la Seine-Saint-Denis
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24 24 HEURES la Seine-Saint-Denis Clichy-sous-Bois cumule les difficultés ’EST UN COCKTAIL explosif. Des revenus faibles, des habitants pas ou peu diplômés et un très grand nombre de jeunes, premières victimes du chômage. Clichy-sousBois cumule toutes les difficultés et a la population la plus pauvre de Seine-Saint-Denis, juste devant La Courneuve. La mission locale pour l’emploi ne désemplit jamais. Malik Moussaoui, le directeur, indique que le nombre de jeunes Clichois suivis a ainsi progressé de 23 %. En revanche, le nombre de jeunes accédant à un emploi (hors alternance) recule de 7,3 %. « La crise n’a fait qu’aggraver la situation de précarité dans laquelle nous étions », observe-t-il. Dans une pièce, Terry Sabin, 22 ans, recherche sur Internet un itinéraire pour se rendre à un entretien d’embauche. Lui qui fréquente la mission locale depuis trois ans postule, cette fois, pour un poste de commis de cuisine. Depuis qu’il a quitté l’école avec un niveau BEP en comptabilité, il a effectué divers petits boulots. Il voudrait plutôt rentrer à la RATP, « même à la vente de billets, du moment que je peux évoluer », mais lorsqu’il s’est porté candidat, il lui a été précisé qu’il fallait avoir le bac. Jamel, 22 ans, se verrait bien aussi à la RATP, comme chauffeur de bus. Après le bac, il C voulait poursuivre ses études en physique. « C’était à la fac d’Orsay, en Essonne, et je n’ai pas trouvé de logement à un prix abordable à côté. C’était trop loin, j’ai dû laisser tomber et commencer à travailler. » Asminta, 23 ans et jeune maman, est aujourd’hui à peu près dans la même situation. Elle vit toujours chez ses parents et souhaite passer le concours d’infirmière, qui aura lieu fin mars. Mais si, d’ici là, elle trouve un emploi qui lui convient « comme préparatrice en pharmacie ou secrétaire médicale », elle renoncera à ses études pour pouvoir gagner sa vie plus rapidement. Le maire parie sur un changement d’ici à… 2025 Sur ces profils et les statistiques locales, le maire (PS), Claude Dilain, n’est pas surpris. L’édile considère que les causes de cet état des lieux « sont très claires ». Il y a tout d’abord l’enclavement de la ville, qui devrait être résolu avec le décrochage du tramway T4, et puis l’état très dégradé des copropriétés privées. « Tant qu’on laissera les marchands de sommeil officier tranquillement, on ne pourra rien faire », assure-t-il. C’est pourquoi, explique-t-il, il « se bat depuis des années » pour requalifier ces copropriétés et applaudit la grosse enveloppe (562 millions d’euros sur CLICHY-SOUS-BOIS, MISSION LOCALE, OCTOBRE 2009. La mission locale ne désemplit pas à Clichy et « la crise n’a fait qu’aggraver la situation de précarité dans laquelle nous étions », confie le directeur. Ici, une conseillère tente d’aider une jeune maman à trouver un poste de secrétaire médicale. (LP/G.P.) Clichy-Montfermeil) dévolue à la ville dans le cadre de la rénovation urbaine. « Ça ne se traduit pas encore N SEINE-SAINT-DENIS, de nombreuses usines ont fermé ces dernières années tandis que poussent les immeubles de bureaux. Cela ne veut pas dire que les ouvriers ont disparu, ni que les cadres supérieurs se sont installés en masse dans le département. En 2006, 15,2 % des habitants de plus de 15 ans se déclaraient ouvriers (contre 17,1 % en 1999), 7,1 % disaient appartenir à la catégorie CSP + (cadres et professions intellectuellement supérieures). La catégorie la plus représentée dans le 93 est celle des employés : 21,8 %. En Ile-de-France, c’est presque l’inverse : 9,8 % d’ouvriers, 16 % de cadres (et 17,9 % d’employés). pense « qu’en 2025, la ville de Clichy ne ressemblera plus du tout à ce qu’elle est ». Grégory Plesse 30 % des adultes n’ont aucun diplôme Toujours plus d’ouvriers que de cadres sup E dans les chiffres, poursuit le maire, mais on perçoit déjà un climat différent. Les gens ne se sentent plus délaissés. » Confiant pour l’avenir, il Dans toutes les villes de Seine-Saint-Denis, il y a moins d’ouvriers en 2006 qu’en 1999 et plus de cadres supérieurs. Les disparités restent cependant importantes. Dix communes ont plus de 17 % d’ouvriers : Aubervilliers, Le Blanc-Mesnil, Bobigny, Pierrefitte, Stains, Sevran, Saint-Denis avec des taux records à La Courneuve (19,1 %), Villetaneuse (19,5 %) et Clichy-sous-Bois (21,4 %). Les cadres supérieurs sont surtout représentés à Gournay-surMarne (17,5 %, le record), Le Raincy, Coubron, Les Lilas, Neuilly-Plaisance et Noisy-le-Grand, où ils forment plus de 12 % de la population adulte. B.S. ’EST PEUT-ÊTRE le critère de la formation qui distingue le plus la Seine-SaintDenis du reste de la région. 29,8 % des adultes n’y possèdent aucun diplôme, la situation étant pire pour les hommes (30,9 %) que pour les femmes (28,8 %). 16 % n’ont obtenu que le certificat d’études primaires ou le brevet des collèges. En Ile-de-France, 18,3 % des habitants n’ont aucun diplôme, 14,4 % ayant un certificat d’études ou un brevet des collèges. A l’opposé, moins d’un habitant sur dix de Seine-Saint-Denis (9,6 %) a un diplôme de niveau supérieur (bac + 3 et au-delà) alors que c’est plus d’un sur cinq (21 %) en Ile-de-France. C Ces chiffres cachent de fortes disparités entre les villes du département où les extrêmes se côtoient. A côté d’un Raincy, qui détient le taux record de 22,5 % de diplômés de niveau supérieur, Clichy-sous-Bois a celui moins enviable du plus fort taux de sans-diplômes : 45,8 % ! Sept autres villes comptent plus de 35 % d’adultes non diplômés : Aubervilliers, Bobigny, La Courneuve, Pierrefitte, Saint-Denis, Stains, Villetaneuse. Huit communes, en plus du Raincy, abritent plus de 12 % de bac + 3 et plus : Gournay-sur-Marne, Les Lilas, Neuilly-Plaisance, Le Pré-Saint-Gervais, Villemomble, Pantin, Noisy-le-Grand, Montreuil. B.S. « C’est le système D et l’entraide avec mes voisines » HOURIA, 48 ans, élève seule deux enfants à Saint-Ouen N DIVORCE, une recomposition, une nouvelle séparation… Comme un quart des foyers de Saint-Ouen, Houria est à la tête de ce que les statistiques appellent pudiquement une famille monoparentale. Cette pétillante infirmière de 48 ans élève seule Jade, 21 ans, et Flora, 8 ans et demi, qu’elle a eu de deux pères différents. Pas tous les jours facile quand on ne perçoit ni aide, ni pension et que l’on gagne 2 000 " par mois, dont un tiers passe dans le loyer d’un trois-pièces proche du métro Garibaldi. « La priorité, c’est de payer toutes les factures et de voir ce qu’il reste à la fin du mois. Du coup, c’est le système D et l’entraide totale avec mes voisines et mes sœurs. Je n’achète plus de sapes mais j’échange. J’ai fait U MARDI M A R D I 20 2 0 OCTOBRE O C T O B R E2009 2009 l’impasse sur les livres et les CD, et mes sorties, c’est au compte-gouttes. Et quand je travaille le week-end, mes voisines font les nounous. » « On achète en grosse quantité dans les hyper primeurs » En revanche pas question de mégoter sur la qualité de la nourriture. « Pour manger sans se ruiner, on prend une voiture à plusieurs, on achète en grosse quantité dans les hyper primeurs et on redispatche. » La moitié des amis et des connaissances d’Houria sont, comme elle, des familles monoparentales. « Un jour nous avons interpellé la mairie car rien n’est pensé pour nous, râle-t- elle. La cantine, les activités extrascolaires, les centres de loisirs : on paye tout plein pot. » Dès qu’elle le peut Houria s’échappe à Paris où elle ai- merait tant revenir. « Si je pouvais gagner 4 000 ", je regagnerai le XIe arrondissement, près du Cirque d’Hiver », confie-t-elle des étoiles dans les yeux. Avant de revenir à la réalité. « Tant que mes filles mangent, je reste zen », conclut-elle. Julien Duffé Une famille sur cinq est monoparentale N SEINE-SAINT-DENIS, seules la moitié des familles offre le schéma « classique » d’un couple avec des enfants. 30 % sont des couples sans enfants et, comme partout en France, le nombre de familles monoparentales progresse. En Seine-Saint-Denis, il est particulièrement important puisque 19,8 % des familles fonctionnent avec un seul parent à la maison, soit près d’une sur cinq (contre 15,8 % pour la moyenne de l’Ile-de-France). Il s’agit surtout de mères seules avec leurs enfants, même si l’on compte plus de 10 400 hommes élevant seuls leurs bambins, soit 2,8 % des familles. E Dix-huit villes sur les quarante du département comptent plus de 20 % de familles monoparentales, notamment Aubervilliers (22,1 %), Montreuil (22,5 %), Saint-Denis (24 %), Bobigny (24,4 %) ou Saint-Ouen (24,8 %). Le record est à L’Ile-Saint-Denis, petite ville sur laquelle l’Insee a comptabilisé 536 familles avec un seul parent, soit 29,1 % des familles. C’est à Coubron, la commune la moins peuplée de la Seine-Saint-Denis, que l’on compte le moins de familles monoparentales (11,1 %) mais là aussi la tendance est à la hausse. B.S. V V