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Histoire des bases de données juridiques en
France (1) - les origines
Publié le 16/11/2005
Nous démarrons ici une histoire des bases de données juridiques françaises. Non pas pour le plaisir
de faire de l'histoire, mais parce que ces arrière-plans historiques expliquent plus que toute autre
considération, le pourquoi des bases juridiques d'aujourd'hui ; elles sont le produit d'une lente
maturation historique que nous relatons ici.
C'est ainsi qu'on comprendra mieux pourquoi, par exemple, sur le Légifrance actuel, il y a trois
bases de législation (pour peu qu'on le sache puisque Lex est presque transparente) Au surplus, il
ne nous paraît pas inutile de nous pencher sur un passé proche, tant les évolutions ont été rapides
et tant il est vrai que nos métiers n'ont bien souvent pas de mémoire...
Précision terminologique : dans le cours de cette étude historique, nous avons maintenu la
terminologie de l'époque, et notamment l'expression « banque de données » qui n'a plus cours
aujourd'hui, suite à une normalisation de fait sous la pression de la directive et de la loi sur la
protection juridique des bases de données (cf. notre fiche Bases de données : définitions). Ceci
anéantit la distinction qui existait logiquement entre base (structure) et banque (produit en
exploitation, chargé de données). On parlait à vrai dire à l'époque de BBD (bases et banques de
données) pour être sûr de tout englober...
A. Aux origines de l'informatique documentaire Compte tenu de l'importance fondamentale du
document en droit, surtout pour l'information juridique officielle (cf. Spécificité de l'information
en droit), les juristes se sont très tôt dotés d'outils documentaires de grande qualité. Et tout
naturellement, ils ont très tôt cherché à se servir de l'informatique documentaire. Ils ont
pratiquement été les pionniers en matière de bases de données documentaires, tout comme ils
avaient été parmi les pionniers de la documentation pour les besoins de l'information juridique.
Les toutes premières recherches en informatique juridique documentaire ont démarré dans les
années 60. Voici les quelques jalons historiques de cette longue évolution en France.
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1967 : Lancement du plan Calcul décidé par la loi du 30 novembre 1965 qui permet la création de
la délégation à l'informatique, de l'IRIA (Institut de recherche en informatique et en automatique)
et de la CII (C2I).
1968 : Création de l'IRETIJ (Institut de recherche et d'études pour le traitement de l'information
juridique) à Montpellier sous la direction du professeur Pierre Catala.
1969 : Création de l'IRIJ (Institut de recherche en informatique juridique), à la faculté de droit de
Sceaux, à l'initiative du recteur Jean Imbert et du professeur Jean-Paul Buffelan-Lanore.
1970 : Création le 16 avril 1970 du CEDIJ (Centre d'études et d'information juridiques). Le
CEDIJ est rattaché aux services du Premier ministre et se propose de mettre sous forme de bases
de données le Journal officiel et le droit français. Le CEDIJ sera remplacé à compter du 1er janvier
1985 par le CNIJ (Centre national d'informatique juridique) qui sera lui-même dissous le 22 mars
1993, ses activités étant alors directement confiées à la Direction des Journaux Officiels.
1970-1971 : Mise en place de la première banque de données juridiques généraliste JURINDEX,
avec le concours de l'IRIJ et des éditions Masson. La commercialisation sera arrêtée en 1972 par
manque de rentabilité.
1974 : l'Arrêté du 24 mai 1974 officialise la commercialisation de la banque de données
JURINPI. Lancée vers 1972 à l'initiative de l'INPI, JURINPI contient des documents sur la
propriété industrielle notamment doctrine et jurisprudence. Cette banque de données est alors
interrogée dans les locaux de l'INPI sur demande des clients (conseils en propriété intellectuelle,
avocats...).
B. La multiplication des bases de données SYDONI - Lancée à l'initiative du notariat, via les
CRIDON (Centres régionaux d'information et de documentation du notariat) et financée par la
Caisse des dépôts et consignations, la base de données SYDONI intègre à la fois des textes
officiels, de la jurisprudence et de la doctrine.
JURISDATA - Les Éditions techniques, qui publient alors les Juris-Classeurs, prennent au même
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moment l'initiative de réaliser leur propre banque de données juridiques. Celle-ci propose un grand
nombre de jurisprudences, présentées, non pas encore en texte intégral, mais sous forme d'abstrats,
appliquant la théorie des abstrats forgée par le Professeur Catala.
Le CEDIJ crée un certain nombre de banques dont l'esprit demeure aujourd'hui, parfois même les
fonds.
Quelques-unes de ces bases :
LEX : informatisation du Fichier législatif du Secrétariat général du Gouvernement.
Cette base est la transposition informatique du fichier législatif du Secrétariat général du
Gouvernement, auprès du Premier ministre, dont l'initiative fut prise en 1935, dès la création du
SGG, puis reprise activement en 1949 lors de la restructuration du SGG. C'est Marceau Long qui
prit l'initiative de cette informatisation, en juillet 1977, terminée en avril 1981.
LÉGI : texte intégral des codes, lois et décrets - travail lancé à partir de 1978, à visée
rétrospective (reprendre tout le droit applicable)
JADE : Base de jurisprudence administrative
DIVA : Base de doctrine administrative des AAI (autorités administratives indépendantes)
CASS : Base de jurisprudence de la Cour de cassation (DOCC à l'époque de Jurifrance).
QUESTA : Base des questions parlementaires, numérotées par législatures de la 5ème
République (QUESTA6, QUESTA7...)
Début des années 1980 : Apparition du Minitel qui constitue - à l'époque - une véritable
innovation technologique.
Parmi les premiers services, on trouve 3615 JOEL (Journal Officiel ELectronique), le service
télématique du Journal officiel.
Le Minitel permet de démocratiser l'accès aux données juridiques : plus besoin d'ordinateur
coûteux et de systèmes de communication performants réservés à un public privilégié.
C. L'initiative privée Avec la multiplication des bases et banques de données juridiques, les
premiers espoirs de profits financiers se font jour. En 1980, un opérateur privé sans lien direct avec
le droit, l'hebdomadaire Le Point, investit via sa filiale Téléconsulte dans l'aventure de
Lexis-Téléconsulte. En partenariat avec un des plus grands serveurs américains de texte intégral,
Lexis/Nexis, spécialisé dans les banques de presse et dans les bases juridiques d'outre Atlantique.
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Lexis France lance une politique systématique de saisie du droit français basée sur la division
internationale du travail. Le JO papier est envoyé par containers entiers en Asie du sud est
(Vietnam) ou des mains compétentes assurent sa saisie informatique intégrale. Les bandes
magnétiques de saisie sont ensuite stockées sur l'ordinateur de Mead Data dans l'Ohio, sur les
bases du serveur Lexis/Nexis. La base du JO remontera progressivement jusqu'à 1955. Les arrêts
récupérés au greffe de la Cour de cassation et les décisions récupérés au greffe du Conseil d'État
suivront le même chemin. Ces bases remontent autour des années 1960 (variantes selon les
juridictions et les chambres). C'est ainsi qu'est disponible au bout de quelques années la plus vaste
base de données de texte intégral juridique français. La grande force de cette offre est celle des
inédits de jurisprudence puisque c'est la totalité des arrêts rendus par les deux cours suprêmes qui
sont saisis et non les seuls publiés dans le Bulletin des arrêts de la Cour de cassation ou dans le
Recueil des décisions du Conseil d'État, dit Recueil Lebon (cf. notre article sur les publications
juridiques officielles françaises). La relative faiblesse de ces fonds est le texte intégral brut non
enrichi, pour des raisons de vocabulaire juridique.
D. La rationalisation des accès publics Dans les premières années 80, les pouvoirs publics
s'émeuvent du fait que plusieurs producteurs de banques de données juridiques soient financées
par des fonds publics. Le contribuable payait ainsi indirectement plusieurs fois la saisie et le
stockage des mêmes données juridiques, entrant dans des bases différentes et concurrentes. Le
Premier ministre de l'époque commanda donc en 1982 une étude sur l'état des bases de données
juridiques françaises et sur leur avenir à Pierre Leclercq, alors conseiller à la Cour d'appel de Paris.
Celui-ci, entouré de deux coauteurs (Jean-Eric Schoettl du Conseil d'État et M. Barbet du CDIA Centre de documentation et d'informatique des avocats, service du Barreau de Paris), élabora et
rendit en 1984 un rapport, resté célèbre sous le nom de Rapport Leclercq (resté inédit).
Contrairement à beaucoup d'autres rapports qui sont enterrés, le rapport Leclercq sera
immédiatement suivi d'effet. Le Premier ministre publiait le 24 octobre 1984 un décret organisant
le Service public des bases et banques de données juridiques. (Cf. ce décret sur ce site). Ce texte
sera suivi de la circulaire du 11 février 1985 pour la mise en œuvre de ce service (cf. cette
circualire sur ce site).
L'un des traits fondamentaux de la réforme va en effet porter sur une répartition des efforts des
différents producteurs de banques de données entre les diverses sources du droit. Cette
réorganisation devait permettre d'éviter au maximum les doublons. Ce qui ne fut pas le cas pour
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d'autres bases de données, notamment en matière d'économie et de gestion. C'est pourquoi cette
rationalisation dans le domaine juridique est tout à fait remarquable.
La circulaire du 11 février 1985, instituant le "service juridique des banques de données
juridiques", va répartir les responsabilités entre les différents partenaires, suivant en cela les
préconisations du Rapport Leclercq.
Sous la dénomination de "Journal officiel électronique" vont se trouver regroupées à la fois la
législation et la jurisprudence des cours suprêmes (Conseil d'État et Cour de cassation). C'est un
trait assez caractéristique du rapport Leclercq que d'avoir considéré la jurisprudence des cours
suprêmes au même degré d'importance que la législation écrite.
L'ensemble devait être confié à un organisme succédant au CEDIJ, nommé Centre national
d'informatique juridique (CNIJ, créé en 1984), et rattaché à la Direction des journaux officiels.
La réforme, suivant toujours le rapport, confiait l'ensemble de l'hébergement à un serveur unique,
en l'occurrence le principal serveur national, Questel.
La Direction des journaux officiels décidait également de créer un intermédiaire - une nouveauté
dans la paysage des banques de données professionnelles - chargé de commercialiser l'ensemble
des bases juridiques. Ce sera la société de distribution Juridial, dépendant à l'origine de la Caisse
des dépôts et rattachée à l'autre serveur national : l'Européenne de données. On avait ainsi ménagé
les deux grand s serveurs nationaux en tentant de n'en léser aucun...
Jurisdata se voyait confirmer dans sa mission de recenser une sélection de la jurisprudence des
cours et tribunaux.
Sydoni se voyait confier la mission de produire les "encyclopédies électroniques" identifiées par
le rapport Leclercq.
À suivre.
Voir aussi :
Les publications officielles française et le Tableau d'accès à la législation française
|cc| Didier Frochot - 2003 - novembre 2005
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