce au sitar du jamais très loin Al Gromer ("Das Lied von Den Hohen Bergen"), mais aussi des
passages plus rock, à l'image des titres "Hüter der Schwelle" ou encore "Der Ruf". Un Popol Vuh fidèle à
lui-même.
Note : 3/6
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POPOL VUH : Sei Still Wisse Ich Bin
Chronique réalisée par Hellman
Beau paradoxe : "Sei Still Wisse Ich Bin" n'est pas une musique de film. Il en possède néanmoins la qualité
intrinsèque. La plage d'ouverture, "Wehe Khorazin", portée à bout de bras par une chorale dantesque en est
l'exemple le plus parfait, s'inscrivant dans la longue tradition de titres que Popol Vuh nous avait déjà apporté,
comme "Vuh", "Aguirre" ou encore "Bruder Des Schattens" (sur "Nosferatu"). Qu'il s'agisse de l'Ensemble du
Théâtre de Bavière, de Renate Knaup, encore présente mais dont le timbre de voix se fond désormais dans la
masse, ou enfin les exercices gutturaux façon bonze tibétains qui introduisent "Und Als Er Sah Es Geht Dem
Ende Zu", les arrangements et le soin apporté à la mise en valeur de ces multiples invitations à l'incantation
suprême concourent à faire de "Sei Still Wisse Ich Bin" l'album le plus mystique que nous ait délivré Florian
Fricke depuis une bonne demi-douzaine d'années... Bien sûr, la guitare et les percussions de Daniel
Fichelscher se font entendre mais, un peu à l'image du clavier de Florian Fricke qui s'était progressivement
effacé du paysage, sa musique suggère des silences, souligne des intonations pour mieux révéler dans les
interstices la portée hautement spirituelle et philosophique d'une telle démarche. Pour la première fois
peut-être, ce sont avant toutes choses les talents de compositeurs de nos deux acolytes qui transparaissent au
travers de cette oeuvre. Dans un tel contexte, "Laß Los" ou "Gemeinsam Tranken Sie Den Wein", scandés au
rythme des mantras, apparaissent comme des fragments de processions religieuses. "Sei Still Wisse Ich Bin",
avec "Agape" (1983) puis "Spirit of Peace" (1985), ouvre une nouvelle ère dans le parcours chamarré de Popol
Vuh, sans doute celle où le groupe allemand concrétise toutes ses attentes en terme de quête de spiritualité.
Note : 5/6
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WRIGHT (David) : Dreams and Distant Moonlight
Chronique réalisée par Phaedream
Pour son 19ième opus David Wright s’entoure de 2 copains de Code Indigo, Andy Lobbam, dont la guitare flotte
au dessus les effluves de Pink Floyd et Nigel Turner, bassiste. Le résultat est un album tout autant harmonieux
que David Wright à l’habitude d’offrir avec un audacieux zest progressif teinté d’arrangements orchestraux et
de mellotrons enveloppants qui viennent chercher la dernière once d’émotion refoulé. Dreams and Distant
Moonlight est de la belle musique qui se situe entre Walking With Ghosts, Momentum et les œuvres plus
progressives de Code Indigo.
Composé de 15 titres, Dreams and Distant Moonlight se déroule en 2 actes. Dreams émerge de la céleste
introduction qu’est Procession Under Moonlight. L’ambiance est romanesque avec un superbe piano dont les
accords épousent la beauté d’un coucher de soleil. Un compositeur qui peut être complexe, David Wright est
avant tout un poète d’une musique sans paroles où les accords et les arrangements font office d’odes
musicales. On le sent, le multi instrumentaliste Anglais est empreint d’une mélancolie qui se reflètera tout au
long de cette 1ière phase de Dreams and Distant Moonlight. Velvetude poursuit sur les douceurs de Dreams
avec de suaves orchestrations et un mellotron qui fuse des lamentations féminines sur un tempo qui va en
s’éveilla sur de fines percussions, juste avant de verser dans Just an Illusion et son synthé aux souffles
spectraux. C’est à ce stade que Lobbam et Turner font leurs apparitions. Le beat est hachuré par les riffs d’une
guitare sobre, mais ce qui étonne est le jeu des synthés et claviers. Aux travers les solos qui coulent d’un peu
partout, Wright façonne des sonorités composites qui dessinent une paranoïa sonore efficace sur un titre qui
pourrait fort bien faire le répertoire de Pink Floyd, notamment à cause de la guitare de Lobbam et de ses juteux
solos.
State of Piece ramène la rythmique à la case départ, un peu comme Procession Under Moonlight. Cry to the
Moon-Part 1 suit la tangente musicale de Just an Illusion. Les orchestrations sont splendides et se moulent à
un synthé aussi mielleux que fantomatique, des percussions électroniques feutrées et un superbe mellotron
qui valse avec une douceur aux sonorités hybrides. State of Confusion est plus corsé avec un synthé aux
serpentins métalliques qui éveillent les riffs d’une guitare lourde. Un étrange titre qui croise les sonorités
orientales sur un gros rock progressif. Encore là, David Wright nous en met plein les oreilles avec de superbes
arrangements et des effets sonores qui frappent fort au travers un synthé aux solos torsadés qui débouchent
avec lourdeur dans Cry to the Moon-Part 2, nettement plus lourd et ce même avec un synthé dont la mélodie
minimalisme fraye dans une explosion musicale lourde avec la splendide guitare de Andy Lobbam.
Heatwave in Blue sort du contexte mélodieux progressif pour nous diriger dans un territoire plus
atmosphérique. David Wright est l’un des rares artistes à produire de l’ambiant riche et palpable. On se croirait
dans un désert de space-cowboy avec un cavalier solitaire qui chevauche un rythme flou sur une pulsation
basse et croissante. Une belle atmosphère sous des effets sonores à la Schulze et un synthé aux accords d’une
guitare country et aux souffles sombre avec un mellotron austère et des effets sonores de sabots folâtres. Un
léger piano allume les flammes d’Amorphous avec des accords sombres et nostalgiques. Un rythme zigzagant
emprisonne ce piano qui voyagera dans une progression rythmique nerveuse et hachurée, nappée de chœurs
féminins, d’un synthé en boucle et d’un mellotrons valsant.
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States of Bliss offre une intro morose avec piano et une guitare esseulée qui se lamente dans le néant, avant de
glisser sur une 2ième partie plus rythmique avec un très beau jeu de percussions et un synthé aux ondes du
Moyen Orient. Un autre très beau titre. On peut établir un parallèle entre ses 2 dernières pièces avec Sun Dust
et The Canyon, sauf que The Canyon est aussi lourde que mélodieuse avec une approche sensuelle sur de très
beaux arrangements orchestraux et une superbe guitare qui s’enroule autour d’un mellotron saisissant. Un titre
fort qui conclut un album splendidement bien produit où David Wright n’a rien laissé au hasard. Bien au
contraire, à date Dreams and Distant Moonlight est sa plus belle production et son côté musicale est très près
du délicieux et classique Walking with Ghosts. Très beau pour ceux qui cherche en la musique un antidote à la
froideur hivernal….Encore une fois, j’ai dépassé mes 30 lignes !
Note : 5/6
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WRIGHT (David) : Continuum
Chronique réalisée par Phaedream
Une pochette aux allures cosmiques présente ce 15ième opus de David Wright. Une présentation aux antipodes
du délicieux Walking with Ghosts, qui s’ouvre avec une ligne sombre et mouvante parfumée de murmures à
peine audible. Un vent lourd tamisé des voix de la NASA progresse parmi une pluie d’astéroïdes. Des stries
sonores dans un néant sombre aux éclats métalliques. Un timide piano et une voix céleste s’accouplent dans
cette froide noirceur pour allumer un doux tempo sensuel, appuyé sur une bonne basse gourmande et
luxurieuse. Je sais que je me répète, mais David Wright a un talent hors du commun pour unir mélodie et
ambiance. Dark Matter coule comme un hymne à la sensualité astrale, sous diverses formes séquencées et de
beaux arrangements. Continuum, la pièce titre, continue cette ode astrale ténébreuse dans un maelstrom
statique. Une intro lourde qui tranquillement initie une ligne de basse ondoyante qui tangue avec un synthé aux
sifflements charmeurs. Hypnotique avec sa ligne de basse en ostinato, le mouvement devient plus mélodieux
avec un clavier lyrique et des percussions qui sont le prélude à une superbe orchestration valsante. Un bijou
pour les oreilles qui revêt plusieurs tintes sonores dans un contexte spatiale plus mélodieux que nébuleux. Les
8 dernières minutes sont un festin pour les oreilles avec une approche mélodieuse dans la plus pure tradition
de Vangelis. Une excellente ode musicale qui se terre dans les spectres ambiants de Bridge of Souls. Un titre
lourd aux pulsations réverbérantes qui pilonnent une sombre procession, assistée d’un synthé dont les
lamentations mélodieuses peinent à dériver dans un univers dense, truffé d’effets sonores métalliques d’un
cosmos inexploré.
Une belle séquence basse anime Island of Flight. Hypnotique, le tempo est fluide et s’acoquine finement à un
piano minimalisme aux écarts mélodieux. Symphonique, le synthé vogue sur un mouvement plus animé, bourré
d’effets sonores intergalactiques, sur un rythme séquentiel plus nerveux. Un rythme aux accords enfoncés,
créant un écho spastique qui se meurt dans l’abstraction d’un monde futuriste bercé par les vestiges d’un
piano oublié dans une brume cosmique. Cette finale allume les nerveuses séquences de Cassini. Un titre
épique avec une intro haute en couleurs harmonieuses. Flûte et harpe échappent des accords sur un synthé
luisant de torsades joyeuses et des percussions tablas qui frétillent sur des arpèges roulant en cascades
nerveuses. De superbes arrangements orchestraux tapissent cette faune sonore mélodieuse avec des épars de
percussions et de longs solos aux boucles enivrantes. Si la 1ière partie est rythmée, la 2ième est un fabuleux
maillage des éléments rythmiques de Cassini intercalé de mouvements ambiants sur un mellotron valsant,
accompagné de chœurs monastériels qui flottent dans un espace de plus en plus omniprésent jusqu’à sa
finale.
Continuum explique l’attachement que l’on peut avoir pour David Wright. Un compositeur et un musicien
talentueux qui n’a pas peur d’explorer les diverses facettes de la MÉ. Si, par moments, le musicien Anglais
donne l’impression d’être un romantique à la nostalgie doucereuse, il peut être aussi d’une complexité
renversante qui finit toujours par trouver sa niche dans ses arrangements harmonieux. Un artiste de renom qui
n’a rien à envier à Schulze, Vangelis et autres.
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Note : 5/6
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FIXMER/MCCARTHY : Into The Night
Chronique réalisée par Raven
Je ne passerai pas par 4 chemins pour vous parler du dernier Fixmer/McCarthy, en résumant par un mot abrupt
tout ce que ça m’inspire : LOVELY. Nous tenons là l’essence même de ce que doit être un album d’electro
pop/dance. Rien que ça… Enfin… quand je dis electro pop ; il y’a encore pas mal d’EBM là-dedans, des titres
très musclor qui auraient pu figurer sur Between the Devil (en l’occurrence "Look To Me", "Blood And Music" et
"Hate Me"), mais ça n’est pas vraiment l’essentiel. Et puis quand je dis dance, entendons nous bien : tout ça
reste menaçant - et suffisamment sombre pour faire plaisir à un goth. Les deux lascars nous ont ici concocté
quelque chose de fatal. Fatal, comme le tube dancefloor le plus imparable qui soit. Fatal, comme du DM
seconde génération, couplé à du Nitzer Ebb de haute voltige, saupoudré d’une fine couche sucre-glace, rompu
aux codes de la new wave comme une sale brute en marcel à qui on aurait appris l’amour après la baston, puis
lâchée en costar sur la piste d’une boîte de nuit dernière génération – au milieu d’une assemblée d’allumeuses
béates. Et bien que tout cela soit un peu sage et mollasson sur la deuxième moitié ("Trans-European" ou
"Tonight I Sleep" et le remix en trop, qui coûteront sa sixième boule jaune au disque, comme ça c’est dit).
Hormis ce surplus quelque peu regrettable, on tient tout de même une rafale conséquente de tubes pour s’en
donner à cœur joie avec la touche repeat, les sept premiers titres passée l’intro étant sublimes. Nous avons
entre les mains la version Lover du primaire Between The Devil, c’est à dire rough techno + chant
charismatique, dans une présentation moins brute de pomme, aux sonorités plus airwaves que malabar – Si
Between The Devil était une porsche rouge sang roulant tous phares éteints dans un tunnel étouffant, Into The
Night est une corvette noire traversant un Las Vegas brillant de mille feux. Une version plus subtile et
sophistiquée, disons-le clairement, mais pas moins accrocheuse pour autant, non – que du contraire. Into The
Night a une saveur très new wave que son prédécesseur n’avait pas. Douglas a gagné en charisme, sa voix
chargée de menace continue de distiller son venin, sous cape, son chant - cette fois-ci bien mis en avant - s’est
fait plus subtil, et en même temps plus appuyé ("who loves you knnnaaaaaoooooow"), crânement mâle,
irrésistiblement séduisant. Terence, lui, a brodé des beats et un habillage plus subtils que sur le précédent
album, moins poum-poum et écrasants comme un plafond s’abaissant sur nous, ici c’est plus aérien et aéré –
synth pop oblige – en gardant tout de même une base clubbesque bien ronflante – C.V. Deejay gigolo oblige.
Les deux lascars, enfin, ont main dans la main travaillé à la composition de vrais tubes, pas seulement des
brouillons ou des esquisses de hits comme on pouvait en trouver sur Between, mais des couplets-refrains
imparables ("And Then Finally", mon dieu), portant le niveau plusieurs crans au-dessus de la mêlée actuelle,
qui ne fait bien souvent que reproduire le même schéma sans penser à la lassitude que provoquent les vieux
clichés recrachés sans un minimum d’effort. Ici, les clichés fusent, avec un sens du vulgaire parfois gros
comme le poing ("Make War"), mais le travail est tellement pro, et les montées en puissance tellement amples,
qu’on oserait chipoter, on ne peut pas se cacher, inutile de fuir : le corps remue tout seul, et les yeux pétillent
de plaisir. Le résultat est extatique au possible, donc. Une techno pop outrageuse, aux reflets assassins, qui
fera fondre toutes vos résistances. Lovely. Si jusqu’ici vous vous êtes senti concerné par mon racolage
maladroit, et qu’à l’écoute vous résistez aux tueries que sont "Like Voodoo" ou "Love The Night", alors je vous
demanderais de me conseiller quelque chose de plus efficace en la matière, si ça existe – ou de retourner à vos
Vitalic, le cas échéant. Fixmer a su dérouler le tapis rouge à McCarthy, qui n’avait plus qu’à laisser s’épanouir
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son charisme infailliblement british sur un dancefloor en béton armé. Son meilleur disque depuis le premier
Nitzer Ebb, à n’en point douter, et accessoirement la promesse d’un album parfait à venir. On y croit fort.
L’album qu’il vous faut absolument si vous pensiez, comme la naïve petite alouette que je suis, qu’on ne
sortirait plus jamais de disque du genre qui approche le calibre d’un Violator. A faire péter à fond dans la caisse
avec les ray ban bien vissées et le cure dent au coin du bec pour chasser tous les gymnastes qui tripent sur
And One. Lovely, je vous dis.
Note : 5/6
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FAITHFULL (Marianne) : Broken English
Chronique réalisée par Raven
Ce soir il y’avait Thelma & Louise à la télé. Et pour les ringards dans mon genre, ce film évoque inévitablement
la ballade de Lucy Jordan. Inoxydable, ce morceau – tout comme l’autre tube de l’album, "Broken English". En
cette année 1979, Marianne à 33 printemps. Elle est déjà bien esquintée, mais sa voix chevrotante, si
particulière, semble se battre pour livrer tout ce qu’il reste de rage – et dieu sait s’il y’en a, là-dedans. Ça survit,
ça se bat, comme une flamme dans le froid, un cœur solitaire dans la nuit, qui ne trouvera pas refuge dans les
bras d’un homme, ni dans la bouteille – juste dans les souvenirs. Nombreux. Douloureux. Qui aurait cru qu’un
brin de femme comme elle parviendrait à se sortir du gouffre ? Broken English n’est pas un album glacial,
contrairement à ce qu’on en dit un peu partout. Il ne donne pas envie d’aller se pendre, contrairement à un
Secret Life, et même si tout ça ne respire évidemment pas la joie. C’est à la fois un disque de bon vieux rock et
un album de new wave déchiré, une complainte nocturne, au parfum de désillusions, de regrets, d’amertume.
Rien n’y est vraiment désespéré, plutôt mélancolique, dégoûté, mais jamais abattu – quelque chose vit encore
dans ce cœur de rescapée, quelque chose qui saigne, et c’est au pied d’un bar de nuit désert que nous sommes
invités à l’entendre parler, à la lueur des néons bleus, au son des guitares et des synthétiseurs. Le sentiment
d’avoir un brin de femme survivante qui nous chante l’essentiel d’une vie brisée de sa voix tremblante, en
grillant clope sur clope. Des ritournelles, des coups de sang, des moments de flirt avec ce gouffre sans fond
qu'on connaît trop bien, des instants d'émotion brute que les nuits effaceront peu à peu. Le bluesly "Brain
Drain", délicieux, "What’s The Hurry", ou le poignant "Guilt", douloureuse mise à nu dont les paroles restent
gravées à jamais dès lors qu’on les a entendu ("I feel guilt, I feel guilt, though I know I've done no wrong, I feel
guilt"). Des instantanés de spleen, touchant droit au cœur. Des coups de canif dans le bide. Marianne s’empare
du standard de Lennon et y met le feu… "c’est comme si on l’avait écrite pour elle", selon la formule consacrée
– puis achève le disque avec un reggae-rock hargneux à la Patti Smith, comme pour nous rassurer – je suis
toujours vivante, messieurs. On chipotera simplement sur la trop courte durée de l'album, et sur un "Witches’
Song" un peu quelconque par rapport au reste. A part ça ? Un disque culte, sur lequel je ne m’étalerai pas pour
éviter de dire plus de conneries. Pardon pour cette chronique mal fichue, ma vieille Marianne. Tu méritais
mieux.
Note : 5/6
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FLOWERS IN FLAMES : Flowers in flames
Chronique réalisée par Twilight
'Introspection' débute de manière naturelle et fluide, un peu dans la lignée de Mephisto Walz, avec vocaux
féminins profonds sur lit de guitares deathrock, quelque chose de sombre mais également apaisant, nocturne
dirais-je, dans le feeling. L'impression de tranquillité se brise soudain sur l'éclatement du riff efficace et jouissif
de 'Shadows and darkness' et les beats plus rapides; Flowers in flames s'annonce donc comme un bon groupe
de deathrock, digne héritier de Christian Death et consort...En réalité, les choses ne
sont pas si simples, 'Third wave' qui m'évoque une version sombre de Sonny and Cher vient brouiller les
cartes; il y a quelque chose de presque schizophrène dans ce disque. Nos Américains vont en effet s'amuser à
un continuel jeu de cache-cache entre des chansons purement deathrock ('Terrify sin', les bons 'All the glitter',
'Cursed with a flame',...) et d'autres plus tranquilles, détachées, décadentes, évoquant très fortement
l'esprit de David Bowie ('Last days', 'Golden town'), tant dans les orchestrations que les vocaux. Le mélange
n'est pas aussi contre-nature qu'il pourrait y paraître et donne son originalité au disque. Globalement, les titres
sont efficaces, le groupe a un bon sens de la mélodie et fait les choses à sa manière, même si les influences
sont évidentes. Qui plus est, la production assez directe, pas trop lisse, ajoute au charme selon
moi. Hélas un peu court, ce premier essai est prometteur et plutôt séduisant dans ses jeux de nuances entre
noirceur totale et des éclats plus mélancoliques, voir presque apaisés.
Note : 4/6
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TUXEDOMOON : Why is she bathing ?
Chronique réalisée par dariev stands
Tuxedomoon… Un cas à part, définitivement. Un de ces groupes ovnis pas très rassurants, le cul entre
plusieurs chaises, difficile à situer une mappemonde… Gothiques ? Néo-classiques ? Dadaïstes à la Residents
? Belges ? San Franciscains ? Même le nom du groupe m’a longtemps été difficile à prononcer… D’où ma
prudence en avançant cette chro d’un superbe maxi-single dégoté dans un disquaire de SoHo bien fourni en
musiques tristes… Même dans la discographie du groupe, c’est le flou qui prévaut, flou que j’avoue avoir
entretenu en ne me renseignant pas plus que ça sur le groupe : vous échapperez donc pour cette fois aux
anecdotes et autres historique du groupe, que Twilight a déjà très bien brossé. Un objet en forme d’œuvre d’art
ovniesque donc, publié sur les disques du crépuscule (excellent label cold wave belge, dont je n’ai pas fini de
vous parler), et à la troublante pochette détournant une silhouette de femme se lavant (probablement repiquée
chez Pierre Bonnard)… "Pourquoi elle se lave ?" dit le titre. Réponse derrière : "Parce qu’elle vient juste de
danser un ballet de Maurice Béjart sur une musique de Tuxedomoon"… Ok, super logique… Un petit texte nous
éclaire sur la "muse" du disque, Greta Garbo, qui elle aussi cultivait l’art du mystère. Dès la face A, on est mal à
l’aise : ces salauds osent une gigue slave endiablée entre Mr Bungle et Ivan Rebroff, en hommage au film
Ninotchka de Ernst Lubitsch, avec la Garbo justement, inspiratrice du ballet de Béjart et de la musique des
aliens de San Francisco. Pourtant la face B semble n’avoir rien à voir avec tout ceci : Again, superbe et
langoureux, évoque l’intensité dramatique de Joy Division couplée à la basse et au saxo de Morphine et aux
synthés insomniaques de John Carpenter… Et encore, même avec ces 3 références, vous serez loin de cerner
le truc… En fait, la seule chose qui pourrait se rapprocher de ce diamant brut aux reflets aquatiques, ce sont les
morceaux les plus ambient de Can avec Damo Suzuki. A écouter derechef pour les blasés, ceux qui veulent du
nouveau et croient avoir assimilés toutes les grammaires. La cold-wave, genre mort-né par excellence, recèle
parfois des joyaux d’une profondeur abyssale comme celui-ci. Conceptuel, déstabilisant, magique. Votre
serviteur s’est peut-être cassé les dents en tentant de décrire ce groupe si difficile à chroniquer, mais il
remettra le couvert pour un «The Ghost Sonata" qui lui tient bien trop à cœur, au risque d’y laisser ses derniers
neurones…
Note : 4/6
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COMPILATIONS - DIVERS : Scavengers in the Matrix
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Au début, tu tournes autour de la pochette et tu prends peur. Pas un nom de familier (vaguement Hate Dept et
Penal Colony) et surtout ces termes employés sur le visuel : Digicore ? Necrotech ?? Tu te dis que ce n'est pas
possible, soit tu as loupé quelque chose, soit c'est juste de la musique pour rivet-heads que juj s'envoyait par
pelletées au goûter du temps où il était jeune, juj, du temps où il était beau (tralala), et que sans même avoir
ouvert le boitier tu sais déjà qu'elle a 3,3/5 sur discogs et que tous les amerloques s'en débarassent à peau de
balle pour rembourser leurs microcrédits empruntés chez Wal*Mart. Bref, c'est quoi du digicore necrotech, si ce
n'est une autre appellation pour « Front Line Assembly du pauvre », tout comme derrière les compiles
psytrance que t'as acheté à l'époque (Max, Guillaume la Tortue, etc ; on survit comme on peut en 1994) tu te
rends compte qu'on parlait alors d'hypnotic trance, de psychedelic goa core, voire de transcore pour ne pas
dire de gros mots. Rien d'étonnant donc à retrouver toute la tribu cyber-dreadlocks réunis avec du pseudo-FLA,
du simili-Prodigy, du Chemical Brothers-like paradoxalement vachement bien vieilli avec un son très puissant
(contrairement à beaucoup de trucs cyberméchants de l'époque, écurie SPV/Alfa Matrix & consorts, sonnant
très cybercon aujourd'hui), des redécouvertes qu'elles sont bonnes, notamment le lancinant Contagion qui
ressemble à du Kirlian Camera en plus méchant. Le reste est étonnement cohérent en qualité, avec un net
penchant pour les gros rythmiques électroniques, le sampling de gratte, et un héritage dancefloor évident
(Front 242, pouet pouet, tout ça). Avant que Matrix (le film) ne foute tout le monde dans des slims en cuir noir,
ça sentait bon la jungle, la sueur et la vie dans cette tribu électronique verte et rouge que l'on voyait comme les
'primitifs du futur'. Et dire que c'est déjà du passé...
Note : 4/6
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DINOSAUR JR. : Repulsion / Bulbs of passion
Chronique réalisée par dariev stands
Si les trentenaires qui nous lisent se rappellent sûrement avec émotion des heures de gloire de Dinosaur Jr,
groupe étendard du grunge malgré lui et qu’on ne présente plus, les plus jeunes se rappelleront peut-être des
Dinos Juniors, dessin animé insipide et débile de 7-8h du matin sur TF1 durant la très imbuvable fin des années
90. Une sale époque pour l’humanité, à n’en point douter. Que d’heures gâchées passées à végéter devant cette
infâme daube pendant que M6 refusait de passer d’autres clips que les 3 premiers du top 50 en boucle, une
habitude qu’ils allaient malheureusement garder à tout jamais… Bref, c’est presque providentiel que ce premier
single de Dinosaur (qui n'avait pas encore ajouté le Junior), tout comme l’album qui en est tiré, ait pour
principal thème l’apathie adolescente. On est dans le thème jusqu’au cou. Repulsion, tube lascif, annôné d’une
voix garantie 100% "il est 7h du mat et j’ai pas fini de muer, y’a plus de corn flAkes mAman putAÎn", semble être
la bande-son parfaite pour ces mâtinées sacrifiées sur l’autel du dieu ennui, a attendre l’heure de prendre le
bus. Ne riez pas, je vous vois très bien. Avec des lignes aussi justes que "Silence taps my elbow" et "Boredom
won’t starve as long as I feed it", il va de soi que Jay Mascis savait de quoi il parlait… Oh et puis tiens, une
autre : "The darkness drags me back home". Ouaip. Pourquoi écouter The Cure après ça, je vous le demande ?
(non pas la peine de répondre avec ce couteau, on ne lynchera pas Robbie). "Repulsion", ça s’appelle. Pas
"Repulsion", mais "Ripeuhhhlsion", comme Jay le chante si bien… Voilà, 4 ou 5 années à gerber encapsulées
en 3 minutes de pop neutre et jaune pâle, le reste est bel est bien à mettre aux déchets radioactifs (tout comme
cet infâmant générique, qui me collera probablement longtemps après avoir oublié la moindre note de Dinosaur
Jr, c’est la vie…), avec 10 ans de stockage avant fin de la nocivité. Que dire après ça ? saint-Jay a parlé.
Prosternez-vous. Ce single aurait du sortir en 96 s’appeler “Hang the blessed Brian Molko because the music
that he constantly play it says nothing to me about my life". Mais que dire après ça ? Balancer une chanson
bancale et mal enregistrée comme “Bulbs of Passion” par exemple... De toutes façons la messe était dite. Le
style “indie rock” était né. Un "mouvement" bien trop feignant et désabusé pour contester quoi que ce soit, et
encore moins pour vendre son âme ou faire un effort de présentation, que ce soit clair. ”The world drips down
like gravy / The thoughts of love so hazy / Everyone’s ideal of fun".
Note : 5/6
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COIL : Love's Secret Domain
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Love's Secret Domain (LSD pour les intimes) est l'album le plus fou et surchargé de Coil. Trop à en dire, trop de
styles, trop de sentiments sollicités, trop de sons différents, trop de couleurs, tant et tant qu'il faudrait non
seulement élargir la roue chromatique pour pouvoir parler synesthésie mais aussi le champ des mots ; c'est
d'ailleurs une liberté que se sont permis nos protagonistes en parlant de musique 'hyperdélique', sorte
d'orgasme psychédélique organisé de façon vaguement consciente. On croit Peter, John et la quinzaine
d'autres sur parole lorsqu'ils confessent non seulement qu'ils n'avaient presque aucune idée du résultat cinq
jours auparavant mais aussi lorsqu'ils se demandent comment nul n'a péri d'overdose durant cet
enregistrement, qui les a ensuite motivés à lâcher du lest sur la consommation de drogues de synthèse. Du
reste, le résultat parle de lui-même. Pour commencer, il y a ces amas de bruitages parfois synthétiques, parfois
samplés et tressés avec un raffinement que l'on retrouvera chez Skinny Puppy dans sa grande période (Too
Dark Park, Last Rights, The Process). Il y a ensuite cet amalgame instrumental qui brouille sévèrement les
hiérarchies stylistiques : les guitares folk rejoignent les rythmiques électroniques, un orchestre entier vient
interpréter le très cinématographique 'Chaostrophy', tandis que l'excellente déviation acid house 'The Snow'
(virage amorcé au même moment par Cabaret Voltaire et Psychic TV) clairsème le brouillard sonore après une
ballade new-wave bien imbibée, 'Things Happens'. Toujours sur le même album, un titre downtempo
outrageusement érotique : 'Windowpane' ; un peu partout, l'amorce d'une longue suite de variations de
'Teenage Lightning' : en version électronique par deux fois, puis flamenco sur 'Lorca not Orca', avant d'en
retrouver deux versions plus tristes dans le millénaire suivant, l'une sur 'Black Antlers' et l'autre sur 'The Ape of
Naples'. Ai-je parlé de William Blake, qui voit sa Sick Rose malmenée sur une version, hum, malmenée ; parlons
du très calme et reposant 'Dark River', petite perle éthérée à écouter seul en regardant le vide : « N'écoute les
mots d'aucun homme, n'écoute que le son du vent et les vagues de la mer » disait Debussy. Exit Debussy, on
croirait les Swans invités sur Titan Arch, titre grinçant sur lequel Marc Almond pousse la chansonnette sur un
fond râpeux qui rappelle les moments les plus dissonants de 'Scatology'. Plus je tenterai de faire la liste
exhaustive du contenu de cet abyssal kaléidoscope et moins cela aurait de sens, aussi ne saurais-je que vous
inviter à y rentrer par la voie douloureuse – l'écoute donc, qui ne retiendra rien ou presque sur les quinze
premiers passages – et vous laisser emporter dans le flot gluant de cette éjaculation en arc-en-ciel, si bien
résumée par Steven Stapleton sur la pochette : du sang, du sperme, de la drogue, des anges, de la lumière, des
ténèbres, la justice, le Diable, la mort, Jésus et Dieu et bien plus encore. Tout ça en une grosse pilule à avaler
tout rond : gageons que votre gorge soit assez large.
Note : 6/6
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BLACK FUNERAL : Belial arisen
Chronique réalisée par Sheer-khan
Avec Black Funeral, on est dans la cave. Plus underground tu n'existes pas. Ce groupe américain a fait sa
réputation sur l'amateurisme de sa production, mais aussi sur une capacité à varier les plaisirs lugubres et
étranges à mesure des albums, allant jusqu'à l'ambient occulte terrifiant. Leur truc à eux, c'est la lycanthropie et
le vampirisme. "Belial Arisen" sorti en 2001 est un album de black metal sauvage et sinistre, à l'aura
dérangeante manifeste. Avant toute chose, il faut savoir qu'un album de Black funeral a toujours un son pourri,
variable d'un morceau à l'autre; ici, le spectre aigu s'ouvre et se ferme d'une enceinte à l'autre sur les 3
premiers morceaux avant que le tout ne chute de 30db et que la batterie se retrouve en carton sur "Varcolaci".
Bien sûr, le chevelu des cimetières aime à se bouffer du son tout dégueu, et cela participe assez largement à
l'ambiance que dégage sa musique préférée : chez Black Funeral, entre la voix qui vient d'on ne sait où et qui
rampe et éructe avec une variété toute psychopathe, les accords de mort et le son interdit, on est dans le
mystique. Il s'agit d'un black metal violent et sombre proche de l'école suédoise dans ses notes et sa brutalité.
Inspirée, occulte, puissante malgré ce son, la musique du groupe dégage un sinistre mélange de véhémence et
de sauvagerie comme peu d'autres. Si le tout sonne presque approximatif au premier abord, notamment en
raison du son mais aussi de cette voix qui va et vient du bout du monde au premier plan, ces cris soudains à la
reverb' invraisemblable, ces maladresse de mixage entre les guitares et la batterie, la musique de Black Funeral
n'en pas pour autant baclée. Les riffs, les breaks, les constructions, tout cela est inspiré, pensé, et fait de
"Belial Arisen" un album de black metal très sombre et particulièrement prenant. On en imagine beaucoup des
comme ça... des groupes de black metal mystérieux, dont on se sait rien, qui font un black un peu plus bizarre
que les autres, plus fou, plus sordide, dont la musique dérange, et qui s'acharnent tellement à ne pas se
soucier de leur son à mesure des albums qu'on se dit qu'ils ne doivent vraiment en avoir rien à foutre de rien,
bref : des true! Ca fait partie de la légende du black metal. On en imagine beaucoup, mais en fait il n'y en a
presque pas. Black Funeral en est un.
Note : 5/6
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BLUT AUS NORD : Ultima thulee
Chronique réalisée par Sheer-khan
C'est une musique de la tristesse. Si Blut Aus Nord se montrait dès ce premier album enclin à dépasser les
limites du true black, il s'inscrivait aussi, et totalement, dans une lignée ouverte par les premiers
enregistrements viking d'un Bathory, et ramenée à l'extrême par Burzum. La voix déchirée et hystérique, les
petits flocons pathétiques de claviers, la lenteur, une inclination pour les notes tristes, plutôt que violentes;
Blut Aus Nord ne vient pas de nulle part. Pourtant, rien ne ressemble à ce Ultima Thulee. Sa froideur, son
ampleur sonore lourde et triste, ces synthétiseurs type JMJ dans un igloo... entre les murs grondant des
guitares et la basse caverneuse, les accalmies sordides toutes de synthétisme glacial et l'inspiration sans faille
qui préside à ces enchaînements d'accords desespérés, le mystérieux groupe français imposait là sa
singularité, tout autant que sa compréhension particulièrement intime et pointue des enjeux de la musique
black metal. Il ne s'agit pas de haine, mais de dégoût. Il ne s'agit pas de violence, mais de déshumanisation.
Malgré la dose d'émotions véhiculées par ce metal glacé, quelque chose le rend désincarné, sans âme qui vive.
On ne sent personne derrière ces cris, ni derrière ces chants clairs plaintifs : dès le début, et malgré une facture
plutôt classique de black metal mélodique et atmosphérique, la musique de Blut Aus Nord échappe à toute
forme d'identification. L'album nous transporte d'accords en accords, sur des rythmes majoritairement lents et
lourds, des notes toujours baignées d'une beauté à la fois grande et triste, reverbérées et dressées en remparts
de sons opaques comme les flancs d'une montagne, regulièrement transpercées par les cris de Vindsval, entre
lignes construites et simples hurlements... des harmonies denses et puissantes rendues plus froides et
sombres encore par des claviers gelés. Reverb' et flanger sur les guitares claires, voix au fin fond de la lune...
jusqu'aux dernière minutes de "the last journey..." en forme de dark/pop-black metal, Blut Aus Nord joue avec
les effets et les mélodies à la recherche d'une incarnation la plus intense possible du désespoir. On ne devient
pas aussi bons décontructeurs que sur MoRT sans avoir été, au départ, de très bons mélodistes. Ultima Thulee
est un manifeste d'harmonies déchirantes, de petites notes pleureuses à la Burzum et d'accords hurlant. Un
paysage grandiose et pétrifiant, perdu à des millions d'années lumière du moindre petit soleil, balayé par la
glace.
Note : 5/6
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ARROWWOOD : Hemlock and spindle flower
Chronique réalisée par Sheer-khan
Ce disque est une étrange petite merveille. Arrowwood c'est Chelsea Robb, une jeune femme qui a décidé de ne
pas se soucier de savoir jouer de quelques instruments que ce soit pour faire de la musique... car elle l'a bien
compris : il ne suffit parfois que de quelques notes. De la folk minuscule et lunaire, une infime mélodie de mini
sitar, trois notes de guitare, des clochettes et deux trois tambourins, un peu de flûte et la voix totalement
volatile de la jeune femme... et c'est tout un petit monde extraordinaire qui s'ouvre. Et pourtant... pourtant le jeu
est approximatif, le toucher de fret souvent hasardeux, l'accordage douteux... pourtant les mélodies sont
sommaires, parfois jolies mais sans plus, lancinantes, un peu mornes. Pourtant... "Hemlock and spindle flower"
a cette beauté tranquille et un peu mélancolique d'un jardin à l'abandon. Un petit jardin de curé où il n'y aurait
plus qu'une ou deux petites fleurs, un peu cachées sous les herbes sauvages, entre deux vieilles pierres... sa
beauté tient dans son anarchie, son imprévu, sa cohérence un peu chaotique. N'en doutons pas, à l'écoute
notamment de "From the branch...", qui n'est rien d'autre qu'une pièce passée à l'envers, on se rend compte
que Chelsea assume parfaitement le bizarre, le recherche même, et que toutes ces imperfections techniques,
ces accidents d'amateurs, ce simplisme profane dans l'écriture musicale, loin de les masquer, elle les utilise et
les transcende. Quelques notes maladroites, une foule de petits instruments et sons, la musique d'Arrowwood
est aussi un lieu de petites expériences, des petits effets d'espace, une voix plus ou moins lointaine, une
reverb' inattendue. L'atmosphère de ce disque relève réellement de l'irréel. Une naïveté criante et pourtant
toujours sous tendue d'un sens de l'étrange et d'une forme de mélancolie qui ne se livre jamais vraiment. Entre
le volontaire et le mal joué les dissonances se logent partout et inquiètent ce curieux petit coin de végétation
perdu. Ce n'est certes pas le genre de disque que l'on écoute en boucle, mais dès les premières secondes d'"In
ruin", instant d'étrangeté suspendue comme vous n'en avez sans doute jamais entendu, il vous plonge dans un
lieu comme il n'en existe pas d'autre : une creux de forêt un peu sombre et tranquille, où se cachent tout un tas
de choses, et de gens, sous les feuilles, les lierres et les branches mortes. Il y a incontestablement
quelquechose de miraculeux dans la beauté de ce disque. Meilleure représentante de la petite équipe de Little
Somebody Records, une bande d'ermites campagnards américains qui pratiquent la folk minuscule, Chelsea
Robb a créé avec ce premier album d'Arrowwood une oeuvre totalement unique qui élève la maladresse au rang
de merveilleuse qualité.
Note : 5/6
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DEADLY SINS : Selling our weakness
Chronique réalisée par Twilight
Avant de recevoir cette promo, j'ignorais tout des Deadly Sins mais les fans des Dropkick Murphy's connaîtront
peut-être la chanteuse, Stephanie Dougherty, qui a collaboré avec ces derniers. Originaires de Boston, les
Péchés Mortels nous jouent un punk rock qui emprunte pas mal aux racines de 77 mais également à l'esprit
Riot Grrrl (évidemment, dès qu'il y a une chanteuse, ce genre de remarque s'impose un peu trop facilement, j'en
suis conscient). Pêchu certes, mais jamais trop rapide, le combo aime à soigner ses mélodies et des morceaux
comme 'Shipwreck', 'Open casket' ont tout à fait le potentiel de hits; un peu trop ? Je n'irais pas jusque là mais
il est vrai que je ne puis m'empêcher de songer à une version plus sauvage de No Doubt par moment ('Riot'). Le
problème avec Deadly Sins est la banalité des arrangements et de la production; les mélodies sont parfois
réellement efficaces mais tournées d'une manière entendue des centaines de fois et ma crainte serait qu'un tel
groupe se noie trop facilement au milieu des milliers d'autres que diffusent MTV dans ses émissions pour
gamins révoltés. Une musique trop banale pour une formation au nom trop banal qu'on écoute et qu'on jette
dès qu'arrive la suivante.
Note : 2/6
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PLANETE SAUVAGE : s/t
Chronique réalisée par Hellman
Comme toute personne ayant tenté l'expérience, Régis Martinez, claviériste, et Julien Avril, guitariste, ont
succombé au cultissime film d'animation de René Laloux, "La Planète Sauvage". C'est sous cette nouvelle
identité et derrière les pseudos de Kassiel et Usull que nos deux musiciens vont entreprendre la mise en
musique d'un monde imaginaire tout en nuances et voluptés. Une musique électronique qui se laisse bercer par
les lubies récréatives de nos deux hommes. Nous pénétrons dans cette demi-heure de vague synthétique sur
l'ombrageux "Cécilia", titre surlequel glisse, imperturbale, une guitare fluide, presque Floyd. Un mariage entre
analogique et numérique. Un alliage en tous points magique qui n'aura plus l'occasion de se reproduire. Dès
"La Saison des Pluies" et jusque "Résonance", Planète Sauvage préfère avoir recours aux samples pour
évoquer d'autres parfums, d'autres contrées. Chant féminin, voix off, boucles d'instruments à cordes
folkloriques concentrent l'exploration quelque part par là-bas, dans l'Orient et par delà les grandes plaines de
l'Est. On passe donc de l'ambient introspective à la Dark Aether Project au chill out d'une compile Goa sans le
moindre heurt. Il reste toutefois un point important à souligner : il faut saluer l'incroyable initiative de Planète
Sauvage qui a opté pour la mise à disposition gratuite de leur(s) albums sur leur site officiel ! Une démarche qui
se répend de plus en plus et qui montre l'évolution radicale qu'a connu notre mode de consommation musicale
depuis ces dix dernières années ; un exemple que beaucoup devraient ou, à terme, devront suivre.
Note : 3/6
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PLANETE SAUVAGE : II
Chronique réalisée par Hellman
Toujours animé d'une générosité sans faille, Planète Sauvage nous propose en écoute libre son deuxième
essai, un programme un peu plus copieux, enrichi de deux titres supplémentaires, rallongeant le périple d'un
petit quart d'heure. Une musique dont l'apparente pléntitude cache en réalité des inquiétudes, des doutes qui
se traduisent par un tourment qu'on ressent mais qu'on ne perçoit pas forcément. Ainsi, "Mélancholia" perce
l'atmosphère tel un rayon de soleil qui cherche à se frayer un chemin à travers une couche nuageuse pour
progressivement nous dégager la vue sur un ciel immaculé, blanc, livide, réfléchissant la lumière au-delà du
supportable. "Nos Années Sauvages" nous amènent gentiment vers "La Métamorphose des Krolls", un titre
qui, lui aussi, prend son temps pour déployer tous ses effets, comme une fleur qui déployerait ses pétales et
ainsi partager les effluves de son parfum. Un lent engourdissement de l'esprit par l'entremise de voix lointaines,
masquées, déguisées, triturées, juste là pour donner de la densité, du poids à quelque chose d'évanescent par
essence. Un jeu de faux-semblants permanent auquel Planète Sauvage s'adonne sans efforts. C'est un peu le
même esprit qui parcourt "The Dead Rose's Monologue" même si cette fois c'est Ussiel qui nous montre la
voie. La suite du disque nous plonge dans l'introspection. Sous ses airs plastiques polissés et bien propre sur
lui, la musique de Planète Sauvage renferme une part d'ombre considérable, et c'est celle-ci qui nous touche,
qui nous interpelle, qui nous donne conscience que nous avons affaire à quelque chose de plus profond, de
plus sincère qu'une banale musique ambient qu'on pense, à tort, être à la portée du premier venu.
Note : 4/6
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PLANETE SAUVAGE : The Strange Mood of the Dirty Rocks
Chronique réalisée par Hellman
Sans trop attendre, Régis Martinez et Julien Avril donnent suite à leurs aventures avec "The Strange Mood of
the Dirty Rocks". Une certaine cohérence dans la continuité mais tout de même un désir de parfaire leur
langage se découvre au fil de l'écoute de leur déjà troisième réalisation. Centré atour de la plage titre,
l'implication de Ussiel se veut plus déterminante, en tout cas nettement plus perceptible puisque ses
interventions à la guitare se multiplient, chose qui n'est pas pour nous déplaire, donnant le plus souvent le la à
un disque qui s'adonne de nouveau dans l'évocation de terrae incognita au parfum musqué ("L'Éveil de
Shemty"). Mais là où elle s'illustre le plus, c'est sur "Le Spectacle du Non Vivant" qui, sans surprises, met en
valeur un discours de Guy Debord, cinéaste et écrivain qu'il n'est jamais trop tard pour découvrir. Tout débute
avec "Image d'un Objet Recomposé" qui ressemble à un hommage aux grands de la musique électronique,
Tangerine Dream en tête, de par ses vagues de sons électroniques qui viennent caresser nos tympans comme
un vague à l'âme incessant. Si les recoins obscurs s'éparpillent de part et d'autre du disque, les portions où ils
se concentrent révèlent une tension croissante, toujours plus palpable et donc de plus en plus crédible. Le
mesuré "L'Immanence des Serpentines" est de ceux-là. On retiendra plus encore la plage titulaire, et enfin, la
troisième partie du "Retour de Biculah dans sa Patrie", clôturant ce nouveau chapitre avec, en bouche,
l'amertume et le regret laissés par un nouveau départ. Si le soleil brûle l'horizon aujourd'hui, c'est pour mieux
en ressurgir dès demain.
Note : 4/6
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KING'S X : Ogre Tones
Chronique réalisée par Hellman
Tout a été dit sur King's X. Je ne suis pas ici pour en rajouter une couche mais bien pour faire honneur à "Ogre
Tones", un album qui confirme tout le bien qu'on pense du groupe. Un album qui rassure aussi, et on en avait
bien besoin après un "Manic Moonlight" qui nous laissait avec nos doutes et un "Black Like Sunday" qui, bien
qu'excellent, trahissait le cul-de-sac dans lequel le groupe semblait s'être perdu, alors obligé d'aller puiser dans
son répertoire passé pour combler les attentes futures. Du reste, c'est un peu ce qui se passe ici aussi avec un
"Goldilox" revisité, tout simplement épatant. Le symbole est fort, et King's X se pose. King's X rassure donc. Il
assure aussi. Et de fort belle manière. Départ en trombe avec "Alone" et "Stay", deux titres uppercuts aux riffs
soignés et aux harmonies vocales d'une efficacité redoutable. On retrouve la magie du trio. On peut déstresser
notre mâchoire et sourire à pleines dents. C'est en confiance que l'on se laisse porter ensuite par un
"Hurricane" de facteur plus classique, des "Fly" et "I" de toute beauté, ou encore "Honesty" à la guitare sèche ;
le tout de temps à autres perturbé par des exercices volontairement plus musclés comme "Bebop" ou "Open
My Eyes". King's X n'oublie pas de s'enfoncer dans des territoires plus fiévreux ; comment aurait-il pu en être
autrement pour un groupe qui parle au coeur avant de prendre aux tripes ? C'est le brumeux "Sooner or Later"
qui s'en charge. Pour en arriver là, pour se retrouver, c'est à dire pour se concentrer sur ce que le groupe peut
apporter de meilleur, King's X a fait le choix judicieux et sans doute nécessaire d'un lâcher prise salvateur.
C'est désormais au vétéran Mike Wagener que revient la lourde tâche de produire le groupe. S'il y a du nouveau
à mettre à l'actif du trio texan, c'est bien cela : "Ogre Tones" donne à King's X une force, une présence comme
rarement il a pu en bénéficier par le passé. L'art tout consommé de l'accroche facile en quelques brefs accords
tel que l'ont toujours pratiqué Tabor, Gaskill et Pinnick prend alors tout son sens à travers cette collection de
titres allant droit à l'essentiel, toujours percutants. "Ogre Tones" est un retour gagnant, à ne point en douter.
Note : 5/6
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KING'S X : XV
Chronique réalisée par Hellman
Ce sont dans ses nuances, discrètes mais toujours plus profondes qu'elles n'y paraissent, que les albums de
King's X s'apprécient et se distinguent. Là où d'habitude des écoutes répétées et appliquées sont nécessaires
pour parfaitement s'imprégner des subtilités de leurs compositions, "XV" surprend par son immédiateteté, une
forme d'évidence, un soupçon d'absolu tant dans la forme que dans le fond. C'est que "XV" respire. Il crie, il
murmure, il chantonne, il gueule... Il vit ! Et on peut très rapidement pointer du doigt les quelques éléments qui
donnent à leur quinzième album cette forte personnalité : King's X varie les angles d'attaques en alternant
presque systématiquement riffs puissants, titres mid-tempos et ballades. "Pray", "Rocket Ship", "Alright,
"Move", "Stuck", "Go Tell Somebody" appartiennent à la première catégorie. "Blue", "Broke", "I Just Want to
Leave" à la seconde. "Repeating Myself" et "Julie" à la trosième. King's X retrousse donc ses manches et fait
bander ses muscles comme au temps de "Dogman". Mais cette recherche d'équilibre appuyée par la variété des
dynamiques qui s'installe d'un titre à l'autre nous rapprocherait plutôt de "Ear Candy". D'ailleurs, Gaskill et
Tabor interprètent leurs propres morceaux avec la fragilité qu'on leur connaît, autre élément à mettre à crédit de
ce parralèle invisible. Le meilleur des deux mondes réunis, l'essence même de King's X, partagé entre
fulgurance mélodique et puissance émotionnelle. Le groupe X nous a rarement habitué à des baisses de régime
: "Ogre Tones" nous avait quelque peu rassuré, "XV" finit par nous convaincre du retour du roi parmi les siens.
Et en toute grande forme. Porté par la production clinquante de Mike Wagener qui rempile donc ici une seconde
fois, ce nouveau King's X a suffisamment d'atouts en mains pour prétendre au titre de meilleur album de leur
déjà longue carrière ou, à tout le moins, de son plus beau et plus fidèle résumé. Comme une bonne nouvelle ne
vient jamais seule, il me faut vous signaler que King's X est actuellement en pleine tournée européenne et sera
au New Morning de Paris ce 20 janvier. Ne-les-ra-tez-pas !
Note : 5/6
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THE CULT : Sonic Temple
Chronique réalisée par Raven
"Après deux albums magnifiques et le succès de Love à la clé, The Cult s’est encore plus éloigné de l'esprit
d'antan en sortant le très rock Electric. Le groupe avait délavé son côté gothique encore bien présent sur
Dreamtime et Love, pour tomber dans un heavy rock d’inspiration plus américaine et seventies. Avec Sonic
Temple cet aspect americanisant est encore plus prononcé, et saute aux yeux dès le premier titre : ils se sont
entichés de Bob Rock, célèbre producteur responsable du Black Album de Metallica, qui signe ici une
production des plus léchées. Le groupe a perdu tout son côté sombre de jadis, et les titres, bien que plus variés
que ceux d'Electric et que certains soient puissants et fougueux à l’image de "Sun King" ou "Fire Woman",
tiennent plus du hard rock standard qu’autre chose – un hard rock à gros son pour remplir les stades,
parfaitement calibré pour être écouté en voiture, avec petite ballade inévitable à la clé ("Edie (Ciao Baby )") pour
faire un peu émotionnel. La qualité tend même – si on peut dire - vers le FM bas de gamme sur le pompier
"Wake Up Time For Freedom", digne d’un Def Leppard mais indigne d’artistes de cette trempe. Le groupe invite
Iggy Pop sur "NYC", mais sa présence se révèle inutile. Aucune surprise quand on sait que Sonic Temple est
l’album de The Cult qui a eu le plus de succès. Des riffs hard blues de bon aloi, quelques compos de qualité, un
ou deux passages un peu plus originaux que le reste (l’épique "Soul Asylum") et le chant toujours somptueux
de Ian Astbury sauvent le disque de l’inintérêt. Mais Sonic Temple est beaucoup trop propret et grossier pour
un groupe comme The Cult, qui en cette année 1989 semble avoir pour seule volonté d’aligner des tubes.
Verdict: 3/6"…
Voilà, balancées avec la plus froide et robotique objectivité, quelles auraient été ma chronique et ma note de cet
album. Si on m’avait arraché le cœur.
Note : 5/6
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GARGOYLE SOX : As the master sleeps...
Chronique réalisée par Twilight
Oublié des articles concernant la scène deathrock américaine, Gargoyle Sox ne manquait pourtant pas
d'arguments pour faire valoir son potentiel...Il est vrai que le duo ne rentre pas si facilement dans les cases;
musicalement, il s'approcherait davantage de Kommunity FK que de Christian Death par sa touche
expérimentale, éloignée des racines punk, l'usage de la boîte à rythmes et de la programmation y étant sans
doute pour quelque chose. Les compositions de ce disque sont lourdes, hypnotiques, rassemblées autour
d'une programmation certes rythmées mais pas foncièrement rapide ni même fouillé, d'où un côté répétitif et
implacable, en adéquation avec la basse. La guitare grinçante et sombre ajoute quelque chose d'obscur, de
rampant, comme si les musiciens répétaient dans une maison abandonnée. Ce feeling 'sous-terrain' est plus ou
moins accentué par les intonations du chant qui se rapprochent parfois du timbre caverneux d'un Lux Interior.
Si plutôt sombre, le travail de Gargoyle Sox n'est pourtant pas exempt d'une touche d'humour bien noir comme
en témoigne une chanson comme 'Pink little playhouse' mais qui ne nuit en rien à l'atmosphère générale bien
au contraire. Les mélodies sont bonnes mais c'est clairement le soin apporté à l'ambiance générale qui fait la
force du groupe; le moins que l'on puisse dire, c'est que ça fonctionne. 'As the master sleeps...' nous présente
donc le duo comme faisant preuve d'une belle imagination, toujours à même d'ajouter la petite touche
renforçant l'ambiance; du bon travail.
Note : 5/6
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REMOTE : Dark Enough
Chronique réalisée par Raven
Rares sont les disques faisant de la nostalgie leur fond de commerce, comme celui-ci, qui parviennent à
captiver – mieux encore, à rendre accroc – celui qui se décide à s’y plonger. Cela ne tient souvent à pas
grand-chose, à quelques petits détails qui font toute la différence. A un feeling essentiel, plutôt. A un son. A
une ambiance. A un but qu’on connaît déjà et que seuls les meilleurs peuvent se fixer sur une telle durée : faire
bouger sans lasser le moindre instant. Le modus operandi est connu d’avance et il faudrait être le dernier des
naïfs pour croire que quelque chose variera dans le théâtre des opérations : on isole une pulsation abrutissante
au possible et on la laisse inlassablement tourner, enfler, désenfler, enfler encore, se boursoufler, s’évaporer
sournoisement pour mieux revenir à la charge, encore et encore, en brodant quelques notes de synthé
lancinantes autour ou en ajoutant à de très rares moments une "présence" vocale sinistre ("Dark Enough",
"Allow Steady"). Les deux cerveaux de Remote ne font aucun compromis et s’évitent tout superflu pour aller à
l’essentiel : Dark Enough est minimal, et noir. Noir, comme la plus noire des nuits. Un noir abyssal, celui d’un
nightclub dont le plafond d’abaisserait petit à petit. Dont les murs s’approcheraient lentement des corps
mouvants – compactant la masse dansante. Dont la house serait une… housse (ahem), épaisse et compacte.
Etouffante. Une pulsation évoluant, tournoyant, lobotomisant le cerveau du quidam qui a eu la mauvaise idée
de s’engouffrer dans ce four en croyant imprudemment qu’on y passerait son mix préféré de Tiga. Aussi
lentement et sûrement que peut l’être une session dancefloor fatale, Dark Enough plonge dans l’hébétement, le
trip d’une nuit sans fin. Aussi monochrome et explicite que la pochette. Le terme souvent galvaudé
d’hypnotique est en fait le seul qui vient à l’esprit pour résumer ce premier Remote. Une hypnose lente et
parfois bien suffocante comme sur le terrible "Teaser". Une hypnose dans laquelle on s’enfonce sans en voir le
bout, dans l’abandon total. Remote ne demande aucun effort, même septique difficile de résister aux bpm,
difficile de ne pas tomber dans la transe. Les pistes avancent. Implacables. Interminables. La tension est
palpable. Le beat, fatal. L’attente d’une explosion qui ne parviendra jamais, redoutable. Le plafond s’abaisse
encore progressivement sur nos pauvres têtes. Inutile de fuir, impossible de s’extraire du son. Les filets de
lumière déjà bien maigres se raréfient, tout comme l’oxygène. Les portes de sortie ont depuis longtemps été
condamnées, la pulsation n’en finit pas de sourdre… Et ça ne s’arrêtera jamais. A écouter en boucle jusqu’à
abrutissement complet.
Note : 5/6
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DUPONT : Ukraina
Chronique réalisée par Raven
Des bons groupes d’EBM old school, j’en ai cherché. Depuis que je connais DAF et Nitzer Ebb c’est même
devenu un hobby. Depuis le temps, j’ai dégotté fort peu de numéros gagnants, parmi d’autres nostalgiques de
Nitzer/DAF sympathiques-sans-plus à l’instar de Spetsnaz. Et puis un beau jour, je suis tombé sur Dupont. Nom
débandant mais intriguant, pochette sobre mais parlante. Une techno-EBM polaire et rustaude, un peu gauche,
façon Pouppée Fabrikk sans guitares, assaisonnée de synthés ‘aurore boréale’ à la Covenant, avec un chant de
bûcheron. De la testostérone en barre, des rythmes bien carrés, bien musclor, la petite touche synth pop
faussement naïve qui fait la différence, et, à la clé, quelques tubes en puissance bonnards comme tout
("Money", du Rammstein sans guitares, ou les mélancoliques "Sugar Honey" et "Solid Life"), au milieu d’une
sélection de morceaux plus communs mais faits avec le cœur et fleurant bon la salle de muscu et la froideur du
dancefloor laissé vide par F242, au risque de tomber parfois dans la facilité ("Expo2k" avec ses "move your
body move your body") mais en gardant toujours une patte bien singulière, bien spécifique. Dupont est un
groupe méconnu mais sa personnalité - qui sera plus marquée sur Intermezzo - est déjà bien prononcée, des
paroles aux intitulés, et il se place déjà au-dessus de la mêlée. Ce qui, dans ce genre à gros clichés éculés, est
une qualité de premier choix. Grizzly-EBM technoïde venue du froid nordique. Rough Body Music. Fortement
conseillé aux amateurs.
Note : 4/6
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DUPONT : Intermezzo
Chronique réalisée par Raven
Des bons groupes de synth pop, j’en ai cherché, longtemps. J’ai été naïf. J’ai cru qu’il y’en avait à la pelle. Il
fallait chercher plus au Nord... Dans votre œil brillant comme celui d’un enfant innocent aguiché par les
couleurs des chupa-chups, réglisses, car-en-sac et autres tagadas mais ne soupçonnant pas encore les trésors
cachés de ce monde fait sucreries, j’aperçois la lueur d’un désir secret, inavouable : savoir si Raven a oui ou
non trouvé la petite perle dans le coin à champignons jalousement gardé des trésors cachés de l’electro pop.
Vous êtes de ceux qui trouvent qu’il manque quelque chose à Covenant. Ne dites pas non, Raven sait de quoi il
retourne, et il voit clair dans votre œil. Vous savez comme moi que Covenant c’est bien mignon mais qu’à part
le premier album, le tube "Like Tears In Rain" (bien seul sur United) et Northern Light ça n’est pas bien
méchant. Ce quelque chose qui leur manque, entre vous et moi, c’est peut être tout simplement une paire de
couilles. Dupont en a, et pas qu’un peu, attendez de voir. Si vous êtes de ceux qui comme moi pensez que
Steve Naghavi ferait bien d’ouvrir un salon de coiffure tendance au lieu de se prendre pour le successeur du
grand Dave Gahan, ou si vous avez longtemps désespéré à trouver, dans tout ce fatras Combichrist – In Strict
Confidence – And One – Funker Vogt et consort un disque electro pop à ramifications EBM un tant soit peu
singulier et capable d’offrir autre chose que du commun en utilisant pourtant les mêmes éléments que toute
cette bande de seconds couteaux putassiers mais fades comme une guimauve sans sucre, j’ai peut être trouvé
quelque chose qui pourrait vous intéresser… Si le duo – autrefois trio mais délesté de son chanteur Juan nous vient de Scandinavie, terre des pandas et surtout de A-Ha, ça n’est peut être pas pure coïncidence. Après
un Ukraina extra mais encore un peu trop balisé, Dupont nous livre un Intermezzo qui se place direct dans ma
catégorie coup de cœur du moment. Plus haut comme vous aurez pu le remarquer, j’ai employé le terme
putassier - ce n’est pas par hasard. Dupont, tout comme le pire des Mesh, n’hésite pas à se vautrer dans une
vulgarité FM éhontée à relents eurodance/trance/techno ("Bells Are Ringing", "Planless Exhibition") en
balançant en veux-tu en voilà des sonorités clichesques à mort, avec un son pumping qui mise autant sur les
basses que sur les nappes de synthétiseurs eighties. Oui mais voilà : il y’a la patte personnelle, la touche racée,
le style, l’originalité, peu importe comment vous l’appelez, qui changent la donne du tout au tout et touchent le
cœur direct. La prod d’abord, bien plus puissante et riche que celle du précédent. Le chant de Riccardo ensuite,
qui fait plus que remplacer l’ancien, Juan, qui n’était de toute façon qu’un gros bourrin. Riccardo est beaucoup
plus classe : une espèce d’Eskil Simonsson version testostérone croisé avec Peter Steele, capable de passer
de la grosse brute EBM constipée et menaçante (le très Laibach "Casino") au chant synth pop nonchalant voire
carrément à la roucoulade goth avec souplesse et aisance. Des nappes de synthétiseurs polaires en
background aux paroles réjouissantes, des couplets-refrains imparables à ce sens de l’humour bien torve et
décalé ("Motel Lover" où ils invitent l’ex-chanteur Juan), Intermezzo est une singulière usine à tubes. Essayez
par exemple de rester de marbre à l’écoute de "Ghostdance", LE tube monstre de l’album, qui ne parle pourtant
que d’une bonne pipe. Essayez de ne pas succomber au glucose nappage glacé de "Why Must I Die ?", ou à la
mélancolie sublime d’un "Unknown Airspace". Essayez de rester de marbre sous le plombage lobotomisant de
"Master Of The Herd". Excepté les deux remix inutiles, tout est sublime, même le minimal kraftwerkien
"Yorkdale" ou l’atmosphérique "Rio". Il y’a chez ses gaillards l’art et la manière de manier les clichés les plus
casse-gueule en orfèvres et de pondre des hits mortellement new wave que trois pelés et deux tondus
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s’arracheront sur le dancefloor avec une rare élégance… Vulgaire, mais magique. I say get dooown on your
kneees. Please me please me…
Note : 6/6
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SIIIII : Ein verdammtes Versprechen
Chronique réalisée par Twilight
Depuis leur reformation, les Siiiii n'ont cessé de donner des concerts comme pour vivre pleinement une
excitation qui avait été bien trop brève à une époque où ils y croyaient encore et visiblement, ils aiment ça.
Quoi de plus naturel que de sortir un disque live pour nous faire patienter jusqu'à leur nouvel opus ? De l'aveu
même du chanteur, Paul, l'idée était de conserver un témoignage d'une prestation dans son aspect brut, sans
trop de retouche, c'est pourquoi certains défauts n'ont pas été gommés, ainsi le petit saut de bande pendant
l'excellent 'Instinct'; de même, pas de cris ni d'applaudissements...Les micros utilisés n'étaient pas des micros
d'ambiance mais destinés à la scène. Le groupe hésitera a mixer les manifestations du public enregistrées sur
un autre canal avant de trouver l'idée ridicule et contraire à la philosophie du disque. 'Ein verdammtes
Versprechen', 'une putain de promesse', d'une parole criée à la fin d'une des nouvelles compositions, 'Castrato'
, se veut un lien où se rencontrent d'anciens morceaux et des nouveaux. Je trouve personnellement ce cd bien
agréable, tout d'abord car le son est bon, ensuite parce que Siiiii s'en donne à coeur joie, alternant la
mélancolie de pièces comme 'Towers of silence' ou 'Overgrown eyes', les roulements tribaux de 'Rictus' et le
ton désespéré de 'Instinct'; le mixage rend d'ailleurs pleinement justice à la rythmique ('Dust'). Il s'agit
également de découvrir des chansons ne figurant pas sur 'Ancient' comme 'Castrato', 'Instict' ou 'Iron age' qui,
au cas où elles auraient été écrites récemment, laissent à présager du meilleur quant à un futur opus. Bref, un
disque bien agréable, témoin d'une certaine conception du son 'post punk goth' toujours aussi jouissive malgré
près de vingt-cinq ans d'âge et qui semble sceller la promesse d'un nouveau départ pour nos Anglais. 4,5/6
Note : 4/6
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KILLING JOKE : Turn to red
Chronique réalisée par dariev stands
Commencer son premier skeud par une version dub d’un morceau se trouvant sur la face B (encore que le
macaron indique deux faces B, faut-il y voir un signe ?), fallait oser. Surtout quand le résultat est aussi hanté
que ce Turn to Red, où seules des bribes du chant originel de Coleman surnagent entre des effets, des breaks
de batterie et une chambre d’écho qui ont tout d’une production made in Jamaïca. La basse de Youth vrombit,
la guitare de Geordie s’accroche aux barbelés, tandis que la batterie de Ferguson esquisse des motifs typiques
du post-punk sous influence afrobeat de l’époque. Killing Joke réussit à frapper encore plus fort avec Nervous
System, un putain de tube, à la basse noire comme l’ébène, slappée comme chez Funkadelic, sous les
harangues de la voix blanche et aux accents prophétiques de Jaz Coleman. Comment qu’on dit dans ces cas-là
? « Ouille Ouille Ouille maman !! ». Il va de soi que la symbiose entre musiques noires et punk blanc était ici
bien mieux digérée que chez les Clash (dont le bassiste aurait été incapable de jouer de tels trucs), sur lesquels
Killing Joke avait tout simplement 10 ans d’avance niveau son, avec ce 4-titre qui tourne à lui seul la page des
années 70. Sans exagérer : aussi avant-gardiste que l’arrivée du rap parmi le boucan de la no-wave
new-yorkaise, à la même époque. Les punks anglais, derrière leur tchatche de durs à cuire anti-prog et
anti-psyché, avaient pourtant bel et bien plusieurs maîtres à penser dans les versants anglais de ces courants
un peu vite étiquetés « pompeux » … J’en veux pour preuve ce spartiate et hyper dansant Are You Receiving,
du Butthole Surfers avant l’heure, en plus carré ; et qui se prend un méchant coup de phasing sur la fin (et ces
claviers bien old-school), ne laissant aucun doute sur l’influence du space-rock et de ses apôtres - la tribu
Hawkwind (que Johnny Rotten suivait de près). D’où la connexion évidente entre ce 4 titres ravageur et le
premier Public Image. Le dub est là, lui aussi, il ne manquait que la vision apocalyptique et urgente de Coleman
pour que le chef d’œuvre soit au rendez-vous. Turn to Red à des airs de diatribe anti-communiste qui semble
avoir fait flipper la presse de l’époque, si l’on n’en croit la chronique du Melody Maker ajoutée en insert dans la
pochette. « Metallic sound peels my ears / Chaos for breakfast ». Tu crois pas si bien dire, Jaz. C’est aussi le
titre d’un classe coffret de titres rares et autres singles dont je viens de remarquer l’absence en ces augustes
pages… Chose à réparer, je m’y colle avec joie. A noter que les fadasses Dead 60’s leur chiperont la pochette
flippante, tandis que des centaines de groupes seront influencés par le son de ce disque, invraisemblable de
modernité pour 79. Indispensable.
Note : 6/6
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PATTI SMITH & KEVIN SHIELDS : The coral sea
Chronique réalisée par dariev stands
Un bien curieux objet que voilà. The Coral Sea était à la base un recueil de poèmes de Patti Smith écrit en
hommage à l’étonnant photographe d’avant-garde Robert Mapplethrope (les pochettes cultissimes de "Horses"
et "Easter", c’est lui), au travail remarquable sur la représentation des corps… Accablée de deuil, la poétesse
avait écrit le livre pour exorciser sa souffrance, sans jamais avoir trouvé la force de lire en public (Mapplethope
est mort en 89, et le receuil est sorti en 96). Or, on sait que le domaine où Patti Smith est le plus à l’aise, ce
n’est surement pas le chant, mais bien la poésie lue à voix haute, dans cet espace interlope et chamanique
situé entre le chant et la déclamation. Et c’est finalement en 2006 (dix ans plus tard, donc) que le pas fut
franchi, grace à l’accompagnement de Kevin Shields, grand autiste notoire qu’on avait pas l’habitude de voir
sur ce genre de projets un peu "arty" et déjà acclamés par la critique avant leur sortie. Pourtant, le résultat de la
fusion à chaud entre ces deux entités aussi éloignées que complémentaires (les premiers Patti Smiths méritent
autant leur place sur guts que l’intégrale My Bloody Valentine) ne se fait pas attendre. Dès les premières
écoutes on est happé par le degré de finition de l’ensemble, absorbé dans ce halo de sons ambient et éthérés
généré par la guitare sans doute bardée d’une trentaine d’effets de Shields… La voix de Smith transperce assez
joliment ce brouillard sonore, exprimant avec toutes les nuances possibles le contraire du mot "monotone", le
pire défaut que l’on pouvait craindre d’une telle performance. Seul problème, et de taille, aucun extrait du
poème n’est donné avec le digipak, rien du tout, un beau pied de nez (involontaire on s’en doute) envers les
non-anglophones, résistants suicidaires et incorrigibles romantiques de notre triste monde tragique*. On sait
seulement que notre bébért, après avoir clamsé, se met en route vers la Croix du Sud, lointaine constellation
évoquée avec talent par la musique et par la pochette…
Parfaits anglophones, file fri tou adde a litteul yélau baule. *copyright Daria
Note : 3/6
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WAITS (Tom) : Real gone
Chronique réalisée par Sheer-khan
Inégal, et fondamentalement décevant. Voilà mon humble et anodin avis sur "Real
Gone". Et puisque qu'une chronique, contrairement à ce que certains internautes ont
l'air de penser, n'est qu'un avis perdu parmi les autres qui ne saurait prétendre à
l'objectivité, allons droit au but : ce disque est vraiment super chiant. Pourtant
je pense le connaître le bonhomme, j'y suis rompu, et puis c'est vrai : une majorité
de ces nouvelles pièces signées Waits est bonne; "Real Gone" présente de fait une
importante collection de pièces mélancoliques inspirées, à la Tom Waits, où
culminent "sins of the father", "green grass" ou "trampled rose"... seulement voilà
: le disque souffre du syndrôme Clang-Boom-Steam. Clang Boom Steam, ce n'est pas
simplement la piste 13 de ce disque longuissime (72 minutes), c'est l'incarnation de
ce qu'il a d'horripilant. Ce petit titre de 40 secondes est une sorte blues primitif
et lent, jusque là ça va, dans lequel Tom Waits gueule sans charme, c'est déjà un
souci, sature sa voix (le résultat est juste pénible), pratique la percussion vocale
simpliste à coup de "boom" et de "clang" surmixés et sursaturés (on entre dans le
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franchement relou), le tout sans le moindre petit frisson ni mélodique, ni
harmonique, ni groovesque, ni étrange, ni émotionnel, ni... rien. Même s'il semble
tristement évident que l'objectif est celui-là : on n'est ni dans "Kommienezuspadt",
ni dans "What's he building in there"... et même si ce "Real Gone" se situe
esthétiquement entre les deux monuments "Bone Machine" et "Mule variations" : il
n'en atteint les fascinantes mystiques qu'en de très très rares occasions. CLANG!!
BOOM!! KABOOM!! "CLAANNGG!!"... Tom Waits en fout partout, n'importe où, sature tout
ce qui passe et dissonne à outrance. "Top of the hill", "shake it", "metropolitan
guide", "baby gonna leave me"... il se vautre dans la caricature. Parce que le
bonhomme qui fait des "kaboom keclang ketchiss kaboom kaboom keclang ketchiss"
déchirés de saturation et mixé devant tout le reste comme si cela pouvait suffire à
provoquer un groove violent et imparable, quand par ailleurs la moitié des compos ne
sont que des dissonnances convenues du style "t'as vu comme je suis barré?" qui ne
provoquent ni malaise, ni étonnement, ni curiosité, juste l'ennui s'il elles
n'avaient été en plus réhaussées de la touche "Clang boom steam", qui les rende tout
simplement insupportables... et bien c'est très, très, très pénible. Si Tom Waits
est un des plus grands maîtres de la déformation, il a fini, sur une partie de ce
disque en tout cas, par en oublier le préambule : trouver quelque chose à déformer.
Et puis pourquoi hurle-t'il autant? Tout le temps? Et qu'est-ce qu'il a cherché à
faire avec cette saturation ultra crue, systèmatique et aggressive dans laquelle
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tous les sons se désagrègent après nous avoir bêtement dérangé? Le pompon c'est la
piste cachée, la 16ème : 1 minutes 10 de Clang-Boom-Steam, parce qu'après le docile
et agréable "day after tomorrow", faut bien montrer que quand même : on est d'abord
des gros dérangés débordant de groove. Et bien non... et moralité : on n'a pas envie de sauver le reste. Le
reste, ce
blues mélancolique et imbibé, enluminé de country et de jazz, Tom Waits nous en a
déjà tellement servi du sublime, qu'on ne voit pas pourquoi on irait le chercher sur
ce disque, au milieu des chardons. Ce disque, je l'ai tellement écouté, vieux
routier du Tom Waits persuadé qu'il finirait, un jour, par se dévoiler comme les
autres. Je me suis tellement forcé qu'il a fini par me fatiguer du bonhomme tout
entier. Je trouve ce disque surfait, facile, prétentieux, et je doute même de la
sincérité de l'artiste qui, me semble-t'il, ne cherche ici qu'à s'adonner au culte,
totalement légitime, dont il est l'objet. " CLANG! BOOM!! T'as vu comme j'en ai rien
CLANG!!à foutre de séduire tellement CLANG!! KABOOM!! je suis barré et dans mon
trip?"... ouai j'ai vu, Tom, j'ai vu...
Note : 3/6
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FUNERAL MIST : Devilry
Chronique réalisée par Sheer-khan
"Salvation" a mis tout le monde à genoux. Pourtant, on avait été prévenu. De sa musique furieuse et imparable
jusqu'à sa pochette, "Devilry" est exactement le hall d'entrée de la maison des tortures visitée dans tous ses
recoins par l'épouvantable album. Samples horribles, effets variables sur la voix, production aussi sale que
puissante, saturation terrifiante et folie vocales : Funeral Mist pratique déjà les sévices malsains avec lesquels
il plonge une musique à la violence hors du commun en plein cauchemard. Un black metal extrêment agressif,
donc, noir, usant des ralentissements et des mid tempos comme uppercuts assourdissants au milieu d'une
fureur de blasts charbonneux absolument inouïs. Suédois dans sa puissance, le black metal de Funeral Mist est
aussi noir que le black norvégien, plus occulte et infernal que les américains fous de Black Witchery, Black
Funeral ou même Absu, aussi brutal que du polonais, et plus malsain que tous les psychopathes japonais
réunis. Ce qu'il y a c'est que les riffs sont vraiment terribles et percutants, la voix absolument terrifiante,
puissante et hallucinée, les enchaînements redoutablement efficaces, les accélérations totalement
dévastatrices, les nombreux effets épouvantablement glauques, bref : le tout magistralement construit. Funeral
Mist fait peur. On peut ingurgiter du black metal toute la journée, être rompu à sa malveillance et s'en délecter
pour son atmosphère et sa capacité à évoquer le désespoir, on n'y coupera pas pour autant : Funeral Mist
provoque la peur. Parce qu'il semble plus furieux que tous les autres, plus fou que tous les autres, plus vicieux
que tous les autres, et qu'au dessus de tout cela : la précision et une intelligence diabolique président à la
composition et à la mise en place de cette incarnation absolue du mal. Cette réédition de 2005 présente en
deuxième partie la démo "Havoc" sortie en 1996 qui, avec un peu moins de son et de traitements malades,
montre que Arioch avait déjà une vision extrêmement précise de sa musique. Même sens du riff ultra violent,
même capacité suffocante à la brutalité, même folie fondamentale, cette folie qui hisse ce groupe hors norme
au delà de la simple bestialité, pour lui donner une ambiguïté et une toxicité bien humaine, et par là même
profondément traumatisante.
Note : 5/6
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SCHULZE/GERRARD : Farscape
Chronique réalisée par Phaedream
Je vous le dit d’emblée, je n’ai pas embarqué dans la saga Schulze/Gerrard. Oui, j’attendais ce double cd avec
impatience. Oui, je l’ai écouté. Écouté comme un inconditionnel qui voulait absolument trouver quelque chose
de beau sur cette dernière galette métallique de Schulze. Car notre Wagner du 20ième siècle vieillit et chaque
parution peut devenir mythique…. J’aime bien Lisa Gerrard. Je trouve sa voix magnifique et très musicale. J’ai
appréciée son travail avec Dead Can Dance ainsi que ses œuvres lyriques et théâtrales lors de ses trames
sonores (Le Gladiateur) et de ses collaborations. Donc la table était mise pour une œuvre colossale…. Sauf que
je suis resté sur ma faim.
Pour ceux qui ne la connaissent pas, Lisa Gerrard possède une voix unique et flamboyante. Un langage abstrait
sous une voix angélique. Un mélange de Laurie Anderson et Maria Callas qui épouse bien des caprices
instrumentaux. Alors, imaginer sous les synthés multiformes et multi musicaux de Schulze. Sauf que ça pas
levé. Pour une raison qui m’échappe j’ai plutôt l’impression d’entendre un album solo de la diva contemporaine
qu’une œuvre en duo.
Le synthésiste Allemand se fait très timide devant la voix de Mme Gerrard. Un peu comme si pour apprécier
l’un, il faut ignorer l’autre. L’autre étant Klaus Schulze. Farscape c’est 153:30 minutes à entendre les grandes
variations vocales de Lisa Gerrard sous les claviers illégitimement impassible, quasiment invisible, de Klaus
Schulze. Certes le génie de KS ressort en plusieurs endroits (LC 2, LC3, LC 5,) avec une structure minimalisme
rythmique qui lui sert à ravir pour exploiter son univers musical. Un univers limité par la présence de Gerrard.
Dans les faits, c’est bien plus l’album de Gerrard que de Schulze. Et c’est pourtant le Maître qui en a écrit la
musique. Une bonne musique qui rejoint l’hybride personnalité de Schulze; soit le style contemporain des
années 2000 versus de belles prémisses des années analogues (LC 6). Mais, peu importe la divinité de sa voix,
Lisa Gerrard enfouit la musique et la relègue au dernier plan. Très frustrant. LC 6 est la seule pièce où l’on peut
vraiment apprécier le maillage des deux talents. Un titre serein et doux qui va à ravir aux vocalises de Mme
Gerrard.
J’ose espérer qu’une version sans les vocalises et musicalement remodelée, car il y a certaines longueurs,
verra le jour. Car strictement au point de vue musical Farscape serait un petit chef d’œuvre. Mais dans ces
conditions, c’est un pétard mouillé. Comment peut-il en être différent si l’on considère que ce double cd n’a
prise que 2 mois de travail? Mais est-ce que cela froisserait Mme Gerrard?
Note : 3/6
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BOOTS (Ron) : Mea Culpa
Chronique réalisée par Phaedream
Toute une belle surprise que ce dernier album de Ron Boots. Mea Culpa est un opus finement fignolé. Un album
riche en sonorité et en atmosphère qui nous transporte, tantôt dans un univers romanesque, tantôt dans un
paradoxe musical étonnant avec des séquences aux mouvements aléatoires, des solos écorchés, des
complaintes synthétisées saisissantes et des effets sonores panachés qui baignent dans une ambiance bien
au-delà du cosmique habituel à la MÉ.
Le tout débute avec Mea Culpa I et sa fine onde enveloppante qui initie un mouvement épique scindée en 2
parties. Une belle ligne morphique et rêveuse qui navigue parmi des épaves sonores aux effluves analogues,
jusqu’à ce qu’une basse fasse ondule lentement le tempo. Une séquence scintillante moule une mélodie
hypnotique de ses accords minimalismes. Graduellement Mea Culpa I prend forme. Les effets sonores affluent
et envahissent ce tempo légèrement sensuel qui se dandine dans un univers astral. Étrangement beau et
délicieusement étrange, Mea Culpa I progresse dans d’étranges souffles sidéraux, truffés des voix rauques à
peine perceptibles, parmi un synthé lancinant. La progression est étonnante. De longues complaintes
synthétisées hurlent dans une atmosphère aux nombreuses sonorités bigarrées, créant une ambiance hors du
commun. Des cymbales papillonnent de leurs ailes métalliques, ouvrant la voie à des percussions qui initient
un tempo plus lourd sur une séquence plus cristalline. Cette rythmique inattendue frôle la cadence de Klaus
Schulze sur Body Love. Un très bon morceau qui fractionne son rythme, visitant des sphères plus douces,
d’autres plus endiablées, sous des séquences minimalismes aux soubresauts nerveux et de solides
percussions qui nous poussent vers une finale aux solos aussi nuancés que l’évolution rythmique de Mea
Culpa I.
La 2ième partie offre une intro atmosphérique plus lourde et sombre. De légers arpèges flottent à travers un
bourdonnement sinueux et un mellotron légèrement flûté. Des séquences aux éclats chaotiques instaurent un
rythme imprécis dans une pesanteur cosmique hostile. Moins poétique que la partie I, Mae Culpa II n’en
demeure pas moins attirante avec son approche analogue et ses synthés sombres qui voltigent dans un
maelstrom ambiguë, avant de fondre sur des séquences névrotiques lourdes, créant un rythme nerveux
ceinturé de beaux solos. Un rythme qui progresse avec des mouvements séquentiels additionnels qui gravitent
autour d’un synthé plus lyriques et harmonieux, gardant toujours une porte ouverte sur sa lourdeur
atmosphérique.
Entre ses 2 parties, on retrouve 08:00 Sunday Morning et ses synthés apocalyptiques qui claironnent dans un
univers truffé d’effets sonores caustiques. Un beau titre qui se dandine sur une superbe séquence mélodieuse.
Une mélodie hypnotique dans un univers à la Blade Runner, où des voix célestes sont cernées par un synthé
circulaire ainsi que des ondes réverbérantes et menaçantes. Une étrange litanie traînante qui explose de bons
solos avec des séquences aux sonorités évolutives, mais toujours mélodieuses. Un titre riche en atmosphère,
comme partout sur Mea Culpa, tout comme le doucereux For Does et son approche violonée. The Roses in my
Life est en deux volets, l’un avec les vocales de Ron Boots et l’autre instrumental. Un titre lent au tempo
hypnotique aux sonorités de percussions claquantes. La séquence est superbe et rappelle le côté mélodieux de
Vangelis. Synthé et ondes spectrales dans une ambiance moulante, The Roses in my Life évolue doucement
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avec des percussions de plus en plus martelantes, ajoutant un brin de sensualité sous de légers effets à peine
audibles de ‘’tchick e tchack’’. Un monde musical au paradoxe étonnant, comme un peu tout ce que l’on entend
sur Mea Culpa. Mis à part Quicksilver et son beat endiablé. Du funk électronique avec des échantillonnages
vocaux suggestifs garni de bons solos agressifs.
Avec ce 33ième album Ron Boots continue d’étonner, au grand plaisir de ses nombreux fans ainsi que des
amateurs de MÉ et de musique contemporaine. Mea Culpa est un superbe album où la symbiose ambiance et
rythme se fait dans un charme musical absolu. Ron Boots offre un 70 minutes de musique émotive, dépeignant
la profondeur du musicien Hollandais. Une gâterie pour les oreilles.
Note : 5/6
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NITZER EBB : Belief
Chronique réalisée par Raven
Culte. Autant que le premier. Il sonne plus froid. Un peu plus indus. De l’indus dansant artisanal et minimal fait
avec une poignée de clous et des morceaux de tôle comme il en existait encore à la fin des années 80. Entre les
gros tubes dans la lignée de "Murderous" et "Let Your Body Learn" que sont "Heart And Minds" ("YOU ! YOU !
ARE - SO - YOU !"), le tribal "Control I’m Here" (qui nous rappelle que l’EBM n’est à la base pas très éloignée
des danses rituelles africaines où les corps remuent en rythme jusqu’à la transe), le classique "Shame" ou
encore "Blood Money", une des plus grosses tueries du groupe ("Dooon’t take the piiil – don’t aaaaask for
moooore"), difficile de choisir. Douglas est dans un état de tension permanent, son chant sanguin et excessif
commence déjà à s’étoffer (limite goth sur "Hearts And Minds). Les dents sont serrées, les yeux ne quittent pas
leur cible, une bande de loubards dévêtus traîne dans une de ces zones industrielles grisâtres de l’Angleterre et
transpire sur des rythmes âpres avec leur leader charismatique Douglas. La sueur qui perlait sur les marcels
dans That Total Age se transforme en givre avec Belief. Les titres sont menaçants, tendus à l’extrême – froids,
Doug étant la seule présence de chaleur humaine, dévouée au dieu machine dans un culte du rythme
galvaniseur. Doug ne s’est jamais caché derrière des effets, sa voix est humaine, charnelle – c’est elle qui
donne toute son humanité à cette musique carrée et métallique. Quand la pulsation se fait plus lente et pesante,
comme sur "Drive", ou quand Nitzer Ebb se rapproche de la raideur glaciale d’un Front 242 ("TWA") c’est
toujours pour frapper là où ça fait mal. Belief est sans conteste leur meilleur album avec le premier – leur
dernier disque purement EBM, avant une lente mutation vers un rock indus surprenant à partir de Showtime. Un
grand classique, à découvrir ou redécouvrir entre copains autour d’une pile de parpaings.
Note : 5/6
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NITZER EBB : Showtime
Chronique réalisée par Raven
Qu’est-il arrivé à Nitzer Ebb ? C’est ce qu’on se demande un peu à l’écoute de Showtime. Je n’ai rien lu à
propos des influences de cet album mais il semble plus qu’évident que notre Douggie chéri aie découvert
Fœtus – et que ça lui aie donné des idées. Sur une bonne moitié des titres de Showtime le gaillard singe Jim
Thirwell, avec une voix bien charismatique et déjantée, sans le côté Beefheart/Tom Waits (pensez plutôt au
Fœtus plus Elvis de Ache ou Hole pour le style de chant). Sur un titre comme "My Heart" par exemple difficile
de ne pas tiquer. Le son sec et froid des deux précédents opus s’est étoffé, il est désormais plus coloré à
l’image de la pochette, même si la base reste très minimale et qu’on reste dans une prod sobre et dépouillée.
Plus groovy. Presque chaleureux et festif par instants (non je ne divague pas, écoutez donc le jazzy "Lightning
Man" et "One Mans Burden") même si une ombre plane là-dessus et qu'une tension sourde soit encore bien
palpable ("Hold On"). Nitzer se transforme à l’heure où des formations outre-atlantique ont déjà fait oublier leur
EBM préhistorique au plus grand nombre, à grands renforts de guitares et de nappes electro superposées en
millefeuille. Showtime est un album singulier et fort sympathique, au charme ambigu, vicieux, sur lequel
subsiste encore le spectre de la bonne vieille EBM des familles, qui surgit une dernière fois en début et fin
d’album avec un "Getting Closer" extatique au possible et un "Fun To Be Had" fougueux et enjoué. Rythme.
Trouble. Nitzer Ebb est toujours Nitzer Ebb mais il a mué en une espèce d’hybride étrange, et Showtime se pose
comme un album de transition vers le rock indus plus sophistiqué qu’on aura sur Ebbhead.
Note : 4/6
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NITZER EBB : Ebbhead
Chronique réalisée par Raven
Showtime était sympatoche, sans être renversant. Ebbhead n’est pas trente niveaux au-dessus non plus mais il
a un charme bien à lui, à la fois bien direct et ambigu, qui demande plus qu’une écoute distraite pour être cerné
(d’ailleurs j’ai hésité à lui coller un 5 mais je ne peux quand même pas lui mettre la même note que Belief ou le
dernier Fixmer/McCarthy). Un 4 banal… et pourtant, ce disque je l’aime beaucoup. Malgré ses défauts (deux
trois titres un peu en-dessous, "Time" par exemple). Du Nitzer enrichi en sons, en mélodies, en instrus. Plus
groovy. Plus catchy. Plus… rocky – eheh. Douglas et ses (son ?) acolyte(s) nous pondent en 1991 un NE
version rock indus. Nitzer a enfilé un costar – qui n’est autre que Alan Wilder (quand je dis "enfilé" c’est une
image, hein). Wilder, l’ancien membre de DM s’il fallait encore le présenter, le mec qui a été pour beaucoup
dans la production du monument Violator, excusez du peu. On retrouve bien cette patte racée et subtile du DM
cru 90 sur Ebbhead, le même son organique, la même élégance, toutes proportions gardées bien entendu,
parce que niveau compo on en est quand même assez loin. Samples, violons, orchestrations, et même un peu
de guitares, toute l’armada est là. Cette prod plus mainstream et cossue (eheh) n’a pas pour autant castré
Nitzer de son côté rough : la base reste le rythme, gros comme le poing, façon Laibach – le rythme baby, carré,
plombé, sans fioritures, ici dans un habillage classieux. Limite hip hop sur "DJVD" ou "Trigger Happy". Avec un
ptit sursaut EBM old school sur "Lakeside Drive" ou "Godhead". Toujours bien marqué par Jim Thirwell le père
McCarthy nous fait de la vocalise tantôt rauque façon Beefheart tantôt claire façon chanteur de synth pop sans
le côté fleur bleue (ne pas oublier que Doug est une brute de british mal léchée), quand il ne donne pas dans la
Gahan touch ("Ascend", mortelle), façon tough guy. J'ai envie de dire qu'on a déjà ici le McCarthy qu'on
connaîtra sur les collab avec Fixmer. Pour en revenir au disque, on est toujours dans une espèce de
simili-Foetus mais Ebbhead est plus que ça. C’est un album qui aurait pu être culte quand on voit les tubes
imparables (il va falloir que je me calme avec cet adjectif) que sont "Reasons" (délicieusement bassueux),
"Family Man" (délicieusement EBM'n'roll) ou ce putain de hit "I Give To You" avec son refrain mortellement
jouissif (ouais j’en fais des caisses - mattez le clip si vous avez l’occase, Douglas avec les cheveux longs qui
fait sa Geri Halliwell c’est du bonheur). Aaah, si toutes les pistes avaient pu être de ce niveau... On aurait tenu
une bombe à 6/6, assurément. Si vous pensez que Nitzer Ebb n’a fait que de l’EBM old-school et si vous n’êtes
pas insensibles aux charmes d’un Thirwell, jetez-y quand même une oreille. Mon petit doigt me dit que ça
pourrait vous plaire.
Note : 4/6
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ROLAND (Paul) : Danse macabre
Chronique réalisée par Twilight
Mon premier Paul Roland ! J'avais seize ans, j'avais pris le train avec mes sous (vingt euros quand même) pour
me rendre à THE magasin (l'Olmo à Berne pour les lecteurs suisses...oui oui, celui où aujourd'hui on trouve
toutes les panoplies de rappeurs, d'emos etc). On y dénichait toutes les pompes qui font le goth: sorcières,
creepers et autres, des disques, il y avait même un coiffeur. Bref une journée radieuse pour le jeune Twilight
drapé dans son manteau noir, les cheveux genre Robert Smith. Baigné de Sisters of Mercy, Bauhaus, Cure et
Siouxsie, je fouillais les bacs de LPs (le cd était fort rare alors) et soudain, cette belle pochette montrant un
attelage funèbre et ce titre, 'Danse macabre'. Paul Roland ? Quesako ? Une écoute m'a vite montré de quoi il
s'agissait. Paul Roland ne ressemblait à rien de ce que je connaissais alors, son timbre vaguement Beatles était
bien loin de ceux d'Andrew Eldritch ou de Peter Murphy, sa musique n'était ni gothic rock, ni batcave et
pourtant...Ce type nous parlait d'un inquisiteur sur fond d'électricité sombre ('Witchfinder general') pour passer
à une sorte de faux tango sec ('Madame Guillotine) et glisser à la mélancolie folk de 'The great Edwardian air
raid'. Il empruntait des éléments de rock gothique, de folk, mêlait les guitares et la batterie avec des violons, de
l'orgue, du hautbois...Et les textes. Un cimetière abandonné où les fossoyeurs finissent de picoler avant de
refermer une tombe dont tout le monde se moque ('Requiem'), les flibustiers et leurs aventures ('Buccaneers'),
l'opium et ses délices ('The opium den'), une morte qui hante son amant ('Gabrielle') ou la mélancolie d'un hiver
sur Moscou ('Still falls the snow'), tout ce que j'étais en train de découvrir chez Byron, De Quincey, Gogol et qui
me fascinerait quelques années plus tard chez Thomas Hardy. Paul Roland est devenu mon conteur, ses récits
un peu sombres, parfois truffés d'humour noir, sa fascination pour les excentriques, le macabre, l'imaginaire
sont devenues les histoires qu'on ne m'avait pas racontés quand j'étais enfant et j'ai depuis acheté chaque
album que j'ai pu trouver. J'en ai chroniqué un bon paquet sans jamais mettre la note maximale, ce sera chose
faite avec celui-ci. L'aspect nostalgique y joue sans doute un rôle mais je ne puis m'empêcher de frissonner sur
les descentes d'orgue de 'Matilda mother', de visualiser un cimetière de campagne anglais quand j'écoute
'Requiem', de tripper sur le riff d'intro de 'Twilight of the gods' et la rythmique roulante de 'Witchfinder general'.
De sa voix presque douce, Paul Roland me charme, ses mélodies ont une simplicité pop mais dégagent un
spleen proprement jouissif. Cette réédition propose en bonus le quasi introuvable 'Burnt orchids' dont on
retrouve la plupart des titres sur la compilation 'House of dark shadows' (ça fait quand même une chanson que
je n'avais pas, 'Funhouse') mais si vous ne la possédez pas...On aime ou non Paul Roland mais voilà un artiste
avec un univers bien à lui, un univers qui personnellement me fascine. Quand je suis rentré avec mon 'Danse
Macabre' sous le bras, aucun de mes potes n'a apprécié...Chant trop soft, musique trop folk par moment, pas
assez gothic rock...Ce disque trône toujours dans ma collection et quand j'ai reçu la version cd la semaine
passée, mon coeur a bondi dans ma poitrine. Merci Monsieur Paul Roland, merci pour tout ça.
Note : 6/6
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NITZER EBB : Big Hit
Chronique réalisée par Raven
Cette chronique va être pourrie, je le sens… J’ai retourné la bête dans tous les sens, et j’avoue que je n’ai
toujours pas trouvé quoi en dire. Comment en faire une chro suffisamment journalistique ? Comment en parler,
tout simplement, de ce machin ? Je ne vous éviterai pas le déballage analytique monotone cher à tout bon
journaliste, en essayant de décrire un peu ce qu’on a là, parce que bon, je dois quand même vous en donner
une petite idée. Déjà, c’est bizarre. C’est du Nitzer Ebb et c’en est pas vraiment. C’est bizarre, mais c’est pas
bizarre. Mais c’est bizarre. Nitzer est devenu un groupe rock, McCarthy fait de la guitare, on est loin du temps
des "Murderous" et autres "Hearts And Minds"… Dans le livret Douglas a les cheveux blonds… pourquoi mon
Douggie, pourquoi cette décoloration ? On pourrait dire que ça symbolise un peu cette transformation du
groupe, cette espèce de mutation vers un style de rock indus insolite. Et en même temps cette métaphore est
naze, puisque la décoloration renvoie à un symbole négatif alors que ce disque est plus coloré qu’un Showtime
(la pochette symbolise bien cette coloration) et que… d’accord, j’arrête. Ebbhead n’avait déjà plus rien (ou si
peu) à voir avec leur vieille EBM minimale, esthétisé qu’il était par cette prod Violator. C’était trop pour un NE
qui ne peut donner le meilleur de lui-même que sur des rythmes binaires et minimaux ? Ebbhead était plus
dense que ça… Big Hit lui, c’est un peu pareil : une espèce de fusion rock indus avec des éléments multiples
glanés de-ci de-là. Nitzer a dû prendre conscience à un moment ou à un autre que des NIN et autres FLA lui
avaient piqué la vedette de longue dans les clubs, et que l’EBM old school était devenue complètement has
been. Alors ils ont brodé. Ils ont cherché à faire autre chose, à enrichir leur son – je dirais pas qu’ils ont
vraiment réussi, en vérité ils se sont un peu paumés dans leurs ambitions, mais cet album a au moins le mérite
d’être bien à part. On pense à toutes sortes de formations (New Order, DM, Tears For Fears, Killing Joke, Fad
Gadget, en vrac), puis l’instant d’après on se dit que ça ne ressemble à rien d’autre qu’à du Nitzer. Du Nitzer
electro-indus-funky ("Kick It", du proto-Marilyn Manson), jazzy ("Living Out Of A Bag", "Boy"), du Nitzer qui
nous donne une idée - improbable - de ce que pourrait être de l’EBM-country ("Our Own World"). Quand au
chant de Douglas, le lascar nous fait un peu de tout : du Gahan (l’aérien "I Thought"), du Reznor, et même un
peu de Mike Patton, sans oublier ses tics à la Fœtus qui lui collent désormais au gosier ("Cherry Blossom",
"Border Talk"). Y’a un peu de tout dans ce disque difficile à assimiler, un peu décousu il faut l’avouer, ou flou
pour utiliser un terme plus approprié. Je ne vais pas m’en cacher, je n’y goûte que très peu, n’arrivant pas à
être accroché par ces titres chelous à par peut être "Kick It", n’arrivant pas à cerner la bête, n’arrivant pas à être
captivé, tout simplement. Mais ce chant du cygne singulier mérite tout de même d’être pris en considération,
leur album le plus expé à n’en point douter… mfff… grmmfff… quand je vous disais, que cette chronique serait
pourrie...
Note : 3/6
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HELIOS CREED : Planet X
Chronique réalisée par Raven
Creed… Helios Creed. Un cramé, ce Creed. Helios vous l’aurez appris (ou non, dans ce cas allez voir sur
Wikipédia pour mieux vous renseigner) est un vieux de la vieille ; ex-Chrome, ex d’une formation cultissime.
Creed en solo, c’est la même histoire qui se répète nonstop. L’histoire d’un psychotique paumé entre deux
dimensions, entre Pluton et Venus, entre deux cachetons. L’histoire d’un toxico fan de science-fiction auquel
on a prêté une guitare supersonique et qui s’amuse à faire des solos galactiques sur un noise rock cheesy a
forte concentration acide. Cet album comme les autres, se paye une pochette qui me plaît beaucoup. La
crevette, c’est mégachouette : surtout quand on la trempe dans du nectar de seringue. J’vais pas vous faire le
topo, avec mes gros souliers – vous savez de quoi il s’agit, que tout ça est moche, débile, camé, et
complètement… addictif. Ah, vous le saviez pas ? Un petit topo alors, très bref (cause toujours tu m’intéresses)
: prenez Alan Vega. Emmenez-le voir un autre Alan, le Canadien – le gars avec son chapeau de cow-boy, oui ! Et
puis ajoutez à ce duo quelques joyeux drilles, au hasard Balthazar, Scratch A, ptetre même cet incorrigible
zébulon de Claypool, soyons fous. Prenez en otage avec vos potes aliens recrutés chez les Men In Black cette
jolie couvée de junkies et emmenez-les dans une vieille bicoque isolée au fond des bois. Ne lésinez pas sur la
pharmacie, donnez-leur un peu de tout à gober, ils aiment ça. Et puis suivez les instructions que les aliens vous
ont donné – les dieux de la 76ème dimension ont clairement dicté leurs conditions, point par point. Faites-leur
écouter Hendrix et Van Halen au casque à fond les ballons pendant deux semaines, maintenus attachés à un
siège les yeux écarquillés de force (comme dans Orange Mécanique, oui) devant Tron et pléthore de
documentaires sur l’hyperespace et les Supernova, et Il était une fois la Vie, et les Zinzins de l’Espace.
Lâchez-les dans la nature sans oublier de leur faire les poches – c’est qu’on sait aussi qu’ils sont chapardeurs,
ces bougres. Oubliez pas de leur indiquer la direction du studio le plus proche, ça peut toujours servir. Les
mecs vont s’isoler sur une île, complètement paranos, et il y’a fort à parier qu’un petit album mignon se
préparera là-bas, entre deux piña-coladas. A sa sortie, pas de surprise. Vous saviez. Vous saviez, que la
production serait cracotte. Que les riffs seraient miel pops. Que le concept serait à situer entre Ed Wood et les
Butthole Surfers – d’une cohérence à toute épreuve. Que les synthés seraient fluo fuschia. Que les rythmes
vous feraient fondre. Que des solos de guitare voie lactée viendraient tapisser ce fatras post-punk rock’n’roll
electroïde noisy-cheap-saturé d’insectes et vous faire planer dans une réalité déformée et sculptée au
chalumeau. Que ce serait groovy, autant que de triper en tapant des pieds devant des gros plan de têtes de
mouches. Ou de crevettes…
Note : 5/6
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OOMPH! : Oomph!
Chronique réalisée par Raven
Vous vous êtes déjà demandé pourquoi Oomph! s’appelle Oomph! ? Faites travailler votre imagination, allons…
Deux gars, tournés dans la même direction. Un derrière, un devant… vous y êtes ? Bien. Inutile de vous
préciser que tout ça est également hyper sportif, déodorant Axe for Men, torse imberbe, dégaine d’athlète,
coiffure de balai à chiotte et tout le toutim - Dolph Lundgren et John Cena dans une cage en acier, et toi au
milieu. E-lec-tro-nic Bo-dy Mu-sic, fiston. C’est pas pour rien que l’ils posent en débardeur les gars, avec le
regard gourmand, avec la brosse et tout. Oomph ! à la base, c’était juste du DAF avec des guitares électriques,
et rien d’autre. Sur un seul album, celui-ci. Y’avait pas à se coltiner leur electro-metal relou et tout moche de la
suite – encore que moche, ça l’était déjà sur cet épo. Très moche même. Moche comme l’EBM old school, cette
musique de gros sportifs neuneus, moche comme un gonze en marcel qui te regarde d’un œil torve à la sortie
du club muscu, moche comme une douche de taule. Moche comme une pochette d’Axel Bauer. Les gros boeufs
nous envoient aux oreilles leur Body Music vinaigrée à gros coups de rythmes aussi fin que la bitte à Rocco –
chboum chboum chboum – et chboum dans ton cul. Le gros chant vicelard et fait la petite touche en plus,
arrogante, le gros monosourcil sur cette tête déjà pas jojo. A part un ou deux titres un peu moins brut de
pomme c’est du tout bon, et on a même droit à des gros hits catchy comme seuls Nitzer pouvaient en pondre
("Der Neue Gott", "Under Pressure" ou "No Heart No Pain", ma préférée), les gars n’hésitant pas à se faire
explicites au possible quand il faut ("Me Inside You", hin hin). Et maintenant cher enfant, je vais te confier un
secret (approche, je vais le murmurer tendrement à ton oreille – et enlève-moi ce t-shirt) : Oomph! n’a jamais
sorti de meilleur disque, mon petit loup, que cet épo (bien que j’aie de la tendresse pour Ego), et si tu veux toi
aussi savoir ce qu’il y’a pile entre le premier DAF et le premier Rammstein, le premier Oomph! tu écouteras, et
tonton Raven tu raviras… Parfaitement débile, laid, abrutissant, musclor, en sueur. Bah, eh ! Un disque de
bonne vieille EBM, quoi, de la grosse qui tâche et qui fait pas de prisonniers - on va pas t’apprendre ce que
c’est, tu as deviné. Tends bien la croupe fiston, serre les dents… mmmffff… Oomph!
Note : 4/6
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THE CURE : 4:13 Dream
Chronique réalisée par Twilight
Je n'ai pas réfléchi, quand on renoue une idylle, on n'a pas le temps d'hésiter. Vous l'avez peut-être remarqué,
j'ai souvent été assez dur avec les Cure dans mes chroniques. Ils n'ont jamais été mon groupe favori et
pourtant je réalise à quel point ils m'ont marqué et accompagné depuis près de 22 ans. En devenant adulte, je
remarque chaque jour d'avantage ce que leur musique signifie pour moi, je saisis tellement mieux la portée des
textes de Robert (ce type a du génie). Ces années de rejets que je me suis stupidement imposées m'ont marqué
plus que je ne l'aurais pensé. L'opus précédent m'avait conquis, je retrouvais mes Cure chéris mais la galette
en question n'avait pas fait l'unanimité. Je craignais un peu que mon enthousiasme n'ait été que purement
émotionnel, c'est pourquoi quand '4:13' est sorti, je n'ai pas réfléchi, j'ai acheté. Je ne pouvais pas être déçu
une nouvelle fois, admettre que l'opus précédent n'était qu'un sursaut au cours d'une longue agonie...Il fallait
exorciser ces craintes (mon Dieu, quel mélo ! C'est ça l'effet Cure). Si l'idylle était renouée, ce disque et moi
nous sommes toute de même regardés en chien de fusil pendant quelques écoutes. 'Underneath the stars'
débute de manière bien agréable mais ses cascades cristallines, ses rythmes lents évoquent furieusement
l'époque 'Wish' ou 'Bloodflowers', 'The only one' est bon mais sa basse prononcée, ses arrangements et même
le chant rappellent beaucoup 'Just like heaven'...Fallait-il s'attendre à une réinterprétation d'anciens feelings ?
Bon signe, les mélodies étaient agréables, identifiables certes mais qui pouvaient appeler à de nouvelles
écoutes. Tiens, 'Real Snow White' a quelque chose de plus cru dans ses guitares, 'The hungry ghost' sonnerait
même un peu cold wave. D'ailleurs à y songer de plus près, les chansons n'auraient-elles pas tendance à
sonner plus sombre à mesure qu'on avance dans le disque ? Les accords acides et torturés, la batterie rapide
de 'Switch' le laisserait à penser...Très correct tout ça mais bon...Si, 'The perfect boy' était un bon choix pour un
single, voilà l'aspect pop efficace dont les Cure sont capables et personnellement, j'aime ce refrain avec les
choeurs de Robert. Et soudain ! La piste 11, 'Sleep when I'm dead' ! Un choc ! Une mélodie qui m'a marquée
comme je ne l'avais plus été depuis 'Love song', vous savez celle qui vous hante une journée entière, celle
qu'on s'écoute en boucle une heure à la suite (Ah ? Ca ne vous arrive jamais ?). Tout tremblant, je passe au
morceau d'après, 'The scream'; avec ses guitares inquiétantes et glissantes, son chant d'abord résigné qui
s'enfle pour finir en cri, voilà le morceau le plus sombre de '4.13', une merveille. 'It's over', un brin plus rock
poursuit dans cette voie obscure et torturée, légèrement psychédélique dans certains riffs. Encore sous le coup
de 'Sleep when I'm dead', je me suis réécouté l'album, encore et encore, lui découvrant des charmes certes
surannés mais si agréables. Voilà un disque qui ne se livre pas facilement et c'est tant mieux. Les Cure ont
définitivement retrouvé une fraîcheur de composition plus directe (est-ce dû au personnel restreint quasi limité
aux amis des débuts ?) qui puise dans le terreau de leur propre passé, ne mentons pas. Pourtant j'ai retrouvé
quelque chose que j'avais perdu depuis trop longtemps: l'émotion pure, irrationnelle, qui frappe au coeur, celle
qui a toujours défini mes relations avec la musique de nos Anglais. Si l'opus précédent m'avait plu comme une
sorte de tout cohérent, celui-ci qui s'inscrit dans sa continuité, s'est présenté comme un grenier en désordre où
l'on fouille, découvrant trésor après trésor. De toute manière, j'ai mon nouvel hymne, 'Sleep when I'm dead' et
rien que pour lui, je ne regrette pas mon achat. Je saurai quel titre passer à la prochaine soirée où je
mixe...4,5/6
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Note : 4/6
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MENTICIDE : N.M.E.
Chronique réalisée par Raven
Aussi fin et subtil que sa pochette. Aussi fin et subtil que du Suicide Commando dernière période allié à un
remix porno pouet pouet de VNV Nation. Aussi laid, aussi neuneu. Peut être moins ambitieux, ampoulé,
prétentieux, parce que juste assumé comme tel (moche, binaire et bourrin) donc d’une certaine manière moins
raté – avec quelques passages tordants (et une ou deux intros de fête foraine bien dans cet esprit raffiné)
noyés dans un mix Goldorak en vadrouille avec ses copains droïdes sur une piste d’autoscooters. Une étincelle
de magie ? Un moment quelque peu extatique ? Même pas, ils nous évitent bien sûr pas le DAF-like de rigueur
("Komm Zu Mir"), les lourdaux. De la body music de bœuf. Même les passages indus plus sombres et posés
sentent le cliché retourné baisé et rebaisé mille fois et recraché par des mecs sans personnalité ("Enemy",
"Implode"). Ce Menticide c’est de l’EBM technoïde bovine avec un chant de sanglier terminator, et un peu de
guitares crossover. Pas de réelle surprise quand on sait que le mec au micro est l’ex-premier chanteur de
Dupont, Juan, et pas de surprise non plus quand on sait que son vrai nom n’est pas Juan mais Johan Van
Damm (sans commentaire). Voilà… Menticide c’est le premier Dupont en mode boum boum boum Pouppée
Fabrikk + Fast Forward meets Feindflug sans variation de ton, et même si on a aucune chance de lever une
haltère avec ça des titres comme "Search And Destroy" ou "Wrong" (You’re wrong ! Now you pay the price !!!)
ont leur petit charme. Aussitôt enquillé aussitôt oublié dans la grande pile des seconds couteaux dancefloor,
pas de quoi mouiller le marcel… Je ne vous en dirais pas plus, là j’ai rendez-vous à la salle de muscu avec
tonton Douglas et tante Gabi, il parait que j’ai encore raté une séance.
Note : 3/6
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RAMMSTEIN : Reise Reise
Chronique réalisée par Raven
Herzeleid était DAF/Laibach + grosses guitares. Sehnsucht était Herzeleid pop. Mutter était Sehnsucht
bodybuildé. Reise Reise est Mutter version larmiche. Les gros nounours brutus, ils savent y faire quand il s’agit
de tomber la ballade ! Je vous passe le concept foireux de voyage autour du monde (même quand ils essaient
d’avoir un QI ils sont touchants, n’empêche – c’est naïf). Plus étoffé, plus dandy (sic), Reise Reise est aussi
plus varié : on glane de-ci de-là du Rammstein bourrin et vulgos comme on l’aime ("Mein Teil", "Amerika", ou
"Reise Reise", un bon gros "Mann Hertz Brennt 2"), le son est bien sûr hyper calibré, mais le charme de cet
album se trouve plus dans les ballades – on pourrait presque dire "tiens, ils nous ont sorti leur disque de
ballades", n’étaient ces horripilants "Keine Lust" et "Moskau" (sauf si vous aimez TATU). En fait je me rends
compte que c’est surtout la deuxième moitié du disque qui est réussie - et les 3 derniers titres un sommet. Pour
le reste, "Los", ou comment faire du Rammstein le plus carré possible en enlevant les grosses guitares métal.
"Dalai Lama" se défend pas mal aussi, le passage piano-voix douce est mignon comme tout, "Morgenstern",
mmmh… Et puis les ballades dedieu, au risque de me répéter. On connaissait "Seeman", on connaissait
"Mutter", on savait que le gros Till était doué pour la roucoulade mais là… Un trio de ballades de gros mastiff
qui n’a bobo à son gros cœur de gros toutou et se noie dans la mélancolie comme une grosse brutasse
pleurant à chaudes larmes en tombant sur des vieux épisodes de Casimir, d’une naïveté qui n’a d’égal que sa
simple beauté... "Steim Und Steim" ("ich habeu plâneuh, groooossseuh plâneuh"), "Ohne Dich", hymne
larmoyant de Saint-Bernard, clameur de brute au cœur qui saigne, pour gravir la montagne et avoir espoir en
des jours meilleurs malgré les gros gneux qui pleurent (premier degré à 200%), ou "Amour", la meilleure de
toutes, improbable de mélancolie rustaude et nounours… belle, tout simplement, le genre de ballade que seuls
des allemands comme eux ou In Extremo peuvent faire, dans cette grossièreté et cette laideur crue qui jamais
n’entachent l’émotion brute du Mastiff… ouhla, mais je raconte encore n’importe quoi moi ! Reise Reise est tout
simplement un bon Rammstein avec des hauts et des bas, plus de hauts que de bas heureusement, je vous
invite à le réécouter au pied de la cheminée, et à ne pas trop faire attention à tous les gamins qui écoutent ça
entre Korn et Manson, les pauvres petits sauront un jour, pour sûr – et ça leur reviendra dans le bide et le cœur,
et c’est comme ça pour chaque génération… mbref… N’écoutez pas les mauvaises langues qui vous
soutiennent par A+B que Mutter est leur dernier bon album. Leur premier faux pas c’est Rosenrot. Reise Reise
lui, est touchant. Amooouuur amooouuur……
Note : 4/6
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KLOQ : Move Forward
Chronique réalisée par Raven
Je dois l’avouer, ce n’est pas en écrivant cette chro que je vais me faire des kloq aux doigts… C’est quoi, Kloq,
Raven ? Eh bien mes chers petits, c’est de l’electro-pop FM à ramifications techno que nous avons là – et ça
sonne très clean et radio, inutile de vous faire un dessin. L’intérêt de ce petit album anecdotique tient surtout
dans une poignée de titres perdus dans une sélection fade et sans style. Quatre titres. Quatre tubes. Dont deux
avec Doug McCarthy en featuring, LE vrai, LE McCarthy – inutile de préciser que les puceaux ont misé un max
sur la présence d’un tel invité pour l’entame de l’album. Avoir un briscard de cette trempe comme guest, gage
de qualité ? Pas vraiment. Je disais tubes, je vais être clair : tubes comme TUBES avec un T majuscule, et les
autres lettres en majuscules aussi. Hyper putassier, hyper tuning, mais irrésistibles. J’ai bien essayé de
détester "We’re Just Physical", de trouver l’intro qui nous fait miroiter le refrain trop White Stripes, de trouver
ça trop radio, trop cliché, trop pute, mais justement, ça devait être tellement pute que ça m’a collé au cerveau
comme du Desireless – Douglas version ray-ban- en Subaru sur le boulevard, le refrain mortel, na (I told you
before so beliiieeeve me). Ce titre j’ai pris mon pied à me l’enchaîner en boucle avec "You Never Know", un
morceau bien catchy qui aurait pu se trouver sur le dernier Fixmer/McCarthy (dans la deuxième moitié
peut-être) et qui claque bien, en tout cas j’adore, techno-pop bien vulgos et pump up the volume, nuff said. A
part ça ? Le troisième gros hit du disque, "I Never Said", cette fois-ci sans Douggie – un peu And One mais
beaucoup plus classe, avec refrain Mortal Kombat extra. Le petit chanteur se débrouille bien, quand il fait son
Dave Gahan ça passe ("Move Forward") ou ça laisse froid ("My Safe Place", qui sonne très Ultra). Là, c’est le
moment où je me rend compte que j’ai parlé de 4 titres, et que j’ai oublié quel est le quatrième (*cherche dans
ses fiches*) ah oui, voilà, j’en ai parlé plus haut en plus (le con) : "Move Forward". Bah oui qu’il est bon ce titre,
excellent même, refrain 100% approuvé. Bon et le reste, quoi ? Queud, de l’instru bien fichue mais pas
captivante, et du hyper-cliché et complètement quelconque (le pire quand ils sortent les vocoders, sur "Lucky
Star" par exemple), dans le côté house ("Ibiza", "So Long Cylan") ou dans le côté instru electro plus expé
("Kloq 1"), voire irritant avec pourtant la même recette qu’en début ("Connecting", pouah !). Move Forward,
album brouillon qui mise tout sur son tuning alors qu’il roule en Twingo ? Album qui dégaine ses munitions dès
le levé de rideau pour finir par se perdre dans des instrumentaux electro-tech pop sans saveur ? Peut-être bien.
La promesse d’un vrai bon album à venir ? J’ai pas dit ça mon Jeannot, mais j’espère bien. Enfin c’était déjà
bien de pas louper le résultat en invitant McCarthy (là j’aurais dit bouh) - et rien que pour ça je leur offre
gracieusement trois belles boules (et ils sont trois comme ça ça fait une chacun) - mais cet album est bien trop
décousu, trop mal fichu, déséquilibré… au moins autant que cette chronique. Ça au moins c’est clair.
Note : 3/6
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SOLAZZO (Domenico) : Deadend
Chronique réalisée par Raven
“How… should I… pretend… to be… so smart ?” A ceux qui n’auraient pas encore entendu le signal, à tous
ceux qui n’auraient pas encore compris, à ceux qui, cachés derrière leur écran, ont été bombardés sans relâche
de liens, pubs, extraits mp3, à ceux-là même qui ont toujours fait mine d’en avoir rien à battre, ou qui n’en
avaient vraiment rien à battre, Domenico Solazzo n’y va pas par quatre chemins pour bien faire comprendre
qu’il ne baissera pas les bras et balance la purée dès la première piste : gros riffs hardcore, patator, qui
rappellent Deaf Dialogue - une façon d’attirer l’attention en masquant un manque d’inspiration supposé par du
gros son in your face ? Que nenni. Deadend est, vous le découvrirez par vous même, un album retors. Eh ! On
parle de Solazzo. Et il y’a chez ce lascar des tonnes d’idées qui fourmillent, nées de ces influences multiples
qui bombardent son cerveau d’idées. Chaotiques. Trop nombreuses. Faire le tri. Savoir où aller. Toute la
question qui s’est posée depuis son premier bébé, jusqu’à maintenant. On commence à y voir plus clair. On
commence à y voir plus clair mais il fait de plus en plus noir… merde. Solazzo s’est nourri de tout et commence
par recracher ses multiples influences sans se perdre dans toutes les directions, en les utilisant – en en faisant
un matériau dans son monde – car il a un monde, un univers personnel, et cet univers ne s’est pas bâti par
l’opération du Saint Esprit – il a fallu tâtonner, longtemps, pour commencer à savoir ce qu’on faisait, vraiment.
Il a fallu y aller doucement, sentir où on serait le mieux. Pour commencer à évoluer dans son monde et, enfin, à
faire quelque chose un minimum construit. le filou est un retors, et il ne sait pas tenir en place – c’est là le
défaut des vrais artistes. On croirait presque à un disque simple dis comme ça, pas vrai ? Mais le filou est un
compliqué. Toute proportions gardées, Remembrances a peut être été le Rock Bottom de Solazzo ; disque
touchant, faussement naïf, noyé dans cet espèce de mièvrerie ambiguë, une beauté difforme qui allait droit au
cœur. Remembrances avait peut être pas exactement le même but que Deadend; son charme tenait dans
cette… sincérité, cette mise à nu touchante, fragile. Les émotions n’y était pas calculées, soupesées en bon
expert – tout semblait couler de source, et la musique s’épanouissait d’elle-même. Deadend est un peu une
version costaude de Remembrances - et un amalgame de tout ce que le belge sait faire le mieux. Sur cet album
on retrouve un peu de tout ce qui fait Solazzo, complexe et instable – dans un emballage nickel chrome. Sans
superflu, ou très peu – sans dérapages trop jazzy (tant mieux parce que moi ça me saoule à la longue), le
disque s’évite une fumisterie expé et nous raconte une histoire, celle d’un homme marchant dans la nuit sans
savoir où il va, perdu dans ses pensées. Deadend est nourri de tout ce que le bonhomme aime : jazz (un peu),
world music, abstact hip hop – souvent dans un esprit presque rituel, basé sur la répétition d’un même thème
hypnotique ("Mescaline", ou le trip hop létal de "In The Womb"), la procession navigue entre glauque, rituel et
zones d’ombres pour se terminer dans un bain de lumière pas plus rassurant sur "March", peut être même le
moment le plus troublant de ce recueil. Même le chant coincé dans ces instrus implacables - fragile comme un
phasme dans un étau (mmmh, très bonne métaphore), ne fait pas tâche, même si plus d’aplomb ne serait pas
un mal. Les samples (trop nombreux à mon goût) sont parfois utilisés abusivement mais quand ils servent le
propos c’est un régal – entendre le speech final de L’Associé du Diable (Pacino déchaîné qui baratine sur Dieu,
le seul moment captivant du film au passage) avec un trip rituel glauque et envoûtant nappé dessus, du
bonheur ! ("www.help. coma"). Réminiscences de Remembrances (ouh la vilaine phrase) sur "Too Many Suns
In My Sky" (magnifique sur sa dernière partie) et "The Day Of My Rebirth". Solazzo est toujours à l’aise au
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micro… comme un poisson sur un tas de sable. Mais le charme faussement naïf de ce chant soupiré et plaintif
plus amateur que la musique qui l’accompagne ne laisse pas indifférent. L’ambiance est ambiguë, presque
vicieuse... sur "God’s Evil Machinery" il nous invite à un trip funèbre, ailleurs on passe du coq à l’âne ; trip
planant et insolite façon ballade de Mr Bungle ("Lenght Of Time") par exemple. Il y’a du Patton pour sûr,
là-dedans, du Hammill - et même du Peter Gabriel ; trip tribal et rituel ("Mulunde") – on reste toujours dans une
espèce de pop/rock difforme, bouffée par des envies d'ailleurs – mais Solazzo contient son travers 'l'expé pour
l'expé', et c’est tant mieux. Etre plus facile à approcher n’a jamais été qu'une des meilleures façon de mieux tuer
(la technique du prédateur) – et c’est ce que nous prouve le lascar. Solazzo devient cohérent, Solazzo maîtrise
les éléments de son univers trouble, Solazzo s'arme d'une prod plus pro, et peut ainsi se mouvoir dans ses
gouffres comme un poisson dans l'eau (hihi). Deadend est moins décousu, plus solide que ses précédents
efforts ; plus facile d’accès sans perdre une once d’inventivité, de noirceur et de sournoiserie – on a un
ensemble, un album quoi, je ne vais pas vous faire le blabla de rigueur, j’essaie désespérément de vous donner
envie d’écouter cet album parce qu’il est excellent. Tout ça est excellent oui, tout ça existe que vous y prêtiez
attention ou non. Solazzo continue sans relâche son bonhomme de chemin que vous y prêtiez attention ou non.
Vous avez raté quelque chose de beau en passant à côté de Remembrances, et vous raterez quelque chose
d’aussi beau en passant à côté de cet album, auquel j’avais l’intention de mettre un bon gros 4 avant de
réentendre "March" et "www.help.coma". Ce sera 5. Peut-être son meilleur opus avec le pré-cité. Probablement
son plus sombre… Un disque secrètement malade en forme de lente procession nocturne - qui vous attend
quelque part, dans le noir, dans une ruelle paumée, comme un esprit malveillant. Trouvez-le. Mangez-le - ou
laissez-le vous manger.
Note : 5/6
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LIAISONS DANGEREUSES : Liaisons dangereuses
Chronique réalisée par Raven
J’avais écrit une chro de Liaisons Dangereuses sans savoir que Twilight avait déjà posté la sienne (ne jamais
sousestimer le vieux goth, jamais – ne jamais croire qu’on connait Guts dans ses moindres recoins) et puis je
me suis dis "finalement pourquoi pas la poster, ça peut toujours servir". Qu’est-ce que j’en disais déjà, de ce
disque ? A peu près ça, je crois : Album culte. Album encore trop méconnu. "Album en avance sur son temps" une formule galvaudée qui prend tout son sens ici. Pour les quelques-uns qui douteraient encore que la new
wave n’a pas sa place sur Guts, j’ai entre les mains un produit de premier choix qui leur prouvera le contraire.
Un album moche. Un album kitsch. Un album glauque. Sur cet opus éponyme, œuvre d’un duo, Beate Bartel et
Chris Haas, épaulé par le chant de Krishna Goineau, on se retrouve face à un de ces vieux ancêtres
underground de la techno, et accessoirement (pour ceux que ça intéresse) une des plus grosses références de
l’electro clash popularisée par les Miss Kittin & The Hacker, Tiga et consort. Et pourtant, tout ça sent le malaise
à plein nez. Liaisons Dangereuses s’essaie en 1981 à une electro pop minimale et dansante à forts relents cold
wave, la même année qu’un certain Alles Ist Gut. On pense par moments à une version malade de Soft Cell, à
un cousin éloigné de DAF délesté de tout le côté ‘sexe & testostérone’, interprété par un dans un squat décrépi.
Mais s’il est un disque auquel je pense irrésistiblement à son écoute, et même si le but et le style son différents,
c’est bien le Play Blessures d’Alain Bashung, dont Liaisons Dangereuses est en quelque sorte le frère caché.
Même ambiance cafardeuse, glauque et glaciale. Mêmes échos de malaise nocturne, mêmes paroles dérangées,
entre humour macabre ("Kess Kill fé show") et phrasés littéraires troubles et ambigus, avec passages plus
expérimentaux à la clé ("El Macho Y La Niña"). Certains titres comme le tube mythique proto-techno "Los Ninos
Del Porque" (qui sonne toujours du tonnerre et qu’on croirait sorti récemment) se veulent plus enlevés, mais
d’autres se vautrent dans une atmosphère des plus sordides, à l’image de cet "Apéritif de la Mort" vénéneux.
Sinistre, vraiment. Dansant, et inconfortable en même temps. Moche comme une salle de bains abandonnée. Si
les rythmes s’imposent d’eux-mêmes, le chant, fort laid, demande un temps d’adaptation - imaginez une voix
french new wave bien old school à la Partenaire Particulier, en pire. Rire nerveux autorisés. Une fois les
gloussements estompés on se retrouve seul, dans le froid et l’insalubre, dans un chiotte lugubre, dans une
ruelle grise, bref loin de toute chaleur humaine, tenu éveillé par les beats glaciaux et la voix du Buffalo Bill de
service - en ayant constamment l’impression que cette mascarade pas très drôle ça n’a pu être enregistrée que
dans l’appartement d’un type louche, en vue de faire danser sa collection de mannequins. A passer pendant
vos petites sauteries entre amis pour mettre l’ambiance.
Note : 4/6
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COP SHOOT COP : Pieceman
Chronique réalisée par dariev stands
Vulgaires, sales et méchants, voilà comment on pourrait décrire les Cop Shoot Cop. cinq boules de nerfs et de
haines, cinq tumeurs cristallisant les nombreux excès de la grosse pomme (pourrie), jetés en pâture au public
avides de sensations fortes. No guitars, Two bass, ça rime avec In ya face. Cop Shoot Cop, sur cet EP, a tout du
jeune groupe plein de fougue et d’idées pas encore organisées… On sent que les chiens fous sont lâchés en
studio sans direction précise, et on se retrouve très vite avec des riffs à l’huile de friture à la Butthole Surfers,
saupoudrés de samples malsains à la Venetian Snares, le tout avec une batterie bien raide et 80’s comme il
faut. On repensera à Venetian Snares pas plus tard que sur Disconnected 666, interlude bien lobotomisant sur
le thème du harcèlement téléphonique, dans le genre Current 93 dans ses moments les plus déphasés, le
potache en lieu et place du conceptuel. Le bordel nous gicle à la gueule avec encore plus de violence sur
Robert Tilton Handjob (ce titre), où la guitare en roue libre racle le sol en bousillant toute la mécanique sur fond
de marche militaire et brouhaha rentré de force dans notre cerveau… On reste quand même un peu sur notre
faim, surtout que deux morceaux se retrouveraient plus tard sur Consumer Revolt, l’opus le plus connu (tout
est relatif) du groupe, avant que leur nom soit redécouvert en 97, surgissant du néant à l’occasion d’une reprise
tuante par Strapping Young Lad ! Groupe dont Cop Shoot Cop est pourtant aux antipodes, tant par son manque
de technique que par son énergie, bien moins canalisée et réfléchie que chez le père Townsend.
Note : 3/6
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BECK : Mellow gold
Chronique réalisée par dariev stands
“In the time of chimpanzees, I was a monkey...” Au temps des chimpanzés, quand nos ancêtres avaient encore
cette coutume primitive qui consiste à acheter des cd’s, il était un single savant plus malin que les autres… Un
petit bricolo sans prétention que le monde s’obstinait à prendre au sérieux… L’archétype du mec qui gratte sa
guitare depuis des années dans son coin et que 4 mecs en costard cravate encerclent tout d’un coup en se
lançant des petits "hummmm, interessant", "les jeunes adorent ça", "c’est de l’art brut, très touchant". Non,
Mellow Gold n’était pas supposé être touchant. Mellow Gold était un one-shot pur et dur, une grosse aberration
qui s’est retrouvée dans tous les carrouf de la planète par le simple effet "appel d’air" entraîné par Nirvana, et
une aberration qui aurait du rester sans suite… Loser aurait-dû être un peu comme How Bizarre de OMC, où
Walking on the Sun de Smashmouth, un tube du grenier qu’on ressort pour les soirées années 90 et rien de
plus… Et Beck aurait fait comme son acolyte Karl Stephenson, avec qui il bricola une bonne partie de ce
Mellow Gold… Ce dernier décrocha un hit avec Dream sous le nom Forest for the Trees et sombra, parait-il,
dans la folie juste après, en tout cas dans l’oubli ça c’est certain. Mais Beck, un peu à la manière de Eels qui
refusa de n’être que "le groupe qui a pondu Novocaine for the soul", semble s’être pris à son propre jeu. Mais
pour l’instant nous sommes en 94. Geffen, après le suicide de Kurt Cobain, a besoin de chair à canon toute
fraîche. Beck semble le successeur tout indiqué… Sauf qu’il ne signera qu’après avoir obtenu le droit de sortir
des disques sur des labels indépendants, parallèlement à son deal avec la major company. Geffen, en ces
temps de ruée vers l’underground et de marché du disque florissant, accepte. L’album choisi pour être balancé
au 4 coins de la planète est Mellow Gold, mais il est en réalité tout aussi peu commercial que les deux autres
disques sortis la même année par Beck, grâce au fameux deal. Mais comment aurait-il pu en être autrement ?
Beck a décroché un mega-hit en faisant n’importe quoi (sa méthode de travail était pour le moins expéditive, à
l’époque), logique que l’album soit à l’avenant. Mellow Gold exhale un parfum inimitable et dégage une
atmosphère qu’aucun autre disque n’atteindra par la suite… C’est une décharge d’objets trouvés, une baraque
en bois perdue dans un terrain vague devant laquelle s’amoncelle une montagne de jouets cassés, de ressorts
rouillés, d’ustensiles de garagiste, de cadavres de bidets, et d’une multitude de trucs que plus personne ne
veut. Les mots manquent pour décrire un tel foutoir. Beck y est tout sauf sérieux. Suffit de regarder la
pochette… Non mais sans rire, qui, à part peut-être les Butthole Surfers ou les Revolting Cocks, aurait pu
pondre une pochette pareille ? Tout est déjà dit rien qu’en la regardant… La quintessence du style Beck 94 s’y
trouve concentrée, bien plus que dans les 3 clips 100% foutage de gueule balancés sur MTV (qui lui donne
envie de fumer du crack, de toutes façons), encore que le mec avec un masque de tête de mort qui nettoie un
pare-brise avec un balai en feu, ça peut aussi vous donner une idée du truc. Décrire la musique ne sert
strictement à rien. Je pourrai vous dire que, déjà, Beck tourne à 2 ou 3 idées, pas plus, du rap drolatique façon
Beastie Boys de récupération (Beercan et Loser), au folk d’errance nocturne pour foyers de sans abris (Pay no
mind, Whyskeyclone), en passant par les bonnes tranches de déconne lo-fi qui ont de quoi traumatiser le
pauvre péquin qui tombe sur ce disque au carrefour de Roquefort-la-Bédoule un beau jour de 94 (Sweet
Sunshine, l’inénarrable Mutherfucker). J’allais oublier les litanies ovniesques sous tranquillisants, à écouter en
savourant un coucher de soleil le cul dans la poussière parmi les mimosas (Steal My Body Home et Blackhole,
chef d’œuvres qui ne disent pas leur nom). Plus le temps passe plus l’indéfectible candeur, l’humour potache et
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la poésie de trottoir de ces 12 morceaux devient précieuse… Mellow Gold avait tout du disque vendu à 3
exemplaires, oublié du monde entier 3 jours après sa sortie… Le même temps qu’il aura fallu pour l’enregistrer.
Le disque se referme sur une grosse farce lo-fi à la Mr Bungle nommée Analog Odyssey, histoire d’enfoncer le
clou pour ceux qui n’auraient pas compris que tout ceci n’était qu’une blague… Et ils sont encore nombreux…
Les 3 premiers morceaux sont pourtant assez clairs : Beck est dans une logique de laisser-aller total,
d’abandon de toute velléité artistique et musicale… "Give the finger to the rock’n’roll singer", lance-t-il d’une
voix molassone avant de lacher "I pay no mind, I just got signed". “I ain’t got no soul” hurle-t-il à la foule qui
s’approche pour lui jeter des cacahuètes à la fin du morceau suivant… Le truc ultime à savoir, en définitive, sur
Mellow Gold, c’est que les poubelles, la crasse, le rien-à-dire, le vagabondage, et le désordre sont des vecteurs
de libertés et des refuges contre l’age adulte… Peut-être les derniers à ne pas avoir été investis par les clichés
et par le marketing tout puissant… Malheureusement, Mellow Gold ne restera pas sans suite, et ce n’est pas la
"culpabilité moderne" de Beck qui donnera raison à mes théories fumeuses, malgré son titre éloquent… Beck
théorisera ses créations dès Odelay, mais avec Mellow Gold, il était vraiment au top du branquignole-staïle. "I
ain’t got no inclination/To give away my sweet sensation" et pis c’est tout, oubliez ma chro, le voilà le manuel.
Tu l’as ou tu l’as pas. Unique au monde, inimitable, irrécupérable, incompréhensible, et profondément,
intrinsèquement, intégralement… INUTILE. Donc indispensable. Mellow Gold.
Note : 5/6
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COMPILATIONS - DIVERS : More G.D.M.
Chronique réalisée par dariev stands
Autre compil érudite et riche en tubes de l’obscurité, cette fois-ci ressortie des cartons, More G.D.M. (pour
Great Dark Men) du label français Tigersushi – la France ayant toujours été douée quand il s’agit des années 80
– a elle aussi fait son petit effet lors de sa sortie en 2002, apparaissant alors comme le sommet de la coolitude,
en plein retour de manivelle french touch. Il faut dire que le concept était alléchant : une série de maxis avec
une bonne vieille perle des profondeurs des 70’s/80’s en face A couplée à un titre electro de 2002 en face B.
L’essentiel de la série More G.D.M. se retrouve donc compilée sur ce cd rempli à ras-bord, avec des bonnes
vieilles tueries comme No G.D.M. de Gina X – très Grace Jones dans l’esprit – qui donne son titre au projet. La
classe totale. De Kikoine (la chanteuse) Miss Kittin, il n’y a qu’un pas. Tuerie suivante, Feel the Same de
Maurice Fulton, dernier représentant d’une house aventureuse aux basses slappées laiteuses et amples. Les
Bush Tetras viennent ensuite nous réveiller avec une rythmique no-wave raide comme un baobab, façon the
Slits. A noter la présence de deux raretés issus de la scène parisienne du Club Palace : le génial et
incroyablement crétin Swinging Pool de Tokow Boys (avec une chanteuse… Les liaisons dangereuses ont ici
trouvé un concurrent), et le très libidineux Elle et Moi de Max Berlin, entre Patrick Coutin et Gainsbarre. Le
morceau des Silver Apples, quant à lui, a de quoi surprendre, puisqu’il date de 2002 et délaisse hélas le motorik
beat qu’ils ont contribué à inventer pour une espèce de bouillon sonore informe, pas dénué de charme mais
auquel on préfèrera Hollywood de Cluster, véritable échantillon de motorik pur et dur lui, petite gâterie déposée
avec amour en fin de cd, "The ultimate night drive soundtrack" comme ils disent. Ce qui ne peut que nous
amener à disséquer l’œuvre (pléthorique) de Moebius et Roedelius dans un futur proche… Précisons que le
livret fait vraiment honneur aux artistes en incorporant un petit texte situant chaque morceau ainsi qu’une
reproduction du groupe en pixel art, rendant ainsi le download vraiment caduque, pour une fois.
Note : 4/6
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COMPILATIONS - DIVERS : Disco Not Disco: Post Punk, Electro & Leftfield Disco Classics 1974-1986
Chronique réalisée par dariev stands
On parle souvent de l’age d’or des années 60, où de l’époque bénie du début des années 90 en ce qui concerne
les musiques siderurgiques (death, noise rock, grunge et j’en passe), mais on oublie souvent la période dorée
du post-punk, qu’on pourrait définir à 78-82, encore que la présente compile y préfère un cadre plus large allant
de 1974 à 1986. C’est une période où, comme l’indique la pochette, punk, electro, "leftfield disco" (comprendre
par là le disco un peu expérimental qui florissait alors dans la grosse pomme) et même dub se mélangeaient
allègrement, pour former non pas un mes des sons qu’on désigne depuis sous le nom de post-punk. La section
rythmique y était reine, et le métissage entre les deux extrêmes du spectre musical y était fortement conseillé
(des percus afro mélangées à des guitares délavées au white spirit par exemple). "Disco, pas disco ?" était
alors la question à la mode quand on voyait débarquer des formations batardes (et c’est ici un énorme
compliment, voir plus haut), comme ESG, indubitablement funky tout en étant à la pointe de l’avant-garde le
plus anguleux. Le très bon label Strut en aura fait une série de compilations, dont le premier volume avait
frappé un sacré coup… Voici venir le troisième, toujours aussi excellent et fourni, sous ses atours un peu
has-been (les rayures noir et blanc, j’ai bien peur que c’était 2004…). Mais trêve de bêtises : Disco not disco est
une excellente porte d’entrée dans le joyeux monde du post-punk, qui avait la particularité de réserver la
plupart de ses perles à ses singles, et surtout à ses maxis 45 tours, souvent ornés de mixs allongés et aux
basses plus profondes (ici, Shriekback et les tarés des Liaisons Dangereuses). On retrouve avec plaisir
certains des artistes de la B.O. du film Downtown 81, consacré à Basquiat, ce qui vous donne un peu
l’ambiance (Konk et le tubesque Launderette de Vivien Goldman, enregistré durant les sessions de Flowers of
Romance de PiL !). Il y a aussi du kitsch 80’s qui s’ignore (Quando Quango, très drôle), et du minimaliste, avec
le remix squelettique de Contort Yourself, le superbe dub éthéré de Maximum Joy (et un trésor caché, un !) ou
encore Sharivari de A Number Of Names, réputé pour être le tout premier morceau de techno de l’histoire
(avant Cybotron, un autre duo de blacks). L’atmosphère y est à la fois torride et clinique, tandis qu’une voix
trachéotomique y déclame quelques mots… Mais le joyau de ces 14 titres, c’est l’énorme Seoul Music du
Yellow Magic Orchestra, issu d’un de leurs meilleurs albums. Boîte à rythme à la Prince (Play in the sunshine),
foisonnement multicolore à la Primal Scream (don’t fight it, feel it), percussions futuristes… ça n’a pas vieilli
d’un poil, contrairement au morceau de Material qui suit, qui prouve que Laswell a lui aussi fait dans
l’electro-funk - après Fœtus, encore un ! Deux groupes, il est vrai, dont on peut retrouver les morceaux sur les
albums, ce que je devrai faire tôt ou tard avec les chroniques correspondantes… En attendant, la série Disco
Not Disco reste une valeur sûre.
Note : 4/6
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SOFT MACHINE : Bundles
Chronique réalisée par dariev stands
Savoir par où commencer dans les multiples lives posthumes de Soft Machine n’est pas chose facile. Alors en
attendant, pourquoi ne pas se pencher sur l’une des étapes les plus singulières du parcours de cette formation
emblématique ? Cet album étrangement omis du pourtant parfait best-of dont je vous avais parlé il y a quelques
mois marque à la fois la déliquescence de l’esprit Soft Machine et les débuts de l’un des plus grands gratteux
anglais de l’époque.
Allan Holdsworth, virtuose itinérant et éternel inventeur insatisfait, qui ne restera que le temps de cet
album-aparté (Pourquoi pas "Eighth" ?) chez la machine molle, est ici clairement mis en avant comme l’invité
d’honneur ; le génie de la six-cordes (pourtant pas encore reconnu comme tel à cette époque) itinérant,
incapable de se sentir autrement qu’en invité dans la plupart des groupes qu’il rejoint, vient ici fluidifier la
mutation de la machine molle en grosse machine tout court, adepte des solos techniques et interminables du
jazz-rock, musique reine en ce milieu des années 70, célèbre dans le monde entier à l’inverse du canterbury, où
du punk qui remettra simplement toutes les pendules à zéro. En attendant, Holdsworth pond ce qu’on appelle
un solo interminable peu près l’ouverture de l’album, d’ailleurs on parle plutôt de chorus tant la fluidité de son
jeu rappelle un sax. De quoi encore plus décontenancer les fans : premier album où la guitare est proéminente
(il n’y a jamais eu de guitare dans ce groupe ! sauf Ayers sur le Volume 1), avec cet inconnu au bataillon au
palmarès quasiment vide à l’époque, qui refuse de porter la moustache de bûcheron si chère au groupe. En
plus, la pochette, touchante dans sa poésie british (dans un style pourtant typique du Douanier Rousseau)
laisse suggérer un retour au pastoral du canterbury : il n’en est rien. Cela n’empêche pas Holdsworth d’allier
technique de très haut niveau avec richesse harmonique comme personne ne le fera – à ce niveau-là, seul
Zappa, avec lequel il partage plus d’une intonation, peut rivaliser. Solo d’anthologie donc, qui n’évite hélas pas
tout les écueils de ce genre d’entreprise souvent ampoulée, mais qui passe comme une lettre à la poste dans le
contexte de ce disque, fagoté comme un live, sans transitions entre les morceaux. Karl Jenkins, promu
nouveau leader du groupe par un Mike Ratledge à la gueule de plus en plus renfrognée sur les photos au fil du
temps, dirige fermement les opérations, à l’image de cette apaisante incartade pianistique – sans effet, une
première chez la Machine – en guise de Part II. Le groupe mettant à l’époque un point d’honneur à rendre son
évolution difficile à suivre, pas étonnant que la part III ne soit qu’un très court interlude à la guitare, avant de
basculer dans une part IV qui ressuscite le temps d’une minute le groove pataud et lunaire du Soft Machine
pataphysique des tout débuts. Un bref moment d’apesanteur magique avant de retomber dans le déluge de
notes, cette fois jouées par Jenkins (ou Ratledge ?), imitant le débit d’une guitare et les stridences d’un
saxophone. L’outro Gone Sailing referme la face A sur les délicats arpèges de Holdsworth, chinoiseries dont la
finesse semble alors à des années lumières du Soft Machine de l’époque. La face B reprend les hostilités
Holdsworthiennes, en y apportant un peu plus de variété dans les timbres et les couleurs… Chacun y va de son
petit passage dédié, toujours dans une virtuosité technique incontestable dans le Soft de cette époque
(uniquement constitué de bêtes de scène), et c’est Jenkins qui s’en sort le mieux avec son Floating World qui
rappelle avec bonheur les passages ambient de Kohntarkosz de Magma, sorti la même année. Télépathie ?
Toujours est-il que malgré la fluidité du jeu d’Holdsworth, capable de nous faire avaler une quantité de notes
que la bienséance du bon goût rock réprouve (le régime 3 accords du punk viendra calmer cette orgie), force
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est de constater que l’âme s’en est allée. Et ça, qu’appelle Dee Dee Ramone où Allan Holdsworth n’y change
pas grand-chose. Ce dernier fera néanmoins de Bundles, et de la grande tournée qui s’ensuivra, un palier de
plus pour son parcours pour le moins underground et difficile à suivre. On en reparlera.
Note : 4/6
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DEAD CAN DANCE : Toward the within
Chronique réalisée par Sheer-khan
Bien plus qu'un live, puisqu'il contient 11 pièces inédites sur 15, "Toward the within" constitue pour moi le
sommet de la carrière de Dead Can Dance. Le groupe, dont la subtilité, la sincérité et la mystique sont ici
humanisés de l'acoustique et du feeling de vrais instrumentistes, y déploie tout ce qu'il a été depuis sa plongée
spirituelle... tout ce qu'il ne sera plus. L'année suivante sort un "spiritchaser" aussi atypique que réussi, puis le
groupe s'arrête. Cimentées par le caractère live et l'unité sonore qui en découle, les 15 pièces peuvent ainsi
exposer avec une extraordinaire diversité toute l'étendue du champ d'exercice d'une formation exceptionnelle
en bien des points. L'orientalisme y paraît plus sincère que jamais grâce à l'acoustique et à la sobriété
nécessaire puisque live de la production, les percussions notamment; le spirituel et le mysticisme y trouvent
une dimension d'authenticité que ce groupe atrocement esthète n'avait jamais vraiment atteinte, angle d'attaque
favori et légitime de ses détracteurs, par l'interprétation en concert : deux voix conservant ici toute leur
perfection technique, mais aussi porteuses d'une humanité que l'on ne soupçonnait pas. Et puis il faut
d'ailleurs le dire, car le tétanisant "Yulunga" en témoigne avec une puissance imparable : Lisa Gerrard est une
des plus grandes virtuoses de la voix du 20ème siècle. L'entrée de chant, cette abîme à la profondeur
hallucinante dans laquelle elle plonge en clôture des premières lignes... alors que la suite de la trance la verra
virvolter dans les aigus pincés avec une maîtrise exceptionnelle de ses moindres intonations; non décidément,
ni les chanteuses lyriques les plus exceptionnelles, ni les interprètes folkloriques les plus stupéfiantes :
personne ne possède l'ampleur de Madame Lisa Gerrard. Tout cela, appliqué par ailleurs à des morceaux
majoritairement inédits, suffit à faire de "Toward the within" une sorte d'album idéal ou le duo, contraint par le
live à une sobriété ornementale qui les mènent à l'essentiel, exploite au mieux sa formidable diversité.
Orientalisme donc, spiritualité, avec les "Rakim", "Yulunga" et "Cantara", mais aussi ce goût pour la nostalgie,
le celtique avec "The wind..." ou "I am stretched on your grave" (il suffit d'ailleurs de regarder la liste des
instruments joués par Robert Perry), cette culture élégante et européenne qui lui a toujours donné sa patte et
sa classe mélodique hors du commun; une culture qui les mena naturellement par le religieux et le gothique,
dont témoignent les "song of the sibyl" ou "Tristan". Oui, tout cela suffit à faire de "Toward the within" un des,
si ce n'est L'album idéal du duo : une parfaite synthèse sur fond d'authenticité live, avec prouesses vocales à la
clef. Et pourtant : il y a encore plus. Ce qui donne à ce disque une dimension particulière et supplémentaire, par
rapport à n'importe quel autre de la formation, et qui vient comme en accomplissement de cette authenticité, de
cette humanité nouvelle précédemment évoquée, c'est la personnalité véritable enfin dévoilée de Brendan
Perry. Lui qui chante comme un moine pessimiste, qui cisèle et galbe ses mélodies avec une élégance qui
confine parfois à l'esthétisme pur, lui qui fût incontestablement l'âme noire et triste de ce groupe éminement
sérieux et sombre, révèle ici toute son humanité, sa proximité, son humilité, àtravers ses interprétations bien
sûr, mais aussi et surtout par ses compositions. "I can see now", "American dreaming", "don't fade away", à
l'opposé du classicisme orné et austère, Brendan Perry fait de la folk dépouillée et lumineuse. Dans cette soirée
particulière à laquelle nous a convié Dead Can Dance, au milieu des méditations, des incantations dans les
ombres des moucharabiers, l'authenticité franche et la qualité extraordinaire de ces moments de vie aussi
paisibles que subtils s'intègrent comme des lueurs essentielles. Ce que l'on appréciera profondément dans le
caractère live des pièces traditionnelles du groupe s'incarne ici soudain avec une fascinante évidence. Ce qui
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mena fondamentalement à la séparation du duo, semble pourtant, ce soir là, merveilleusement cohérent. Lisa
Gerrard va donc approfondir de son côté le spirituel pur jusqu'à se déshumaniser totalement sur son dernier
album en date, "the silver tree", tandis que Brendan Perry, dès son premier, et au jour d'aujourd'hui unique
album, le miraculeux "eye of the hunter", va s'abandonner à une folk outrageusement raffinée et élégante,
souvent lumineuse, bien qu'extrêmement dépouillée. "Toward the within", dans le fond, dans la forme, dans ses
détails comme dans son unité plurielle, est peut-être LE disque essentiel de Dead Can Dance.
Note : 6/6
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PERRY (Brendan) : Eye of the hunter
Chronique réalisée par Sheer-khan
"farewell my child, it's time... to leave this all behind..." dès les premières secondes, dès les premiers mots,
"Eye of the hunter" apaise le monde autour de vous, fait taire le bruit, recadre le rythme des choses, et repeint
les murs de votre chambre en horizon qui perdure à la tiédeur du crépuscule. Pauvre Brendan perry, se faire
bouder avec un album pareil, décevoir avec une telle merveille, une telle finesse. Certes, le saut stylistique
opéré par l'ancien Dead Can Dance est incontestable; grand admirateur de Tim Buckley (dont il reprend "I must
have been blind") et Leonard Cohen, il avoue avoir voulu faire une collection de pièces simples, qu'une voix et
une guitare suffisent à interprêter... on est donc en présence de folk raffinée, infusée de country, de blues et de
tournures mélodiques élégantes. De la folk, une voix et une guitare, voilà ce qui a dû froisser les guindés qui
constituaient son auditoire jusqu'ici. Pourtant, cette volonté de Brendan Perry est toute théorique. Qu'il le
veuille ou non, le gaillard n'est pas Bob Dylan, et si il a en effet réussi à composer de merveilleuse pièces d'un
calme et d'un dépouillement puissamment anxyolitiques, il n'a pas su se départir de son indécrottable
perfectionnisme d'esthète absolu. Tout cela est léché, soyeux, raffiné à l'extrême, sans doute très loin de
l'authenticité un peu crue de la folk... mais tellement beau. Posée, ô combien, lumineuse et émouvante, la
musique de Brendan Perry est arrangée avec une minutie de jardin japonais : quelques notes de violons,
quelques notes de cor, production et clavier ultra minimal participant à l'incomparable sensation d'espace et de
finesse harmonique qui se dégagent de ce disque. Cette approche à la fois très esthétique et épurée donne
toute sa cohérence, son unité limpide à une collection de pièces aux racines tour à tour pop (saturday's child),
blues (Death will be my bride), country (Sloth) ou jazz (the captive heart), au galbe mélodique racé et classieux,
au raffinement cultivé (voyage of bran, medusa). Très peu de choses, il faut attendre la 6ème piste (sur 8), pour
entendre la première percussion : une batterie jazz légère comme un nuage, aux cymbales étoilées. Douze
cordes ou mandoline pour s'accompagner, Brendan Perry n'est pas devenu non plus un chanteur sur le fil :
grave, perfectionniste, précieux sans être maniéré, il se montre sans doute plus émouvant qu'il ne savait l'être
avec sa comparse illuminée mais reste ce religieux penitent et pétri de perfection. C'est à l'occasion de sa
nouvelle musique, que l'artiste s'humanise. "Death will be my bride", "Archangel" sont des compositions
profondément tristes, cette dernière étant même implorante, larmoyante : une impudeur à laquelle le barbu en
marbre ne nous avait pas habitué. "Sloth" est sans doute un rien moins indispensable que le reste, mais
partout la finesse, la science, ou l'émotion donnent à ce disque une profondeur extraordinaire; "eye of the
hunter" est lent, extrêmement calme, souvent infime, mais c'est aussi et avant tout un disque d'une force
exceptionnelle, et d'une profonde beauté.
Note : 6/6
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GERRARD (Lisa) : The silver tree
Chronique réalisée par Sheer-khan
Si "Immortal memory" semblait se refuser à exploiter les capacités les plus éclatantes de Lisa Gerrard, à la
recherche d'une suffisance plus essentielle, "The silver tree", bien plus radicalement encore, nous montre une
artiste du dénuement, du silence, de l'aridité. La voix est rare, les mouvements mélodiques sont d'une lenteur
extrême, la musique n'est qu'une succession presque immobile de notes seules et profondes, exprimées en
une nappe grave et morne. Une longue méditation sonore aux frontières du rien, une rumeur sourde et
abyssale, océanique, insondable, au dessus de laquelle l'artiste va régulièrement et lentement ouvrir quelques
harmonies diaphanes, spirituelles et apaisées, des voiles de cordes synthétiques soyeuses et transparentes,
des vocalises dépouillées et sahariennes, qui s'élèvent avec clarté sur cet infrasilence avec l'intensité énorme
et tranquille d'un tout premier matin à la surface d'une planète, endormie depuis la nuit des temps. Ce disque
n'est que ça : une nuit fondamentale, dans laquelle s'éveille régulièrement une promesse d'aurore; plus
intangible, plus insaisissable, plus infinie que ne le serait l'aube elle-même. L'expérience Lisa Gerrard est
désormais totalement désincarnée. Les très rares percussions sont ouvertement synthétiques, depuis les
quelques grondements glauques indus qui habitent au loin ce désert de roches noires en passant par le beat
sobre et technoïde d'un "Towards the tower"; le titre est un symptôme : ce disque est aussi vivant qu'un arbre
de metal. Pourtant l'extase est là... l'espace, la lumière... la justesse des quelques mouvements et densités de
cette heure prisonnière du silence, les très subtiles variations du matériau sonore, les harmonies lumineuses
qui s'entrouvrent et se referment, cette pulsation cachée sous la lenteur des résolutions mélodiques... on est
hors du temps, comme un spectateur qui chercherait à percevoir les mouvements millénaires des planètes
entre elles. Un disque qui donne la sensation que le silence véritable, effrayant, total, naît du son; un disque
presque immobile, une oeuvre parmi les quelques unes, qui ont réussi à s'approprier l'atroce ampleur du vide.
Note : 5/6
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NAKED CITY : The complete studio recordings
Chronique réalisée par Chris
Naked City reste probablement l'un des groupes les plus barrés et expérimentaux des années 90. L'un des plus
cultes également, laissant derrière lui malgré une période d'activité relativement courte, une oeuvre aussi
éclectique que passionnante. Le coffret "The complete studio recordings" paru en 2005, retrace comme son
nom l'indique toute la carrière studio de Naked City. Tout y est rassemblé sur pas moins de cinq CDs. Hein ?
Cinq CDs seulement ? Mais si je ne m'abuse le groupe a pourtant accouché de sept albums studios et pas cinq
? Explication : par souci d'économie sûrement (sacré John !), le maître a préféré rassembler certains des
albums les plus courts sur une seule galette. Ainsi "Leng Tch'e" se retrouve de façon presque cachée aux
côtés d'"Absinthe" et "Torture garden" reste complètement disséminé dans "Grand guignol". Ceci est assez
dommage et surtout carrément pas pratique car on passe à chaque fois cinq bonnes minutes à tenter de
retrouver ces fameux "Torture garden" et "Leng tch'e" qui ne sont quasiment pas signalés ! Mais si on s'amuse
à faire le compte, tout est au final bien là : 121 morceaux tout de même ! Et on a même droit à un bonus
d'environ 18 minutes, sous la forme d'une reprise vocale du morceau "Grand guignol" où l'ami Patton s'en
donne à coeur joie côté performance buccale. La présentation du coffret est très soignée, les cinq disques
étant présentés sous la forme de digipacks cartonnés, toutefois assez simples, avec juste une petite fiche recto
verso contenant les track-lists et les crédits détaillés de chaque album. Le reste des artworks et bien plus
encore est rassemblé dans un somptueux livret de plus d'une centaine de page fourmillant de détails
intéressants. On y trouvera en particulier tout un tas de notes et de brouillons ayant servi lors des scéances
d'enregistrement. Mais ce qui frappe avant tout et qui constitue à mon sens la principale raison d'être de ce
coffret c'est l'incroyable dynamique apportée au son du groupe. John Zorn s'est en effet fait gravement plaisir
en remastérisant minutieusement l'intégralité des enregistrements, offrant ainsi à l'oeuvre de Naked City un son
infiniment plus net et explosif. La production des enregistrements originaux était pourtant déjà fort potable,
mais là, à l'écoute de ces versions ravivées la comparaison est cinglante : ça tue ! Je ne m'éterniserais sur le
détail de chacun des albums, ceux-ci étant déjà chroniqués individuellement ici même. Bref, malgré son prix
hautement prohibitif, "The complete studio recordings" apporte vraiment un gros coup de fouet à la musique
de ce groupe fou fou fou. Ahhh, ça dégage les bronches... et le reste aussi !
Note : 5/6
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SHAPIRO (Sally) : Disco Romance
Chronique réalisée par Raven
Je me suis promené longtemps dans cette nuit. Glaciale. Régie par les monstres. J’ai entendu des cris, j’ai vu
des bêtes difformes s’acharner sur les cadavres, les gens morts devant lesquels on ricane et se délecte du
spectacle macabre. Oui, j’ai aimé le contempler ce spectacle. Tout comme j’ai aimé jouer à me faire peur, avec
les couteaux, avec les larmes. Mais aujourd’hui, je suis fatigué. Fatigué de la souffrance du monde, fatigué de
jouer les méchants et de mentir à mon coeur – fatigué de prétendre connaître la peur, prétendre avoir vu le
gouffre alors que j’en ai à peine aperçu le bord. Fatigué d’entendre ce vacarme autour de moi. Les histoires de
serial killers, les histoires de prostituées, d’alcool frelaté – que sais-je encore. Fatigué du strass aussi, et des
paillettes. Fatigué du tape-à-l’œil. Fatigué même, de lire et relire cette même histoire déclinée à l’infini dans la
bouche de mes complices. Au début c’était fascinant, puis c’est devenu une routine et j’en ai marre – j’en suis
venu à désirer les étoiles, la douceur, le câlin mignon, l’extase d’une amourette minuscule, une mignardise de
sentiments purs perdus au milieu d’un océan de cris, de sang et de flammes. Mais dont l’éclat ne mentira
jamais, lui. L'éclat des néons ne ment jamais... celui de la lune non plus... Aussi, je savais en allant dans ce petit
nightclub qui ne paye pas de mine que je pourrai y trouver ma bulle d’oxygène. Quelque chose de vivant, de
réel, qui ne joue pas – qui ne prétend rien, qui n’est, pour ainsi dire, qu’une petite bulle d’oxygène dans cette
nuit étouffante. Ma petite boîte à musique nocturne. Mon petit édredon de nostalgie. Ma petite oursonne. Cette
boîte, je la connaissais déjà, on y passe des classiques années 80, italodisco, new wave & eurodance. Des
salopes en avaient fait leur fief, persuadées de détenir le charme brut en leur sein, et la violence – oh, elles
l’avaient, ce sont des femmes après tout. L’émotion a plusieurs visages – l’amour aussi. L’amour peut être
violence, on m’a appris qu’il ne pouvait être que ça d’ailleurs, on m’a fait croire qu’il ne pouvait être que
douleur. Mais il peut être protection. Il peut être caresse, le temps d’une nuit. En voyant cette petite esquimaude
timide au fond du nightclub, sirotant son lait de coco sans oser me lancer un regard, je me suis dit qu’il y’avait
en elle ce que je cherchais. Oh, elle aussi se meut sur des sons putassiers – sur des mélodies vulgairement
eighties, aussi kitsch qu’un vieux tube de Corynne Charby, ou Valerie Dore – aussi coton & glucose. Sa voix est
toute petite, quand elle ne frôle pas dangereusement les échos d’une Mylène Farmer - elle est minuscule,
chétive, innocente. La voix d’une enfant. Elle me susurre des mots doux, sur ces pulsations d’une new wave
que je croyais morte à jamais. Elle me réconforte. Mais il y’a une émotion brute qui vit là-dedans – ce n’est pas
du plastique, du cosmétique, ce n’est pas du maquillage. Il y’a une émotion vraie dans cette insignifiante
doudoune, sincère, qui ne joue pas, qui tremble de partout malgré la timidité, et brûle de me sauver des limbes
où je me suis engouffré, trop sûr de moi. Je me souviens encore de notre conversation avant que nous ne
quittions ce petit nightclub pour nous perdre dans la nuit, aller marcher dans la neige en rêvant d’un monde
englouti, éteint – ce n’était pas un flirt, non. C’était une providence. "Oh, noir corbeau, tu sembles si triste" - "je
le suis, petite oursonne, ce soir plus qu’aucun autre. Je suis las de voir les autres jouer à s’entretuer. Las de
faire le méchant pour les épater, las d’être devenu une ombre alors que je vis, que je désire plus que tout
survivre". "Je sais, mon tendre corbeau, c’est pourquoi je suis venue à toi. J’ai entendu ton appel" - "Serai-tu
fée ?" - "je ne suis rien, mon tendre corbeau – rien qu’une petite fille, mais nous avons tous deux besoin l’un de
l’autre". "Je ne t’effraie pas ?" - "Non. Je sais que tu as voulu te donner les apparences d’un démon mais ton
cœur est pur. Il est fragile, il a besoin de réconfort" - "Mon cœur est plus fragile que toi, petite oursonne" -
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"Viens avec moi, tendre corbeau, suis moi dans la nuit, car je disparaîtrai à l’aube. Ecoute ton cœur qui te guide
vers les étoiles" - "Je te suivrai, chère enfant, jusqu’aux étoiles, je tiendrais ta main dans la nuit et nous
marcherons dans la neige… j’aimerais que cette nuit ne finisse jamais." - "Elle finira, pourtant. Et quand elle
sera finie tu retourneras dans les limbes, tendre corbeau. Mais j’espère que tu te souviendras de moi, un peu." "Oui, petite oursonne – pour toujours." Puis nous avons marché dans la neige, en parlant de ces années
disparues, celles de mon enfance, celles où j’entendais ce vieux 45T de Flash In The Night et Fade To Grey
résonner dans ma chambre. Et puis, l’aube s’est levée. "Nous devons déjà nous quitter, petite oursonne ?" "Oui, tendre corbeau. Ta place n’est pas avec un ours en peluche comme moi. Tu as besoin de sexe, de sang,
de haine. Mais je survivrai dans ton cœur… certains soirs, tu repenseras à moi quand la nuit sera trop
assassine." - "Comment, petite oursonne ?" Son visage innocent esquissa un sourire. "Il te suffira de regarder
les étoiles."
Note : 5/6
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BADAROU (Wally) : Echoes
Chronique réalisée par Hellman
Certains albums qui ne payent pas de mine, sous des abords plutôt lisses, sont parfois à la pointe du progrès
ou, du moins, clairement en avance sur leur temps. C'est ce que je vous propose de découvrir en commentant
ce "Echoes" du musicien français d'origine béninoise Wally Badarou. Un nom qui ne dit sans doute rien à
personne ou à pas grand monde, et pourtant... Il est un de ces importants acteurs de l'ombre du milieu des
années quatre-vingt, membre fantôme des alors très populaires Level 42, à avoir forgé plus qu'un son ; une
pratique de la musique à travers son instrument le plus complet, le studio. Car "Echoes" est aussi, et avant
tout, un disque de producteur, tel que nous l'entendons aujourd'hui. Proche collaborateur de Chris Blackwell,
patron du label Island, Badarou se laisse convaincre de proposer ce qu'il ne considère en soi que comme des
maquettes inabouties. Pièces instrumentales plutôt courtes bercées d'une douce réverbération, ces titres font
figure d'ovni à l'époque, tout comme le disque, onirique, rêveur mais proprement inclassable. Badarou donne
un coup de projecteur tout personnel, synthétique, sur les musiques exotiques ("Jungle", "Endless Race" ou
encore "Hi-life", ce qui aura hélas pour conséquence de le cataloguer vite fait, et donc erronément, en musique
du monde) mais aussi quelques pointes de jazz comme "Keys", "Chief Inspector" ou "Waltz" répondants aux
canons des Weather Report de l'époque et du Herbie Hancock produit par Bill Laswell. Malgré ces sonorités
d'un autre temps qui nous rappellent avec nostalgie le générique de "Miami Vice" signé Jan Hammer, "Echoes"
comporte quelques traits de génie, à commencer par "Voices" et sa mélodie chantante irrésistible. C'es sur ce
disque aussi, et sur le titre "Mambo" en particulier, que Massive Attack ira largement puiser de quoi donner vie
à leur premier single, "Daydreaming". De quoi vous convaincre peut-être de l'influence majeure qu'aura ce type
de production, et ce disque en particulier, sur les générations de producteurs à venir.
Note : 4/6
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BIRUSHANAH : Akai Yami
Chronique réalisée par Hellman
Le mieux serait sans doute de partager avec vous mes impressions en temps réel pendant que je découvre le
premier album des japonais de Birushanah. Tout porte à croire que nous sommes en présence d'un disque de
musique traditionnelle. Koto et percussions diverses installent l'ambiance sur "Jyodo", mise en bouche qui met
en confiance mais qui étonne par sa relativement courte durée, chose plutôt inhabituelle pour le genre. Un
rapide coup d'oeil à l'arrière de la pochette indique que "Akai Yami" ne comporte que trois titres, les deux
suivants se répandant allègrement autour des vingt minutes chacun. Nous voilà rassurés. La plage titulaire est
deuxième sur la liste. Ce que nous pouvons entendre confirme l'orientation fixée dès le départ. Quelques
incantations viennent se greffer ça et là, apportant une tocuhe spirituelle pas dégueulasse à l'ensemble. On est
assez vite séduit, mais il y a tout de même quelque chose de louche. Tout cela sonne très bien, mais ne semble
pas vraiment crédible. Parfaitement executé, je ne perçois pas la profondeur dont est généralement pétrie ce
genre de production. Et à raison. Car impercerptiblement, le ton monte. Les percussions prennent plus de
corps, le volume sonore générale augmente, jusqu'à l'explosion. Huit minutes se sont déjà écoulées. Dix si on
compte les deux minutes de "Jyodo". Il aura donc fallu dix minutes à Birushanah pour se décider à nous
montrer son vrai visage. Celui d'un groupe métal qui réussit le pari de fondre tradition dans un discours plus
extrême, à même d'assouvir nos pulsions métaliques les plus basiques. Birushanah se complait plus volontiers
dans le lourd et le pesant que le speed, ce qui met particulièrement en valeur le travail constant des
percussions qui viennent appuyer chaque temps fort, chaque riff. Le chant de Iso, lui, est hurlé, au seuil de la
rupture. Comme il se doit. "Akai Yami" serait-il le "Roots" nippon ?
Note : 5/6
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CORTEX : Troupeau Bleu
Chronique réalisée par Hellman
"Troupeau Bleu", premier album des français de Cortex, est une petite friandise au chocolat à s'envoyer de
temps à autre, mais attention à ne pas en abuser sous peine de subir de plein fouet la crise de foie ! Formation
clairement influencée par le jazz fusion en provenance d'Outre Atlantique, Cortex groove. Cortex groove hard et
dru. Ils ont tout bien écouté Lonnie Liston Smith. Ils ont tout bien étudié les Headhunters et Herbie Hancock.
Mais en passant, ils ont sans doute aussi laisser traîner leurs oreilles du côté des britanniques de Curved Air.
Car Cortex a pour fâcheuse habitude de mettre du chant sur ses pièces instrumentales de haute voltige, un
chant assuré par la jeune Mireille Dalbray. De là viendra essentiellement, je pense, le point de désaccord entre
ceux qui apprécient et ceux que ça saoule immanquablement. Clairement jazz, sans virer à la Nicole Croisille
pour autant, quiconque a déjà porté son attention sur des groupes tels que Hatfield & The North ou National
Health ne seront pas dépaysés plus que ça. En un sens, Cortex annonce aussi d'autres formations d'inspiration
jazz anglo-saxon, comme les belges de Cos. "La Rue", "L"Automne", le brésilien "L'Enfant Samba" et la plage
titre qui donnent le coup d'envoi à ce disque frôlent souvent le grotesque quand ils ne tombent pas carrément
dans le cliché et la caricature. Sans doute faut-il voir là une volonté d'accrocher l'auditeur. Mais autres temps,
autres moeurs, tout cela nous apparaît aujourd'hui comme bien désuet. Heureusement, Cortex nous laisse
découvrir un autre visage plus introverti, pas trop quand même, sur les morceaux qui suivent et la mise en
veilleuse discrète puis prolongée de la chanteuse permet à l'album de souffler un peu et de proposer des
atmosphères toujours imbibées du même éclairage mais un tout petit peu plus personnel tout de même
("Prelude à 60 Round", "Chanson d'un Jour d'Hiver", "Mary et Jeff"). Assez en tout cas pour accorder du crédit
à leur démarche qui, sans cela, aurait paru bien vaine et anecdotique.
Note : 3/6
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ELEKTRIKTUS : Electric Mind Waves
Chronique réalisée par Hellman
Une question récurrente me submerge à chaque fois que je m'écoute une tranche de musique de cet accabit,
c'est à dire complètement flippée, vaseuse, étrange ; est-ce que les gens qui composent ce genre de musique
se mettent dans des dispositions particulières (prise de drogue notamment) ou ont-ils simplement un grain ? Et
nous qui écoutons : devons nous aussi nous mettre en condition ou sommes nous capables d'apprécier ces
choses sans substances artificielles ? En espérant que ces dernières ne conditionnent pas absolument la
perception que nous pouvons avoir de ces musiques de l'étrange, je pense qu'en fait il n'y a pas de réponse
absolue et définitive à cette question. Mais elle mérite d'être posée... non ? Avec Elektriktus, on entre de plein
pied dans l'expérimentation électronique. De ces chercheurs, allemands pour la plupart, qui investissaient dans
de nouveaux appareils de disques en disques. Sauf que c'est un homme seul, Andrea Centazzo, qui est derrière
tout ça, ce mur de sons électroniques qui crépitent, qui grouillent, qui fourmillent, qui nous chatouillent. Stop. Il
n'y a pas que des abstractions pures et dures sur ce disque. Une fois l'ambiance délétère installée, Centazzo
peut aussi créer des nappes brumeuses et inquiétantes qui prennent de l'ampleur. Oui, le Tangerine Dream de
"Mysterious Semblance at the Strand of Nightmares" sur "Phaedra" n'est vraiment pas loin. Sur "First Wave",
"Second Wave", "Implosion" et "Flying at Sunset", il se risque à une instrumentation plus étendue, soutenue
par une réelle rythmique basse/batterie qui nous replongent aussitôt dans les délires du Neu! de Klaus Dinger.
Bonne idée en tout cas qu'a eu le label Ictus de rééditer cet oeuvre inédite, nous offrant même un bonus avec
"EBT", toujours dans le même esprit.
Note : 4/6
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EXAMPLES OF TWELVES : The Way Things Are
Chronique réalisée par Hellman
Vous n'y avez sans doute pas échappé ; quel que soit l'endroit où vous vous trouvez, à la radio, à la télé, dans
les journaux, dans vos conversations désintéressées avec vos collègues de bureau ou même lors de vos
pénibles réunions de famille dominicales, c'est toujours le même laïus : c'est la crise. Ça va mal, ça va très mal,
et ça ne va pas s'arranger. De quoi accroître ce sentiment de peur et d'insécurité toujours plus grand. De quoi
asseoir définitivement un contrôle sur le moindre de nos faits et gestes. Les autoconditionner, c'est encore
mieux. Et puis, dans ce marasme ambient, il y a ça, un disque comme "The Way Things Are" qui, comme son
titre l'indique, remet superbement les choses à leur place. Alors, bien sûr, Examples of Twelves, ce n'est pas la
panacée. Le groupe anglais n'est pas la solution à la crise. C'est juste une preuve éloquente et indiscutable qu'il
ne faut pas abandonner tout espoir, et que du laid peut toujours surgir du beau. C'est ça. C'est juste ça. Et ce
n'est pas rien ! Le quintette britannique fait du jazz et un jazz splendide, d'inspiration modale. Sans doute pour
éviter des comparaisons qui pourraient s'avérer embarrassante, Examples of Twelves préfère présenter ses
trois longues pièces dans un découpage extrême plus en accord avec son époque. Mais même cela, c'est un
leurre. En réalité, ces seize titres enchaînés, ces petits bouts qui donnent corps à ces trois longs morceaux, ne
font qu'un. Les thèmes s'entrecroisent et se redécouvrent sous des perspectives différentes d'un titre à l'autre.
"The Way Things Are" s'écoute en fermant les yeux dès la première seconde, et en gardant les yeux bien
fermés tout au long du parcours. Ça voyage. Ça participe à la mécanique du rêve. Une porte ouverte sur
l'imaginaire. Salutaire. Que dire d'autre si ce n'est : découvrez à votre tour l'excellente découverte que constitue
Examples of Twelves ! Un groupe qui redonne foi en la musique. Et peut-être même aussi à la vie. Souhaitons
qu'ils puissent continuer sur leur lancée et nous proposer pour leur productions à venir de grands instants de
pure magie comme c'est le cas ici, mais toujours plus audacieux, toujours plus ambitieux aussi.
Note : 5/6
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COMPILATIONS - LABELS : Masonic
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Si l’on part du postulat comme il a été dit dans la chronique de la compilation ‘Ant-hology’ qu’Ant-Zen est le
label des musiques pour réfrigérateurs, alors Hymen (sous-produit dudit label) est certainement celui du
microcosme, des nanotechnologies et de la poussière qui bloque le ventilateur de votre carte graphique. Entre
les glitches façon Raster Noton, l’ambient environnementale à la japonaise, des délires Warpiens, des machins
épileptiques, et un peu tech-indus à l’allemande, vous aurez l’embarras du choix : bienvenue sur Masonic. Dans
les premiers groupes on trouvera m² (side project de Panacea) avec un minimalisme décadent qui n’empêchera
pas de démolir vos enceintes par des coups secs vaguement perceptibles mais clairement présents, Imminent
(Starvation, oui oui) avec un morceau qui va super vite sans bouger (l’effet Xanopticon), des trucs instables
vraiment chelous (les indescriptible K_chico, Trifid Project et Ilips), ou encore l’ambient cristalline et ultra
réverbérée de Starfish Pool. Dans la partie "les machins plutôt délirants", soit dans le bon sens comme
l’IDM-western (!) du superband Dead Hollywood Stars (chroniques en vue) ou comme l’ovni con de Red
Sparrow (à ne pas confondre avec Red Sparowes), synthé enfantin et voix française qui lit un texte absurde sur
les arbres et la neige – "mais, regardez ! même ceci n’est qu’apparence !" poiiin-poin poin tût tût. Dans les trucs
idiots qui passent moins, on passera sur le lourdingue Sonic Dragolgo, les pouêt-pouêt Lilienthal et
Bochumwelt – Emmaüs faisait les soldes sur ses synthés ou quoi ? A moins que le concept soit si profond qu’il
m’échappe. Section grosses cylindrées, on notera du côté architecture les essais aux rythmiques ballonnées
de Baracuda et Scorn ainsi qu’une belle montée en tension de l’infatigable Gridlock. Lourd et rapide, vous les
attendiez, vous les avez : Venetian Snares et Somatic Responses (quoi que ce dernier va un peu n’importe où)
et léger et rapide aussi ; Xanopticon évidemment mais aussi l’étrange et effréné Solar-X (Speedy Gonzales fait
de la techno ?). Le reste que je n’ai pas cité reste toujours le cul entre toutes ces chaises, manquant parfois un
peu trop de personnalité pour sortir du lot. Sacré kaléidoscope tout de même, comme autant d’éléments
chimiques qui ne vous ont pas attendu pour se mélanger (la plupart des groupes sont des formes géométriques
variables partant d’une même poignée de nerds). Résumer la richesse de la biotique digitale Hymen en un mot,
Stefan Alt l’a fait : technoïd.
Note : 4/6
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DEUTSCH NEPAL : A Silent Siege
Chronique réalisée par Wotzenknecht
[Générique Hit Machine] (Pierre Mathieu est dans les rues de Bocksholm, emmitouflé jusqu’au bout du nez. Il se
dirige vers un bar.) PM – Aujourd’hui pour vous dans Hit Machine, nous allons à la rencontre de Peter
Andersson alias Lina Baby Doll alias Der General alias Deutsch Nepal qui va nous parler de son album ‘A silent
Siege’. Contrairement à ceux qui ont vécu l’aventure Pop Star, Der General ne doit sa consécration qu’à
lui-même ainsi qu’à sa meilleure amie : la vodka. Nous le retrouvons donc en sa compagnie, ici même, (il pointe
la caméra) et c’est rien que pour vous. (Il ouvre la porte et s’approche du comptoir.) – Salut Peter, ou tu
préfères que je t’appelle General ? PA – Grrmbll… PM : Top ! Alors, cet album ‘A Silent Siege’ est assez
particulier dans ta discographie parce qu’il fait non seulement une belle place aux guitares électriques mais
aussi à ton propre chant. Tu es musicien, chanteur ET compositeur ? PA – Et toi, tu écris tes questions tout
seul ? PM : Bon, euh, parlons donc du concept. PA – Tu vois, l’autre jour que j’étais saoul (NB : il y a un truc :
PA est toujours saoul) j’ai eu cette idée de silencetriologie – l’idée de fermer sa gueule quoi qu’il advienne.
Roger [Karmanik, ndlr], qui était dans le même état que moi m’a alors dit "ouais ! du silence, avec une guitare
électrique et du chant !" Alors j’ai dit que ouais, on a fini la bouteille et j’ai commencé à enregistrer. PM : Super,
ouais... C’était quand, l’autre jour ? PA – En 1991, pourquoi ? PM (qui se recoiffe une mèche) : Oh là là ! Ca en
fait du temps ! Bon, disons que je n’ai rien compris au concept. Musicalement, ça se rapproche de quoi ? PA –
Ben de ton interview, pardi ! ça met du temps à s’installer, c’est insidieux et long, ça fout la pression, et c’est
bien lourd ! PM (qui commence à regarder ailleurs) : Bon, euh, et tu ne crains pas que ça se rapproche de ton
projet bruitiste Frozen Faces ? PA – Ah non, Frozen Faces c’est uniquement quand je suis saoul. Je veux dire,
selon mes propres critères. PM : Sacré personnages, les suédois ! Bon, un petit mot avant d’envoyer la pub ?
PA – Oui, si Roger pouvait me rendre la perruque que j’ai oublié dans son garage l’autre nuit, ça serait sympa
de sa part. Et non, je ne chante pas en playback dans le concert enregistré en Australie ! PM – On te souhaite
bonne continuation alors ! [M6, tût tût] "La vie est déjà pleine de petites contrariétés. Alors si en plus une
diarrhée vient gâcher votre journée ! Heureusement, grâce à son action immédiate,…"
Note : 5/6
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VEGA (Alan) : Station
Chronique réalisée par Raven
Ce vieux maboul a pas changé. Toujours Suicide. Toujours des boucles minimales & cheap. Alors qu’est-ce qui
a changé depuis ? Vega a eu une carrière solo déjà fournie, des collabs multiples (dont celle avec Pan Sonic),
plusieurs disques cultes à la clé passée sa période rockabilly. Avec ce Station au son grésillant et
inconfortable, la traditionnelle formule boucle+voix marche plus ou moins - soit ça hypnotise soit ça énerve, au
choix, comme toujours, dans tous les cas même avec ce matériau bas de gamme et ce degré zéro de
composition le vieux briscard réussit à instaurer une ambiance vraiment malsaine, un bad trip répété/décliné ad
vitam avec de gros morceaux de paranoïa & de prophéties de fin du monde dedans – du Vega pur jus, fignolé
avec trois clous rouillés et des vieux bouts de chewing-gum dans un studio de 4m². Parfois le gimmick est
assez accrocheur ("Station Station", ou "Traceman", avec sa femme Liz au chant) parfois c’est juste un
lambeau décharné ("S.S. Eyes"). Je préfère ce disque-là au dernier Suicide (qui de toute façon n’est pas bien
sensass’), rien qu’à cause de morceaux bien glauques comme "Psychopatha" ou la ballade "Why Couldn’t It Be
You ?" (ma préférée). Station est un peu une version light de son précédent, le jusqu’au boutiste 2007 – ou une
version plus indus des standards Suicide. Vega reste le même à soixante piges, le même malade avec son
matos bas de gamme – borné, austère, un cramé qui baragouine dans son micro des visions d’apocalypse, des
histoires de vétérans traumatisés, et autres joyeusetés. Depuis Frankie Teardrop rien n’a changé, non, si ce
n’est qu’on a quelques samples et des rythmiques un peu plus costaudes. La recette marche encore avec ce
Station, et même si ça casse pas trois pattes à un corbeau, il y’a toujours ce charme fiévreux et psychotique qui
fait son œuvre l’air de rien – Vega a toujours repris sa vieille formule en la déclinant et si c’est efficace et bien
lobotomisant comme ici on va pas s’en plaindre. Bis repetita machin, comme ils disent…
Note : 4/6
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SPETSNAZ : Grand Design (Re-Designed)
Chronique réalisée par Raven
Salut mon Jeannot – Tiens, mais qu’est-ce que tu fous ici ? Toi aussi tu aimes les bancs de muscu ? T’es venu
mater le ballet sensuel des triceps-forceps et des guiboles où t’es là pour l’entraînement à la dure, le vrai qui te
laisse des lésions aux tissus ? Hein ? Ah, tu pensais être tombé dans la bonne salle de muscu, tu pensais qu’ici
on était chez les rosbiffs ou chez les boches, seulement non, on est chez les Suédois qui ont le mal du nouveau
millénaire (faut dire que la future pop hein, enfin tu sais), je dois avouer que l'intention est louable, c'est des
mecs à l'ancienne et ça fait toujours plaisir à voir, mais là on est dans le revival de la grande époque façon sans
imagination et sans saveur – disons qu’ici c’est pas mal pour l’échauffement, sans plus. Parce que toi aussi, tu
cherches de la vieille EBM des familles, comme bibi. Ne dit pas non, je vois clair dans ton œil vitreux, je vois
ces désirs de compète, cette envie de bouffer de l’haltérophile au p’tit dèj, je sais que toi aussi tu es difficile sur
l’appellation tant galvaudée – quand on te dit EBM tu ne penses qu’à deux choses comme moi : muscles +
machines, and nothing else. Quand on te dit EBM on te dit Electronic Body Music – et on te l’as peut-être pas
dit mais il existe encore des groupes qui en font, façon vieille école. Les mecs sont nostalgiques, faut croire –
enfin de là à se prendre pour le grand Douglas comme le chanteur de Spetsnaz quand on en a ni le charisme ni
l’élan fougueux, et à balancer les mêmes plans copier-coller des vieux Nitzer (avec un son un poil plus techno
parce qu’on est plus à l’époque des prods rachitiques) tu te dis que c’est bien mignon, bien fichu, mais que ce
cruel manque de personnalité ne les hisse pas au-dessus de la mêlée – et que ce disque tout juste sympathique
ne dépassera pas le stade de l’usage unique. Spetsnaz c’est comme le Canada Dry en fait, tu connais le slogan.
Après ce petit album energy drink tu te sens même pas en sueur, le marcel est toujours sec. Tu t’es déjà remis
aux vieux standards, coquin de toi… c’était inévitable, en même temps.
Note : 3/6
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SPETSNAZ : Totalitär
Chronique réalisée par Raven
Je sors encore de la salle de muscu et mes gentils copains les sportifs (Dédé, J-B & Lulu) m’ont parlé d’un
groupe de premier choix sous les douches à la fin de l'entraînement. "Spetsnaz ? Eh les copains, je crois que
j’en ai déjà un de c’pet d’naze, et que ça m’a pas fait le moindre frisson !" (*se savonne le sexe*) "Oui mais
attend de voir Raven, celui-ci est meilleur, (*crache un filet d'eau*) plus full-body, plus mélodieux, ces gars sont
clairement l’avenir du revival ebm old school, tu peux m'faire confiance". (*sors de la douche après s'être bien
rincé de partout et saisit une serviette*) "Ok ok ok, je vais voir ça – en attendant passe-moi le déo, et dit bien à
cette grosse pédale de Kevin que la rowing-barre c'est chacun son tour sinon je lui éclate les tibias." Bon, alors,
Totälitar. Mh mh... Mh mh… mmmh… mh mh. Bon bah quoi ? C’est exactement même chose que Grand Design,
bande de gros neuneus ! Bon ok… c’est un peu mieux, parce qu’il y’a une touche un chouia plus new wave –
mmmh ce petit "Solace", pas mal, vraiment, alors on sait aussi faire du DM l’air de rien ? Bien, bien. Oh ce titre
épo à la fin, excellent, enfin quelque chose qui ressemble à un tube ! Et on se fait un peu De Meyer quand on
contracte les sphincters ("Warfare Inc") ? Pas mal, pas mal. C’est toujours bien constipé, plus accrocheur, les
gimmicks sont toujours sans personnalité mais c’est plutôt bonnard bien que quelques titres soient
quelconques, et le faux Douglas essaie moins de copier le vrai (et même quand il le fait ça le fait un peu mieux,
"Evader", "You", "Formation"; mmmh, très Belief tout ça), eh ! Le lascar fait même un peu du Poupée Fabrikk,
pas maaaal, eheh, il adoucit un peu la voix aussi, joli. Bon et la note, dans tout ça, c’est que je suis aussi
journaliste eheh, s’agirait pas de se donner l’air d’un mec cool. Je me tâte un peu la nouille là… 3 ou 4 ? Allez,
4, ça va les encourager. Et n’oubliez pas mon ami : y’a pas que DAF, Nitzer et 242 dans la vie. Essayez de vous
imprégner d’autres choses tout aussi cultes (mangez des agrumes par exemple, c’est bon pour la santé), afin
de nous étoffer un peu cette recette peu goûtue, continuez à vous subtiliser même si c’est paradoxal pour des
bœufs comme vous, you can do that, I know you sure will. Les fessiers sont costauds, les abdos ont été
travaillés avec rigueur, mais il va encore falloir valider les séries de dévellopé-couché pour que je sois
convaincu, et penser à équilibrer votre alimentation, mon p’tit bonhomme.
Note : 4/6
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RAMMSTEIN : Rosenrot
Chronique réalisée par Raven
Où est passée la saveur de Mutter & Reise Reise ? A part "Spring" et "Wo Bist Du ?" et à la rigueur le foutage
de gueule "Te Quiero Puta", aucun frisson. Rammstein a depuis longtemps été suivi par Subway To Sally,
Letzte Instanz, Eisheilig & consort. Aujourd’hui Rammstein se place à leur niveau. Et ptetre même en-dessous
("Zerstören", bweuargh). Pourtant c’est la même recette qu’avant, les mêmes ingrédients. Mais les compos sont
moisies, quelconques. Rammstein s’est vendu depuis longtemps aux sirènes, mais ils avaient jusqu’à présent
su rester fidèles à leur premier album, proposer du mainstream sans pour autant bâcler leurs compositions,
sans balancer un album à la va-vite, rempli de vide, délesté de tout sentiment. Bah c’est fait avec Rosencrotte.
Même les tubes de service sont mauvais : la seule chose à sauver dans "Rosenrot" et "Mann Gegen Mann"
c’est les clips, quand à "Benzin", c'est juste un sous-"Mein Teil" et le duo avec la meuf de Texas est juste bon à
faire le générique de fin d’un épisode de Desperate Pintades. Les deux ballades de fin, attendues, sont
complètement fadasses ("Ein Lied" aurait pu être du niveau d’"Amour", quel gâchis). Tout est pourtant du
Rammstein, balourd et grossier – mais il manque les sentiments, il manque le petit truc qui fait la différence,
l’étincelle, il manque tout simplement la magic touch. Y’en a plus, de la magie. Walou. Nada. Peau d’zob.
Note : 2/6
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FIXMER (Terence) : Muscle Collection
Chronique réalisée par Raven
WOO HA HA - WOO HA HA - WOO HA HA. Qui n’a pas remué sur ce hit mortel, ce gros tube imparable pour
militaire bodybuildé ? "Red Section" a été le morceau qui m’a initié à Fixmer et fait découvrir toute une frange
revival de l’EBM, je ne savais pas encore qu’un beau jour il servirait de base à un morceau avec McCarthy. Avec
ce Muscle Collection, yeah ! Je peux avoir sur un CD un bon paquet des maxis de Terence et avec ça l’album
complet Muscle Machine en guise de bonus. Bon, soyons clair d’entrée : Muscle Machine est un petit album
sympa avec une poignée de titres très F242 ("Shout", "Across The Gate") mais c’est un peu le brouillon de ce
qu’il fera plus tard, les balbutiements de la collab’ avec McCarthy, Fixmer tâtonne encore – 3/6. Pour ce qui est
de Muscle Collection en revanche, 5/6 direct : on y trouve que des tueries, et pas besoin de Douglas pour que
les titres nous rentrent dans le crâne. Ce n’est pas pour rien si le petit frenchie est tellement apprécié par
pléthore de DJ’s : sa techno est unique, le lascar a toujours eu une griffe personnelle identifiable au premier
coup d’oeil, il n’a jamais misé sur les bpm mais plutôt sur un son puissant, piquant, agressif et très cru –
palpable, pour tout dire, on en sentirait presque l’odeur. Un gros son bien pumping et musclor, de l’industriel
teinté d’acid qui met le dancefloor au pas militaire, au service d’un revival EBM de haute volée. Fixmer a été
nourri au biberon autant avec DAF & les vieux Nitzer Ebb que Front 242 ou Klinik (d’où cette saveur indus qui
tranche avec le reste de la clique Deejay Gigolo – Caretta, The Hacker & consort, plus portée sur le glamour que
sur les treillis). Il ne fait pas que reprendre bêtement les gimmicks des ancêtres, il impose illico son style,
minimal, brut de décoffrage, son EBM gros calibre. Les tubes présents sur cette compile sont tous imprégnés
de ce parfum machine + muscles + sueur + hémoglobine, et l’effet produit ne se fait pas attendre : MOVE YOUR
BODY. Le dancefloor est baigné dans une lumière rouge, les beats rentrent dans la tête, les beats pénètrent en
toi, gorgés de sang, gonflés à bloc – mmmph - et te secouent de spasmes incontrôlés – boum boum boum
BOUM BOUM, ton pénis est tout dur et tu as fait tomber le marcel pour secouer ta carcasse luisante sous le
poids des beats. Terence fait acte de présence "humaine" (si on peut dire), il utilise un peu sa voix pour
t’accompagner, timidement, froidement (sur "Kick ! Kick ! Kick !" il nous fait du Vega, sur les autres compos du
De Meyer) mais c’est la machine qui domine, qui TE domine. La machine qui envoie la sauce, qui te force à
remuer – l’érection des beats gonflés à bloc comme les muscles de Schwarzie, la veines sur le front qui enflent
au rythme de la pulsation. Autant de hits carrés comme des culs de containers, massifs, fiévreux et
galvaniseurs, à s’envoyer pour comprendre la signification de ces trois lettres trop souvent galvaudées : E,B,M.
Note : 4/6
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THE CURE : Wish
Chronique réalisée par Twilight
Pour beaucoup, 'Disintegration' est un album majeur des Cure; ce n'est pas mon avis. C'est pourtant un bon
disque que j'ai apprécié à l'époque et que j'apprécie toujours et il est même synonyme de bons souvenirs
puisque c'est à cette occasion que j'ai vu le groupe en concert. Sans que je ne me l'explique de manière claire,
il m'aura fallu énormément de temps pour le digérer en profondeur, coincé qu'il était entre un 'Kiss me kiss me
kiss me' alternant entre noirceur et titres pop enjolivés et l'affreux 'Mixed up', unique entorse à l'intégrité de
Robert et sa bande. M'engouffrer dans 'Wish' à l'époque m'était impossible et j'ai repoussé l'achat de cette
galette pendant plus de dix ans; à son écoute, je réalise que j'avais effectivement besoin de ce recul pour le
commenter de manière objective. Voilà album qui n'avait pas la tâche facile puisqu'il lui allait assurer la
continuité de 'Disintegration' tout en faisant oublier 'Mixed up'...fardeau plutôt lourd que 'Wish' supporte avec
classe. Il surprend néanmoins par une forme de bipolarité encore plus marquée que sur 'Kiss me kiss me kiss
me' là où son prédécesseur sonnait de manière cohérente et homogène. Tout démarre de belle façon par un
'Open' très inspiré avec ses guitares bien appuyées et un rythmique efficace (Simon Gallup se monte une fois
de plus irréprochable), avant de glisser avec 'High' à une pop efficace et riche mais un peu parfumée aux ligne
de 'Just like heaven', moins inattendue. 'Apart' plus tranquille dégage une atmosphère intimiste reprise quelque
peu mais de manière plus flamboyante sur 'From the edge of the deep green sea' assez typique de ce que
Robert et sa bande étaient capable de faire alors: rythmes syncopés typés 90's, guitares légèrement
psychédéliques, claviers discrets mais parfaits en arrière-plan et un chant émotionnel marqué d'une touche de
mélancolie. C'est avec 'Wendy time' que l'on change de registre pour quelque chose de plus léger avec effets
wah wah, ton plus enjoué, tendance confirmée par 'Doing the unstuck' où Robert chante 'Let's get happy, it's a
perfect day for making out, to wake up with a smile without a doubt'. Suit le single 'Friday I'm in love',
assurément le plus poppy et léger de la galette et
malgré tout assez peu représentatif du ton général puisque 'Trust', lent et gris, nous emmène à nouveau dans
des climats propices à la rêverie et au spleen. Si la qualité des chansons n'est pas réellement à remettre en
cause, je ne puis me départir d'une certain impression de tourner en rond, comme si les Cure usaient jusqu'à la
corde une formule amorcée sur 'Kiss me kiss me kiss me' et exploitée avec brio sur 'Disintegration': un son
typique, identifiable, riche, très produit, très (trop ?) arrangé, légèrement aérien. D'un côté, il démontre
clairement l'assise du groupe dans les 90's qui parvient à s'adapter sans perdre son
identité, de l'autre il préfigure le danger d'une voie de garage dont nos Anglais parviendront finalement à
s'extraire après un 'Bloodlfowers' à la limite du naufrage. Pour l'heure, rien de cela, 'Cut' sonne très Brit indie,
un brin noisy, tandis que 'To wish impossible things' se coule dans des volutes de brume sur fond de cordes.
Objectivement, j'avais tort de me méfier de 'Wish' qui reste un bon album, plus ambigu qu'il n'y parait à
première écoute même si pour ma part, je lui préfère nettement 'Disintegration'. Disons qu'il a cette qualité du
disque qui sait dévoiler de nouveaux secrets au fur et à mesure des écoutes, ce qui lui
permet du coup de résister de belle manière aux assauts du temps, comme tous les albums des Cure
d'ailleurs, ce qui est la marque des groupes majeurs, non ?
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Note : 4/6
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VAINIO / VÄISÄNEN / VEGA : Endless
Chronique réalisée par Raven
Que se passe-t-il quand deux orfèvres de l’électronique comme Pan Sonic rencontrent l’ex-chanteur de Suicide
? Eh bien ça fait VVV. Le résultat a, au premier contact, plus les airs d’une superposition de deux mondes bien
distincts qu’un mélange entre ces univers, et, on s’en serait un peu douté, ce n’est pas Vega qui s’adapte à Pan
Sonic mais l’inverse (enfin ça c’est ce qu’on se dit au début) : les deux cerveaux ont bricolé des boucles pour
dérouler le tapis rouge (ou plutôt bleu) au élucubrations mystico-psychotiques du cinglé de service, mais ce
fond sonore n’a rien d’un ersatz de Martin Rev, leur son est, comme les amateurs de Pan Sonic le savent déjà,
très riche et subtil, et paradoxalement minimal : glitch d’une précision extrême, finesse absolue des
fréquences, maîtrise effrayante du synthétique, des aiguilles, des faisceaux de lumière, des cigales électriques,
grillons mécaniques, clignotements, etc, sur lesquels Vega fait du Vega, toujours prisonnier de son rituel
psychotique. Parfois les boucles expérimentées se servent du bruit ("No Home Kings" avec cette espèce de
moteur de Formule 1 couplé au bruissement d'une minijungle en papier de verre (???)) ailleurs c’est plutôt le
silence qui est utilisé, et il n’y a pas toujours besoin de plus d’une pulsation nue pour instaurer une ambiance
(sur "Fun For The Wonderland" par exemple). Parfois on atteint les niveaux d’hypnose/lobotomie d’un Suicide
("Desperate Fa Tha Miracle") et à d’autres moments on se retrouve dans un dépouillement total: il ne suffit
parfois que de quelques gouttes de nectar électrique pour que le charme opère ("Endless"). Les deux
tisserands d'ondes électriques (désolé, je ne suis pas Wotzenknecht) ont créé une annexe à leur monde glacé
pour les yeux d’un vieux chanteur de rockabilly, et le résultat est aussi étrange que fascinant. Sur cette nappe
électronique cousue avec la maîtrise totale de chaque tissu, cellule, molécule, atome, jusqu’au plus infime
quark, on se dit, au début, que c’est comme si le vieux dégénéré venait tout souiller en vociférant n’importe
comment. L’association semble à première vue incongrue, oui. Mais plus on écoute, plus on se rend compte de
la terrible réalité : ce n’est pas Pan Sonic qui s’est plié à Vega. Pas le moins du monde. Alan est prisonnier de
leur univers. Prisonnier de la matière glacée. Un intrus – un humain - dans un monde qui n’est pas le sien, virus
dans la machine ou volatile étranger dans une banquise de verre et de plastique, dont les cris désespérés sont
autant d’appels au secours lancés à l’auditeur. Mais qui entendra ? Qui écoute, du reste ? Qui y a-t–il de vivant
ici, de charnel, sinon un vieux sénile perdu dans ses souvenirs, qui hurle, crache puis marmonne lentement ses
psychoses, en finissant par disparaître, petit à petit, dans ce cosmos aux allures de frigidaire ? Il n’y a
personne. Aucun signe de vie sinon cette voix. Pas la moindre petite flamme à laquelle se rattacher, sinon cet
évadé d'asile. Seulement l’écho de ses glapissements réverbés à mort, qui se noient dans la matière gelée.
L’album s’achève sur son passage le plus apaisé - en apparence seulement – le plus minimal mais
paradoxalement le plus envoûtant, le plus saisissant : un dernier murmure hanté par les échos d’une guerre
lointaine, ou ceux d’un monde englouti, un bombardement dans une autre galaxie, ultime présence de vie avant
l’extinction totale d'ADN. Fascinant, vraiment. Un puits dans lequel vous ne finirez pas de tomber.
Note : 5/6
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ORANGE SECTOR : Profound
Chronique réalisée par Raven
L’autre jour en sortant de la salle de muscu avec les copains, on parlait de vieille EBM, en mangeant nos barres
céréalières. Dédé et Lulu racontaient n’importe quoi comme d’hab, ça divaguait et dérivait sur d’autres sujets
(Wumpscut, Suicide Commando) alors que j’avais pourtant bien cadré le débat : EBM old school et rien d’autre,
bande de gros balourds. Et là j’ai repensé à un truc culte. Ces deux bœufs n’avaient peut être pas entendu
parler d’Orange Sector depuis un bail, ils savaient pas que les teutons avaient ressorti un album. "Un peu
d’EBM mort aux vaches de temps en temps, ça ne fait pas de mal les gars, vous devriez savoir ça". Et là j’ai
sorti le dernier OS de ma poche et je leur ai collé sous le pif. Orange Sector ne sont pas nés de la dernière
pluie, ils se sont formés il y’a une vingtaine d’années déjà, et nos deux loulous s’étaient plutôt ramollis avec le
temps, comme quasiment toutes les formations de la vieille école ayant survécu ils avaient succombé à leur
travers pop. En 2007 ils reviennent, et ils nous jouent la carte revival à fond : Profund est EBM old school brute
de décoffrage, avec un charme bien vulgos et neuneu qui rappelle le premier Oomph! Sans le côté rock. Aucun
morceau se détache vraiment à part ce gros tube "R.I.P." aux reflets kliniciens (mmmmh ce refrain) et ce
"Kopfschuss" délicieusement primaire. Tout est binaire, cru, bourrin, et sans aucune forme de mélodie. Le
chant éraillé et vicelard du porc de service, les instrus old-school sans fioritures, le vocabulaire très fleuri (fuck,
die fucker, die, kill, destroy, fuck, die, bitch, shit, etc) et en prime des morceaux en allemand bien boeuf, mmmh
– ce dernier Orange Sector nous la met pas profond comme l’intitulé le laissait espérer mais c’est du tout bon,
de l’EBM boche bien âpre et rustaude, débile, abrutissante, une version croustibat’ du premier Dupont, ou pour
être plus éloquent, du DAF en mode gros tatoué + pull de camionneur + bonnet de docker + gitanes maïs,
manquant juste un peu de puissance et de variété à mon goût pour mériter un 5 mais suffisamment corsée pour
me plaire. Basique mais efficace. Life… is a bitch… and then… you die…
Note : 4/6
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NITZER EBB : Body Of Work
Chronique réalisée par Raven
Les best of en temps normal je m’en méfie comme la peste. Surtout quand comme ici on a un disque bonus qui,
à part le terrible "Get Clean", ne renferme que des petits remix sympas-sans-plus. Pas de quoi fouetter un chat,
on pouvait espérer mieux, mais peut être aurait-ce été perdre de vue la cruelle réalité : les bons disques de
remix de nos jours, ça se compte sur les doigts de la main – car ce qu’on doit attendre d’un remix réussi, c’est
d’apporter quelque chose à l’original, d’en modifier la saveur du tout ou tout, et oserai-je même, de le
surpasser. Rien de tout ça ici, les remix sont cools mais parfaitement anecdotiques. En revanche sur le premier
disque, c’est le bonheur, on a bien sûr droit à tous les singles de leurs albums (dans les versions originales ou
radio), je vous passe la liste, et en plus, le plus important pour ceux qui comme moi ont déjà les albums mais
n’ont pas envie de se fader tous les maxis : une poignée d’extraits d’EP’s et singles. "Come Alive" par exemple,
un des morceaux les plus mortels de Nitzer Ebb, une mélodie très Depeche Mode (rien d’étonnant because Alan
Wilder) sur laquelle un Douglas sournois vient poser sa voix exquise : une tuerie fatale qui aurait dû figurer sur
Ebbhead si le monde cruel dans lequel nous vivons insouciants n'était pas régi par l'injustice. Tueries aussi,
que les deux extraits du tout premier maxi (avant That Total Age), "Isn’t It Funny How Your Body Works" et
"Warsaw Ghetto", plus DAF que nature. Des tubes, rien que des tubes. On regrettera juste que les deux autres
titres de l’EP As Is n’aient pas été ajoutés, mais en même temps ils n’auraient pas pu tenir vu que le CD est
bourré ras-la-gueule… Le plaisir d’avoir (presque) tous les meilleurs titres de Nitzer sur un disque, avec en
guise de cadeau bonux des petits remix mignons, voilà grosso merdo Body Of Work, un best of de qualité qui
n’a heureusement rien d’une arnaque même si le second CD est obsolète. Obligatoire pour les fans. Pour ceux
qui veulent découvrir Nitzer encore plus.
Note : 4/6
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THE RESIDENTS : Wormwood - Curious Stories from the Bible
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Je me suis toujours demandé ce qu’il pouvait y avoir dans les énormes coffrets « la bible racontée par… » en
10 CDs, si les mecs avaient vraiment passé des heures à lire la bible, si certains ne rajoutaient pas des effets
sonores ou que sais-je pour rendre le tout un peu moins indigeste. Indigeste, c’est bien le mot que l’on peut
associer aux Residents, et lorsqu’eux aussi lisent le livre saint, croyez-moi ; on a jamais trop d’Activia dans son
réfrigérateur. D’après le livret, les vingt saynètes ont été sélectionnées pour leur côté absurde ou marrantes car
d’après eux – et je ne peux que confirmer – la bible regorge de truc déments. Chantés soit de façon mauvaise
comédie musicale soit sous forme de parodies de comptines, on a évidemment l’histoire de Lot qui se fait
sauter par ses deux filles, celle du cantique des cantiques, celle de Cain et Abel ou encore Jérémie, ce qui
m’amène à vous recommander tout autant la lecture du livret, généreux en commentaires théologiques sur
lesdits passages : « Jeremiah is the most unhappy man in the Bible. He spends a couple of books of the Bible
being a complete downer.” Ou encore, parlant du dernier livre : “Revelation seems to end up the Bible mainly
because it would be rather anticlimatic without a big finale.” Les paroles elles-même ne sont pas plus
sérieuses, entre Dieu farceur, les femmes qui se demandent ce qu’elles ont encore fait ou les rois qui n’arrivent
pas à éjaculer au bon endroit. Bref, ça reste de la potacherie et malgré de bons moments çà et là (‘Mr Misery’,
‘KILL HIM !’ et le final kitschement épique entre autres) l’ensemble est un peu linéaire et on appréciera mieux
les chansons par groupes de dix plutôt que subir les vingt d’affilée. Reste un ovni amusant, comme
d’habitude ; et une pièce intéressante dans votre collection des Residents malgré un petit regret : avec un tel
thème et un tel groupe, n’y aurait-il pas eu moyen de faire beaucoup plus fou ?
Note : 3/6
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THE RESIDENTS : The Rivers of Crime Episode 1-5
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Surprise en découvrant cet objet : les Residents on fait une émission de webradio qui s’appelle « The River of
Crime » s’ouvrant sur l’histoire d’un type qui collectionne de façon obsessionnelle les crimes comme d’autres
collectionnent les pin’s ou les figurines de Mickey. Chaque épisode est un crime qu’il relate dans une ambiance
Cluedo / Chair de Poule / Le Monde de Monsieur Fred. Bien sûr, je ne vous en dirai pas plus sur les intrigues –
les titres sont plutôt explicites. Sachez juste que les histoires sont très bien racontées et font appel à plusieurs
voix, que malgré les scénarii invraisemblables le suspense est bien là et qu’on s’amuse quand même au
dénouement. Et parce que que l’on est sur Guts et pas dans la forêt magique (quoique, la crypte/la trappe…
bref) on va parler de la musique qui est parfaite : une bande-son riche et noire orchestrée façon Sin City qui
ponctue avec brio les moments clefs et sait foutre l’ambiance – parce malgré tout l’humour des Residents, leur
force vient aussi de l’inquiétante bizarrerie de leurs numéros – et comble du chic, l'édition post-diffusion
comprend les musiques seules sur un second CD et raccourcies pour les rendre moins dépendantes de leur
histoire. Cette édition est fortement conseillée donc, et mérite 5/6 ; c’est un 4/6 que je mettrai aux seules
Rivières du Crime car malgré toutes leurs qualités elles ne s’écoutent pas tous les jours et ne s’adressent
qu’aux plus anglophones d’entre vous. En attendant d’autres épisodes, je vous la souhaite bien bonne ; et d’ici
là attentions aux termites...
Note : 5/6
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The HORRORIST : Manic Panic
Chronique réalisée par Raven
"Hello, my name is Oliver, and I’m gonna tell you a story…” De The Horrorist je ne connaissais que ce tube,
“One Night In NYC”, et c’est en découvrant Everything Is Nothing de son poulain Hypnotizer grâce à Wotzy que
je me suis lançé dans la disco du DJ. Oliver Chesler, c’est le frère plus glamour, celui de New-York, tandis que
l’autre semble empêtré dans son bad trip sans s'en extirper, chez Horrorist il y’a un peu de tout – mais ça reste
bien sombre, on ne s’est pas trompé sur la marchandise. Oliver Chesler c’est un peu le Lou Reed de la techno :
le New-Yorkais dans toutes ses dérives, ses anecdotes croustillantes, son charisme vénéneux. Ce n’est que de
la tech, mais les paroles sont fondamentales ici, ce sont elles qui nous guident dans les différents chapitres de
ce roman de junkie, et il n’y a pas besoin d’être fortiche en anglais pour comprendre chaque mot que ce mec
nous envoie aux esgourdes, vocoder ou non : les images nous viennent dans la tête très rapidement, et c’est
jouissif. Toutes les histoires que raconte ce mec ont rapport avec New York, rapport avec des histoires qu’il a
lui même vécues, sous forme de bad trips multiples, entre les grosses décharges clubbesques et les ballades
electro minimales glauques, un patchwork bien spécial. La tech de The Horrorist est moins jusqu’au-boutiste et
engluée que celle de son poteau Miro Pajic (aka Hypnotizer) mais Oliver a lui aussi plus d’une aiguille à sa
seringue, et il varie les plaisirs : un minimal kraftwerkien par-ci ("Ice"), un grumeau de vieux Thunderdome
par-là, acid techno, EBM caustique, pump up the volume ("Metal Man", "Flesh Is The Fever", "Hard Step Future
Force"), quelques miniatures electro minimaux et vicelards en forme de comptines débiles, du Dirk Ivens
l’humour en plus ("Fire In The Sky", "Soul Of Emptyness", "Blood Wings Soar" ou encore ce "Wet & Shiny"
très… sensuel) on est toujours borderline, on ne sait jamais si c’est du sérieux ou si c’est juste pour jouer mais
dans tous les cas ça fait mouche, le DJ a un humour très décalé (les extraits de son répondeur en intro), son
obsession pour les même thèmes fait son charme ; le côté désinvolte et le second degré ne retirent rien à la
saveur malsaine de ces morceaux, les paroles explicites accentuent ce charme empoisonné, et quand le gusse
décide de balancer la sauce pleins tubes on ne peut résister à l’envie de faire monter le volume au maximum
(l’imparable gimmick de "The Virus", qui raconte dans les grandes lignes comment un loser décide d’anéantir
l’humanité en répandant un certain "virus" dont l’identité n’est jamais révélée – mais qu’on peut facilement
deviner). Des histoires de sexe, de dope, de vengeance, de plans glauques ("It Goes Like This") tournant autour
d’une seule et même entité : La Grosse Pomme. Le centre de tous les vices, le cœur du malaise : NYC. Manic
Panic, c’est un peu l’agenda de ce petit junkie grimé à l’arrache en corbak – le matin, passage dans la rue, on
sympathise avec un clodo qui nous file un cacheton, on continue son chemin en s’enfonçant dans le trip,
détour par le drugstore, passage au Burger King, Madison Square Garden, traversée du pont Washington, puis
il fait soudain nuit, et c’est l’heure où les jeunes filles de la campagne venues visiter les nightclubs new-yorkais
en croyant insouciamment s'amuser se font draguer, droguer et violer sans qu'aucun cri ne résonne dans la
nuit... Autant d'histoires pour autant de hits. Y’a de quoi foutre plusieurs dancefloors en feu dans cette petite
boîte verte qui paye pas de mine, y’a aussi de quoi vous faire passer des nuits blanches à écouter en boucle la
même piste jusqu’à la nausée. Y’en a autant pour les misanthropes comme mézigue que pour les ravers, c’est
un mélange de différentes substances, addictif et fatal. And then… HE FUCKED HER ALL NIGHT !!!
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Note : 5/6
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THE CURE : Paris
Chronique réalisée par Twilight
A la suite de 'Wish' en 1992,les Cure vont sortir coup sur coup deux albums live, le double 'Show' assez fidèle à
ce qu'est devenu le groupe avec beaucoup de morceaux tirés des derniers opus et un autre, plus inattendu,
'Paris'. Inattendu ? La track-list pourrait surprendre pour l'époque car elle propose pas mal de compositions de
la période la plus sombre, 'Faith', 'Pornography' et 'Seventeen seconds' entre autres. Le visage de nos Anglais
a pas mal changé ces dernières années, leur succès croisant les a amenés à tourner dans le monde entier, ils y
ont gagné énormément de nouveaux fans et ceux de la première heure doutent de plus en plus et peinent à
reconnaître leur groupe de prédilection. On dirait qu'avec 'Paris', Robert Smith leur adresse un clin d'oeil
hommage avec un live plus intime, plus proche de l'esprit des débuts. C'est dans la noirceur de 'The
figurehead' et 'One hundred years' que débute le disque avant d'entamer une montée vers la lumière
en passant d'abord par les atmosphères nocturnes et tristes de 'At night' puis celles plus énergiques de 'Play
for today' (largement suivi par les cris du public). Si 'Apart' est tout frais, issu qu'il est de 'Wish', son ambiance
profonde colle à merveille au ton du concert. Encore un peu de cold wave avec 'In your house' et les Cure en
arrivent à un spleen plus typique de leurs derniers travaux, le beau 'Lovesong', tout d'abord puis un 'Catch'
assez complémentaire. Le choix de 'A letter to Elise' à la suite prouve si besoin était que nos
Anglais ne se sont pas reniés et que si un côté plus pop, léger les caractérise désormais, une partie de leur
travail reste obscure, peuplée de questionnements et de doutes. Cette dualité qui caractérise les disques du
groupe depuis 'Kiss me kiss me kiss me' est aussi part intégrante de leur identité, les Cure ont évolué et le
public doit l'admettre. C'est ce que semble exprimer le choix des chansons de clôture, le glauque, poignant et
magnifique 'Charlotte sometimes' pour l'ombre et 'Close to me' pour la lumière décalée. De tous les
enregistrements live officiels, celui-ci est pour moi le meilleur. 'Concert' était certes bon mais un brin marqué
du côté déshumanisé des albums constitués de morceaux compilés; 'Paris' présente de façon plus honnête ce
que peut être l'ambiance d'un concert complet. Qui plus est, le line up fait encore rêver, puisque outre Robert
Smith, Simon Gallup et Porl Thompson, on trouve encore derrière les peaux Boris Williams (qui s'en ira peu
après), manque Lol Tolhurst et on y était...'Merci' lance en français Robert au public parisien en guise de
conclusion; 'il n'y vraiment pas de quoi, Mr Smith, tout le plaisir était pour nous'.
Note : 5/6
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THE CURE : Never enough
Chronique réalisée par Twilight
S'il est avare en infos ('recorded during summer festival tour 1990'...Glasto150ury d'après mes recherches),
'Never enough' a néanmoins
beaucoup des qualités qu'on attend d'un pirate digne de ce nom. Tout d'abord, le son est franchement très bon,
bien mixé et on a même droit à quelques bruits du public parfaitement intégrés dans le climat général; nul
doute qu'il a été réalisé avec du matériel de qualité, depuis la scène probablement. Ensuite, la track-list est
plutôt intéressante; elle fait certes l'impasse sur 'Pornography' mais propose en revanche pas mal de chansons
de 'Japanese whispers' telles que l'excellent 'Lament', 'The walk' ou 'Let's go to bed'. Les débuts ne sont pas en
reste avec de belles versions de '10:15 Saturday night' et 'Killing an arab'. Ce sont bien évidemment les disques
'Kiss me kiss me kiss me' et 'Disintegration' qui sont à l'honneur dans des interprétations magistrales (même
l'infect 'Why can't I be you ?' a quelque chose d'entraînant). Ce n'est pas tout, nous avons encore droit à l'inédit
'Never enough' qui donne d'ailleurs son nom à ce pirate. Ajoutons encore qu'il s'agit d'un double cd, que
l'artwork est plutôt soigné et le livret riche en photos, bref le genre de bootleg aux standards de qualité
comparables à ce que l'on attendrait d'un album officiel.
Note : 5/6
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The HORRORIST : Attack Decay
Chronique réalisée par Raven
Il y’a une question qui me brûle le bec : est-ce juste pour jouer ? Est-ce seulement pour faire mumuse ? Oliver
nous avait sorti son skeud américain avec Manic Panic. Attack Decay est son disque européen – allemand pour
être plus précis, un chouia anglais, un poil belge, et aussi français, un peu. Moins d'exta, plus de poppers.
Mi-EBM mi-electroclash, avec un zeste de mélancolie synth pop eighties façon vieux DM en mode pervers (ce
"Pain And Pleasure", mmmh), ou New Order coupé au Klinik (“Close To You”), ou encore minimale electro
dérangée dans la veine des comptines de Manic Panic (“You Are Disturbing”, “Trapped In An Empty Void”),
voire old Suicide Commando ("The World Will Know Us"). Ce que je préfère là-dedans ça reste peut-être ces
comptines bizarres, plus que les gros poum-poum (quoique ce "Body To Body" envoie du bois, pas une reprise
non, un gros clin d’œil seulement), et comme il y’a plus de poum-poum que de comptines ici, et que les
poum-poum ne sont pas assez boum-boum ou baoum-baoum (quoique vouloir du baoum-baoum serait trop
demander peut-être, on a quand même du bon poum-poum) pour me donner envie d’écouter ça plus de
deux-trois fois et d’appeler Douglas et Dirk à la rescousse (qui prennent le petit amerloque par la cravate et le
pendent au lustre sans lâcher leur clope). Oliver est un comédien, un américain qui joue les boches, les
frenchies, les belges aussi, alors qu’il est plus doué quand il fait ça à sa façon, quand il fait de la grosse techno
de rave même. C’est là le petit problème, le Horrorist est un acteur, il est capable d’assurer dans presque tous
les rôles (goth ou MC) mais il ne faut pas qu’il fasse du sur-place… Le côté détaché et smarty du gusse est un
vent de fraîcheur, certes, mais c’est aussi un peu son défaut, il n’a pas la sincérité brute de la bonne vieille EBM
(on sait très bien qu’il prend ça à la rigolade) alors que c’est une des conditions sine qua non pour faire de
l’EBM (ce qui est le but ici) - ça fait un peu petit joueur par rapport à un Fixmer, par exemple, voilà. Oui et en
même temps t’es un peu con Raven, l’humour est une des composantes de sa personnalité (vous assistez à
présent au doute qui me tenaille : mettre 3 ou 4), et on est parfaitement capable de faire de l’EBM en se jouant
des clichés (regarde un peu "Where's Adam", du Alles Ist Gut pur jus !) – oui et en même temps ce disque me
laisse un peu froid, alors fais pas chier Jeannot, et laisse-moi décider par moi-même. Au menu, un album moins
varié que son précédent – entendons nous bien ça reste assez "compile" mais ici c’est à 80% body music. "13
Dobermans" reste le gros hit de cette tracklist, celui qui file la patate au petit dèj, pour le reste ça va du bon au
passable, goût de redite et de légèreté malgré le côté toujours bien vicieux et bizarroïde cher au DJ; parfum de
Hacker, vagues airs de Tiga qui sera jamais chroniqué par la grognasse de Michel Denisot, de Nitzer/DAF/242
relooké-modernisé sur PC, plastoc Body Music pour nostalgiques. Sur la quasi-totalité du disque le petit Oliver
fait simplement mumuse, si on excepte son talent dans les minimaux maladifs c’est un peu le même principe
que les français de Motor, un tank majorette qui joue les panzers, la nostalgie de la vieille garde maniée par un
petit malin talentueux et arty mais un peu stérile, jusqu’à faire de la parodie (son numéro de nazi hystérique à la
fin, là, rigolo sans plus, ou son imitation de Klaus Nomi sur "Sex Machine"). Les paroles sont toujours
excellentes, aussi. Il y’a trois grosses pépites sur cet album en réalité : "13 Dobermans", "Close To You" et
"Pain And Pleasure"… mais pour ce qui est du reste je dois bien l’avouer, je goûte plus volontiers à Manic
Panic qu’à ce Attack Decay (rime pauvre, dommage). Un album d’attitude, en fait. Bon, mais purement récréatif.
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Note : 3/6
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SAVAK : Four.Hundred.Forty.Four.Days
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Tout droit, tête baissée : à l’instar de ZymOsiZ, SavaK n’a pas la prétention de faire dans la dentelle ou de
s’embarrasser de superflu. A la fois politique et pas politique (comprenez qu’il reprend le nom de la police
secrète iranienne mais comme ça pour de rire), Scott Beebe en plus d’avoir maintenu un des rares labels
power-noise américain (Possessive Blindfold) a décidé de nous brûler le scalp avec dix assauts ma foi plutôt
virils. Les breaks, les mélodies, tout ça c’est pour les gonzesses ; rien de tel qu’une bonne boite à rythme, de
l’écho, de la distorsion sur l’écho, plus l’écho sur la distorsion de l’écho, et la distorsion sur l’écho de la
distorsion de l’écho et c’est parti pour une heure de tourmente en spirale à un rythme démentiel (‘Four hundred
and forty four days’, ‘War crimes’, ‘Violent demonstration’, tous trois lorgnant facile les 200 bpm) ou à un
niveau de piétinement bœuf rappelant les tout aussi délicats Winterkälte (‘Crisis’, ‘Stalemate’). Le reste n’est
que villes en flammes, barrage de son à la truelle façon Converter et pas grand chose d’autre. A noter qu’un
projet noise réunissant ZymOsiZ et SavaK existe sous le doux nom d’Holocaust Theory, comme si leurs projets
respectifs n’arrivaient pas à faire suffisamment de bruit. A réserver aux fins gourmets et aux amateurs de
défonce brutale et sans préavis.
Note : 4/6
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ZYMOSIZ : Noiy
Chronique réalisée par Wotzenknecht
ZymOsiZ a tout pour faire fuir ses potentiels auditeurs. Un nom débile, des titres d’albums débiles, des
pochettes merdiques, un premier album inutile et un diminutif idiot : « zoz ». Ca m’en aura donc coûté, de
penser du bien de ce ‘Noiy’ ; mais force est d’admettre que c’est une tuerie pure et simple. Partant sur une base
tech-indus dure et atonale à la Hypnoskull ou Synapscape, ZymOsiZ se déparque pourtant très vite par une
construction évolutive que l’on retrouve plutôt chez les plus calmes du genre – Vromb ou Orphx – et j’aime
autant vous dire que ça décrasse. Les titres qui paraissent hyper répétitifs au premier abord foisonnent de
variations internes qui rend l’écoute de plus en plus immersive et addictive – le déversement de pulsations fait
écho à notre rythme corporel et c’est la machine qui mène la transe jusqu’à vider le corps de sa substance,
comme sur le monstrueux et indispensable ‘Signal In’. James Vietzke arrive à habilement jouer avec les codes
de la techno minimale (des ajouts et des soustractions subtiles) avec un style qui se prête plutôt à
l’aplatissement aveugle, faisant de ‘Noiy’ la trame sonore d’une extermination méticuleuse où chaque tir atteint
son but. Abrutissant, fascinant, hypnotique jusqu’à la nausée.
Note : 5/6
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ASCHE : Non Apocalypse
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Bien avant de se lancer dans le power-noise Ant-Zen-style, Andreas Schramm et son projet Asche décrivait les
affres du monde contemporain, de la disparition du spirituel et de la nature, et toutes ces choses qui font le
bruit de fond de plein d’artistes au tournant du troisième millénaire (espérant vainement que le choses allaient
symboliquement changer lors du passage de l’an 2000 ?) et que l’on retrouve à la même époque chez Mother
Destruction, Memorandum, Morthound, Psychick Warriors ov Gaia… formant une espèce d’armée
écolo-bidouilleurs utilisant leur matos électronique pour faire revivre des instants ou des cultures passées ou
encore pour solliciter les gentils à arrêter de pourrir la planète. « Move ! Gaia Cannot Wait ! » nous dit le livret.
Pourtant, à part à certains moments précis (‘Move !’ donc ou la fin de l’épique ‘Chitipari’s Ritual’) il y a bien peu
de rythmes dans cette non-apocalypse, plutôt à considérer comme une collection de fresques narratives où
chaque titre semble raconter sa propre histoire de façon plus ou moins abstraite ; faisant appel aux field
recordings, au sampling, aux percussions lointaines ou parfois même à l’indus extrémiste comme sur le très
bruyant ‘Nerves floating out’ qui rappelle Proiekt Hat ou Xenonics K-30. Dépaysant et un brin inégal sur la
longueur, mais intéressant pour bien comprendre l'objectif initial de tous ces groupes qui ont lancé cette vague
electro-indus à l'allemande.
Note : 3/6
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ASCHE : Distorted Disco
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Hello ? Hello ? Anybody there ? Après un premier titre purement ambient, une voix bien seule, au bout d’un
téléphone, nous pose cette question avant que la machine brutale ne se mette en marche. Ca râpe, ça crisse, ça
martèle lentement, et puis le monstrueux ‘Riding on the atomic i.c.e.’ te roule dessus aussi subtilement que ‘Le
dénominateur commun’ d’Iszoloscope, à la rythmique quasi-identique. Mais Asche, au départ, n’avait pas
l’intention de te défoncer la gueule, retour au calme donc (tout est relatif) au cinquième titre (‘T.V. Wasted’) avec
quelque chose qui évoque vaguement Scanner – cette ambiance éthérée, ces voix superposées – et ça reprend
de plus belle un peu plus loin, ‘Peter, Jesus & Me’ qui boucane à tout va, et ce Testing Show (for a green fuzz)
que l’on croirait piqué à Winterkälte. Entre temps, il y avait des choses plus calmes, comme des appels d’air :
‘Zapped’ à la techno aux relents acid, le doomy ‘Doom’ aux rythmiques plombées et surtout le glacial ‘Inside
the Sarkophagus, nouvel essai ambient aux fréquences suraiguës à foutre la chair de poule façon Le
Dépeupleur. Dur, dur, de commenter un tel disque foisonnant dont tous les styles abordés le sont avec brio,
tant dans la violence que dans la subtilité. Asche semble à l’aise dans tout le spectre abordable d’Ant-Zen sans
donner l’impression d’aller n’importe où ; à croire même que c’est lui qui a fixé les bornes du label, imposant
ainsi l’esthétique et la philosophie de Fich-Art – son label, avec Synapscape et donnant du fil à retordre à ceux
qui ne voyaient dans son projet qu’un vague brouhaha apocalyptico-écolo. 4,5
Note : 4/6
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ASCHE : Distorted DJ
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Difficile de savoir ce qui se cache derrière le premier opus ce double CD : live, enregistrement d’une traite,
improvisation ? A vrai dire, on s’en fout ; ‘Distorted DJ’ c’est juste une longue et éprouvante offrande
tech-indus à considérer comme une seule pièce de quarante-trois minutes qui semble extraite d’un contexte
rituel un brin nihiliste où les pulsations mécaniques ont remplacé les percussions chamaniques. Plus
simplement, on pourrait parler d’ambiance free party, avec cet étrange amalgame de pensée industrielle
mélangé au hippie-qui-s’ignore, celui des rave et des travellers, qui danse pour Gaia et tout ça (théorie qui se
confirme avec les débuts plus ambient et aux thématiques très greenpeace de Asche). Bien goret donc, varié,
bien défoulant et pas si cruel que ça sur le fond malgré une forme musclée. Le CD de remixes mérite qu’on lui
porte une petite attention même si tout n’est pas gégène : les titres comme ‘Atomic i.c.e.’ souffrent d’être déjà
foutrement bons à la base et n’ont nul intérêt à se faire rajouter ou modifier quelques sons, fût-ce par MS
Gentur, Ah Cama-Sotz ou Dieu lui-même, du coup s’ils sont réussis c’est surtout parce qu’ils ressemblent
toujours à la tuerie de départ. On aurait envie de dire qu’il vaut mieux se pencher sur ceux qui osent le
nettoyage de fond façon Valérie Damidot ; mais comme cette dernière, tout changer n’est pas forcément une
bonne chose et ce n’est pas le très timide Converter ou le piètre et étouffé remix d’Institut qui infirmeront mes
dires. Ceux qui s’en sortent le mieux à long terme sont les remixes technoid/idm discrets et plutôt bien foutus
(Xingu Hill, Architect) ainsi qu’un gros paquet de muscles signé Habeeb. Une sortie le cul entre deux chaises,
imparfaite mais pleine de bonnes intentions, que l’on retiendra surtout pour ce mix-set qui transpire comme le
mec de la pub Axe Dry (avant qu’il n’en mette, évidemment : ça allait jusque là).
Note : 5/6
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A.O.A. (AXIS OF ASCENDANCY) : Axis of Ascendancy 1982-1990
Chronique réalisée par Twilight
Dans la série 'Découvert sur Myspace', voici A.O.A. pour Axis of Ascendancy, formation anarcho-punk
originaire d'Ecosse qui fut active entre 1982 et 1990. Chance ! Le groupe proposait un double cd
regroupant la quasi intégralité de ses enregistrements à prix modique (fidèle à la tradition, il conseille au
consommateur le prix à ne pas dépasser pour l'achat). Le premier cd nous propose des chansons
enregistrées entre 1982 et 1985 alors que le chant était assuré par Steven Telford. A.O.A. pratique un
alors un punk rapide sur un rythme de mitrailleuse, des accords simples et répétitifs pour mettre les textes
en valeur, lesquels sont scandés plus que chantés. Si les compositions suivent une structure assez
répétitive, leur avantage est de ne jamais virer dans le bordel absolu (sauf sur les morceaux live dont la
qualité est catastrophique) et la voix de Steven, pas trop rocailleuse, est plutôt plaisante. Parmi les grands
moments, 'Who are they trying to con' qui démarre avec une intro bien glauque avant de s'accélérer, 'War of
ignorants' et 'Disaster area'. Le second cd présente la période entre 1986 et 1990 qui verra se succéder deux
chanteurs, James Murphy puis Rich Bastard pour les deux dernières années (témoignant d'essais plus
mélodiques). Si globalement, l'angle d'attaque reste le même, le combo diversifie un brin ses compositions,
travaillant le côté le plus lourd et sombre de ses intros, s'aventurant à une batterie plus roulante et variée
('Acceptance of what', 'Material profit', 'Existing not living') et quelques passages moins rapides. Les deux
vocalistes assurent plutôt bien la relève et les propose restent engagés: non au nucléaire ! Stop à la guerre ! La
nature en danger...Comme bien des formations anarcho-punk, malgré une musique violente et des textes
tranchants, A.O.A. prône des valeurs plutôt positives. Quelques bonnes surprises parsèment l'écoute ainsi les
vocaux féminins en guest sur le bon 'Does it matter' et les claviers de 'A small world/ascendency' démontrant
que si le groupe a probablement splitté au bon moment, il avait bien progressé et s'était bonifié avec le temps.
En résumé, du bon anarcho-punk qui plaira aux fans du genre; pour ma part, c'était mon coup de coeur
d'octobre 2008.
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Note : 4/6
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CRANES : Cranes
Chronique réalisée par dariev stands
Quand j’ai découvert les Cranes en 2001 en écoutant Future Songs dans une borne d’écoute Fnac, je n’en
croyait pas mes oreilles. Cette voix… cette voix de "fée sous hélium", comme on l’a tant écrit, cette voix qui
semble être la justification du mot "éthéré", et cette musique d’un autre monde, qu’on aurait juré produite par
un groupe d’éléctro récemment débarqué de nulle-part. Cranes était alors un groupe qui dégageait un certain
halo de drogue et de mystère, comme il en naissait et mourrait tous les jours à cette époque-là. Bien sûr, c’était
avant internet (pas tout à fait, mais je triche), avant que je ne tape le nom du groupe sur ce site, persuadé de les
y trouver, avant que j’apprenne que Cranes était en fait l’un de ces groupes sans the (comme Pixies, tiens) du
début des années 90, entre Shoegaze et Cold wave, avec une tripotée d’albums derrière lui. Charme rompu ?
Pas vraiment, au vu de mon état de fébrilité à l’annonce de ce 8ème album, éponyme. Grand dieux que cette
musique ne vieillit pas. Aux satins des guitares et au brouillard des samples, les Cranes ont préféré la nudité
des arrangements électroniques, très dépouillés réduits à l’essentiel pour ce disque. Sans oublier l’exercice
désormais imposé pour toute chanteuse à voix sexy : la chanson en français ! ça ne rate pas ici non plus :
Panorama est une jolie histoire façon Alice, c’est très mignon, et sans le livret, personne ne saurait jamais de
quoi ça parle tant l’accent est from outa space. Mais quand une petite merveille comme Wonderful Things
survient juste après, on est prêt à pardonner beaucoup. Alison Shaw ferait rendre les armes à n’importe quel
guerrier viking, ferait fondre le cœur du plus endurci des bagnards, et rassurerait l’âme du plus apeuré des
ermites sociaux (le cas le plus difficile, rappelons-le). Sa voix n’a pas changé depuis toutes ces années, mais
elle a, en revanche, visiblement appris à placer son chant et à en gérer toutes les modulations… (Move Along,
Wires) Résultat : de la première à la dernière seconde, l’envoûtement est total, immédiat et irréversible. Et puis
ça fait plaisir de voir un groupe qui ose encore offrir à ses auditeurs ce cadeau si désuet mais si précieux,
grand oublié de la révolution du téléchargement : un livret. Un vrai, un travaillé, avec un concept : Extérieur nuit
bleue, intérieur jour, en très gros plan sur le sol de la forêt… sans oublier les paroles, toutes autour du thème
du renouveau personnel et de la recherche de changement… Quelques micro grammes de Dreampop (avec un
D grand comme ça) dans un monde de brutes (-al death)… Offrez-vous au moins ça, crénomdidiou !
Note : 5/6
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MC5 : Kick out the jams
Chronique réalisée par dariev stands
L’antidote. À tous les faux énervés, les faux rebelles, les faux durs qui pullulent depuis le milieu des années 90.
Voilà ce qu’a été pour moi ce disque. Une sorte de refuge, d’ovni total dans les bonnes vibes des années 60, de
preuve que le punk existait bien avant d’être théorisé (même si on peut facilement remonter jusqu’à Link
Wray…), que Elektra aurait distribué dans un coup de folie totale, sous simple condition de remplacer ce «
motherfucker » par « brothers & sisters » (c’est la version que j’ai sur mon lp… snif). Un beau dommage
également que ce ne soit pas l’ouverture du disque… « Right Now… Right Now It’s time to… KICK OUT THE
JAMS, MOTHERFUCKERS !!!! ». Y’en a-t-il après pour croire que le mot a été inventé par cette tanche de
Johnny Rotten ? Que le punk a été inventé par des Anglais, sans groupe annonciateur dans les 60’s ? Que
Malcolm McLaren a fait autre chose que repiquer les idées de Sinclair façon campagne de pub (Johansen et
Johnny Thunders faisaient parti du « bromley contingent » des MC5, comme c’est curieux)? Qu’ils s’étouffent
avec ce disque. Poussé à fond jusqu’à ce que le son sature (très facile, vu l’enregistrement 100% dans le
rouge), cette galette est l’un des premiers annonciateurs de la noise à ma connaissance, et probablement l’un
des meilleurs. Vous voulez savoir ce que les mots « sauvagerie », « sueur », « adrénaline », « violence » et «
public chauffé à blanc » signifient ? Motor City 5, pour vous servir. Des brutes épaisses, des blancs aux coupes
afro énormes que les blacks ne porteraient que 1 ou 2 ans plus tard… Des cocos, avec ça. Le pire fléau après
Satan himself, pour des américains. Ils prennent ta mère à 5, et ils la collectivisent, compris ? Rien à foutre du
ridicule et de la naïveté du concept politique ou de la voix du prêcheur (« Brothers and sisters !!! –
Ouuuuaaaaaiiiiiiss !!! – Attendez, j’ai rien dit, encore… »), rien à foutre du machisme qui suinte littéralement de
chaque mot, ce disque c’est un parpaing de plomb en fusion made in Detroit qui te décape la face. Et malgré la
reprise - ou devrai-je dire le JOUISSIF SABOTAGE – de Motor City Is Burning de John Lee Hooker, force est
d’admettre qu’il n’y a plus grand-chose du blues dans cet album. A la limite, si le son était moins mauvais, s’ils
n’avaient pas flanqué les deux grattes d’une distorsion que personne n’osait ne serait-ce qu’envisager à
l’époque, peut-être qu’on verrait mieux les influences derrière ces compos finalement un peu faibles, imitant
pas mal les shouters de la soul comme Wilson Pickett ou Otis Redding (si si). Seulement voilà, ici, ce n’est ni le
chanteur, ni la chanson qui compte. C’est la manière dont c’est balancé à la face du monde, plus que tout. Sans
rémission, sans pare choc, rien que dans l’émeute et dans la violence. Les deux derniers morceaux sont
composés avec Sun Ra, I Want You Right Now où tout le groupe semble en rut quand la musique s’arrête, et
Starship, tentative de décollage free rock à la Hendrix… Mais le Five, on le sait, n’avait aucune inclinaison pour
les aventures psychédéliques. Son truc, c’était de rocker, plus dur que n’importe qui à l’époque, sans se
soucier une seule seconde du son pourave et des amplis qui crament. Le groupe, dans son contingent de
techniciens, roadies et autres fans, était le premier à incorporer un “Ministère de la Défense”, comme le fera
Public Enemy bien plus tard, avec des idéaux touts aussi extrêmes. Extrême, c’est le mot idéal pour décrire ce
disque. A sa sortie, c’est certain, les Psychedelic Stooges d’Iggy Pop ne pouvaient qu’être admiratifs devant
tant de furie sonique. Même si Iggy dira avoir été d’emblée dégouté par la propagande galopante de John
Sinclair,le gourou d’extrême gauche du groupe, leader des White Panthers - mouvement ultra libertaire,
pro-légalisation de toutes les drogues, pro-partouze et pro-dynamitage de maison blanche. Lennon lui dédiera
deux chansons, avec et sans les Beatles. Le mot de la fin, histoire d’enfoncer le clou : Kick Out The Jams
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Motherfuckers (je suis sur qu’ils auraient voulu mettre ça comme titre d’album), rend caduque tous les albums
live sortis après lui, et le solo qui achève la face A (le cd, c’est contre-révolutionnaire) fait passer tous les
solistes heavy metal où autres pour ce qu’ils sont : des petites bites (oui, Ted Nugent, surtout toi).
Note : 5/6
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TANGERINE DREAM : Autumn in Hiroshima
Chronique réalisée par Phaedream
Voici la 3ième saison des 5 saisons atomiques d’Hiroshima. Peut-être qu’Edgar commence à manquer de jus!
Avez-vous idée de combien de singles, EP, DVD ou concerts que TD a réalisé entre la 2ième saison et celle-ci?
Trop peut-être, car Autumn in Hiroshima souffre d’une carence émotive, créative et visionnaire. De passion
même, comme on pouvait l’entendre lors des 2 premiers volets. Pourtant ça démarre assez bien avec Trauma.
Une atmosphère métallique avec des notes froides à saveur orientales qui subitement épousent la structure
séquentielle de Song of the Whale. Froese exploite une zone sombre et intrigante, aux synthés de métal qui
épousent une forme symphonique, sur de superbes arrangements. À la fois sensuel et lancinant, le tempo
traîne une mélodie nostalgique qui explose lorsqu’un avion surplombe un horizon apocalyptique. Le rythme
devient plus lourd et embrasse un étrange effluve de western galactique sur de superbes arrangements
orchestraux. Trauma est un énorme titre qui se fond dans Reset et Awareness, deux titres à saveur d’une
morosité atomique.
Atoniques et métalliques, les mouvements flottent sur des synthés mellotronnés aux échantillonnages vocaux
d’une tristesse linéaire. Si Reset est plutôt tiède, Awareness est d’une beauté cataclysmique avec la superbe
voix de Barbara Kindermann qui flotte telle un esprit bienveillant sur les cendres d’Hiroshima. Ce premier
segment est de loin le meilleur sur Autumn in Hiroshima. Novice et sa suite nous plonge dans le monde usuel
et laconique de TD; synthé aux vocables bo150ons sur fond d’écran Froesénizié. Du rythme léger, mariné à des
spectres flottants (Stranges Voices, Mellow Submersion et Nothing at all). On peut écouter cette section en
boucle sans s’apercevoir que l’on tourne en rond, tellement que ça sonne pareil. Sauf pour le dernier tiers qui
semble sortir des limbes, tant le maillage avec l’esprit de l’opus semble incohérent. Insight et Omniscience sont
deux bons titres dans l’esprit TD des années Melrose.
Bref, Edgar a manqué de jus, de finition. Après un départ canon, qui n’a rien à voir avec le rythme, Edgar a
perdu le lien et fait du laptop…..dommage car ça s’annonçait si bien.
Note : 3/6
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AERTS (KEES) : If One Door Closes
Chronique réalisée par Phaedream
Dans son genre Kees Aerts est un pilier de la MÉ. En plus d’être l’un des fondateurs de Groove, il tente de
découvrir de nouveaux talents, fait la promotion de la MÉ en plus d’organise de nombreux festivals dans les
Pays-Bas. Côté musique? Il a collaboré sur certains albums de Ron Boots, notamment en concert et a réalisé
un album en 1997, Slices of Time. Depuis il a écrit de la musique pour certaines compilations, des films et pour
se faire plaisir. If One Door Closes est le fruit de sa passion, échelonné sur une période de près de 20 ans. Une
collection de 12 titres composé entre 1990 et 2008, touchant ainsi touche un large éventail temporel tout en
alliant styles et saveurs.
Et ça part avec Undelivered Delivery. Un titre qui rugit nerveusement, après une intro atmosphérique lourde aux
échantillonnages industriels, sur une ligne de basse pesante. Une basse qui mord une séquence hoquetante
sur un synthé agressif aux solos bouclés. Un clin d’œil aux années 70, à Space Art et Frédéric Mercier. Un petit
bijou accrocheur avec une superbe saveur analogue, comme on en trouve à pleines oreilles sur If One Door
Closes. Je pense notamment à Dragonfly et son approche Kraftwerkienne. Une comptine électronique
amusante et accrochante. Tout le contraire de Monkeys avec son tempo rapide en staccato, dans une ambiance
légère; Paloma, une rumba bien sympathique avec une mélodie un brin nostalgique qui rappelle Jarre; The
Challenge et Another Doors Open avec ses synthés angéliques. Put me Down, Scotty aborde une approche
futuriste à la Blade Runner. Une séquence aux sonorités de percussions tablas s’installe, accompagnant une
belle mélodie sifflée sur un synthé discret. Un très beau titre qui précède l’un des deux longs titres sur If One
Door Closes, Decision Time. Un titre écrit en 2008, Decision Time emprunte les sentiers de Robert Schroëder,
avec un vocodeur brumeux, qui souffle sur une légère basse ondulante. Une basse qui permute en une superbe
séquence lourde, animant un rythme pulsateur et résonnant, dans un univers assez éthéré. Le synthé
mellotronné est superbe et moule une ligne rêveuse et sensuelle. Un des deux titres progressifs sur cet opus,
l’autre étant Move Forward and Discover. Entering the Unknown est le titre qui accroche le plus sur If One Door
Closes. Des percussions martèlent un tempo lourd et hypnotique, alors que le clavier fait danse ses accords
avec une approche nerveuse. Un délicieux paradoxe harmonieux.
The Sun Shines, The World Smiles et Sunray sont deux titres écrits en collaboration avec Ron Boots. Des
mélodies synthétisées qui accrochent et qui se sifflotent aisément sur des beats souples, nerveux mais discret.
Si The Sun Shines, The World Smiles semble plus nostalgique avec ses vagues qui refoulent un brin de
tristesse, Sunray est tout simplement éclatante de vie. Un monde de romance et d’espoir qui accroche à la 1ière
écoute. Move Forward and Discover est l’autre titre électronique progressif de ce 2ième opus de Kees Aerts.
Écrit aussi en 2008, il débute avec un synthé flou aux effets sonores et pulsations analogues, à la Jarre. Une
séquence lourde et névrotique explose, entraînant un beat endiablé qui sautille nerveusement sous des ondes
enveloppantes. D’autres séquences divisent le rythme, avec de fines percussions analogues rappelant l’univers
de Jarre sur Oxygene et Equinoxe. Un superbe solo enveloppe ce torrent musical, qui est cerné de chœurs
célestes et d’ondes mellotronnées à faire rêver les puristes de MÉ.
If One Door Closes est une surprenante collection spatio-temporelle. Kees Aerts nous fait voyager aux travers
l’histoire de la MÉ avec une déconcertation étonnante. De belles mélodies accrochantes à des titres plus
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complexes qui étonnent par leurs côtés harmonieux, voilà de la bonne MÉ qui risque de plaire à tous. Un genre
de Best of d’un artiste qui est resté silencieux trop longtemps.
Note : 5/6
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MELECHESH : As jerusalem burns... al'intisar
Chronique réalisée par Sheer-khan
Tu la veux ta putain de baffe? Alors réjouis toi : tu viens de t'arrêter sur le bon groupe... mais pas tout à fait,
encore, sur le bon album. Melechesh a inventé le terme de mesopotamian Black metal pour définir sa musique,
alors prenonsle. Du black metal donc (!), aux textes référant à la mythologie assyrienne, et à la musique infusée
d'orient. Si le groupe trouvera son style définitif avec "Sphynx", "Djinn" se révèlera déjà un album
particulièrement original et convainquant, même si la dimension thrash et la fusion cohérente des influences
n'y atteignent pas encore l'éclat de la suite; il en possède d'ailleurs une fraîcheur notamment mélodique qui lui
est propre, totalement absente du suivant. Mais revenons Al'intisar. Il s'agit encore de black metal pur, même si
rythmiquement beaucoup plus riche et dense que l'immense majorité des album BM, et dans lequel l'influence
orientale se dégage pour l'instant bien plus des rythmiques, justement, que des mélodies. (Melechesh est de
toutes façons un groupe au mélodisme plutôt retenu, très loin d'un Orphaned Land). La rythmique fait
incontestablement partie, dès ce premier album, de la vision d'Asmedi et Moloch, et ce jusque dans le jeu de
batterie : entre ce disque, "Sphynx" et "Emissaries", on va retrouver un style totalement équivalent, à la
personnalité très marquée, constante et reconnaissable entre mille; il s'agit pourtant de trois batteurs
différents. Plus informément blasté que les autres, plus couramment parcourus de riffs triple croche, "As
Jerusalem burns... " est certes le moins typique, le plus classique des albums de Melechesh, mais il possède
déjà une vraie personnalité. Ces putains de syncopes surjouissifs et groovissimes y sont pour beaucoup, ainsi
que les reflets antiques dont se parent déjà quelques unes des mélodies. Une petite dimension de clavier à
l'occasion (détail qui disparaîtra totalement du vocabulaire du futur quatuor sur les passages metal, soit 99% de
la musique), une production plus crue mais déjà bien distincte, une précision dans le jeu qui annonce la
maestria des albums suivants (Melechesh de ce point de vue touche en effet grave grave sa bille) une
inspiration assez démoniaque que sert parfaitement la voix de gargouille d'Asmedi; voilà un bon album de
black metal rapide et aggressif, plutôt original. Mais dès "Djinn" (le 4/6 de notre vénéré webmestre étant
franchement sec), la personnalité du groupe se fera tellement plus forte, qu'on ne peut s'empêcher de trouver
ce premier album un peu mineur. La même note que Djinn, c'est un peu absurde... mais moi, à côté de 4, sur
l'échelle des notes, je vois écrit "bon"; et ce disque est bon... mais c'est vrai, c'est du black, et celui là plus que
n'importe quel autre Melechesh : faut être iveul.
Note : 3/6
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MELECHESH : Sphynx
Chronique réalisée par Sheer-khan
Si vous me demandez où j'ai trouvé les moments thrash les plus jouissifs qu'il m'ai été donné d'entendre, je ne
vous repondrai pas Slayer, ni Metallica, ni Testament (et pourtant...), ni Megadeth, et surtout pas Anthrax... je
n'irais pas chercher les monstres de seconde zone comme Death Angel, Kreator ou Overkill, et je ne pense pas
non plus à l'inégalable bombe nucléaire : Grip inc. Et si je fais ce, tout petit, listing de noms alors que vous
connaîssez déjà ma réponse au moment même où je pose la question, c'est notamment pour dire que si le
Thrash est sur guts le domaine incontesté de Magister Poky, ce n'est pas parce qu'il est le seul à connaître le
sujet, mais tout simplement le meilleur. Je tenais à le préciser à seule fin des très légitimes sceptiques, qui
pourraient de fait ne pas croire en ceci : Melechesh est l'administrateur des baffes les plus hallucinantes que le
thrash peut balancer. Au détriment, sur ce Sphynx en tout cas, d'une dimension un peu plus mélodique et
suggestive qui illuminait l'onirique "Djinn", début de la mutation, Melechesh va en effet approfondir pour définir
très précisement son style à partir de ce troisième album, en innondant plus avant son black metal d'une
manipulation des outils rythmiques et mélodiques du thrash comme personne, absolument personne, ne l'avait
fait avant eux. C'est une évidence dès qu'on l'entend : mélodiquement comme rythmiquement encore une fois,
le receptacle Thrash fusionne avec les fragrances moyen orientales avec une force... mais alors une force mon
gars! Il ne me semble pas humainement possible de résister au démarrage de "Incendium between mirage and
time"... mais ce n'est qu'un exemple. Re-situons un peu l'entité : Melechesh est un groupe au départ black metal
dont la vision profonde et passionnée est la communication des ambiances et mythes antiques du moyen
orient, Sumériens, Mesopotamie, Assyrismes et guitares saturées. De l'auto qualifié Mesopotamian Black metal
qui, maintenant, s'annonce de manière symptomatique comme Mesopotamian Metal. Le black a disparu? Pas
tout à fait, mais il est clair que "Sphynx" relève tout autant, si ce n'est plus, du thrash. "Sphynx", à l'image de sa
pochette, se présente comme un colosse de black thrash à puissance surhumaine. Melechesh, c'est
évidemment une patte : le jeu de batterie (avec ici son incarnation la plus saisissante par Maître Proscriptor)
impose les syncopes propres aux rythmes primaires moyen orientaux en créant un groove totalement unique et
d'une intensité cervicalicide imparable, les contours des accords et mélodies dégagent un parfum de désert et
l'ombre des pyramides. Attention : le moyen orient est une influence, pas une esthétique : ne vous attendez pas
à tomber sur une collection de mélodies arabisantes reverbérées à la sauce metal; si Melechesh peut s'adonner
à des tournures, se permettre une fois ou deux l'incursion de percussions folkloriques ou s'attarder un peu sur
une ambiance mythologique, ils restent mélodiquement et soniquement essentiellement thrash, et ne tombent
jamais dans l'orientalisme (presque pas assez, d'ailleurs, sur ce "sphynx", mais on y reviendra). Une patte,
donc, que Melechesh double désormais d'une véritable science. Science de l'enchaînement, de la rythmique
des riffs, du ralentissement, du break et de la fureur. Oui, Melechesh est un groupe extrêmement furieux; pas
forcément speed, pas forcément aggressif... non : furieux. La folie black metal qui dévaste régulièrement de sa
vitesse les structures des morceaux n'en est que partiellement responsable : Melechesh file des bourre-pifs,
tout le temps, à chaque riff, à chaque rupture, à chaque break. Certes, à l'arrivée, comme le dit si bien Chris aka
Xian aka Maître suprême Aka... (ah non, celui là faut pas le dire), dans sa chronique de "Djinn" : "Lors de la
première écoute le disque peut sembler un brin monotone, mais néanmoins je vous conseille fortement de ne
pas vous arrêter sur cette première impression, car c'est justement après quelques écoutes attentives que l'on
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rentre vraiment dans le jeu de Melechesh." Melechesh fait tourner ses riffs, encore, encore, il les enchaîne, tous
aussi boxeurs les uns que les autres, le tout dans une "retenue" mélodique typiquement thrash que viennent
seulement hanter les tournures sahariennes. Et puis cette musique est d'une cohérence presque opaque : le
son, puissant, chaud et mat, les constructions, l'unité d'inspiration et la constance un peu étouffante de
l'intensité du recueil ("Arrival ritual" est à ce titre, malgré, ou grâce à, sa sobriété monotone une halte
absolument magique) font des albums de Melechesh, et de celui-ci en particulier, de véritables blocs de metal
d'une heure, où il est difficile de respirer. Oui, ça ralentit, ça explose, ça se contorsionne sur les contre temps,
Melechesh maîtrise la rythmique coup de poing avec une perversité particulière. Mais le style est si marqué, la
densité si constante qu'il faut vraiment s'abandonner aux courbures des riffs et aux variations fondamentales
de vitesse pour se frayer un chemin de variété au travers du monolithe Melechesh. Ultime excellence : ces gars
là jouent vraiment, mais vraiment comme des bêtes. Proscriptor est phénoménal, très technique bien sûr, mais
jamais démontratif, il allie uhe précision et une dextérité incroyable à un véritable feeling, aussi souple que
percutant, et trouve sur ce disque le son idéal, le révélant à mon sens bien plus que chez Absu. Les guitares
n'ont rien à lui envier : précision, surpuissance, souplesse, dextérité... des bêtes. Mais "Sphynx" est aussi
jouissif... que légèrement frustrant. Jouissif pour tout ce que je viens de dire, et bien plus encore mais cette
chro est déjà trop longue, frustrant en raison de cette fausse monotonie, et de cette intégrité mélodique qui
empêche les véritables apothéoses mystiques. Comme le dit Ashmedi lui-même dans l'interview qu'il a accordé
à Nicko pour G.O.D, cette musique, on peut headbanguer dessus, mais on peut aussi s'asseoir et partir dans un
trip. Ici, le pouvoir headbanguant est si phénoménal, qu'on ne peux que regretter que le trip ne soit pas aussi
orgasmique. On se félicite évidemment que Melechesh ne donne ni dans l'orientalisme ni dans la débauche de
sons, cette posture lui donnant un impact et une cohérence tellement incontestable, mais.... gnfff... on regrette
presque un peu quand même. 4 ans plus tard, "Emissaries" vient nous dire deux choses : à quel point
Melechesh a trouvé son style de part son côté "Sphynx part II", mais aussi et surtout que la toute petite pincée
d'épices dont on rêvait sans oser le dire en écoutant "Sphynx", Melechesh en a finalement trouvé la parfaite
composition.
Note : 5/6
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MELECHESH : Emissaries
Chronique réalisée par Sheer-khan
De "Sphynx II", ce 4ème album des fabuleux Melechesh s'extrait peu à peu, à mesure des écoutes et de
l'abandon, pour s'imposer comme, à mon humble avis, un des albums les plus aboutis et percutants de
l'histoire du metal; rarement but aussi clairement défini, n'aura été aussi pleinement atteint. Jusqu'ici il y avait
deux camps : ceux qui regrettent l'orientalisme un peu plus prononcé de "Djinn", et ceux qui ont mesuré
l'accroissement phénoménal de puissance acquis sur "Sphynx" et n'arrivent donc pas à le considérer
autrement que comme le chef d'oeuvre du groupe. Je n'ai pas non plus trouvé (je n'ai certes pas énormément
cherché) de chronique d'"Emissaries" le définissant comme fondamentalement autre chose qu'un "Sphynx II".
Certains le disent un peu plus soft, d'autres pointent avec justesse la qualité accrue du son en regrettant
néanmoins, avec encore plus de justesse, le son si mat et authentique de la batterie de Proscriptor, ici plus
"brillante" et sèche. Plus soft... non, décidément, je ne trouve pas. Plus contrasté, plus aéré, plus heavy, oui, ce
disque renoue aussi plus fréquemment avec le black metal et sa fureur, et on ne peut pas dire que ces 55
minutes de toute puissance metal soient plus "soft", non, que le simplement compact "Sphynx". Mais il n'y a
pas que le détail du son et la richesse accrue des gestions dynamiques qui ont bougé; il y a aussi le spectre
mélodique et harmonique, qui s'est enfin réouvert. Dans les leads, dans les soli, dans les ralentissements et
breaks aux harmonies pesantes comme de gigantesques temples de pierres, Melechesh met plus de couleurs,
plus de parfums, plus de richesses, plus d'ampleur. C'est beau et trippant, c'est aussi incroyablement puissant
et jouissif. Ceux qui m'ont fait l'honneur de cliquer sur la page "Sphynx" ont vu que je m'étalais en longueur
dans mon évocation de la musique du groupe. J'aimerais, dans une certaine mesure, éviter cet écueil ici. Mais
la musique de ce groupe extraordinaire est si efficace, si cohérente, et en même temps si particulière... tout cela
est si alchimique. Ce n'est pas du black/thrash un peu teinté d'influences orientales, ce n'est pas non plus du
black/thrash innondé d'influences orientales, ce n'est toujours pas du metal folklorique, c'est... bah du
Mesopotamian Metal. Ce n'est pas une superposition de metal et de moyen orient, ce n'est pas un mélange :
c'est une véritable fusion. Ashmedi le sait : l'application des rythmiques orientales au thrash est bien plus
qu'un "coup", un "effet" : dès qu'on écoute Melechesh ça s'impose comme incontestable : c'est une
réinvention. Et puisque je ne veux pas m'attarder, je m'empresse d'aborder le sujet central de toute chronique :
qu'est-ce qu'on ressent à l'écoute de ce disque? A quoi ça ressemble? ... et bien c'est exactement à la hauteur
de ses promesses : c'est un album de metal plutôt extrême qui donc défouraille grave, dont l'impact thrash est
phénoménal et désormais sublimement réenrichi de black mais aussi de heavy, et qui se pose également
comme un voyage absolument fabuleux dans la Mésopotamie antique et mythologique. C'est non seulement
d'une puissance et d'une efficacité hors du commun, d'une richesse parfaite, mais c'est aussi merveilleusement
trippant. Tu vas te retrouver au beau milieu du désert en pleine nuit, invoquer des dieux que tu ne connais pas,
errer entre les colonnes énormes d'un temple creusé dans la montagne et chanter comme un bourrin avec ces
choeurs graves qui en appellent à Tiamat, et tout cela en serrant les poings à t'en péter les phalanges dans un
headbang incoercible. C'est un disque totalement génial.
Note : 6/6
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WALKER (Scott) : Scott
Chronique réalisée par dariev stands
Dans le genre ouverture imposante, ce disque se pose-là… Premier album solo de Scott Walker, premier
morceau… Mathilde de Jacques Brel ! Oui, moi aussi ça m’a surpris à l’époque, même si je connaissais le Scott
Walker chansonnier avant de connaître son versant gutsien. C’est que s’attaquer à Brel en anglais relevait du
suicide, et pourtant, pourtant… Cette reprise est magnifique, soulevée littéralement par un mur du son bien
plus haut que celui de Phil Spector, un fleuve de cordes dans lequel la voix divine (pas d’autre mot possible) de
Walker rame à contre-courant. On ne descendra pas de cette somptueuse architecture sonore jusqu’à la fin du
disque, admiratifs devant la production proprement colossale exposée ici, et pourtant sertie de détails
incroyables, lustres tintant dans le noir, réverbérations fiévreuses et cuivres tonitruants sonnant une charge
imaginaire. Le contraste produit entre la frénésie du 1er titre et le calme de Montague Terrace produit un effet
de tétanie chez l’auditeur… On a l’impression d’être une gargouille suspendue aux murs d’une cathédrale
d’arrangements somptueux… vomissant un déluge, que dis-je, une avalanche de cordes sur les pauvres
passants en contrebas, qui se voient soudain pris par surprise par la mélancolie. Surprise, c’est encore le mot,
pour la chanson suivante, celle qui décroche un rire jaune de terreur à l’auditeur désorienté : Angelica. Chers
amis, en exclusivité pour vous, Scott Walker interprète la chanson de la Star Ac 1 ! Si si… "La Musiqueuh",
c’est bien de celle-là dont je parle. Si je vous préviens, c’est pour vous éviter l’infarctus que je me suis fait au
moment de tomber dessus… Quel choc ! Eh oui, avant d’être ringardisée à vie par TF1, ce morceau était un
standard de la chanson des années 60, repris par Nicoletta et donc, Scott Walker. De quoi relativiser vos
notions de "chanson de merde" et de catégories, parce que là on parle quand même du créateur de Tilt et The
Drift, pas de Jenifer… La délicate The Lady Came from Baltimore – de l’excellent Tim Hardin - nous remet de
nos émotions avec son tempo enjoué (c’est rare chez Scott Walker) et sa guitare country, faisant un pont tout à
fait singulier entre chanson "européenne" et folklore américain. C’est que Scott Walker est un ovni à lui tout
seul, un jeteur de pont entre les extrêmes, bien malgré lui… En plus d’être devenu ultra respecté parmi les fans
de musiques expérimentales (en dépit de son passé de mec has-been même pour la pop), Scott Walker se paie
le luxe d’être l’auteur du seul album sur Guts que mon père pourrait apprécier… Et ça, ça ne s’invente pas. La
face A se clôt dans la même intensité dramatique qu’elle a commencé, avec une autre reprise de Brel, le
gothique avant l’heure My Death, un tourbillon d’émotions au refrain en forme d’abîme vertigineux duquel
l’éternel semble nous contempler… La face B est un peu moins puissante, les compositions de Walker y étant
plus timorées (son chef d’œuvre ici est bien Montague Terrace, qu’il fallait oser placer juste après Mathilde,
mais le résultat est bluffant). Elle permet au moins de confirmer l’orientation ambitieuse et le parti pris adulte et
mélancolique nouvellement pris par Scott, qui, délaissant la carrière facile que lui promettait son statut de
gueule d’ange au sein des Walker Brothers, s’offrait là un grand saut dans la cour des grands, sur un chemin
escarpé qu’il était bien le seul à emprunter à l’époque… Le clou est enfoncé avec la reprise finale du "Port
d’Amsterdam", LE classique intouchable, que Walker interprète sans une once d’humilité ou d’intimidation
devant l’original, en rendant finalement honneur au morceau… On ne peut qu’imiter Keith Altam, qui, dans les
notes de pochette de ce disque, cite le poète John Keats : "Beauty is truth, truth beauty – that is all.". Zappa
contredira, mais pour l’occasion, nous acquiescerons face à la majesté de l’œuvre, à laquelle il est bien difficile
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de rendre hommage par des mots...
Note : 5/6
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BOYD RICE & FIENDS : Wolf pact
Chronique réalisée par dariev stands
L’autre jour j’ai croisé un personnage pour le moins curieux au détour d’une étagère décrépie de la grande
bibliothèque… il portait un vieux treillis militaire orné d’insignes miteux et de symboles que ne j’avais encore
jamais vus, ainsi qu’une paire de lunettes teintées complètement démodées… Il paraissait tout à fait normal vu
de l’extérieur, quoi qu’un peu bizarre, mais dès que la conversation s’est engagée j’ai su que quelque chose
allait de travers. Son débit était calme et mesuré, mais les choses qu’il évoquait sortaient tout à fait de
l’ordinaire. Il m’a raconté cette histoire invraisemblable, celle d’un dieu ancestral qu’il désignait comme le
"Forgotten Father", et dont il avait visité le temple, avec son ami (un certain Douglas P.), dans un pays étranger
(il semblait vouloir garder secret jusqu’au nom du pays…). Il me raconta les choses qu’il vit à l’intérieur : des
escaliers à n’en plus finir, vers le haut comme vers le bas, et chaque étage représentant une époque différente,
comme rescapée des limbes du temps… Et bien sûr, si la descente faisait remonter dans le passé, la montée
permettait de visiter le futur… Si je vous raconte tout ça, c’est parce que la Face A de ce "Pacte des Loups" (le
premier qui me parle de Christophe Gans va au piquet), est tout simplement la vingtaine de minutes la plus
accessible et troublante du genre que j’aie pu écouter. Alors certes, cette histoire de Forgotten Father est à
retenir son souffle, racontée comme si Boyd Rice était là, devant vous et une tasse de thé, et vous confiait son
périple, mais elle prend tout son intérêt dans l’écrin que constitue ces 7 premiers titres, où carillonnent
cloches, percussions martiales embrumées et chuchotements interdits… L’ambiance est pastorale, hors du
temps comme souvent dans ce genre de musique, et donne l’impression s’élever au dessus d’une mer d’or
liquide tel Ecco le dauphin nageant dans des bulles d’azote suspendues dans les cieux… En guise de
contrepoint, la face B est un peu plus académique avec ses ambiances sombres et ses prédictions de déluge
de feu, toujours avec la note d’humour – involontaire peut-être, avec ce sample de film répété jusqu’à la lie où
une femme parle d’orchidée et de tête de mort, ce que les 3 trublions traduisent par "the death’s head" ! Alors
forcément, il est facile de ne voir que les aspects risibles (il y en a) de cette musique : passages fumistes,
redondances d’effets un peu puérils, imagerie drolatique (mais ça, c’est plutôt une qualité), mais à petites
doses, c’est fou ce qu’elle peut envoûter… Et puis, ils ont beau poser sérieux comme des papes dans l’herbe,
devant des nains de jardins qui font le salut nazi (dans le top 20 des pochettes les plus drôles, si vous voulez
mon avis), le tout reste quand même esthétiquement super abouti (objet, musique, paroles)… Ah la nostalgie de
la grandeur ou de la luxuriance passée… Eternelle source d’œuvres intéressantes…
Note : 4/6
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MERCURY REV : Snowflake midnight
Chronique réalisée par dariev stands
Mercury Rev, après avoir été, tout à tour, l’un des groupes les plus joyeusement siphonnés de la planète (je
reviendrai sur cette glorieuse période sous peu), et les tenants d’une pop orchestrale à la beauté sidérante, ne
pouvait que tomber dans le classicisme ou s’arrêter tout net… Ainsi le groupe du très grandiloquent mais
fascinant Jonathan Donahue avait un peu perdu de sa superbe avec un The Secret Migration plus lumineux et
moins habité. Mais encore tout à fait pourvu en mélodies féériques et arrangements capiteux. Avec ce
"Snowflake…", on descend clairement un cran en dessous. Où sont passés les compos ? Peut-être égarées
parmi les lapins, chats, écureuils, champignons et autres sauterelles (à la gratte, pour vous servir) qui
constellent l’univers du groupe. Donahue écrit toujours des paroles pétries de mysticisme et de panthéisme de
bon aloi, mais la flamme semble vraiment s’être retirée, bien que ce ne soit pas la catastrophe annoncée par
beaucoup. Certes, les arrangements éléctroniques, beaucoup plus présents qu’avant, nous font quelque peu
regretter les délices très "musique de chambre" des précédents opus (40), mais tout cela s’écoute malgré tout
avec bon plaisir, la tête dans les feuilles mortes en fixant le ciel, où contre la vitre d’une voiture qui traverse un
paysage engourdi par l’hiver. N’espérez quand même pas trouver ne serait-ce qu’un début de mélodie à
fredonner ici, Mercury Rev a pris le virage de l’atmosphérique pour cacher son manque total d’inspiration.
Dream of a young girl as a flower sauve quand même un peu les meubles, de par sa mise en scène
remarquabe... Mais c’est encore assez léger. En fait, ce qui handicape le plus ce disque, c’est cette impression
d’album instrumental auquel on aurait rajouté des paroles, qui sera confirmée lorsque le groupe annonce la
mise à disposition gratuite sur son site de Strange Attractor, album instrumental (pour de bon, lui) jumeau de
ce Snowflake Midnight, et qui semble surtout délesté d’un sacré poids comparé à ce dernier… A la limite, on
peut reconnaître au groupe l’honnêteté de ne pas prétendre avoir toujours l’inspiration des grands jours, et de
balancer discrètement un album sans fioritures, sans trop se fouler. Précision utile : sur scène, les morceaux
de cet album prennent une bouffée d’ampleur dramatique qui les rends beaucoup plus attachants…
Note : 2/6
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THE SISTERS OF MERCY : Live in the temple of love
Chronique réalisée par Twilight
'This is a digital live recording for the people who run for cover in the temple of love'...Nous sommes le 5 mai
1991 à Bölingen en Allemagne et les Sisters of Mercy nous présentent une quinzaine de morceaux alternant de
manière équilibrée ce que je qualifierais d''ancien répertoire' avec des titres de 'Floodland' et bien entendu
'Vision thing'. Première bonne nouvelle concernant ces derniers: l'impasse sur 'More'! A sa place, le bon
'Ribbons' et des 'Detonation Boulevard' et 'Vision thing' plutôt corrects. La sélection 'Floodland ? On n'échappe
pas à 'Mother Russia' hélas mais 'Flood II' compense un peu. D'un point de vue personnel, la présence de
l'excellent 'Amphetamine logic' a été un ravissement, même si les guitares sonnent un brin plus rock (époque
oblige) et ont perdu leurs attaques tranchantes. Pour le reste, 'Alice', 'Body and soul' ou 'Marian' démontrent
une fois de plus leur efficacité intemporelle; pareil pour la reprise de 'Jolene', presque un classique des
concerts de Andrew et sa bande, sans oublier 'Valentine'. Je signalerais encore la reprise de 'Gimme shelter'
dont le jeu de guitare est particulièrement mis en valeur au mixage, oscillant entre échappées rock'n'roll et
froideur 'Sistersienne'. La qualité de ce pirate, outre sa
track-list, reste sa qualité de son très bonne, et puis, septante-cinq minutes de musique, on ne se moque pas
de l'auditeur. A noter une légère bévue technique au niveau des pistes, 'Valentine' se poursuivant sur la 15
réservée à 'Vision thing' qui ne démarre qu'après une minute. Pour le reste, rien à dire, voilà un beau pirate que
les fans apprécieront.
Note : 5/6
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URANIUM USSR 1972 : Avarie
Chronique réalisée par Twilight
Angelo Bergamini aime depuis toujours Tangerine Dream, Can, Pink Floyd et autres...Rien d'étonnant donc au
fait que tandis que sa collègue Elena Fossi s'investit dans quelques projets plus electro-wave (Siderartica,
Spectra Paris) il s'offre un petit break plus expérimental sous la forme de Uranium USSR 1972. Purement
instrumental, ce side-project s'engouffre dans des voies conjuguant electro et industriel mais attention,
électronique n'est pas ici synonyme de dansant. C'est dans une perspective quasi hypnotique que se
construisent les cinq morceaux de 'Avarie': des loops qui tournent en boucle, s'étoffent de petits effets, de sons
passagers, de rythmes syncopés...Que Angelo prend à plaisir à briser ou malmener une fois la transe établie,
soit par des distorsions, des assemblages dissonants, quelques crissements ('Avaria'), sans pour autant
négliger tout soudain quelques nappes plus mélodiques ('Glaciation room'). Les passionnés de techno dans
ses formes les plus expérimentales ne seront pas surpris, c'est plutôt la manière de travailler le son qui porte la
patte Bergamini. On y sent une manière assez old school de travailler, en tournant des boutons, en montant les
curseurs, en modifiant des fréquences, en utilisant des sonorités ne sonnant pas trop 'fashion', probablement
le secret de ces ambiances froides et sombres ('Rain aesthetics', véritable B.O de film d'angoisse) qui d'une
certaine manière tournent autour de l'aspect le plus clinique et le plus étouffant des instruments électroniques,
sans la moindre once de chaleur ou même d'humanité. Niveau climats, l'essai est réussi, une fois de plus notre
Italien démontre son savoir-faire en matière de manipulations, prouvant qu'on peut faire beaucoup avec des
moyens limités. Maintenant, soyons francs, 'Avarie' a tout d'un exercice de style, plutôt réussi certes mais un
exercice quand même, une sorte de récréation où Angelo a pu pousser aussi loin qu'il le souhaitait ses
expérimentations; difficile dès lors de donner corps véritablement à ce side-project, extension désincarnée à
l'extrême de son géniteur, parfait pour des soirées 'chillout'.
Note : 3/6
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KABAL : Insomnia 2
Chronique réalisée par Wotzenknecht
La météo s’annonce rude : en effet Kabal est de retour ; rangez votre parapluie et ressortez votre gilet
pare-balles car une avalanche de pruneaux est à prévoir durant plus d’une heure. A chaque fois c’est la même
chose, je me demande pourquoi la techno hardcore m’obsède, après tout ce n’est qu’un putain de kick, un style
entier à partir d’un kick et des effets autour, et puis je me dis que j’y réfléchirai la prochaine fois, qu’après tout
le dub fonctionne tout autant avec un kick et des effets - une musique ‘ouverte’ où tout peut arriver, dirait David
Toop - que la techno hardcore c’est un peu le death metal de certains : bref, pour cet aprèm c’est la mandale et
je ressortirai mon cerveau du formol plus tard. Ca commence avec une intro bien débile, avec des violons et
des chœurs de la mort, et puis ça part tout droit jusqu’à l’outro, avec une attention particulière accordée aux
torsions rythmiques, aux scratches et autres kills subtils qui font de Kabal bien plus qu’un tiède passeur de
disque : il les tresse les uns aux autres avec des configurations inédites et un sens de la répartie quasi
narrative qui nous donne l’impression de mater un film alors qu’on ne fait que de se prendre des pains. C’est
toute la subtilité du choix des transitions qui semblent s’articuler bien plus sur les textures d’effets que sur les
bruitages ou les mélodies (NB : il n’y en a quasiment aucune). L’autre particularité c’est de ne jamais laisser la
rythmique rouler peinard : elle est sans cesse ravalée, recrachée, amputée, disloquée puis restituée, hachée
puis fondue dans la suivante. On pourrait passer toute l’heure à ‘regarder’ le kick se déformer tant il passe par
nombre de phases si l’on était pas trop accaparé par le mouvement de son propre cou. Le choix des skeuds,
c’est facile quand on veut ce genre de came mutante et bruyante : Enzyme Music + Audiogenic + Industrial
strength + UWe = Ophidian, Mindustries, Ouside Agency, Promo, Manu le Malin et leurs copains en perpétuelle
partouze. ‘Insomnia 2’ c’est la claque de qualité, à mi-chemin entre frenchcore et speedcore mais pas moins
délicate et finement administrée ; c’est la Porsche Chevelle : beauf, bœuf, belle et brutale ; c’est la fin du monde
à la séance de 11h le dimanche, le pop-corn dans les flammes de l’enfer, l’apocalypse aux chips.
Note : 4/6
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TASSEL (Alex) : Movements
Chronique réalisée par Hellman
Les couleurs que le jeune Alexandre Tassel a voulu donner à son premier disque en tant que leader, ce sont
celles qui ont illuminées les errances électriques de Miles Davis et Herbie Hancock sur des disques comme "On
The Corner" ou "Head Hunters". Pour se replonger dans l’époque, rien de tel que les notes caressantes d’un
clavier Fender Rhodes. Sur "Movements", c’est le grand luxe puisqu’ils sont deux à se partager cette tâche :
Eric Legnini et Laurent de Wilde. On le voit, l’équipe est des plus solide avec, à son bord, quelques autres
grosses pointures comme Manu Katché ou Daniel Romeo ; Tassel a suffisamment roulé sa bosse et laissé
traîner son instrument dans des tas de collaborations diverses que pour enfin faire jouer son carnet d’adresse.
Ainsi DJ Grazzhoppa vient apporter son habituelle touche cinématico-chaotique sur "Brooklyn" et le groupe
d’oser même en cover un "Miles Runs The Voodoo Down" magistral. C’est d’ailleurs sur cette reprise, bardée
de références ouvertes à l’œuvre de Miles ("In A Silent Way" notamment), que les musiciens semblent s’amuser
le plus. C’est très maîtrisé. Sans doute un peu trop car il manque ce lâcher prise si particulier qui donne à cette
musique ce relief vertigineux qui fascine encore aujourd’hui, près de quarante ans après ses premiers
balbutiements. "Movements" n’est jamais pris en défaut de la ligne directrice qu’il s’est imposé, tout en évitant
l’écueil d’un mimétisme mal placé à la Eric Truffaz. Pour autant, nous restons encore loin de l’insolente audace
du "Freak In" de Monsieur Dave Douglas...
Note : 4/6
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TEXTIL : Volume 1
Chronique réalisée par Hellman
Je me réjouis de voir que les colonnes de notre webzine préféré restent toujours ouvertes à des genres
musicaux qui vont bien au-delà des canons du conformisme de masse ambiant, broadcastés, radiodiffusés,
télématraqués... Textil fait partie des quelques sorties jazz dont j’ai la lourde mais honorable tâche de vous
parler. Pas de formule hybride ici, malgré une illustration de pochette à même de brouiller tous vos repères ; il
s’agit bel et bien d’un trio acoustique où contrebasse, batterie et saxophone tissent patiemment leur toile pour
mieux emprisonner l’auditeur dans un monde qui lui était jusque là encore étranger. Vous êtes peut-être arrivés
à un stade où vous avez envie de découvrir d’autres choses que les sempiternels couplets/refrains ou les
expérimentations abstraites de tous bords. Le jazz, comme beaucoup d’autres grammaires musicales, possède
de nombreuses formes. Et celle que nous proposent nos amis danois n’est pas nécessairement austère mais
pour le moins dépouillée, nourrie par le désir constant de capturer des instants magiques à travers des
improvisations balisées (trente heures de studio ramassés sur quarante-cinq minutes). Un jazz moderne qui
ancre ses certitudes sur la mise en perspective. L’interaction est permanente, belle et abstraite à la fois, nos
trois musiciens parvenant à parler d’une seule voix derrière un voile d’introspection qui, à tout moment, peut
emprunter de nouvelles directions, qu’elles soient swing ou free. C’est un instantané. Un fragment de vie volé
où l’expression de soi devient un acte de partage désintéressé. Tout cela peut sembler très sérieux, mais il y a
indéniablement une fraîcheur et une sincérité dans leur approche qui font de ce premier volume de Textil un
album de jazz mâture et parfaitement décompléxé qui s'adresse aux générations futures, dépoussiéré du poids
d'un certain académisme trop souvent castrateur.
Note : 4/6
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TRI A TOLIA : Zumurrude
Chronique réalisée par Hellman
Une chanteuse turque. Un joueur de qanun traditionnel irakien. Un violoncelliste européen. Il n’en faut pas plus
pour vous présenter cette combinaison hors du commun qui a donné naissance à ce "Zumurrude" au parfum
d’Orient, enregistrement modeste qui n’a d’autre prétention ou d’autre mérite que de vouloir exister, mais qui
ne fera pas de vagues et ne sera relayée ni par les radios, ni par les journaux qu’ils soient spécialisés ou non,
ni par les spots publicitaires de tout acabit. Et c’est là une donnée essentielle pour qui désire percer les
mystères de notre société de consommation : l’absence d’exposition médiatique n’a jamais rendu un disque
mauvais ! À contrario, si bien des disques nous sont ainsi imposés et matraqués à longueur de journée, c’est
en vertu de leur incommensurable médiocrité (qu’il faut tout de même bien vendre). Avec Tri A Tolia, je vous
convie à un périple chamarré à dos de chameau à travers les jardins suspendus d’une nouvelle Babylone
perdue en plein désert. La voix sensuelle de Melike Tarhan nous y guide comme un phare dans ces mille et une
nuits d’un tangible imaginaire. Si il y a présence de génie, ce disque en incarnerait la fiole magique. Les parties
instrumentales, d’un raffinement qui confine au sublime, ne sont pas en reste, dégageant un charme
irrésistible, balayant d’un coup de sirocco les phantasmes désormais inaccessibles d’une Natacha Atlas
liposucée et d’une Lisa Gerrard plus dead que jamais.
Note : 5/6
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MARTIN CIRCUS : En direct du rock'n'roll circus
Chronique réalisée par Hellman
Les pavés ont volé en ce mois de mai 1968. Et avec eux le fol espoir d'un lendemain où tout serait désormais
possible. Quitte à parler de la scène rock française, autant tout de suite remonter jusqu'à sa source. Bien sûr,
les Johnny Hallyday, les Chats Sauvages de Dick Rivers et les Chaussettes Noires d'Eddy Mitchell sévissaient
déjà. Mais même si ces groupes avaient su donner au rock made in USA un cachet blanc bleu rouge à grands
coups d'adaptations parfois trop fidèles, ils ne semblaient pas non plus vouloir se confondre dans la révolution
pop qui, partie d'Angleterre, s'étendait rapidement, à toute vitesse, dans toutes les directions à la fois, partout
dans le monde. Ce n'est donc pas quatre mais bien cinq garçons dans le vent qui vont, les premiers, oser
franchir le pas. "En Direct du Rock'N'Roll Circus" ne fait pas de mystère sur son contenu : à l'instar du
"Rock'N'Roll Circus" des Rolling Stones, les Martin Circus enregistrent leur premier album dans les vraies
conditions du live. Pari audacieux qui, s'il manque peut-être de précision en terme de production, lui confère
d'emblée une chaleur qui les rend unanimement sympathiques. Et d'emblée, on saisait tout ce qui oppose les
Martin Circus aux productions françaises de l'époque ; l'emprunt à Frank Zappa est flagrant (le thème du
saxophone soprano sur "La 3ème"). L'esprit iconoclaste de l'artiste américain les guidera d'ailleurs tout au long
de leur première partie de carrière, celle qu'il faut retenir, celle qui aura encouragée tant de vocations. La
progression d'accords répétitifs engendrés par la basse sur "Tomahawk" confirme cette tendance, et
l'omniprésence du saxophone sur bien des titres donne cette couleur jusque là inédite dans le paysage
français, sans toutefois égaler Soft Machine. Les thèmes et les mélodies, même si elles servent avant tout de
décor aux chansons, font preuve d'une extrême mâturité, chacun des musiciens étant de vraies virtuoses. Cela
n'empêchera pas les deux principaux chanteurs, Paul-Jean Borowski et Patrick Dietsch, ainsi que le batteur
Jean-François Leroy de jeter l'éponge. Ce qui aurait pu tuer dans l'oeuf le projet Martin Circus lui offrira, contre
toutes attentes, une seconde naissance, au résultat encore plus spectaculaire !
Note : 4/6
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MARTIN CIRCUS : Acte II
Chronique réalisée par Hellman
Il arrive que l'actualité nous rattrape. En cette dernière semaine de janvier, nous apprenions le décès de Gérard
Blanc. Si le personnage est resté gravé dans la mémoire du plus grand nombre comme un chanteur pour
midinettes de plus à avoir sévi dans les années quatre-vingt, non sans un certain succès, c'est oublier que
l'homme eut un passé, et que celui-ci fût intimement lié au devenir des Martin Circus. Tout comme Michel
Fugain et son Big Bazar, Jean-Jacques Goldman au sein de Taï-Phong ou, plus obscur et impensable encore,
Pierre Bachelet avec Résonance, lorsque Gérard Blanc rejoignit les Martin Circus pour leur second album en
1971, celui-ci affichait une prétention artistique qui allait bien au-delà d'un simple désir de reconnaissance
populaire. Animé d'une véritable démarche artistique qui leur valu très rapidement l'appui des jeunes médias en
quête de nouvelles idoles susceptibles de provoquer l'émergence d'une véritable scène pop hexagonale, les
Martin Circus accomplirent ensemble avec "Acte II" quelque chose dont ils peuvent effectivement se montrer
fier. L'impulsion première, c'est à eux que nous le devons. C'était là l'occasion de le rappeler. Et même s'ils
élèvent le débat en opposition aux nombreux artistes yé yé qui squattent encore les juke-box, en guise de
récompense pour tant d'efforts, ils rencontreront tout de même le succès avec leur délirant 45tours "Je
m'éclate au Sénégal" (avec-une-copine-de-cheval-je-suis-à-poil). Mais "Acte II" recèle en son sein les germes de
tant de déclinaisons progressives qu'il devient difficile d'en occulter l'importance. Comment ne pas écouter
"Poème" sans songer que Ange n'a pas encore enregistré la moindre note ? Et le plaisir sournois avec lequel
les Martin Circus s'amusent à emprunter des chemins tortueux nous fait prendre conscience aussi que Eton
Fou Leloublan n'a pas encore vu le jour... Bien ancré dans son époque, "Acte II" combine les arrangements
précieux de "Sgt.Pepper's Lonely Hearts Club Band" et "Hot Rats" réunis sous forme ... d'un double album !!!
Un quitte ou double qui s'avère payant pour une entreprise qui avait tout du suicide commercial annoncé. Mais
les Martin Circus assurent comme des bêtes pendant près d'une heure vingt, un vrai bonheur, les deux disques
croulant littéralement sous les références, qu'elles soient musicales ou en français dans le texte. Impossible de
passer à côté de ce disque si vous n'êtes pas insensibles aux vibrations et à la fougueuse inventivité de cette
époque bénie.
Note : 6/6
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Informations
Vous pouvez retrouvez nos chroniques et nos articles sur www.gutsofdarkness.com.
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Table des matières
Les chroniques ........................................................................................................................................................................... 3
PURCELL (1659-1695) (Henry) : Dido and Aeneas (Didon et Énée) .............................................................................. 4
FARKA TOURÉ (Ali) : Radio Mali .................................................................................................................................. 5
UNLEASHED : Where no life dwells ............................................................................................................................... 6
CHELSEA HOTEL : We're all gonna die !!!..................................................................................................................... 7
JAY REATARD / DEERHUNTER : Fluorescent Grey B/W Oh It's Such A Shame ....................................................... 8
WEASEL WALTER : Early recordings 1988 - 1991 ........................................................................................................ 9
ASVA : What you don't know is frontier ......................................................................................................................... 10
JANE 'S ADDICTION : Three days ................................................................................................................................ 11
POPOL VUH : Affenstunde............................................................................................................................................. 13
POPOL VUH : In Den Garten Pharaos ............................................................................................................................ 14
POPOL VUH : Hosianna Mantra..................................................................................................................................... 15
POPOL VUH : Seligpreisung........................................................................................................................................... 16
POPOL VUH : Einsjager & Siebenjager ......................................................................................................................... 17
SECONDE CHAMBRE : Victoires prochaines 83-89 .................................................................................................... 18
ZORN (John) : The dreamers........................................................................................................................................... 19
THE MARS VOLTA : Tremulant.................................................................................................................................... 20
POPOL VUH : Aguirre .................................................................................................................................................... 21
POPOL VUH : Das Hohelied Salomos............................................................................................................................ 22
POPOL VUH : Letzte Tage Letzte Nachte ...................................................................................................................... 23
POPOL VUH : Herz Aus Glas ......................................................................................................................................... 24
POPOL VUH : Sei Still Wisse Ich Bin ............................................................................................................................ 25
WRIGHT (David) : Dreams and Distant Moonlight........................................................................................................ 26
WRIGHT (David) : Continuum ....................................................................................................................................... 28
FIXMER/MCCARTHY : Into The Night ........................................................................................................................ 30
FAITHFULL (Marianne) : Broken English ..................................................................................................................... 32
FLOWERS IN FLAMES : Flowers in flames.................................................................................................................. 33
TUXEDOMOON : Why is she bathing ?......................................................................................................................... 34
COMPILATIONS - DIVERS : Scavengers in the Matrix ............................................................................................... 35
DINOSAUR JR. : Repulsion / Bulbs of passion .............................................................................................................. 36
COIL : Love's Secret Domain .......................................................................................................................................... 37
BLACK FUNERAL : Belial arisen.................................................................................................................................. 38
BLUT AUS NORD : Ultima thulee ................................................................................................................................. 39
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ARROWWOOD : Hemlock and spindle flower .............................................................................................................. 40
DEADLY SINS : Selling our weakness........................................................................................................................... 41
PLANETE SAUVAGE : s/t ............................................................................................................................................. 42
PLANETE SAUVAGE : II .............................................................................................................................................. 43
PLANETE SAUVAGE : The Strange Mood of the Dirty Rocks .................................................................................... 44
KING'S X : Ogre Tones ................................................................................................................................................... 45
KING'S X : XV ................................................................................................................................................................ 46
THE CULT : Sonic Temple ............................................................................................................................................. 47
GARGOYLE SOX : As the master sleeps... .................................................................................................................... 48
REMOTE : Dark Enough ................................................................................................................................................. 49
DUPONT : Ukraina.......................................................................................................................................................... 50
DUPONT : Intermezzo..................................................................................................................................................... 51
SIIIII : Ein verdammtes Versprechen............................................................................................................................... 53
KILLING JOKE : Turn to red.......................................................................................................................................... 54
PATTI SMITH & KEVIN SHIELDS : The coral sea...................................................................................................... 55
WAITS (Tom) : Real gone............................................................................................................................................... 56
FUNERAL MIST : Devilry.............................................................................................................................................. 59
SCHULZE/GERRARD : Farscape .................................................................................................................................. 60
BOOTS (Ron) : Mea Culpa.............................................................................................................................................. 61
NITZER EBB : Belief ...................................................................................................................................................... 63
NITZER EBB : Showtime................................................................................................................................................ 64
NITZER EBB : Ebbhead.................................................................................................................................................. 65
ROLAND (Paul) : Danse macabre................................................................................................................................... 66
NITZER EBB : Big Hit .................................................................................................................................................... 67
HELIOS CREED : Planet X............................................................................................................................................. 68
OOMPH! : Oomph!.......................................................................................................................................................... 69
THE CURE : 4:13 Dream ................................................................................................................................................ 70
MENTICIDE : N.M.E. ..................................................................................................................................................... 72
RAMMSTEIN : Reise Reise ............................................................................................................................................ 73
KLOQ : Move Forward.................................................................................................................................................... 74
SOLAZZO (Domenico) : Deadend .................................................................................................................................. 75
LIAISONS DANGEREUSES : Liaisons dangereuses..................................................................................................... 77
COP SHOOT COP : Pieceman ........................................................................................................................................ 78
BECK : Mellow gold........................................................................................................................................................ 79
COMPILATIONS - DIVERS : More G.D.M. ................................................................................................................. 81
Page 148/150
COMPILATIONS - DIVERS : Disco Not Disco: Post Punk, Electro & Leftfield Disco Classics - 1974-1986............. 82
SOFT MACHINE : Bundles ............................................................................................................................................ 83
DEAD CAN DANCE : Toward the within ...................................................................................................................... 85
PERRY (Brendan) : Eye of the hunter ............................................................................................................................. 87
GERRARD (Lisa) : The silver tree .................................................................................................................................. 88
NAKED CITY : The complete studio recordings ............................................................................................................ 89
SHAPIRO (Sally) : Disco Romance ................................................................................................................................ 90
BADAROU (Wally) : Echoes .......................................................................................................................................... 92
BIRUSHANAH : Akai Yami ........................................................................................................................................... 93
CORTEX : Troupeau Bleu ............................................................................................................................................... 94
ELEKTRIKTUS : Electric Mind Waves.......................................................................................................................... 95
EXAMPLES OF TWELVES : The Way Things Are ...................................................................................................... 96
COMPILATIONS - LABELS : Masonic......................................................................................................................... 97
DEUTSCH NEPAL : A Silent Siege ............................................................................................................................... 98
VEGA (Alan) : Station ..................................................................................................................................................... 99
SPETSNAZ : Grand Design (Re-Designed) .................................................................................................................. 100
SPETSNAZ : Totalitär ................................................................................................................................................... 101
RAMMSTEIN : Rosenrot .............................................................................................................................................. 102
FIXMER (Terence) : Muscle Collection........................................................................................................................ 103
THE CURE : Wish ......................................................................................................................................................... 104
VAINIO / VÄISÄNEN / VEGA : Endless .................................................................................................................... 106
ORANGE SECTOR : Profound ..................................................................................................................................... 107
NITZER EBB : Body Of Work...................................................................................................................................... 108
THE RESIDENTS : Wormwood - Curious Stories from the Bible ............................................................................... 109
THE RESIDENTS : The Rivers of Crime Episode 1-5 ................................................................................................. 110
The HORRORIST : Manic Panic................................................................................................................................... 111
THE CURE : Paris ......................................................................................................................................................... 113
THE CURE : Never enough........................................................................................................................................... 114
The HORRORIST : Attack Decay ................................................................................................................................. 115
SAVAK : Four.Hundred.Forty.Four.Days ..................................................................................................................... 117
ZYMOSIZ : Noiy ........................................................................................................................................................... 118
ASCHE : Non Apocalypse ............................................................................................................................................. 119
ASCHE : Distorted Disco............................................................................................................................................... 120
ASCHE : Distorted DJ ................................................................................................................................................... 121
A.O.A. (AXIS OF ASCENDANCY) : Axis of Ascendancy 1982-1990 ....................................................................... 122
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CRANES : Cranes .......................................................................................................................................................... 124
MC5 : Kick out the jams ................................................................................................................................................ 125
TANGERINE DREAM : Autumn in Hiroshima ........................................................................................................... 127
AERTS (KEES) : If One Door Closes .......................................................................................................................... 128
MELECHESH : As jerusalem burns... al'intisar ............................................................................................................ 130
MELECHESH : Sphynx................................................................................................................................................. 131
MELECHESH : Emissaries............................................................................................................................................ 133
WALKER (Scott) : Scott................................................................................................................................................ 134
BOYD RICE & FIENDS : Wolf pact ............................................................................................................................ 136
MERCURY REV : Snowflake midnight........................................................................................................................ 137
THE SISTERS OF MERCY : Live in the temple of love.............................................................................................. 138
URANIUM USSR 1972 : Avarie................................................................................................................................... 139
KABAL : Insomnia 2 ..................................................................................................................................................... 140
TASSEL (Alex) : Movements........................................................................................................................................ 141
TEXTIL : Volume 1 ....................................................................................................................................................... 142
TRI A TOLIA : Zumurrude............................................................................................................................................ 143
MARTIN CIRCUS : En direct du rock'n'roll circus ...................................................................................................... 144
MARTIN CIRCUS : Acte II .......................................................................................................................................... 145
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