Il quitta Carouge sans tambours ni trompette, sans

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Il quitta Carouge sans tambours ni trompette, sans
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« Il quitta Carouge sans tambours ni trompette, sans cérémonie d’adieux ni discours, sans
cadeau, ni souvenir, comme un homme de Dieu sait partir.
(…)
Ma mère et une de ses amies se trouvaient dans la cour pour le saluer et le remercier encore.
“Au revoir !” lui dirent-elles. “Je préférerais plutôt un adieu”, répondit-il »70.
A Vernier, Journet prit congé de sa famille maternelle, les larmes aux yeux71. Alors qu’un compatriote
candidat à la vie dominicaine, le jeune André-Marie Kohler72, était déjà en Italie, Journet partit de
Suisse le 3 septembre et arriva à Viterbe au milieu du mois après des arrêts en route (Florence, Sienne,
Rome).
L’église du couvent dominicain avait été construite à côté de Viterbe pour abriter une image de la
Vierge placée sur un chêne, « quercia » en italien. Le célèbre Lacordaire y avait passé son noviciat. Il
écrivait :
« La Quercia est un couvent magnifique, composé de deux cloîtres carrés, dont l’un est un chefd’œuvre ; d’autres cours de plus petite dimension et d’une église grande, simple et élégante,
toute pleine d’ex voto »73.
L’abbé Journet se rappellera certains aspects de la vie liturgique, la grand-messe quotidienne, les
complies et le « Salve » du soir, l’antienne à saint Dominique ainsi que les mortifications de table. Il
avait gardé lui aussi un excellent souvenir de l’endroit :
« Le couvent dominicain est dans la campagne. La récréation de 5 heures se prenait dans les
petits chemins herbeux, tracés entre les vignes et les figuiers qui mûrissaient. (…)
C’est le couvent où le souvenir du P. Lacordaire est vivant et devient prestigieux, et où
fermentent, dans le cœur de tous ceux qui parlent la langue de France, les beaux espoirs »74.
Cette évocation se lit dans une notice nécrologique75 que Journet consacra quelque temps plus tard au
frère Louis (Robert) Dupraz, jeune dominicain suisse décédé en 1921 au couvent du Saulchoir en
Belgique, qui avait passé au Collège Saint-Michel et à Viterbe. Charles Journet fut frappé par la
profondeur de sa vie religieuse. Guy Boissard suggère même que la trajectoire de frère Louis
« exprimait quelque chose qu’il avait lui-même vécu intensément »76 :
70
ROUYET (citant Jean BLANCHE), « Un ancien vicaire », art. cit., p. 8 ; mais le curé Vuachet lui adressa ses
éloges en chaire : « M. l’abbé J[ournet] est resté parmi nous trois ans et s’est montré prêtre d’une science
exceptionnelle et d’une piété très profonde. Que NS. lui rende en grâces de choix tout le bien qu’il a fait à
Carouge » (annonces à l’église, 26 septembre 1920, archives paroissiales de Carouge).
71
MEROZ, Le cardinal Journet, op. cit., p. 22.
72
André-Marie Kohler, né et mort à Lausanne (1898-1973), profès le 12 octobre 1921, prêtre le 11 juillet 1926
(Catalogus conventuum et fratrum provinciae Helvetiae Ordinis praedicatorum, p. 38, 2001).
73
Correspondance du R. P. Lacordaire et de Madame Swetchine, Librairie académique Didier – Auguste Vaton,
Paris, 18643 (Alfred de FALLOUX éd.), p. 197.
74
Charles JOURNET, Une âme dominicaine, Frère Louis Dupraz, novice profès, Imprimerie Jules Deshusses,
Genève, 1924, pp. 4-5.
75
Charles JOURNET, « Le Rév. Frère Louis Dupraz, novice profès », L’Année dominicaine, mai 1921, 57e année,
pp. 231-234. Augmentée d’un préambule, la notice nécrologique fut imprimée sous forme de brochure :
JOURNET, Une âme dominicaine, op. cit. ; la brochure était dédiée au frère André-Marie Kohler.
76
BOISSARD, Charles Journet, op. cit., p. 46.

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