Le Cavalier seul

Transcription

Le Cavalier seul
Tableau de Jacques Audiberti (Collection Marcel Maréchal)
Le Cavalier seul
Jacques Audiberti
Marcel Maréchal
saison 2013/2014
Le Cavalier seul
Le Cavalier seul
de Jacques Audiberti
nouvelle mise en scène de Marcel Maréchal
avec
Marina Vlady
Marcel Maréchal
Mathias Maréchal
Emmanuel Dechartre
Antony Cochin
Michel Demiautte
… distribution en cours
Dramaturgie François Bourgeat
Assistant à la mise en scène Antony Cochin
Décors et costumes : Jacques Angéniol
Lumières Jean-Luc Chanonat
Une production de la Compagnie Marcel Maréchal
contact Hélène Icart et Carole Ivars / Prima donna 10, rue de la Fontaine au Roi 75011 Paris
T. 01 42 47 05 56 / [email protected] / [email protected]
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Le Cavalier seul
ARROGANTE CIVILISATION
DES CROISADES ET DU NAPALM…
Il est des titres de films, de romans, de pièces qui plus que d’autres
font rêver. Ainsi Le Cavalier seul… Trois petits mots évoquant on ne sait quel
d’Artagnan jailli du terroir pour conquérir le monde. Ou peut-être un de ces héros
de western que l’on voit s’éloigner à la fin du film, toute vengeance accomplie,
cavalier seul sur un ciel en technicolor. Ou encore un de ces types bizarres qui
un beau matin quittent la maison, la mère, le mol troupeau quotidien et partent
au-devant d’eux, poussés par un feu qui les brûle…
Et puis un jour on découvre qui s’avance derrière ce beau titre. Devant
nous se dresse Mirtus, le cavalier audibertien, jeune homme à la chair dure et au
verbe cru, quittant son pays d’oc pour à travers les terres et les mers s’enfoncer
dans la fabuleuse aventure de la Croisade, jusqu’à Jérusalem et au tombeau
du Christ. Dans ce jeune guerrier d’élite, « gros amateur de donzelles » et qui
un moment – un moment seulement – va se laisser tenter par le « miel oriental »,
c’est nous-mêmes que nous retrouvons. C’est notre faim d’absolu mais aussi
notre incommensurable orgueil occidental, notre grossièreté conquérante,
notre appétit de domination, notre peur.
Jamais le chef d’œuvre d’Audiberti n’a paru aussi actuel qu’aujourd’hui,
alors que l’Occident, qui semble n’avoir rien appris de ses déroutes coloniales,
continue de vouloir imposer au monde une civilisation que certains s’évertuent
encore à croire supérieure.
Le Cavalier seul, cette épopée qui, dans une langue admirable, brasse
folie burlesque, acrobaties bouffonnes et moments d’émotion intense, est un
« J’accuse » d’une violence inouïe. Il sape et tourne en dérision les fondements
même de notre « arrogante civilisation des Croisades et du napalm » (Gilles
Sandier).
Plus profondément, Mirtus, parvenu au terme de sa quête et bouleversé
par la vision d’un condamné à mort que l’on conduit comme un christ au
supplice, se révoltera contre une religion qui prospère sur la croyance au péché
et la glorification de la souffrance… « Ne nourrissons pas d’une chair hurlante
le rêve de l’Église chrétienne. Laissons dans les bréviaires pourrir ce rêve noir.
Tout ce que Dieu veut, c’est un verre d’eau. C’est rentrer chez lui qu’il veut.
C’est se coucher. C’est qu’on le délivre du mal »…
François Bourgeat
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Le Cavalier seul
DE LYON A LA COUR D’HONNEUR DU PALAIS DES
PAPES, MARCEL MARÉCHAL RACONTE
LE DESTIN DU CAVALIER SEUL.
Ma passion pour Audiberti, que je considère comme un maître,
mon maître, remonte à l’adolescent qui découvre ses poèmes dans Des
tonnes de semence ou Toujours. Ceci, par exemple :« Comme la main
qui plonge aux paillasses des morts / Exhume les papiers, les valeurs,
les affaires, / Ainsi l’esprit fouillant l’éternité des sphères / Découvre les
secrets qui rendent faible et fort… »
Moi qui, comme l’écrit Baudelaire, « tout enfant ai senti dans mon
cœur deux sentiments contradictoires, l’horreur de la vie, et l’extase de
la vie… », je me suis reconnu et trouvé, faible et fort, dans les mots de
Jacques qui m’ont d’emblée transpercés. J’étais né à l’autre versant de
la vie, l’art, la poésie.
J’ai bien vite su que je n’étais ni Baudelaire, ni Audiberti. J’ai
renoncé à ma folle envie d’écrire et c’est le cinéma qui m’agrippa. Le
théâtre était loin de mes pensées, mais c’est finalement lui qui prit le
dessus.
Commence alors l’histoire du Cothurne, à Lyon, petit théâtre de
99 places (113 avec les coussins !) où Roger Planchon avait fait ses
débuts et où nous créons, en 1963, Le Cavalier seul, confrontation
passionnée entre l’Orient et l’Occident à travers la croisade solitaire
d’un chevalier de langue d’oc jusqu’à Byzance et Jérusalem. « Lyon fait honte à Paris en créant le chef d’œuvre d’Audiberti »,
écrit alors Gilles Sandier.
Aussitôt nous sommes invités au Studio des Champs-Élysées
dirigé par Maurice Jacquemont. Même succès, qui vaut à notre jeune
compagnie la première aide du Ministère de la Culture. Audiberti,
derrière ses lunettes noires et son Borsalino était là chaque soir, Avenue
Montaigne, pour savourer notre bonheur commun.
Deux ans plus tard il nous quittait, le 10 juillet 1965. La nuit du 9
au 10, je couchais chez lui Boulevard Saint-Germain… Son départ, s’il
fut pour moi une déchirure – j’étais orphelin d’un guide, d’un ami – fit
de moi un fils héritier avec le devoir de faire connaître encore mieux son
•••
œuvre.
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Le Cavalier seul
••• C’est ainsi que dix ans plus tard, en 1973, Audiberti et notre
Cavalier seul faisaient leur entrée dans la Cour d’honneur du Palais
des Papes, en Avignon. « Avec 25 ans de retard, un public populaire
découvre le seul dramaturge français de l’après-guerre dont l’oeuvre
diversifiée pourrait satisfaire aussi bien les déshérités de la culture que
les intellectuels exigeants de l’avant-garde… » (Jean-Yves Guérin)
Passer d’une salle de 99 places à la Cour d’honneur prouve, s’il en
était besoin, la force singulière du Cavalier seul, pièce refusée par Jean
Vilar et Jean-Louis Barrault alors qu’Audiberti l’avait écrite en pensant
à Chaillot ou à l’Odéon… Nous jouons ensuite ce spectacle à Moscou,
Leningrad, avant de le reprendre au Théâtre de la Criée, à Marseille,
puis en Amérique du Sud (Rio, Buenos Aires, Montevideo, Brasilia).
Et voici qu’aujourd’hui, c’est à nouveau une toute « jeune »
compagnie, la Compagnie Marcel Maréchal (c’est ce qu’on a trouvé de
plus simple !) qui propose une nouvelle version de ce Cavalier seul.
Remonter Le Cavalier seul, c’est pour moi revisiter entièrement
une œuvre qui me hante depuis des décennies. Une œuvre qui ne
ressemble à aucune autre et de faire redécouvrir un poète, frère des
Élisabéthains, qui se joue des conventions du langage avec un tel art
du baroque qu’il faudrait inventer pour lui le mot « baroxysme » ! C’est
raconter une histoire magnifique, à la fois grand roman d’aventures
et quête mystique. C’est enfin remettre en pleine clarté, comme peu
d’œuvres théâtrales ont su le faire, ce rapport de fascination-haine qui
lie Occident et Orient. Aujourd’hui plus que jamais, la mise en théâtre
de cette parole prophétique s’impose.
On reproche trop souvent au théâtre ou au cinéma de se
contempler le nombril. Pour une fois qu’une œuvre s’élève au-dessus
de nous-mêmes, il y a urgence à la faire entendre. Et je veux et ne doute
pas qu’Audiberti rencontre une nouvelle fois la ferveur et l’admiration du
public de ce XXIème siècle.
Quant à moi, qui suis né avec Le Cavalier seul, je puis dire,
comme le poète :
« Je suis né, je commence encore une fois. »
Marcel Maréchal
Printemps 2012
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Le Cavalier seul
Jacques Audiberti
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Le Cavalier seul
CE QUE RACONTE LE CAVALIER SEUL
« HARDI ! SECOUONS-NOUS ! NOUS SOMMES LES CHRÉTIENS ! »
Le XIème siècle, trois actes, trois lieux : le Languedoc, Byzance,
Jérusalem.
Traversant la pièce, Mirtus, jeune paysan du Languedoc.
Endoctriné par un prêtre bénisseur d’artillerie, Mirtus s’en-va-t-en-guerre
et en croisade. La chance lui sourit, il arrive le premier à Byzance où
l’autocrate Théopompe III et l’impératrice Zoé, un peu desséchée, lui
offrent quasiment l’empire. À la cour raffinée de Théopompe, qu’entourent
adolescents et courtisanes, on n’a pas assez de mépris pour les voyous
occidentaux, ces sales tribus barbares, toute cette « écurie occidentale »
qui s’apprête à déferler, cette racaille catholique et affamée qui suit
Mirtus, et plus encore pour leur sinistre Dieu, ce Dieu gendarme de la loi
matrimoniale qui « sans cesse épie l’homme et la femme dans le lit, et au
nom de qui les prêtres bénissent les dogues lâchés sur les chevreuils ».
Mais Mirtus veut voir le Saint-Sépulcre. Le voici à Jérusalem,
toujours chéri de la chance, c’est à dire cette fois du Calife qui lui offre
le commandement de l’armée sarrasine et le lit de la belle Fatima. Sa
morale commence à vaciller devant la fascination de l’Orient avec son
odeur de rose, de cendre, de santal et de mouton, cet Orient qui semble
bien fasciner Audiberti…
Mais voici que ce troisième acte se met à dérailler de géniale
façon… Un homme paraît, couronné d’épines, que la police mameluk
s’apprête à empaler. Cette séquence de la Passion, la rencontre de
Mirtus et du Christ recrucifié depuis mille ans par l’usage qu’ont fait de
lui et de ses paroles ses vicaires et ses soudards, je la tiens pour une
des plus belles scènes du théâtre d’aujourd’hui. Mirtus comprend alors le
mensonge du « bataclan évangélique », il comprend que rien n’a eu lieu
auparavant, que « c’est en ce moment que la Passion s’accomplit ».
Mirtus est illuminé, mais il n’a pas le « plastron » de prendre la
place du condamné, comme lui propose le Calife. Et notre héros, une
fois ses frères d’armes entrés à Jérusalem dans un bain de sang « et des
fourgons pleins d’hosties », s’en ira avec eux gaillardement cravacher et
saigner l’infidèle, « dans le couscous, dans les palmiers » pour la plus
grande gloire de Dieu et du Pontife. « Hardi ! secouons-nous ! Nous
sommes les Chrétiens ! »
Gilles Sandier
(Extraits d’un texte paru dans Théâtre et Combat)
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Le Cavalier seul
EXTRAITS DE PRESSE
Créé en 1963 à Lyon, Le Cavalier seul est repris au Festival
d’Avignon en 1973, dans la Cour d’honneur du Palais des Papes.
« On a retrouvé, ce soir-là, les grands jours d’Avignon ». Gilles
Sandier (Politique-Hebdo)
« Une confrontation passionnée entre l’Orient et l’Occident à
travers la croisade solitaire d’un chevalier de langue d’oc jusqu’à
Byzance et Jérusalem. » Robert Kanters (L’Express)
« Épopée bouffonne, drame insolent tournant en dérision les
croyances et les passions, Le Cavalier seul retrouve, dans son
éblouissant délire verbal, le souffle des poètes visionnaires, des
créateurs de mythes qui transfigurent la réalité en symboles. Ce
thème épique – voyage de Candide ou quête de Perceval – Audiberti
le mène par les chemins imprévus de sa fantaisie, le suspend sur
des méditations angoissées, l’orne d’anecdotes burlesques. » Louis
Dandrel (Le Monde)
« Et sus aux infidèles au nom de la foi ! Les papes en ont déjà entendu
de vertes, dans la cour de leur palais d’Avignon. Mais un message
aussi noir, aussi dur sous la dérision de la parole, un constat aussi
sec et désespéré sous l’oripeau des plaisanteries salaces et des
jeux de mots, ce n’est pas souvent que les pontifes ont pu en
déguster de pareils ! Nous non plus… Marcel Maréchal et ses
interprètes nous ont donné l’impression d’être inspirés, portés
par le grand souffle de la poésie. » Matthieu Galey (Combat)
« La mise en scène de Marcel Maréchal, à la mesure du Palais des
Papes, donne le ton nécessaire à cet audibertissement plein de
farces, de poésie et de truculence. » Vasquez de Sola (Le Canard
enchaîné).
« Au-delà de l’anecdote, d’une histoire perpétuellement brisée par
un langage et une imagination débridés, il s’agissait de montrer, en
mettant en scène Audiberti, que le théâtre est avant tout langage.
La réussite est totale. » Christine Glucksmann (France-Nouvelle)
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Le Cavalier seul
JACQUES AUDIBERTI
UNE ŒUVRE PROFONDÉMENT MODERNE
Disparu en 1965, Jacques Audiberti était né en 1899, à la jointure
de deux siècles. Et il fut à l’extrême l’homme de cette jointure, mêlant en
un même chant ininterrompu Hugo, Baudelaire et les satellites artificiels.
Son œuvre est immense. Tour à tour poète (Race des hommes,
Ange aux entrailles…), romancier (Monorail, La Na, Carnage, Marie Dubois,
Les Jardins et les fleuves, La Poupée, Dimanche m’attend… ), dramaturge
( Le Mal court, Quoat-Quoat, Les femmes du bœuf, Pucelle, La Fête noire,
Le Cavalier seul, Opéra parlé…), essayiste (Les Médecins ne sont pas
des plombiers, L’Ouvre-Boîte, l’Abhumanisme…) mais aussi critique de
cinéma et peintre, il a été, comme Hugo, un « homme-livre ».
Lui qui se voulait l’héritier littéraire du XIXème siècle a vécu à fond
les doutes et les enthousiasmes de notre temps. La science le passionnait.
La science et la science-fiction. Et il enrageait de ce que la poésie, « avec
ses gros sabots » s’avérât incapable de « digérer le monde moderne ».
Le cinéma le fascinait. Il y voyait, outre « un fleuve de bonheur »,
un renouvellement possible de la rêverie poétique. Il collabora activement,
entre autres, aux Cahiers du Cinéma. Michel Giroud réunira tous ses
articles dans Le Mur du fond. En 1960, Jacques Baratier tournait La
Poupée d’après le roman du même nom. Quelques années plus tard,
Marcel Maréchal s’emparait à son tour de La Poupée et portait au théâtre
cette histoire délirante où l’amour donne la main à la révolution. On était
en 1968…
Jean-Luc Godard, attiré lui aussi par cette œuvre débordante et
inclassable, réalisa Les Carabiniers d’après une traduction qu’avait faite
Audiberti de l’écrivain italien Jappolo. De son côté, François Truffaut rêva
souvent de porter au cinéma Monorail ou Marie Dubois et ce n’est pas un
hasard si, dans La Sirène du Mississipi, il lui rend hommage en situant
une scène du film sur la place Audiberti, à Antibes, tandis que s’allume
l’enseigne au néon d’un imaginaire hôtel Monorail…
Quant à Claude Nougaro, qui a mis en musique nombre de
poèmes d’Audiberti, voici ce qu’il écrivait : « Audiberti n’était pas un
homme. C’était quelque chose venu d’ailleurs, sidérant, sidéral,
englué, précipité dans le piège à con : parcelle lumineuse enlevée à
la Divinité et emprisonnée ici-bas. »
F.B.
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Le Cavalier seul
AUDIBERTI / MARÉCHAL
POINTS DE REPÈRE
1955 à 1950 Correspondance entre Jacques Audiberti et Marcel Maréchal dont
l’objet principal est la poésie.
1961 Marcel Maréchal met en scène et joue Les Femmes du boeuf au
Théâtre des Marronniers, à Lyon.
1963 Il crée Le Cavalier seul dans le même théâtre. Décors de Nicolas
Janin. Musique de Jean-Guy Bailly. « Lyon fait honte à Paris en
créant le chef d’oeuvre d’Audiberti », écrit Gilles Sandier.
1964 Reprise du Cavalier seul à Paris, au Studio des Champs-Élysées.
1965 Marcel Maréchal crée L’Opéra du monde au Théâtre de Lutèce
à Paris, avec Emmanuelle Riva et Pierre Arditi. Décors et costumes de
Frédéric Benrath. Le spectacle est repris à Lyon avec Catherine Arditi et
Pierre Arditi.
1968 Création de La Poupée, à Lyon, pour l’inauguration du Théâtre du
Huitième (devenu Maison de la Danse), avec Rita Renoir dans le rôle-titre.
Décors et costumes de Jacques Angéniol.
1973 Nouvelle mise en scène du Cavalier seul au Festival d’Avignon dans la
Cour d’honneur, devant une toile de Byzantios.
1974 Le Cavalier seul est repris à Paris et en Union Soviétique.
1975 La Poupée à son tour est jouée au Festival d’Avignon, dans la Cour
d’honneur, avec Francine Bergé dans le rôle-titre.
1980 Création de Opéra parlé (ou La Hobereaute) au Nouveau Théâtre National
de Marseille. Le spectacle est présenté ensuite au TNP Villeurbanne et au
Théâtre de la Commune, Aubervilliers.
1983 Nouvelle version du Cavalier seul au Théâtre national de Marseille /
La Criée. Tournée en Argentine, en Urugay et au Brésil.
1996 Quoat-Quoat, au Théâtre du Rond-Point, à Paris, avec Catherine Arditi et
Nicolas Vaude.
2006 Création de Audiberti & fils au Centre Dramatique National des Tréteaux
de France, avec Marcel Maréchal et Mathias Maréchal. Textes de
Jacques Audiberti. Adaptation et mise en scène François Bourgeat.
Représentations notamment au Lucernaire et en Algérie.
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Marcel Maréchal dans Le Cavalier seul
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