en couverture - National Magazine Awards

Transcription

en couverture - National Magazine Awards
en couverture
« Mad Doc »
Barrette
Carrure de lutteur, sourire carnassier,
Gaétan Barrette ne passe pas inaperçu dans
l’arène médiatique. Mais qui se cache derrière
le flamboyant président de la Fédération
des médecins spécialistes du Québec ?
p a r A l e c C a stonguay
L
a conférence de presse va bientôt commencer. En coulisse, le Dr Gaétan Barrette
répète ses phrases-chocs. Calme, concentré, il tente une dernière fois de prévoir les répercussions de sa sortie. En cette fin d’octobre 2009,
il s’apprête à prendre position — et avec lui la
puissante Fédération des médecins spécialistes
du Québec (FMSQ) — en faveur de l’euthanasie.
Il ira jusqu’à déclarer que ce geste illégal est
pratique courante dans les hôpitaux.
À l’Assemblée nationale, députés et adjoints
sont rivés à leur télé pour l’entendre. Car les
propos du président de la FMSQ ont de bonnes
chances, comme après chaque conférence de
presse, d’enflammer les débats à la période des
questions. Et le Dr Barrette, à sa grande satisfaction, aura le premier rôle au bulletin télévisé du
soir.
Qu’il s’agisse de l’euthanasie, de la construction
du CHUM au centre-ville de Montréal, des tests
erronés pour le traitement du cancer du sein,
Gaétan Barrette ne ménage pas les propos fracassants depuis son arrivée à la tête du regroupement des 8 000 médecins spécialistes du Québec, en novembre 2006. « Il est très influent,
affirme le Dr Yves Lamontagne, président du
Collège des médecins. Il a l’influence de sa tâche,
parce que la Fédération a du poids, mais aussi
parce qu’il a une personnalité hors norme. Et il
se sert de ce pouvoir. »
Gaétan Barrette compte bien s’en servir encore
en 2010, alors que la FMSQ et le gouvernement
du Québec renégocieront le salaire des médecins
spécialistes, qui gagnent en moyenne 250 000 dollars par an. En 2006, il a soutiré près d’un milliard
de dollars en rattrapage salarial au ministre de la
Santé de l’époque, Philippe Couillard.
Comment un homme dont le métier demande
autant de calme peut-il mettre le feu au débat
public aussi souvent ? « Je pourrais faire partie
de l’Union des artistes ! » répond-il du tac au tac,
avant d’éclater d’un grand rire qui fait tressauter
ses larges épaules pendant plusieurs secondes.
« Il y a un rôle à jouer dans chacune des circon­
stances. Mes sorties sont plus réfléchies que ce
que les gens pensent. »
Comme Maurice « Mad Dog » Vachon, qui a
régné sur la lutte dans les années 1960 et 1970,
Barrette est un habile combattant, qui donne un
bon spectacle pour attirer l’attention. Mais alors
que Vachon jouait au méchant sur les rings pour
soulever l’ire des foules, Barrette, lui, se bat dans
l’arène médiatique pour faire pencher l’opinion
publique en sa faveur. Et comme « Mad Dog »
Vachon, il est prêt à tout pour envoyer son adversaire au tapis. « Gaétan frappe pour faire mal »,
affirme Yves Lamontagne, qui le connaît depuis
plus de 15 ans. « Ce n’est pas un bulldozer, c’est
un char d’assaut. Quand il a un objectif, rien ne
peut le faire dévier de sa route. »
Les négociations ne commenceront pas avant
des mois, mais Gaétan Barrette, 53 ans, se prépare
déjà à la bagarre de relations publiques en cette
fin d’automne 2009. Assis dans la salle de conférences de la FMSQ, au dernier étage du complexe
Desjardins, à Montréal, il fixe son interlocuteur
droit dans les yeux et découpe sa pensée avec la
précision d’un scalpel.
Malgré le déficit qui se creuse dans les finances
publiques, le Québec doit encore faire un effort
pour ses médecins, dit-il. « Ce n’est pas vrai que
l’État ne peut pas nous payer. C’est une insulte,
une énormité, un mensonge, un scandale intellectuel. Le politicien qui veut se faire élire va ‚
illustration d’André Dubois
42
l’actualité 15 mars 2010
« Négocier avec Québec est presque relaxant.
Un patient qui peut mourir, ça c’est stressant. »
15 mars 2010 l’actualité
43
photos : jean-françois bérubé pour l’actualité
en couverture
44
« Mad doc » barrette
jouer la carte de la baisse d’impôts.
Il sait que pour y arriver, il doit souspayer les gens qui offrent les services.
On ne va pas se sacrifier pour que le
gouvernement se paie des bébelles électorales. » Dans cette catégorie, le Dr Barrette met les coûts d’électricité trop bas
(qu’il propose de rajuster en fonction
des revenus) et les garderies à sept dollars (qui devraient profiter avant tout
aux moins nantis, selon lui).
Gaétan Barrette voit les médecins spécialistes comme les Wayne Gretzky du
réseau de la santé. Des vedettes que l’on
doit payer à la valeur du marché. Et tant
pis si cela draine les ressources d’autres
secteurs de la société. Et si ça empêche
le gouvernement de baisser les impôts.
« C’est au gouvernement de faire les bons
choix », affirme le médecin.
Son argumentaire ne fait pas l’unanimité chez ses membres. « Je ne suis pas
capable d’aller dans les médias et de dire
qu’on n’est pas bien payés », dit le prési-
garde pendant une semaine à l’Hôpital
Maisonneuve-Rosemont. Le Dr Barrette
est l’un des 50 radiologistes au Québec à
faire des interventions : il débloque des
artères, pose des cathéters, draine des
abcès. Des opérations délicates qui peuvent durer des heures.
À deux occasions, le Dr Barrette a dilaté
des artères calcifiées qui lui ont éclaté au
visage. L’un des patients a survécu à
l’hémor­ragie, l’autre pas, dit-il. Il fait une
pause et regarde par les grandes fenêtres
qui donnent sur la place des Festivals.
Soudainement, Gaétan Barrette ne semble plus jouer de personnage… L’homme
qu’il a perdu sur la table d’opération
venait à peine d’avoir 40 ans. C’était en
1992, le radiologiste en était à sa première
année de pratique. « Même quand ce n’est
pas notre faute, on s’en rappelle toute
notre vie. »
Certains reprochent au président de
la FMSQ de pêcher à la dynamite, de
chercher à atteindre ses objectifs politi-
tal Sainte-Justine. « Il n’improvise jamais.
Il calcule ses sorties publiques, même s’il
sait que ça ne fera pas l’unanimité »,
ajoute-t-il, lui qui a été vice-président de
la FMSQ aux côtés de son ami de 2006 à
mars 2009.
Tous les médecins spécialistes ne sont
pas d’accord avec les méthodes musclées
de leur président. Certaines positions
tranchées déplaisent, comme celle en
faveur de l’euthanasie. Chez les médecins
qui s’occupent des patients en fin de vie,
on a rué dans les brancards. Mais pas en
public. Et la raison est simple : chaque
décision importante annoncée par Barrette passe d’abord par la Commission
des présidents, qui regroupe les représentants des 35 spécialités de la FMSQ.
La durée des réunions a doublé depuis
l’arrivée de Barrette, et les discussions,
parfois orageuses, s’étirent souvent pendant cinq ou six heures. « Gaétan écoute
beaucoup et aime débattre, explique
Michel L’Allier. Souvent, il interpelle un
dent du Collège des médecins, le Dr Yves
Lamontagne, psychiatre et donc membre
de la FMSQ. « Comme médecin, au Québec, on n’a pas à se plaindre. »
Le gouvernement offre aux employés
du secteur public 7 % d’augmentation
sur cinq ans. « S’il nous arrive avec des
propositions comme ça, on descend dans
la rue, c’est garanti, dit le Dr Barrette. Ça
voudrait dire recreuser l’écart avec les
médecins des autres provinces, et il n’en
est pas question. »
Le propos est incendiaire, mais le ton
est calme. Négocier avec le gouvernement, Gaétan Barrette trouve ça presque
relaxant ! « C’est rien, lance-t-il avec son
sourire carnassier. Un patient qui peut
nous mourir entre les mains, ça c’est
stressant. »
Gaétan Barrette est le premier à diriger la FMSQ tout en pratiquant. Toutes
les trois semaines, le radiologiste est de
ques à tout prix, sans penser aux dommages collatéraux. Par exemple, dans la
tempête du printemps dernier soulevée
par les tests erronés concernant le traitement du cancer du sein, beaucoup l’ont
accusé d’avoir effrayé les femmes pour
obtenir la mise à niveau des laboratoires
désuets de pathologie.
« La panique a été causée par le ministre de la Santé, se défend Gaétan Barrette.
Je lui avais offert d’aller en conférence
de presse avec lui pour rassurer la population. Il a dit non et a décidé de nous
affronter en mettant en cause la crédibilité du président des pathologistes et la
mienne. Et tout le monde sait que quand
on me prend de front, je réagis. » Le
ministre Yves Bolduc a refusé de nous
accorder une entrevue pour ce portrait.
« Gaétan est un gars bouillant, mais
stratégique », affirme son ami Michel
L’Allier, chirurgien pédiatrique à l’Hôpi-
président qui n’a pas parlé depuis longtemps. Il veut être certain que tout le
monde s’est exprimé. Et si vous avez de
bons arguments, il va changer d’idée. Mais
ça prend de très bons arguments ! »
Une fois la décision prise, Gaétan Barrette exige l’unité. « Ce que je déteste le
plus, ce sont les gens qui ne s’expriment
pas et qui viennent “chialer” après »,
dit-il. Le Dr Barrette l’avoue, il aime
« brasser » ses membres : « Du débat
naît soit la vérité, soit un compromis
raisonnable. Mais pas de débat, pas de
vérité. »
Cette attitude lui vaut, malgré les tempêtes, le respect de ses membres et de ses
adversaires. « Gaétan dit toujours ce qu’il
pense, sans mettre de gants blancs, dit
l’ancien ministre de la Santé François
Legault. Il est tout d’un bloc. Ça lui donne
un côté attachant. On a toujours l’heure
juste avec lui. »
l’actualité 15 mars 2010
Les deux hommes se sont affrontés en
juin 2002. Le gouvernement péquiste
négocie alors les modalités de ce qui
deviendra le Plan régional des effectifs
médicaux, soit la répartition des médecins dans tout le Québec. L’atmosphère
est tendue, les médecins ont un statut de
travailleurs autonomes et refusent de se
faire imposer un lieu de pratique.
Espérant faire bouger les choses, le
ministre Legault passe par-dessus la tête
du président de la FMSQ de l’époque, le
Dr Yves Dugré, et convoque une réunion
avec les représentants des 35 spécialités
de la FMSQ. Le président de l’Association
des radiologistes, un certain Gaétan Barrette, le « varlope » pendant une bonne
partie de la réunion tout en mangeant
des chips. « Barrette était le plus dur dans
ses remarques, raconte François Legault.
Je me souviens de plusieurs échanges
musclés avec lui. Il n’était pas à la tête de
la FMSQ, mais j’ai tout de suite vu qu’il
était déjà très influent. » Legault a dû
d’intervention à l’Hôpital de South Bend,
en Indiana. Le Dr Dupras connaît Gaétan
Barrette depuis leur résidence en médecine, qu’ils ont faite ensemble au CHUM.
« Gaétan n’est pas le plus diplomate, mais
il a une qualité très importante : il est ras­
sembleur. Dans une fédération aussi dispa­
rate que la FMSQ, c’est un gros atout. »
Gaétan Barrette fait sentir sa présence par­tout où il passe. À l’Hôpital
Maisonneuve-Rosemont, où il travaille
depuis près de 20 ans, la relation avec ses
collègues a parfois été houleuse. Encore
récemment, des radiologistes de l’hôpital
lui ont reproché d’avoir fait de « l’intimidation » et d’avoir « dénigré » ses collègues
en utilisant sa position de force au sein
de l’établissement. Des reproches semblables sont faits à sa femme, Marie-Josée
Berthiaume, au point qu’une poursuite
de 170 000 dollars a été intentée contre
elle le 1er février dernier. Marie-Josée
Berthiaume a répliqué avec une poursuite
en diffamation de 230 000 dollars. Même
« Gaétan Barrette a une grande
qualité : c’est un rassembleur.
Mais son image de rustre pourrait
lui nuire un jour. Car l’opinion
publique pourrait ne pas aimer
l’intimidation à répétition. »
remettre les négociations deux fois sur le
métier avant qu’une entente soit conclue.
En novembre 2006, quand le ministre
de la Santé d’alors, Philippe Couillard,
impose une loi spéciale pour fixer le
salaire des médecins, les membres de la
FMSQ, furieux, se tournent vers leur
homme fort. À la faveur d’un putsch, le
Dr Yves Dugré est éjecté et Gaétan Barrette entre en scène. Le plan de ce dernier
est costaud : campagne de publicité choc
dans les journaux, suspension de l’enseignement dans les universités, sorties
publiques incendiaires…
Le style agressif de Gaétan Barrette
collait à la situation, mais qu’en sera-t-il
lorsqu’il faudra négocier plus calmement
avec le gouvernement ? « Cette image de
rustre, d’homme sans finesse, ça pourrait
lui nuire un jour. L’opinion publique pourrait ne pas aimer l’intimidation à répétition », estime Gérard Dupras, radiologiste
s’il n’est pas visé par le litige, Gaétan Barrette dément les allégations de ses collègues concernant son attitude et celle de
sa femme. « J’aurai l’occasion de m’expliquer et de démentir tout ça », a-t-il dit
récemment.
Barrette avait déjà l’esprit combatif
quand il jouait au hockey pee-wee avec
les Loups de La Tuque, sa ville natale.
Malgré son tempérament porté sur l’atta­
que, le petit Gaétan jouait à la défense.
« J’avais compris que c’était souvent la
belle passe venue de l’arrière qui permettait de compter un but. Je ne détestais
pas non plus rentrer quelqu’un dans la
bande de temps en temps ! » Son amour
du hockey ne l’a d’ailleurs pas quitté,
puisqu’il a un abonnement de saison aux
matchs du Canadien de Montréal !
« J’ai vécu une enfance idéale », dit
Barrette. Rue Kitchener, dans le nord-est
de La Tuque, la gang des « ettes », formée
des jeunes Barrette, Cossette et Veillette,
fait la pluie et le beau temps.
Dans les quartiers pauvres du bout de
la ville, la forêt sert de terrain de jeux. Le
jeune Gaétan, souvent accompagné de
ses deux frères plus âgés, construit des
cabanes et des forts, piège des écureuils,
grimpe dans les arbres. « Je viens d’un
milieu très modeste. Je pourrais dire
pauvre, mais ma mère n’aime pas quand
je dis ça », avoue-t-il.
Yvon, le père, travaille comme homme
à tout faire à l’usine de pâtes et papiers
CIP. Pour arrondir les fins de mois, la
famille héberge des pensionnaires, le plus
souvent des jeunes femmes qui étudient
pour devenir infirmières auxiliaires.
Gaétan Barrette vit très jeune sa première expérience avec la médecine. À
cinq ans, cloué au lit depuis plusieurs
jours à cause d’une infection, il dépérit à
vue d’œil. Sa mère se résigne à appeler
un médecin. C’est le début des années
1960 et le système de santé universel et
gratuit n’existe pas encore.
Le petit reprend du mieux, et la famille,
sans le sou, propose de payer le docteur
en poulets vivants. On ajoute un peu de
bran de scie : le grand-père de Gaétan,
habile menuisier, accepte de construire
gratuitement une armoire au médecin.
« J’ai connu l’époque du troc en médecine,
dit Gaétan Barrette. Je crois au système
public de santé. Le privé, c’est seulement
un appui au public », dit-il.
Pourtant, Gaétan Barrette possède, en
partenariat avec 14 médecins, deux cliniques privées de radiologie — où il assure
ne jamais aller —, à deux pas de l’Hôpital
Maisonneuve-Rosemont. Certains de ses
détracteurs décrivent l’entreprise comme
une « mine d’or », l’une des deux cliniques
étant reliée à l’hôpital par un tunnel. Le
Dr Barrette s’esclaffe. « Les murs sont
jaunes, mais ce n’est pas de l’or ! La clinique
est privée parce qu’elle n’est pas située
dans un hôpital, mais les soins sont payés
par l’État. La tarification était tellement
inadéquate jusqu’à récemment qu’on
devait débourser pour faire nos frais. »
L’épisode du troc de son enfance n’est
pas le seul événement qui pousse Gaétan
Barrette vers la médecine. Alors qu’il
s’apprête à souffler 12 bougies sur son
gâteau d’anniversaire, son père, Yvon, âgé
de 41 ans, succombe à un cancer. « La
vocation de Gaétan a commencé là. Quand
un jeune homme voit son père mourir,
ça a une influence », dit la Dre Marie-Josée
Berthiaume, radiologiste d’intervention
à Maisonneuve-Rosemont, qui partage
la vie de Gaétan Barrette depuis plus de
‚
20 ans.
15 mars 2010 l’actualité
45
en couverture
À la mort de son mari, la mère de
Gaétan reprend le chemin de l’école,
à 38 ans, pour devenir infirmière auxiliaire. Les trois enfants sont alors envoyés
chez leurs grands-parents à La Tuque
pour faire de la place à davantage de
pensionnaires à la maison.
L’année suivante, pour son entrée au
secondaire, Gaétan est envoyé au pensionnat du Séminaire Saint-Joseph, à
Trois-Rivières, ses talents à l’école incitant le diocèse à payer ses droits de scolarité. Après 12 mois, sa mère obtient un
emploi d’infirmière à Sherbrooke et toute
la famille déménage.
Gaétan Barrette entre à l’externat du
Séminaire de Sherbrooke, où il continue
d’être turbulent. « Gaétan brassait la cage
pas mal », se souvient le père Victor
Audet, 72 ans, à l’époque registraire à
la direction de l’école et surveillant
d’examens. « Il fallait demander le silence
souvent avant qu’il comprenne ! » Le
père Audet se souvient d’un étudiant
brillant, mais un peu paresseux. « Avec
« Mad doc » barrette
Michel L’Allier. Il cherche toujours à
détendre l’atmosphère. »
Son côté débonnaire a toutefois failli
empêcher Barrette de réaliser son rêve
de devenir médecin. Au cégep, un party
n’attendait pas l’autre, de sorte que les
notes ont piqué du nez. L’étudiant préférait emprunter la Renault 12 couleur
caramel de sa mère pour aller skier au
mont Orford.
Entre les sorties de ski, Gaétan travaille
à temps partiel au Centre hospitalier
universitaire de Sherbrooke. « J’ai commencé à 15 ans et demi, mais j’ai dit que
j’avais 16 ans. Je voulais absolument travailler dans un hôpital. J’ai tout fait :
secrétaire, balayeur, préposé… »
En raison de ses notes trop faibles,
l’Université de Sherbrooke le refuse
en médecine. Gaétan Barrette prend
alors la direction de la Faculté de
médecine de Grenoble, en France. Les
étudiants en médecine y sont choisis
au terme d’un concours, à la fin d’une
année préparatoire. Sur les 1 200 can-
quelques années plus tard : Philippe Couil­
lard. Les deux ne deviennent pas des amis.
Gaétan Barrette bifurque vers la radiologie
d’intervention, une nouvelle discipline.
Pendant sa résidence, en 1987, il rencontre celle qui deviendra sa femme,
Marie-Josée Berthiaume. Celle-ci obtient
une bourse de recherche à l’Université
de Californie à San Diego. Son amoureux
la suit. Et se déniche aussi une bourse.
Les offres s’accumulent, notamment à
San Francisco, mais Marie-Josée a le mal
du pays. « On aurait pu faire carrière aux
États-Unis, ça n’aurait pas dérangé Gaétan, dit-elle. Il a une grande capacité
d’adaptation, bien plus que moi. » Une
première grossesse scelle la discussion.
En 1991, le couple revient à Montréal.
Gabriel, qui a maintenant 18 ans, naît
quelques mois plus tard. En 1993, c’est
au tour de Geoffroy, aujourd’hui âgé de
16 ans. Celui-ci veut devenir médecin
comme ses parents, alors que Gabriel
hésite encore. Gaétan Barrette est visiblement mal à l’aise de parler de ses
son intelligence, il aurait pu faire plus
d’efforts. »
Au séminaire, Gaétan Barrette se taille
une place dans l’équipe de basketball des
Barons, la fierté de l’école. « Gaétan était
un rat de gymnase. Il était toujours là pour
exercer ses lancers », se rappelle André
Métras, qui l’a côtoyé au séminaire.
Difficile d’imaginer le corpulent président de la FMSQ sauter, courir et lancer au panier avec finesse. Beaucoup
chuchotent d’ailleurs que pour un médecin, il donne le mauvais exemple avec
son excès de poids. Gaétan Barrette
éclate d’un grand rire. « Je suis un carnivore, j’aime la viande. Et j’aime beaucoup manger. Que voulez-vous, personne
n’est parfait ! »
Sa femme, Marie-Josée Berthiaume,
grande et mince, s’amuse de leur différence : « On est un couple mal agencé
physiquement. » Les deux radiologistes
ont l’humour en commun. « Gaétan a un
sens de l’humour incroyable, dit son ami
46
l’actualité 15 mars 2010
didats, seuls 120 sont sélectionnés,
dont 12 étrangers.
Gaétan Barrette termine 64e et obtient
la dernière place dévolue aux étrangers.
On est en 1976, et il a 19 ans. Il se trouve
un appartement avec des colocataires et
apprend à vivre avec rien. « Tous les étés,
je revenais travailler ici. Je faisais deux
ou trois boulots en même temps et je
repartais à l’automne », dit-il.
Gaétan Barrette traverse avec succès
son parcours universitaire. « Il est un
formidable autodidacte, dit sa femme.
S’il décide d’apprendre quelque chose, il
va y arriver. » Récemment, il a appris en
quelques mois à lire la musique et à jouer
du piano pour aider ses deux fils qui suivaient des cours.
Après cinq ans en France, Gaétan Barrette revient au Québec pour terminer sa
formation à l’Université de Montréal. Il
choisit la neurochirurgie, où il fait la
connaissance d’un étudiant qu’il croisera
dans un contexte beaucoup plus tendu
JACQUES NADEAU
Faire de la politique active un
jour ? Gaétan Barrette n’écarte
pas l’idée. « On verra. Mais
si je plonge, ce sera pour être
ministre de la Santé. »
enfants. « Ils n’ont pas à payer parce que
je suis un homme public », dit-il.
Fera-t-il de la politique active un jour ?
Gaétan Barrette n’écarte pas l’idée. Il
avoue avoir été pressenti par différents
partis ces dernières années. Il glisse dans
la conversation qu’en 2013, presque au
moment des prochaines élections provinciales, il ne pourra plus se présenter
à la tête de la FMSQ, qui limite à six ans
la présidence. « On verra à ce moment-là,
dit-il. Mais si je plonge, ce sera pour être
ministre de la Santé. La personne qui va
en politique doit avoir une compétence
dans ce qu’elle fait. Une personne qui s’y
lance ne doit pas le faire pour ses intérêts
personnels, mais pour la société. »
Avec quel parti aurait-il le plus d’affinités ? « J’irais dans n’importe quel parti
où je serais en position de faire fonctionner le système », dit-il. « Mad Doc » Barrette pourrait alors continuer à « brasser »
ses médecins, mais de l’autre côté du
y
ring.