Grossesse, accouchement et cultures : approche transculturelle de l

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Grossesse, accouchement et cultures : approche transculturelle de l
Notre référence : JGYN 1010
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JGYN 1010 1—6
Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction (2013) xxx, xxx—xxx
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ÉTAT DES CONNAISSANCES
Grossesse, accouchement et cultures :
approche transculturelle de l’obstétrique夽
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Pregnancy, delivery and customs: Transcultural approach in
obstetrics
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G. Carles
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Service de gynécologie-obstétrique, centre hospitalier de l’Ouest guyanais Franck-Joly, avenue De-Gaulle,
97320 Saint-Laurent-du-Maroni, Guyane française
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Reçu le 24 août 2013 ; avis du comité de lecture le 16 novembre 2013 ; définitivement accepté le 4 décembre 2013
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MOTS CLÉS
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Grossesse ;
Accouchement ;
Coutume ;
Culture
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KEYWORDS
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Culture
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Résumé La grossesse et l’accouchement forment le cœur des coutumes et des traditions de
toutes les ethnies car en découlent la survie de la communauté. Au cours des millénaires, chaque
société a élaboré par l’observation de la nature et par la création de mythes et de religions, un
ensemble de rites de protection et d’interdits visant à protéger les mères et leurs fœtus. Certains points communs sont retrouvés comme la relation privilégiée de la femme enceinte avec
les esprits et la symbolique autour du placenta et du cordon ombilical. La naissance à l’hôpital, si
elle rassure souvent par la sécurité qu’elle apporte, sera toutefois mal vécue par l’impossibilité
de respecter les traditions. Le personnel soignant qui a la charge de telles patientes déracinées
devra, avec l’aide des médiateurs culturels, s’efforcer de connaître un minimum de coutumes
et d’interdits et essayer d’obtenir la confiance par une attitude respectueuse et d’écoute et
adapter au mieux ses pratiques tout en respectant les règles d’hygiène et de sécurité.
© 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.
Summary Pregnancy and delivery are at the heart of all cultures and ethnic groups, as they
assure the continuity of any community. Over the millennia, each society has elaborated a
combination of prescriptions, proscriptions and protective rites for future mothers and babes,
based on their observations of nature in combination with their religious and mythic convictions.
Common to the majority are the vulnerability of the mother-to-be to spirits, and the crucial
and symbolic importance of the placenta and the umbilical cord. Delivery in hospital, in spite
of its reassurance of greater security, may be an unpleasant experience (to both mother and
family) because of the impossibility of respecting traditions. Medical personnel in charge of
such culturally uprooted patients should, with the help of cultural mediators, become familiar
Ce sujet a été présenté lors des Journées nationales de néonatologie à Paris en mars 2013.
Adresse e-mail : [email protected]
0368-2315/$ – see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.
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Pour citer cet article : Carles G. Grossesse, accouchement et cultures : approche transculturelle de l’obstétrique.
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Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2013.12.002
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G. Carles
with a minimum of customs and taboos (of the patient’s community) and win the patient’s
confidence through a respectful approach and an empathetic listening in order to adapt their
necessary practices of hygiene and security.
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Introduction
La grossesse et l’accouchement sont au cœur des traditions
de toutes les ethnies car en découlent la survie de la communauté.
De nombreux rites de protection et d’interdiction vont
entourer les femmes durant cette période, visant à protéger celle-ci et son fœtus de toutes les influences néfastes du
monde extérieur ou du monde des esprits. Au fil du temps,
chaque ethnie a accumulé un certain nombre d’expériences
et de pratiques pour favoriser le bon déroulement de la
grossesse et de l’accouchement.
Une connaissance, même partielle, de ces traditions
est nécessaire au soignant de culture occidentale afin
de ne pas braver des interdits et de tenter d’acquérir
la confiance des patientes. Pour cela, une écoute de la
patiente et de son milieu, des explications adaptées, aidées
par d’éventuels médiateurs culturels, sont indispensables.
Vouloir appliquer d’emblée nos protocoles occidentaux sera
souvent mal compris et mal accepté, nécessitant un minimum d’adaptabilité. Après avoir évoqué diverses coutumes
autour de la grossesse et de l’accouchement dans différentes populations, nous évoquerons l’expérience d’un
praticien occidental dans son approche de l’obstétrique
adaptée à un milieu traditionnel en Guyane.
La grossesse dans le monde
Dans toutes les sociétés, la grossesse est vécue comme un
heureux évènement mais aussi comme une angoisse, la grossesse est un état dont on ne connaît pas le dénouement, la
vie ou la mort.
Des points communs sont retrouvés dans la plupart des
ethnies :
• la femme enceinte et son fœtus sont fragiles car ils
peuvent être agressés par les mauvais esprits [1] ;
• la nécessité de mise en œuvre de rites de protection et
d’interdiction [2].
La femme enceinte est fragile
Elle peut être la proie de mauvais esprits qui se serviront
d’elle pour entrer en contact avec le monde réel et se
venger sur l’enfant à naître [3]. La plupart de ces esprits
dangereux attaquent la nuit, d’où l’interdiction pour les
femmes enceintes dans de nombreuses sociétés de sortir la
nuit.
Dans beaucoup de pays d’Afrique, la grossesse est cachée
pendant les premiers mois afin de ne pas attirer les mauvais esprits. De même, elle ne devra pas acheter trop
tôt les vêtements du bébé, cela risque de leur porter
malheur.
La femme enceinte est souvent marginalisée
Elle peut représenter une menace pour la société, car son
état la rapproche des puissances surnaturelles qui peuvent
être maléfiques pour la communauté. Ainsi, la femme
enceinte devra éviter de se rendre dans les champs afin de
ne pas porter malheur à la récolte (Dogon) [4].
La femme devra également veiller à respecter différents
rites d’évitement afin d’empêcher les esprits des défunts de
la pénétrer et d’agir ensuite sur son entourage [1].
La femme enceinte devra se protéger contre les
mauvais sorts
Esprits et sorciers vont tenter plusieurs maléfices contre la
femme et son fœtus d’où la nécessité pour la mère de se
protéger :
• rites de protection : bains de kaolin (Afrique), port de
vêtement particuliers, massages ;
• objets de protection :
◦ talismans protecteurs donnés par un sorcier contre le
risque d’avortement (Afrique, Vietnam),
◦ amulettes contenant un verset du Coran au Sénégal,
◦ cordelettes données par un chaman portées autour du
ventre chez les Ndjukas de Guyane [5].
La présence de jumeaux sera souvent perçue comme une
malédiction, le second jumeau étant considéré comme la
réincarnation d’un mort (Taïwan, Oyampis de Guyane) [6].
La femme enceinte devra respecter certaines
règles
Règles de comportement
Elle devra rester active, la grossesse n’étant pas une maladie
mais une attente, ainsi la mise au repos en cas de pathologie
est souvent mal acceptée. Elle devra éviter tout contact
avec la mort, avec certains animaux qui portent malheur et
au contraire tenter de regarder le plus possible les belles
choses [1].
Elle devra éviter certains gestes qui par analogie
pourraient retentir sur la croissance du bébé ou sur
l’accouchement. Par exemple, ne pas enjamber tout ce qui
peut rappeler le cordon ombilical comme des lianes ou des
cordes. Au Vietnam, elle ne portera pas de collier ou de bracelet pour éviter que son bébé ne s’étrangle avec le cordon
ombilical. Beaucoup d’interdits sont associés aux passages
ou aux portes, symboliquement rapportés au col de l’utérus.
Pour citer cet article : Carles G. Grossesse, accouchement et cultures : approche transculturelle de l’obstétrique.
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Au Gabon, la femme enceinte ne croisera pas les jambes
pour éviter des difficultés d’accouchement [7].
Interdits alimentaires
De nombreux interdits alimentaires, spécifiques à chaque
communauté, sont censés par analogie de forme ou de structure être respectés par la gestante :
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• les œufs, susceptibles de se transformer dans le ventre
de la mère (œufs de poissons : Oyampis de Guyane) ;
• les fruits à peau rugueuse ou tachée, le gibier avec des
marques sur la peau qui pourraient entraîner des maladies
de peau chez l’enfant (Guyane) ;
• des mets collants qui pourraient gêner la descente de
l’enfant.
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Les envies
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vie de la famille alors que les filles partiront dans leur nouveau foyer. Ainsi de nombreux rites de prédictions du sexe
de l’enfant ont été créés, basés soit sur la date des rapports sexuels, soit sur l’interprétation des rêves, soit sur la
morphologie de la future mère. D’autres méthodes existent
pour choisir le sexe de l’enfant, ainsi en Papouasie la future
mère mangera des boutons de fleurs dont la forme rappelle
celle des testicules [11]. Toutefois les sociétés matrilinéaires
ou à résidence matrilocale peuvent préférer les filles qui
amèneront des maris résidentiels très utiles.
L’échographie, si elle a permis en Guyane par son aspect
magique, d’amener les femmes enceintes au suivi prénatal,
est détournée dans d’autres pays comme la Chine et l’Inde
à des fins de discrimination sexuelle.
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Dans de nombreux pays, la famille et l’entourage de la
future mère vont s’unir pour que celle-ci n’ait pas faim
et que ses envies soient satisfaites. Si ce n’est pas le cas,
l’enfant pourra porter la marque de cette envie (Afrique du
Nord, Antilles).
La géophagie : cette pratique ancestrale d’ingestion de
terre est très répandue, notamment en Afrique où elle participe à la fois à des rites traditionnels et est utilisée pour
calmer les douleurs gastriques. L’ingestion de kaolin chez
les Ndjukas de Guyane peut entraîner par chélation du fer
des anémies ferriprives sévères ainsi que des intoxications
aluminiques [8].
Pratiques pour améliorer l’état de l’enfant et
préparer l’accouchement
Parmi les peurs concernant le fœtus, on retrouve dans la
plupart des sociétés celles d’avoir une circulaire du cordon, un excès de liquide amniotique, un enfant trop gros
ou malformé.
Plusieurs aliments sont recommandés à la future mère
pour avoir le plus bel enfant possible, on retrouve toujours
une analogie entre l’aspect d’un animal ou d’une plante et
l’effet escompté sur le nouveau-né.
En Chine, la jeune femme s’abstiendra de boire du thé
pendant la grossesse pour que la peau de son enfant ne
soit pas trop foncée [9]. En Turquie, la femme consommera
beaucoup de lait afin que son nouveau-né ait une peau bien
blanche [10].
Au Mali, afin d’éviter la macrosomie fœtale, le sorcier
donnera à la future mère une décoction faite d’extraits de
crapaud, de chauve-souris, d’un fragment de parapluie et de
sensitive, tous capables de changer de forme. En Guyane,
la femme ndjukas prendra à plusieurs reprises des bains
de feuilles ainsi que des bains périnéaux afin de préparer
l’accouchement tandis que des cérémonies seront organisées afin de repousser l’action néfaste de certains ancêtres.
Le sexe de l’enfant
Dans la très grande majorité des sociétés, les couples
espèrent avoir surtout des garçons qui aideront plus tard à la
Selon les cultures, différents interdits alimentaires et de
comportement seront imposés au futur père. Il évitera de
consommer certains poissons ou de tuer un animal pendant
la grossesse de son épouse. D’une façon générale, comme
chez les Bushinengé de Guyane, le père a la responsabilité
de veiller à la sécurité et au confort de sa femme pendant
cette période [12].
Certaines ethnies privilégient les rapports sexuels pendant la grossesse arguant que le fœtus a besoin du liquide
séminal. Chez d’autres au contraire, les rapports seront
interrompus à un âge plus ou moins avancé de la grossesse.
L’accouchement
Période attendue et redoutée, la phase d’accouchement
sera elle aussi entourée de rites et de pratiques visant au
bon déroulement de celui-ci.
En milieu traditionnel, les femmes se feront assister le
plus souvent par des matrones choisies par la communauté.
Celles-ci pratiqueront les rites nécessaires, les massages et
apporteront leur soutien aux parturientes.
Dans la très grande majorité des ethnies, la présence
du père est jugée comme néfaste au bon déroulement de
l’accouchement et toute présence masculine est bannie [1].
L’accouchement a lieu le plus souvent à domicile, parfois dans une case construite spécialement comme chez les
Oyampis de Guyane ou chez les Tohokwés en Angola [6].
La parturiente mettra un point d’honneur à ne pas exprimer sa douleur. Chez les Diolas au Sénégal, l’accouchement
est considéré comme un combat contre la souffrance et la
mort et seules les femmes stoïques pendant cette épreuve
pourront être intégrées à la communauté [13]. À l’inverse la
femme haïtienne pourra exprimer bruyamment sa douleur.
Lors du travail et de l’accouchement, la parturiente adopte
le plus souvent une position assise ou accroupie et la déambulation reste possible. Ce fut également le cas en Europe
jusqu’au début du xxe siècle. En Guyane française, la jeune
Oyampi est assise sur un tronc de bananier d’une variété
spéciale, tandis que la jeune Bushinengé est accroupie sur
le sol de sa case.
Divers rites de protection, procédés magiques et potions
seront utilisés par la sage-femme traditionnelle pour faciliter l’accouchement et la délivrance. Le sorcier pourra
intervenir en cas de dystocie pour éloigner les mauvais
Pour citer cet article : Carles G. Grossesse, accouchement et cultures : approche transculturelle de l’obstétrique.
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esprits et administrer d’éventuels breuvages ocytociques.
En Afrique, la raison souvent invoquée pour interpréter les
dystocies est l’adultère dont la femme est rendue responsable [1].
La césarienne, lorsque sa réalisation est possible, est
redoutée par les femmes car, outre la mutilation, elle
affiche devant sa communauté son incapacité à savoir
accoucher. Redoutée aussi, car dans certaines ethnies la
césarienne n’est pratiquée par le sorcier que lorsqu’une
femme est morte en accouchant afin de libérer l’esprit du
fœtus. Il en était de même en France au Moyen-Âge où
les barbiers avaient l’ordre papal d’extraire l’enfant par
césarienne chez une femme mourante afin de baptiser le
nouveau-né [14].
Après l’accouchement
La section du cordon ombilical est effectuée selon un rituel
propre à chaque ethnie. Ce cordon, symbole nourricier
pourra être, soit enterré, soit brûlé, soit conservé comme
porte-bonheur [1].
Les sociétés traditionnelles accordent au placenta des
pouvoirs pouvant influer sur la vie du nouveau-né. Très
souvent, comme en France autrefois, le placenta sera
enterré près de la maison pour affirmer l’attache au sol de
naissance.
La mère devra le plus souvent s’isoler avec son enfant
car elle est considérée comme impure et les mauvais esprits
sont attirés par le sang maternel. La chaleur servira à lutter
contre le froid qui tend à envahir la mère par le vagin comme
chez les Ndjukas de Guyane où la mère devra prendre des
bains chauds périnéaux plusieurs fois par jour afin d’éviter
que le froid ne la pénètre.
Naissance à l’hôpital
En milieu traditionnel, la naissance est vécue comme un évènement naturel et social avec la participation de la famille.
À l’hôpital, les femmes seront partagées entre la peur des
complications de l’accouchement, le monde inconnu qui les
entoure et le fait de ne pas pouvoir respecter les rites de la
naissance.
Cette naissance à l’hôpital, en milieu occidental sera
souvent mal acceptée :
• absence de choix de l’entourage médical, personnel masculin ;
• problème de communication avec le personnel soignant ;
• impossibilité de respecter certains rites, bains, massages,
présence familiale ;
• le personnel insiste sur la présence du mari qui est souvent
jugée néfaste ;
• difficulté pour se mobiliser pendant le travail et pour choisir sa position d’accouchement ;
• non-respect de la pudeur par des examens trop fréquents ;
• réputation de césarienne trop fréquente mal acceptée
ainsi que l’épisiotomie ;
• placenta et cordon non respectés ;
• mise au sein précoce alors que dans certaines ethnies le
colostrum est jugé dangereux ;
• prises de sang chez l’enfant qui vont diminuer sa force
vitale.
Un minimum de compréhension mutuelle sera nécessaire
au bon déroulement du séjour en maternité à la condition
que soient respectées les règles d’hygiène, de sécurité et
de laïcité. Dans les sociétés animistes, à la différence des
grandes religions monothéistes, la séparation entre culture
et religion est le plus souvent impossible à définir.
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Grossesse, accouchement et religions monothéistes
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Dans les religions chrétiennes et juives, il n’existe pas de
rites particuliers pendant la grossesse hormis des prières de
protection de l’enfant à naitre. Dans la religion islamique,
il est conseillé à la femme enceinte la lecture de certaines
sourates du Coran et celle-ci est exonérée de jeûne durant
le ramadan.
Pour ces trois religions, les restrictions vont intervenir
surtout dans les actes de dépistage anténataux comme la
recherche de trisomie 21 qui sera considérée comme un acte
préalable à l’avortement.
Lors de l’accouchement, le père musulman pourra assister sa femme alors que la présence du père juif est
déconseillée.
Certains versets du Coran, censés faciliter le travail,
pourront être lus pendant cette période, ou une feuille
contenant certaines invocations pourra être accrochée à
l’épaule de la parturiente. Certains imams considèrent que
la césarienne est interdite par le Coran, elle sera donc mal
acceptée notamment dans les milieux intégristes.
Dans les trois grandes religions du Livre, la plupart des
rites obligatoires interviennent après la naissance, que ce
soit chez la mère (bains purificateurs) ou chez l’enfant (baptême, circoncision).
Nous avons voulu rapporter ici l’expérience de l’auteur
après 30 ans de pratique obstétricale auprès des femmes
de l’ouest de la Guyane française et la confrontation inéluctable entre la médecine occidentale et les différentes
traditions de nos patientes. La Guyane française comporte
de nombreuses ethnies d’origine amérindienne, africaine,
antillaise, sud-américaine et asiatique. Chacune de ces
populations a ses propres coutumes et sa propre vision de la
naissance. Il serait impossible ici de rapporter toutes ces traditions, mais nous avons voulu montrer qu’une connaissance
minimale de celles-ci était indispensable afin d’adapter nos
pratiques à chacune d’elles et que l’écoute respectueuse
permettait progressivement d’introduire certains éléments
médicaux afin d’améliorer la sécurité périnatale.
Principes généraux pour la pratique de
l’obstétrique en milieu traditionnel
Humilité
Le soignant de culture occidentale se retrouve devant une
communauté dont il ne connaît rien et se trouve désarmé,
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en perte de repères. L’obstétrique est en elle-même une
école d’humilité :
• travail à genoux (Malinas) ;
• humilité devant la nature qu’il faut savoir éviter de brusquer ;
• humilité devant les femmes qui forcent notre admiration
au quotidien.
Adaptabilité
Toutes les traditions ne sont pas mauvaises, elles sont
souvent le fruit d’observations millénaires. Il faut savoir
remettre en cause les dogmes et les protocoles occidentaux
pour les adapter au milieu.
Apprentissage
Pour pouvoir soigner au mieux ces patientes, le médecin
devra connaître un minimum de leurs coutumes, de leur
langue et de leur médecine traditionnelle. Le personnel
soignant devra savoir s’entourer de médiateurs culturels
et sortir de l’hôpital pour appréhender le milieu par
l’intermédiaire de réunions de patientes ou d’associations.
Écoute
Savoir demander aux patientes leurs attentes du milieu hospitalier et de leur signaler certains actes à faire ou à ne pas
faire.
Respect
Respecter certaines traditions tant qu’elles ne remettent
pas en cause les principes d’hygiène et de sécurité.
Respecter la pudeur en limitant certains gestes mal
acceptés comme la mise en place d’un spéculum qui permet
l’entrée des mauvais esprits.
Savoir résister au sentiment de fatalité : tout incident
sera rapporté à une cause divine ou magique et les tentatives
d’explications rationnelles seront incomprises.
Chercher l’ouverture pour introduire certains
éléments médicaux
Dans le dialogue direct avec les patientes, l’absence de
notion d’anatomie et de physiologie va rendre difficile tout
conseil médical.
Entretien avec les tradipraticiens
En milieu tropical, la rencontre avec les chamans et les
sorciers est indispensable pour établir un dialogue et une
collaboration. Certains possèdent une connaissance obstétricale importante avec, par exemple, l’extraction d’un
enfant avec une épaule négligée observée en Guyane :
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•
•
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•
écouter leurs pratiques ;
connaître leurs domaines d’intervention ;
apprendre les interdits incontournables ;
expliquer les possibilités de la médecine occidentale ;
proposer un partage des rôles : par exemple, savoir lui
adresser des patientes présentant des symptômes peu
inquiétants mais négocier l’accouchement à l’hôpital en
mettant en avant les risques hémorragiques pour lesquels
ils sont désarmés. Leur ouvrir la maternité pour certains
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rites de préparation à l’accouchement, à la condition
qu’ils s’abstiennent de délivrer tout breuvage ou décoction aux effets inconnus, voire nocifs (ocytociques), les
informer des signes d’appel nécessitant un transfert à
l’hôpital : céphalée, éclampsie, hémorragies. . .
Entretien avec les matrones
Reconnaître l’importance de leur accompagnement pour les
femmes enceintes, connaître leurs pratiques et les informer
sur les possibilités d’aide de la médecine occidentale. Leur
faire comprendre que l’accouchement en milieu hospitalier
comporte moins de risques que les accouchements à domicile et que leur rôle doit se limiter à des pratiques de soutien
psychologique des parturientes.
Entretien avec les médiateurs culturels et associations
Tenter de faire comprendre que la médecine des Blancs
est présente pour les aider et non pour faire des expérimentations sur les autochtones. Les buts recherchés seront
d’attirer les patientes vers une surveillance prénatale bien
comprise et un accouchement en milieu hospitalier.
Chercher à obtenir la confiance des femmes
enceintes
Seule la mise en confiance progressive de la communauté des
femmes permettra une rentrée dans le système de soins.
Avec l’échographie, le médecin accepte de se transformer pour un temps en magicien. Pour y avoir accès, les
patientes devront accepter une première visite prénatale
et un bilan sanguin.
Une présence médicale attentive et respectueuse permettra à long terme de montrer aux femmes qu’en y
consacrant du temps, leurs problèmes sont pris en considération.
Réunions d’information communautaires avec l’aide des
médiateurs culturels, de sages-femmes de la PMI et traditionnelles, il s’agira :
• d’expliquer l’intérêt du suivi de grossesse, de
l’accouchement à l’hôpital ;
• d’informer sur les signes d’alerte : fièvre, douleur,
métrorragies. . . ;
• d’instituer progressivement certaines notions fondamentales : hygiène, anatomie, prévention du paludisme et de
l’anémie, lutte contre la géophagie, intérêt et raison des
bilans sanguins ;
• d’écouter les demandes des patientes : alimentation, respect de la pudeur, respect du placenta, épisiotomie. À
Saint-Laurent-du-Maroni, à la suite de réunions avec les
femmes de la communauté Hmong, celles-ci ont accepté
de venir accoucher à l’hôpital si nous respections certaines règles : alimentation spéciale, respect du placenta,
absence d’épisiotomie et de prise de sang aux nouveaunés [15] ;
• d’expliquer le rôle de la césarienne, principale cause du
rejet de l’accouchement en milieu hospitalier et faire
comprendre qu’il s’agit d’un recours ultime et non d’une
facilité et que le médecin fera le maximum pour l’éviter ;
• de promouvoir la notion d’exemple : mettre en avant
des accidents graves qui auraient pu être évités, ainsi
Pour citer cet article : Carles G. Grossesse, accouchement et cultures : approche transculturelle de l’obstétrique.
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que des cas de réussite médicale. À Saint-Laurent, après
le traitement efficace d’une béance cervicale chez une
patiente qui faisait des fausses couches répétées, toutes
les femmes de son village sont venues accoucher à
l’hôpital. Ces patientes satisfaites des soins médicaux
pourront servir d’intermédiaire avec leur communauté ;
• de s’adapter aux pratiques : accepter certaines pratiques
traditionnelles non délétères : massages, alimentation,
respect des coutumes concernant le cordon ombilical
et le placenta, limiter les prises de sang, allaitement
retardé. Accepter certains refus thérapeutiques comme
le problème délicat des malformations découvertes à
l’échographie pour lesquelles un transfert ou une interruption de grossesse seront le plus souvent refusés.
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Accepter certaines prises de risque
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Limiter le recours à la césarienne dans les limites acceptables pour l’enfant (ventouse d’engagement). Une patiente
terrorisée par une première césarienne aura tendance à vouloir accoucher ultérieurement à domicile.
Repousser les limites au maximum en cas
d’accouchement du siège ou gémellaire ou sur utérus
multicicatriciels.
Limiter les déclenchements du travail : « le médecin n’est
pas Dieu qui décide du jour de l’accouchement ».
À Saint-Laurent-du-Maroni, nos équipes ont pu obtenir
une relation de confiance progressive avec les différentes
communautés ce qui a contribué sur 30 ans à observer une
division par dix de la mortalité maternelle et périnatale.
Mais l’arrivée continue de nouveaux immigrants oblige à
continuer l’effort d’information.
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Effets déculturants de la médecine
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La médecine occidentale en supplantant par ses réussites le
rôle du sorcier va inéluctablement diminuer son poids dans
la communauté alors qu’il est porteur de l’ensemble des
coutumes de celle-ci. Que peut celui-ci devant la magie de
l’échographie ?
De plus en plus d’interdits vont être bravés comme la
contraception, le recours à l’interruption volontaire de grossesse par les plus jeunes ce qui entraînera un conflit de
générations.
La médecine occidentale sera souvent accompagnée
des attraits des pays développés : télévision, alimentation. Ceux-ci pourront avoir un rôle déculturant et parfois
délétère avec par exemple l’augmentation du diabète gestationnel.
Accouchement et laïcité
Dans de nombreux hôpitaux français, la présence de personnel masculin dans l’équipe obstétricale entraîne parfois un
refus de soins de la part de maris musulmans. Le principe de
laïcité doit alors s’imposer, l’expression de convictions religieuses ne devant pas porter atteinte au fonctionnement du
service, à la qualité des soins et à la sécurité des patientes.
Conclusion
Depuis la nuit des temps, les sociétés traditionnelles ont
observé la nature et ont tenté d’adopter des pratiques
autour de la femme enceinte visant à la survie de la communauté.
L’arrivée de la médecine occidentale ne pourra se faire
que progressivement à la condition de connaître les coutumes et les interdits de chaque société.
Le personnel soignant pour obtenir la confiance des
femmes devra adapter sa pratique en cherchant à respecter
les demandes des patientes.
Déclaration d’intérêts
L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Références
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Pour citer cet article : Carles G. Grossesse, accouchement et cultures : approche transculturelle de l’obstétrique.
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Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2013.12.002
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