Avec le Red Buil- ding de Los Angeles César Pelli voit enfin rouge

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Avec le Red Buil- ding de Los Angeles César Pelli voit enfin rouge
Avec le Red Building de Los Angeles César Pelli voit enfin rouge Immoarchi
Le Pacific Design Center de Los Angeles a toujours été conçu par son architecte argentin
César Pelli comme une symphonie géométrique, en trois couleurs et en trois temps : le
bleu, le vert et puis le rouge. Mais les Angelenos ont dû patienter plus de trente ans pour
voir le dernier morceau de sa trilogie architecturale, et contempler l’élément rouge, un
bâtiment élégant qui lance sa flèche effilée dans le ciel californien.
« Le rouge à côté du bleu et du vert, comme c’est beau au coucher du soleil ! », s’extasie
l’architecte. « Quand on pense qu’il nous a fallu presque trente ans entre le premier et le
troisième bâtiment », ajoute-t-il, pensif mais ravi d’avoir enfin parachevé sa vision d’un
jardin d’immeubles-sculptures à la peau de verre colorée, en bleu, vert et rouge. Vision
que l’auteur a d’ailleurs esquissée dans un très joli croquis, avec trois crayons de couleur…
Désormais, les surfaces miroitantes et colorées des trois bâtiments peuvent enfin jouer
ensemble, refléter leurs géométries différentes, les projeter les unes sur les autres,
comme sur un écran de cinéma. César Pelli a peint un tableau bigarré et mouvant, qui
varie suivant l’heure, l’intensité de la lumière et l’angle du soleil. Imaginez le Pacific
Design Center sous la pleine lune !
Tout pour le design
Aujourd’hui, dans Palm Court, entre les deux tours toute neuves du Red Building, qui
cadrent parfaitement la vue sur les collines de Hollywood, des palmiers majestueux
frémissent dans le vent léger. Nous sommes bien en Californie, et au cœur de West
Hollywood, un des quartiers les plus vibrants de la mégalopole, où César Pelli a enfin
vu rouge.
La construction du Pacific Design Center, situé sur la sympathique artère commerçante
de Melrose Avenue, à l’angle de San Vicente Boulevard, est une longue saga, haute en
péripéties et en couleur. En 1975, l’architecte argentin a inauguré le bâtiment bleu, vite
surnommé par les locaux Blue Whale (la Baleine Bleue), car c’est un long building, avec
un toit renflé qui lui donne une silhouette de mammifère marin. Et sa marque distinctive
est une peau lisse et bleue, en carreaux de céramique cobalt foncé, et sans
ouvertures, car le Blue Building n’a pas de fenêtres sur l’extérieur.
Des stars dans les couloirs
A l’intérieur, la Baleine Bleue offre près de 60 000 mètres carrés de boutiques, de showrooms et de galeries, aux artistes, designers contemporains et décorateurs qui viennent
y faire leurs emplettes, souvent en compagnie de leurs clients fortunés. Ainsi, dans les
couloirs, on peut croiser des stars en quête de meubles, de luminaires, de tissus d’ameublement, ou encore de conseils de décoration.
Tout le monde a le droit d’entrer et de lécher les vitrines, mais la vente n’est pas ouverte
aux particuliers. Certains soirs, les longs couloirs bruissent de l’activité des habitués du
monde des arts qui se rendent aux vernissages des galeries, très fréquentés. L’immeuble
dispose de salles de projection et de réception, et c’est au Pacific Design Center que se
tiennent de prestigieuses partys hollywoodiennes, pendant la saison des Oscars.
Green Building
Le Green Building a été inauguré en 1988 et, cette fois, Pelli a dessiné des petites ouvertures carrées sur son cube couvert de carreaux de céramique verte, dont il a savamment
élidé les angles à la base. Les deux bâtiments, le bleu et le vert côte à côte, se sont vite
imposés comme des repères architecturaux, hauts en couleur, dans la ville et dans le ciel
de Los Angeles. D’autant que la céramique reflète bien le ciel, la lumière exceptionnelle
de la « ville des anges ».
Ensuite, le ralentissement de l’économie, intervenu dans les années 1990, a contribué à
retarder les projets de développement immobilier ; mais c’est principalement la recherche
du « bon rouge », le troisième élément du puzzle magique de César Pelli, qui s’est révélée
être le vrai problème.
Rouge millénaire et éternel
Car la fabrication du verre rouge a été suspendue pendant des années, à cause de la
Ne me jetez pas sur la voie publique !
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Avec le Red Building de Los Angeles
César Pelli voit
enfin rouge
par Claudine Mulard
© Esto – Jeff Goldberg
archi Plus de trente ans après, l’architecte César
Pelli parachève sa symphonie géométrique en trois couleurs
au Pacific Design Center, et lance la flèche rouge du Red
Building dans le ciel de Los Angeles.
archi
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n° 36 - Printemps 2015 -
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toxicité du cadmium, le pigment traditionnellement utilisé pour cette couleur, parce qu’il
comporte un risque pour les artisans qui fabriquaient ainsi les carreaux de céramique,
et éventuellement pour les usagers et les consommateurs. « Nous n’utilisons pas de
pigments, mais de la céramique frittée, une technique millénaire développée au MoyenOrient, qu’on voit sur les carreaux d’Ispahan ou en Assyrie, qui donne une couleur si
intense », explique César Pelli, qui commente sa longue attente pour trouver le bon
rouge.
« De toute façon, le rouge n’aurait pas été possible dans les années 1970, parce qu’il
aurait été associé aux problèmes de la guerre froide, et on l’aurait perçu comme un
bâtiment... ‹ communiste › ! », poursuit-il, en s’amusant. « La réaction publique aurait été
forte. Mais, aujourd’hui, le rouge est redevenu une jolie couleur. »
Et Pelli promet que son verre rouge non toxique, venu du fond des temps, restera éternellement rouge, comme la robe en paillettes rouges de Marilyn Monroe. Accessoirement, les panneaux /carreaux ont aussi l’avantage d’être opaques de l’extérieur mais
transparents de l’intérieur. Ils ont été conçus et testés dans le Minnesota, fabriqués en
Chine, puis expédiés en Thaïlande pour leur encadrement en aluminium, et enfin livrés et
installés à West Hollywood.
Bureaux high-tech
Bien entendu, depuis l’époque des bâtiments bleu et vert, les normes de rendement
énergétique ont évolué aux Etats-Unis et particulièrement en Californie, et exigent un
double-vitrage, « plus difficile esthétiquement, parce qu’il y a deux couches de verre et
un joint », précise l’architecte.
Le Red Building et ses deux tours de six et huit étages, dont l’ouverture officielle a eu
lieu en juin 2012, offre une superficie de 38 000 mètres carrés de bureaux, et des vues
imprenables, sur 360 degrés, du damier de la mégalopole, du downtown à la mer en
passant par les collines de Hollywood.
L’entrée principale est consacrée aux automobilistes, car n’oublions pas que la Californie a inventé la car culture, et qu’à Los Angeles un piéton est encore plus rare qu’un
autobus ou qu’une rame de métro. L’entrée du valet parking, une coutume « très L.A. »
est d’ailleurs spacieuse et élégante, avec un atrium vertigineux de lignes géométriques.
Avec vue
L’accès aux étages est encore plus impressionnant, car tous les niveaux sont baignés
de lumière, et d’une vue à 360 degrés sur la ville, qu’on redécouvre magiquement
depuis ce point de vue unique. Il n’est pas difficile d’imaginer que ces espaces de
bureaux vont attirer des compagnies pour qui le Red Building est signe de prestige et
de visibilité. Un immeuble classe et branché, en un mot, très chic.
Rien n’a été négligé pour équiper l’immeuble phare des technologies de communication
et de sécurité les plus pointues. La flèche rouge dispose des derniers gadgets hightech, et bien entendu d’un centre de fitness. Et ce sont les équipes du renommé Wolfgang Puck, le chef des stars, qui sont en cuisine dans les deux restaurants du nouveau
campus.
Los Angeles prête pour le rouge ?
La ville de Los Angeles est-elle prête pour son immeuble de bureaux tout rouge ? « Déjà
le Blue Building avait fait scandale ! », se souvient César Pelli. Le promoteur Charles
Cohen, qui a investi environ 200 millions de dollars dans le Pacific Design Center, rêve
d’en faire un campus dynamique ouvert au public, une piazza conviviale avec des cafés,
des restaurants, sans oublier l’annexe du musée d’art contemporain MOCA, dont le petit
bâtiment blanc carré, avec son nom écrit dessus, s’ajuste bien avec ses trois voisins de
couleur.
Un épicentre urbain, tout près des studios de cinéma et de télévision, du quartier de
Beverly Hills et de l’océan Pacifique. Travail, design et espaces verts, le Red Building de
César Pelli définit l’art de bien vivre en Californie… ■
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Avec le Red Building de Los Angeles César Pelli voit enfin rouge Immoarchi
Interview
Charles Cohen : Le Red Building rejoint les rangs des architectures les plus importantes et les plus excitantes édifiées, non seulement en Californie du Sud mais aussi dans le monde.
César Pelli : Nous avions toujours imaginé le bâtiment rouge comme une longue forme incurvée qui jouerait avec les deux
autres bâtiments. Et qui apporterait un supplément aux deux autres éléments plus petits, avec davantage de fenêtres, et de
vues. Et des plans de sol qui donnent beaucoup de flexibilité aux utilisateurs.
Cohen : Vous avez pris votre concept original d’un seul bâtiment, et vous l’avez divisé en deux tours ; nous avons profité de ces
nouvelles formes que vous avez créées, et nous aboutissons à une proportion formidable entre la surface au sol et les
vitrages.
Pelli : Les vues des fenêtres sont spectaculaires ! Au nord, votre regard se pose sur les collines de Hollywood, et ça va être une
vision centrale, névralgique. Quand on remonte San Vicente vers Sunset Boulevard, le Red Building marque l’accès vers les collines ; et à l’ouest, vous voyez le quartier de Century City, jusqu’à l’océan. De tous les points cardinaux, on aura une vue sur le
Pacific Design Center et son Red Building.
La couleur rouge
Pelli : Comme vous le savez, pendant des années, nous avons eu du mal à obtenir la couleur rouge. Et soudain, de nouvelles
technologies nous ont permis de produire ces carreaux rouges, sans danger. Nous avons obtenu un rouge fabuleux, qui non
seulement est très beau aujourd’hui mais s’allie bien avec le vert et le bleu. Ce n’est pas une couleur qui existe par elle-même,
le rouge fait partie d’un groupe, qui doit fonctionner comme un grand tableau.
C’est exactement la même technologie utilisée par les Assyriens sur leurs bâtiments, et la couleur de leurs briques rouges est
encore intacte, des milliers d’années après. Donc nous sommes certains que dans des milliers d’années le Red Building sera
toujours d’un rouge brillant ! Et ce groupe de trois constructions, bleu, vert et rouge, est tout à fait unique. Difficile de ne pas
les voir, c’est phénoménal quand on survole la ville en avion. Le Pacific Design Center va s’imposer comme un site de référence
en Californie.
La Piazza et sa fontaine
Pelli : La grande Piazza au centre fait partie du Red Building, et est à la disposition de tous les locataires, et de tous les passants. Peu d’immeubles de bureaux à Los Angeles offrent un espace en plein air, qui ne sera jamais construit, et restera toujours ouvert au public. La création d’un tel lieu est peut-être ce qu’un architecte peut faire de plus important, car cette piazza
est un parc public pour les résidents de la région, qui peuvent s’y rendre, aller et venir, s’asseoir près de la fontaine et lire un
livre.
Donc le troisième building apporte un espace public au Pacific Design Center, qui est aussi important que les trois constructions elles-mêmes. Et cette composition va faire de West Hollywood la ville créatrice par excellence, surtout si vous travaillez
dans le domaine du design ; pourquoi vouloir travailler ailleurs que dans le Red Building ?
Un style de vie
Cohen : Le Pacific Design Center, c’est un certain style de vie. Nous passons tellement de temps au bureau, parfois plus que
chez nous. Nous avons utilisé des matériaux comme le bois pour les intérieurs, nous soignons les éclairages, les systèmes
mécaniques, nous offrons plus d’ascenseurs que les autres immeubles de bureaux.
Il n’y a plus de différence entre l’architecture résidentielle et commerciale. C’est un projet prêt pour le siècle à venir, qui répond
aux défis et aux besoins des entreprises. Et quel emplacement ! ■
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