Fiche: L`établissement de pêche de l`Ile-au-Bois
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Fiche: L`établissement de pêche de l`Ile-au-Bois
L’établissement de pêche de l’Ile-au-Bois (EiBg-44) A) Fiche narrative C’est l’espoir de pêches fructueuses qui attire les premiers navigateurs européens au large du littoral nord-côtier au début du 16e siècle. Les pêcheurs bretons seront peutêtre les premiers à établir leurs stations de traitement de la morue dans le secteur de Blanc-Sablon, comme nous le suggère la toponymie locale. Jacques Cartier luimême croisera l’un de ces équipages lors de son premier voyage officiel d’exploration en 1534. Interessée par cette question, Mme Françoise Niellon signait en 1984 un ouvrage de synthèse intitulé « L'occupation humaine de la Basse-Côte-Nord et son interprétation, dossier sur les ressources archéologiques (Municipalité de la CôteNord du Golfe Saint-Laurent, Québec, 1984a, 155 p.) ». Comme l’indique son auteur, cette étude a pour objectif : «…non pas de résumer toutes les données acquises jusqu’à présent sur le contenu des sites déjà identifiés, ou de synthétiser leur interprétation quant à l’occupation du territoire; notre propos se limite bien ici à exposer les ressources disponibles ou à constituer » (Niellon 1984a : 5). Au chapitre de la période historique, Niellon explique la logique sous-jacente à son approche classificatoire des sites impliqués. Notons d’emblée que la quasi-totalité des sites ici concernés sont liés à l’exploitation de la faune marine, qu’il s’agisse de morues, saumons, phoques ou baleines. Elle privilégie la répartition de ces sites selon leurs utilisateurs, et non leur utilisation, ce qui l’amène à créer le découpage chronologique suivant (Niellon 1984a : 51-117) : 1Les postes des armateurs européens 1500-1760 Caractérisée par l’importance des capitaux en jeu. Dominée par l’exploitation de la morue et de la baleine; la traite est secondaire, les armateurs commercialisent euxmêmes leur production. 2Les postes des concessionnaires canadiens 1700-1760 Ils disposent de moyens moindres mais néanmoins importants. Exploitent le phoque dans des postes permanents ou semi-permanents; la traite et surtout la morue sont des ressources complémentaires; ils commercialisent eux-mêmes leur production. 3Les postes des entreprises individuelles XIXème siècle N’ont aucune fortune, ou modestes; résident à l’année dans leurs postes et le phoque est leur ressource principale. La morue, le saumon, la trappe et la traite sont également utilisés, autant que possible. L’exploitation peut être modifiée si les circonstances l’imposent. Sauf exception, ils ne commercialisent pas eux-mêmes leur production. 1 4- Les postes gérés par les compagnies 4.1- la Compagnie du Labrador 4.2- les Compagnies jerseyaises 4.3- les Compagnies terre-neuviennes 4.4- la Compagnie de la Baie d’Hudson (1780-1820) (1780-1880) (1880-1930) (1820…) De gros capitaux sont disponibles mais une partie seulement des intérêts des propriétaires est placée dans le territoire concerné. La spécialisation des postes est poussée, mais la ressource principale varie. La commercialisation est assurée par la compagnie. Ces dernières tendent à englober les populations locales dans un système économique de dépendance. « Dans la mesure du possible, nous avons tenté d’évaluer, pour chaque groupe de postes, les ressources archéologiques disponibles ou potentielles. Nous tenterons maintenant de traduire en termes pratiques, c’est-à-dire en termes d’interventions qui permettraient, à notre avis, d’exprimer la dimension archéologique du patrimoine historique de la Basse-Côte-Nord » (Niellon 1984a : 116). C’est ainsi qu’afin de représenter les quatre grands thèmes ci-haut décrits, l’auteur en arrive à identifier ces sept sites principaux : Liste des sites historiques d’intérêt de la Basse-Côte-Nord et leurs thèmes correspondants selon Niellon (1984) CODE BORDEN EiBi-10 EiBh-34 EiBg-44 EeBr-3 EgBo-1 EbCg-1 EcBv-2 GÉNÉRIQUE Site basque de Middle Bay Établissement de pêche de Brador Établissement de pêche de l’île au Bois Établissement de pêche de Île du Gros Mécatina Établissement de pêche de l’île Kennedy Poste de traite et mission de Musquaro Établissement de pêche de Nétagamiou THÈME HISTORIQUE ASSOCIÉ 1 1, 2, 3, 4.1 1, 4.2, 4.3 3, 4.1 3, 4.1 4.4 2, 3 Parmi ces sites, c’est celui de l’Ile-au-Bois qui sera présenté ici. Classé en 1989, il documente de façon exceptionnelle un mode de vie étroitement lié à l’industrie halieutique, qui fut celui des occupants saisonniers et permanents de cette partie de la Côte-Nord pendant des générations. L’Ile-au-Bois, située à quelques kilomètres au large de la baie de Blanc-Sablon, est un site qui connut plusieurs chapitres de cette industrie des pêches au fil des siècles. Formée de plages anciennes constituant quatre plateaux concentriques, un ruisseau s’écoule dans sa partie orientale. Cette présence d’eau potable a certainement influencé le choix de ce secteur de l’île comme poste saisonnier de pêche. C’est le 2 long de son littoral nord-est, face à la baie, que sont localisés les établissements de pêche historiques. Une bonne partie des vestiges des installations de pêche se situe d’ailleurs de part et d’autre de ce petit cours d’eau. Pendant le Régime français, le territoire de l’île constitue le premier choix des navires morutiers parcourant le détroit de Belle-Isle. Par exemple, en 1718, on dénombre 12 navires, soit environ 200 chaloupes de pêche et plus de 900 hommes, qui viendront traiter sur l’île quelque 20 000 quintaux de morue. Dans la décennie de 1780, la compagnie jersiaise De Quetteville construit un poste au centre du rivage nord-est. Précisons que les îles de Jersey et de Guernesey se trouvent dans la Manche, entre la Normandie et l’Angleterre. Vers 1840, d’autres Jersiais, les frères Le Boutillier, s’installent à l’ouest de ce premier poste. Enfin, avant 1858, l’entreprise Huelin et Hacqueville s’installe du côté est. Des difficultés financières obligent les Jersiais à cesser leurs activités sur l’île, comme partout au Labrador, vers 1880. Les postes de pêche de l’île sont alors rachetés par les compagnies terreneuviennes E. Penney & Sons, Job Brothers & Co. Ltd. et Harry Pethrick. En 1918, la Job Brothers est la seule à exploiter les établissements de l’île. Du temps des Jersiais comme à l’ère terre-neuvienne, les neuf dixièmes de la surface du poste sont consacrés au séchage de la morue. Quelques 19 000 mètres carrés de terrain sont donc affectés aux équipements mis sur pied à cet effet. Occupant la pente du plateau orientée au nord-est, les installations permettent de faire sécher le poisson petit à petit sous l’action du soleil et du vent. Les plates-formes de pierre que l’on retrouve sur le site sont probablement l’œuvre des jersiais de la compagnie Le Boutillier, présente dans le secteur entre 1840 et 1886. Sur certaines, les pêcheurs de Terre-Neuve ont par la suite implanté de longues tables de bois surélevées nommées vignaux. On y déposait les morues à sécher. Au sud de l’aire de séchage, les cuisines (cookrooms) et les dortoirs logent les pêcheurs et les engagés qui traitent la morue. Plus bas, des vestiges non clairement identifiés sont possiblement ceux de la maison des commis des compagnies, d’un magasin et d’un bureau. Sur le bord de l’île, un ensemble comprenant des quais, des entrepôts (à sel, à huile etc.), une forge et peut-être des fours ou des chaudières pour la fonte des huiles de foie de morue témoignent de la diversité des activités. À l’arrière du quai principal, une chaussée de pierre facilite la circulation et la manipulation des stocks. Vers 1927, les actifs de la Job passent aux mains de la Compagnie de la Baie d’Hudson. N’utilisant pas les équipements de l’île, elle en démolit tous les bâtiments vers 1930. 3