FOCUS « Veille et anticipation

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FOCUS « Veille et anticipation
Juillet 2014
FOCUS
« Veille et anticipation »
Mise en œuvre d’analyses prospectives Emploi Formation
Enseignement en Région de Bruxelles-Capitale
Les Partenaires sociaux et le Gouvernement bruxellois ont confié à l’Observatoire bruxellois de
l’Emploi d’Actiris la réalisation d’études prospectives Emploi, Formation, Enseignement dans le
cadre du New Deal bruxellois. « Veille et anticipation » est la nouvelle ligne éditoriale d’Actiris
consacrée à la publication de ces travaux. Cette nouvelle série est l’occasion pour l’Observatoire
d’approfondir la réflexion sur les métiers en tension, mais aussi sur les métiers émergents ou en
transformation, grâce à la consultation d’acteurs actifs dans les domaines de l’emploi, de la formation
et de l’enseignement, complétée par des sources secondaires, mais aussi grâce à l’exploitation des
données sur la formation et l’enseignement.
Leur raison d’être vient du constat d’une nécessaire cohérence entre le développement
socioéconomique de la Région Bruxelles Capitale, et son système de formation, sous peine
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comme le notait J. Freyssinet d’inefficacité économique et de déséquilibres sociaux . Ces analyses
prospectives sont là pour éclairer le jugement des décideurs afin que chaque institution anticipe au
mieux ses développements.
I.
Identifier les emplois d’avenir et l’émergence de nouvelles compétences
Anticiper les évolutions du marché du travail suppose la mise en œuvre d’une approche globale.
L’articulation des analyses entre les champs de l’éducation, de la formation et le champ
économique est un angle d’analyse que nous privilégions autant que possible pour approcher les
différentes dimensions qui le composent : « pluralité des pratiques d’ajustement entre employeurs et
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salariés » , modalités de recrutement de la main-d’œuvre, modalités d’acquisition des savoir-faire, etc.
L’articulation des trois champs suppose des partenariats en Région de Bruxelles Capitale que
l’Observatoire a sollicités auprès de Bruxelles Formation, dans le cadre des Accords de Collaboration
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Freyssinet J., 1991, Pour une prospective des métiers et des qualifications, La Documentation Française.
Coutrot, Lautman, 2005, « L'adéquation au regard des employeurs : des contenus de formation aux niveaux » in Giret J-F ;,
Lopez A., Rose J., Des formations pour quels emplois ?, Paris, La découverte.
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Actiris/Bruxelles Formation et du VDAB pour le champ de la formation, ainsi que de la CCFEE et du
BNCTO pour le champ de l’enseignement.
Dans un premier temps, l’entrée sectorielle a été retenue dans ces travaux et vise à cadrer l’activité
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du secteur dans le contexte bruxellois et en périphérie.
Dans un second temps, les principaux métiers, ceux constituant le cœur d’activité du secteur et
considérés comme « stratégiques » ou définis comme fonction critique, ont été identifiés.
L’approche métier vise à approfondir la question de l’inadéquation entre l’offre et la demande et à
explorer les tendances susceptibles d’infléchir l’évolution des emplois (volumes et profils) et
l’émergence de nouvelles compétences. Elle permet également d’établir des liens entre marchés du
travail et formations, d’introduire une analyse de l’offre de formation et d’enseignement existante et
des publics qui s’y engagent. De fait, les certifications délivrées accordent à leurs titulaires une
reconnaissance variable sur le marché du travail selon les spécialités de formation et les secteurs des
emplois auxquels ils se destinent. Et ce, d’autant plus dans un contexte où depuis la moitié des
années 1970, la montée du chômage et le développement des formes atypiques d’emploi (intérim,
CDD, temps partiel) donnent aux employeurs un avantage certain dans la négociation de cette
reconnaissance.
La prospective peut être définie « comme un ensemble de recherches concernant les futurs possibles
ainsi que les réflexions qui en découlent pour agir. La démarche prospective cherche à identifier
des tendances qu’elles soient lourdes ou encore peu sensibles, des risques, des opportunités et des
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ruptures pour modeler des visions stratégiques destinées à « maîtriser » le futur. »
Ainsi, les champs emploi/formation/enseignement ont été observés sur plusieurs années afin de
mettre en évidence les mouvements affectant l’emploi de façon suffisamment durable pour que l’on
puisse prévoir son évolution dans le temps. En effet, « chaque phénomène que nous observons est
constamment double. Il est élément d’un état à un moment donné et phase dans l’évolution ou le
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cycle du phénomène »
Ces temporalités abordées sont celles du court (1 à 3 ans) et moyen terme (3 à 5 ans) : la stratégie
des politiques d’emploi et d’enseignement se situe dans un horizon de moyen terme, temporalité
pertinente en termes de changement liés à l’évolution de l’offre d’enseignement. Le court terme relève
plutôt de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, et d’adaptation de certaines
formations professionnelles.
Les analyses prospectives sont variables d’un secteur à un autre, fonction des données
disponibles, quantitatives et qualitatives. Les éclairages s’adaptent à ces réalités. En témoignent les
analyses de deux secteurs très différents, le Commerce de détail et celui de l’Enseignement.
Cette série sera enrichie prochainement de l’analyse d’autres secteurs, notamment Santé et Action
sociale, Transport et Logistique, Horeca.
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Défini sur base de la NACE-BEL.
Lainé F., Valette A., 2014, Prospective des métiers et des qualifications. Quelle démarche suivre à l’échelon régional ?,
Commissariat général à la stratégie et à la prospective, 2014.- 193 p.
Célérier S., 2012, « Du travail à l’activité et retour – questions de temps ! ou comment observer le présent ? », in Desmarez
P., Lancianot-Morandat et al, Temps, travail et salariat. Matéo Alaluf et Pierre Rolle, actualité de leur pensée, Octarès
Editions
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II.
Le commerce : acteur dynamique important du paysage bruxellois, mais
aussi plus fragile
 Nombreux emplois à Bruxelles (44.000 dont ¾ de
salariés et ¼ d’indépendants) et en périphérie
(60.000), en particulier pour les Bruxellois (2/3 des
emplois bruxellois et 16% des emplois en périphérie).
 Profil de l’emploi : propice aux peu qualifiés, plus
flexible et moins rémunérateur, mais à nuancer selon
les métiers.
 Profil type du salarié : employé de sexe féminin et
nombreux jeunes (<30 ans) ; variable selon les
segments.
 Profil type de l’indépendant : un homme âgé d’au
moins 40 ans exerçant son activité à titre principal.
 Chaque année, à Bruxelles, 950 commerces se créent
en moyenne ; 850 disparaissent e.a. pour cause de
faillites.
 Diminution sur le long terme de l’emploi indépendant
et signes d'essoufflement de l’emploi salarié en 2012.
Les
statistiques
sectorielles
relativement
bien
étoffées
en
Belgique, à l’inverse des statistiques
professionnelles, permettent de dresser
le
portrait
socioéconomique
du
commerce à Bruxelles et d’épingler ce
qui fait sa spécificité. Largement
commentées dans l'analyse prospective
dédiée au commerce, ces données
indiquent l’intérêt pour la Région qu’il y
a à le soutenir pour peu qu’il puisse
développer tout son potentiel.
En effet, il présente de nombreux
atouts : dynamisme entrepreneurial,
contribution importante à la valeur
ajoutée
régionale,
perspectives
d’emploi pour la population bruxelloise,
dont les jeunes et les peu qualifiés...
Toutefois, les nombreuses faillites et la diminution sur le long terme de l’emploi indépendant reflètent
également une fragilité structurelle et conjoncturelle. De plus, alors que l'emploi salarié avait bien
résisté à la crise jusqu’en 2011, les dernières données de l'ONSS parues récemment indiquent un
recul de celui-ci en 2012.
Enfin, dans un contexte de concurrence élevée (qui ne s’arrête pas à la frontière régionale et qui
s'intensifie) et compte tenu des nombreuses évolutions en cours répertoriées, le secteur est
désormais plus que jamais amené à devoir se renouveler et se forger une identité pour se démarquer.
Parmi les nombreux défis : le commerce électronique, la digitalisation des parcours des clients, la
diversité commerciale, la fidélisation de la clientèle et la personnalisation de la relation commerciale,
les valeurs émergentes susceptibles d’influencer les modes de consommation, le contexte
conjoncturel incertain et ses retombées sur le pouvoir d’achat…
Bien que dense en information, cette approche sectorielle mise en œuvre dans les travaux de
l’Observatoire ne permet pas d’appréhender certaines réalités sectorielles (comme par exemple
l’importance prise par le commerce électronique ou la place réservée au commerce de proximité qui
ne peuvent pas être déduites des statistiques sectorielles élaborées sur base de la nomenclature
NACE-BEL), ni pronostiquer sur les volumes futurs d’emploi ou les profils métiers recherchés. D’où la
nécessité de solliciter, lors de l’analyse, d’autres angles d’approche, dont certains résultats sont
esquissés ci-après.
Le commerce : des métiers en tension structurelle
Malgré une réserve de main-d’œuvre importante à Bruxelles, les métiers du commerce sont, depuis
longtemps déjà, sources de tension sur le marché du travail. Il s'agit du personnel de vente et des
responsables de magasin au sens large qui trouvent leur principal débouché dans le secteur,
éventuellement par l’intermédiaire de l’intérim, mais aussi des bouchers et, dans une moindre mesure,
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des boulangers dont les difficultés seraient alors circonscrites aux structures de petite taille. Pour y
remédier, les solutions sont diverses et fonction de leurs origines ; elles sont susceptibles de
mobiliser des acteurs d’horizons divers : amélioration de la qualité des emplois, promotion de l’image
du secteur et des métiers, formation continue des travailleurs, gestion prévisionnelle des
compétences, information à l’égard des jeunes et des chercheurs d’emploi, travail sur les stéréotypes,
formations professionnelles pour faciliter l’accès à l’emploi ou viser une insertion plus durable…
Parmi les facteurs transversaux pour expliquer les tensions, la flexibilité inhérente à l'activité
commerçante et les rémunérations peu élevées, qui renvoient une image négative du secteur et qui
conduisent les jeunes en cours de scolarisation, les candidats à l’emploi (pour des postes peu, mais
aussi plus qualifiés) ou le personnel en place à se détourner tôt ou tard de la vente. A ceci, s'ajoute
parfois la méconnaissance des parcours professionnels qui y ont cours ou l'absence de projet
professionnel, du moins chez certains qui voient alors dans la vente un emploi gagne-pain à défaut
d'autre chose. Les tensions observées dans le secteur peuvent aussi éventuellement pâtir de la
connotation masculine ou féminine de certains métiers.
Au-delà de ces explications générales, l'analyse des données formation/enseignement permet
d'affiner l'analyse, mais montre toutefois ses limites.
Ainsi, pour l'étude des métiers de la vente, la relation emploi-formation est moins évidente à établir.
En effet, si plusieurs formations préparent à ces métiers et continuent à jouir d’une certaine
popularité chez les jeunes, ces derniers n’orientent pas nécessairement leur recherche d’emploi dans
la vente, une fois leur formation terminée. De plus, de nombreux candidats non diplômés de ces
filières aspirent à la vente. Du côté des employeurs, la détention d’un diplôme n’est pas
nécessairement un critère de sélection activé pour recruter. A l’inverse, d’autres critères existent
auxquels les candidats ne satisfont pas toujours : des critères comportant un risque d’arbitraire
lors de l’évaluation des candidats (personnalité, motivation, apparence physique, aptitudes
relationnelles et comportementales…), mais aussi des critères plus objectivables telles que les
connaissances linguistiques requises pour mener à bien la relation commerciale avec la clientèle
nationale et internationale, les compétences commerciales et, en particulier dans les petites
structures, ou l’expérience professionnelle. Ces explications sous-jacentes aux difficultés de
recrutement rencontrées pour les métiers de la vente, sont transversales aux différentes
spécialisations de vente (articles ménagers/d’habitation, articles d’outllage/bricolage, services,
matériel HIFI/informatique). Toutefois, concernant ces dernières, une connaissance des produits à
écouler de la part des candidats à l’emploi est généralement requise, en particulier dans les petites
structures. Ces éléments plaident en faveur d'une formation de vendeur généraliste ou spécialiste
qui permettrait de rencontrer les attentes des petites structures ne disposant pas de dispositif de
formation en interne et qui faciliterait l'accès à l'emploi pour les moins qualifiés sans toutefois pouvoir
leur garantir une insertion durable.
A l’inverse des métiers de la vente, l’accès à l’emploi pour les métiers de l’alimentation artisanale
(dont les bouchers), auxquels correspond un profil de compétences plus spécifique, est généralement
conditionné par une formation qualifiante, éventuellement combinée à une expérience probante.
L’analyse des relations emploi-formation en est dès lors facilitée. Elle indique que, sur le long
terme, les effectifs dans les filières de formation y préparant, sont faibles, voire en déclin, notamment
en raison d'une image négative de ces métiers.
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Le commerce : des métiers d'avenir
Sans toutefois être à même de l'estimer précisément (absence de statistiques professionnelles sur
l'emploi, estimation lacunaire des offres d'emploi...), la demande pour les métiers du commerce est
importante à Bruxelles et devrait le rester, en raison de l'ancrage local de l'activité
commerciale, du turnover important parmi ces métiers, des évolutions démographiques
propres à la Région.
Ces métiers connaissent aussi des transformations, qui résultent notamment des évolutions
sociologiques et technologiques et qui renforceront probablement les difficultés de recrutement.
Face à un consommateur plus exigeant et mieux informé, les compétences commerciales et
relationnelles continueront à gagner en importance pour le personnel de vente qui devra aussi de plus
en plus faire montre de professionnalisme, être expert dans son domaine et disposer de
connaissances pointues sur les produits écoulés sur le marché, voire même de compétences en
nouvelles technologies de l’information et de la communication.
En particulier, la tendance à la hausse des qualifications requises pour le personnel d'encadrement,
l'un des acteurs clés des changements à venir, mérite aussi d'être signalée. Elle tend à privilégier les
candidats plus formés, compromettant les promotions en interne, l’un des canaux sollicités pour
recruter ce personnel.
Enfin, l’e-commerce ne générerait pas à proprement parler de nouveaux métiers, mais des métiers
recomposés faisant appel à des compétences TIC qui, en l’absence d’une offre de formation étayée,
s’apprennent souvent sur le terrain avec éventuellement l’apport d’une formation en interne dans les
plus grandes structures. Et à cet égard, différents acteurs sectoriels ou de la formation réfléchissent à
la manière d’intégrer la donnée de l’e-commerce dans leurs actions à mener
III.
Le secteur de l’enseignement : un secteur prioritaire en Région
bruxelloise, organisé par les Communautés
De nombreux travaux mettent en
évidence l’importance stratégique du
secteur de l’enseignement en Région
bruxelloise, de par le débat de société
dans lequel il s’inscrit et les enjeux
directs et indirects auxquels il renvoie,
tant pour la Communauté française
que la Communauté flamande :
nombre de places dans les écoles,
pénurie d’enseignants, accès à une
première
qualification
pour
la
jeunesse, etc. En outre, le secteur est
confronté à des enjeux de taille : face
à l’évolution démographique et au
rajeunissement de la population, les projections démographique et sectorielle prévoient de
nombreux emplois supplémentaires à créer dans les écoles francophone et néerlandophone à tous
les niveaux d’enseignement.
A Bruxelles en 2011-2012 (source : IBSA) :
 237.000 élèves en maternel, primaire et secondaire
→ 82% en Communauté française
→ 18% en Communauté flamande
 + 15.000 élèves scolarisés dans les écoles européennes
et internationales
 560 établissements
→ 399 en Communauté française
→ 161 en Communauté flamande
A Bruxelles, à l’horizon 2020, tous postes confondus
(source : IBSA) :
 + de 4.000 emplois à créer dans le fondamental
 + de 3.000 emplois dans le secondaire
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Un focus sur les métiers d’enseignants : instituteur, régent et enseignant du secondaire
supérieur
Les données administratives permettent de dénombrer le nombre d’enseignants en poste et leur statut
selon le réseau et le niveau d’enseignement et leur évolution au cours des quatre dernières années.
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Le nombre de jeunes formés et diplômés dans les cursus correspondant est estimé. Enfin, une étude
récente apparie des bases administratives permettant de travailler sur les cinq premières années de
vie active des diplômés des Hautes Ecoles francophones d’un cursus enseignant. Dès lors, plusieurs
constats s’imposent :
Le nombre de postes d’enseignants augmente à Bruxelles, quel que soit le niveau, mais
surtout dans le fondamental, pour s’élever en 2012 à 16.585 équivalents temps plein pour la
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Communauté française et 4.990 pour la Communauté flamande . Une féminisation des emplois
s’observent à tous les niveaux, en particulier dans les établissements francophones.
Du côté de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en rapprochant les champs formation et emploi,
on observe un décalage entre le nombre de nouveaux enseignants entrés en fonction en 2010-2011 à
Bruxelles dans un établissement francophone et le nombre de sortants diplômés cette année-là d’une
formation « enseignante » des Hautes Ecoles. De fait, ces derniers ne seraient pas assez
nombreux pour alimenter les emplois en RBC. De plus, parmi ces diplômés, si la trajectoire la plus
probable est l’entrée dans le métier d’enseignant, tous ne la suivront pas. Ce décalage entre nombre
de sortants diplômés et emploi « enseignant » à pourvoir est l’une des raisons avancées pour
expliquer le statut de fonction critique du métier en RBC, acté par Actiris, le VDAB, la Communauté
française et l’ONEM. Néanmoins, ces rapprochements sont à manier avec précautions : des diplômés
des autres régions viennent travailler à Bruxelles. Ensuite, différentes logiques s’entrecroisent.
D’une part, les novices entrent le plus souvent sur des postes à temps partiel, et sont amenés
à prester dans plusieurs réseaux, en commençant parfois en cours d’année et travaillant pour de
courtes périodes. Or, l’ancienneté, comme mode de gestion des carrières, ne peut s’accumuler que
dans un même réseau. Prester dans différents Pouvoirs Organisateurs (PO) à temps partiel repousse
l’échéance d’une nomination. De fait, le risque de sortie du métier enseignant est particulièrement
élevé pour ceux qui sont recrutés à partir de janvier et qui ont un emploi nettement inférieur au temps
plein. En cela, améliorer les conditions d’emploi des enseignants, notamment celles des novices,
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semble important pour qu’ils soient « moins traités comme une variable d’ajustement du système » .
D’autre part, il existe deux types de marchés du travail enseignants complémentaires qui
amènent certains novices à se stabiliser plus vite que d’autres.
Un marché primaire : le rôle des réseaux et des Pouvoirs Organisateurs
Dans les deux Communautés, un candidat à l’enseignement doit suivre un certain nombre d’étapes
avant d’être recruté dans une école. Il doit constituer un dossier, spécifique à chaque PO et réseau, et
le soumettre selon les cas au PO et/ou directement auprès des directions des écoles. Le postulant est
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Delvaux B., Desmarez P., Dupriez V., Lothaire S., Veinstein M., 2013, Les enseignants débutants en Belgique francophone :
trajectoires, conditions d’emploi et positions sur le marché du travail, Les cahiers de recherche du GIRSEF, n°92, avril.
Effectifs en octobre. Enseignants rémunérés par la Fédération Wallonie-Bruxelles, dont la charge d’enseignement est prestée
(en poste à temps plein ou temps partiel dans une école, incluant les enseignants en congé maladie ou en congé de
maternité, etc.).
Effectifs en janvier (les chefs d’établissement sont aussi pris en compte dans ces calculs n’ayant pu les distinguer) d’un
établissement néerlandophone. Enseignants rémunérés par la Communauté flamande, dont la charge d’enseignement est
prestée.
Delvaux B., Desmarez P., op. cit.
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ici titulaire d’un titre pédagogique requis, formé pour devenir enseignant. Les systèmes de
recrutement mis en place par les employeurs leur assurent une réserve de main-d’œuvre qualifiée
(banque de Curriculum Vitae (CV) constituée à partir des candidatures en ligne, des candidatures
spontanées, etc.). Ces modes d’alimentation des postes garantiraient un accès rapide à de bonnes
conditions d’emploi.
Ce segment du marché du travail « enseignants » fonctionnerait selon une logique de marché interne,
où les emplois sont plus rapidement stables, bien payés, assortis de bonnes conditions de travail et de
possibilités de carrière.
Un marché secondaire : le rôle d’intermédiaire joué par Actiris
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Actiris reçoit les offres d’emploi des écoles essentiellement francophones de la Région bruxelloise
(le VDAB recevant les offres d’emploi des établissements néerlandophones), pour lesquelles elles ne
trouvent pas de candidats dans leur réserve de CV. Actiris joue un rôle particulièrement actif comme
intermédiaire du marché de l’emploi essentiellement pour des remplacements urgents et des besoins
de recrutement rapides. Les offres d’emploi sont traitées le plus souvent en « direct online », c’est-àdire qu’Actiris publie l’offre avec toutes les coordonnées de l’école et n’intervient quasiment pas dans
le processus de recrutement, l’école étant plus intéressée d’accéder à la base de données de CV des
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candidats potentiels, dotés des titres requis, ou simplement suffisant ou en pénurie .
En cela, nous pouvons faire l’hypothèse selon laquelle Actiris alimenterait un segment secondaire du
marché du travail « enseignant ». Les emplois sont plutôt des temps partiels, temporaires, de
remplacement et sont occupés par des novices « intérimaires » qui n’ont pas encore trouvé de place
sur le marché primaire, des personnes qui ont un diplôme d’enseignant mais l’ont obtenu dans un
autre pays et sont en attente d’une reconnaissance, ou encore des titulaires d’un titre suffisant ou en
pénurie. Il est possible de se faire une idée sur le nombre de jeunes qui ne transitent pas par Actiris à
la sortie de leurs études d’enseignant. En effet, 91 personnes de moins de 25 ans se sont inscrites
chez Actiris dans le code « enseignant » en 2012, alors qu’elles étaient 460 à sortir diplômées en
2011 rien que pour les Hautes Ecoles francophones. Il existerait donc bien deux marchés, régis par
des systèmes de recrutement différents.
Le rôle du titre pédagogique dans la stabilisation dans l’emploi
Au sein de la Communauté française, le taux de sortie du métier au cours des cinq premières années
varie du simple au double selon que l’individu possède ou non un titre pédagogique. Le taux de sortie
des détenteurs est près de trois fois moindre que celui des seconds à l’échelle de cinq ans (20%
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contre 60%) . Ce taux de sortie est légèrement moins élevé en Région bruxelloise que dans le reste
de la Communauté française : en effet, les créations de postes et les mobilités des enseignants plus
expérimentés vers les autres régions offrent des opportunités d’emploi et de stabilisation dans le
métier plus importantes dans les établissements bruxellois pour les nouveaux enseignants.
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En 2012, Actiris a reçu 2845 offres d’emploi pour le fondamental et le secondaire. La même année, la réserve de main
d’œuvre de personnes inscrites dans un code professionnel correspondant s’élevait à 1747 individus.
Titres permettant à des personnes n’ayant pas les titres pédagogiques requis d’enseigner.
Delvaux B., Desmarez P., op. cit.
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De même, au sein de la Communauté flamande, au cours des premières années d’exercice, 42% des
enseignants de moins de 30 ans qui travaillent en RBC quittent leur établissement pour un autre dans
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une autre région ; 18% abandonnent le métier .
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Ainsi, posséder un titre pédagogique pour exercer et rester dans le métier « enseignant »
semble essentiel. Des salariés ou des demandeurs d’emploi ayant déjà une expérience
professionnelle dans d’autres métiers, spécialisés par exemple dans la « relation à autrui » (assistant
social, psychologue, éducateur, etc.) pourraient s’y reconvertir en s’appuyant sur les dispositifs
existants de Validation des Acquis de l’Expérience (VAE), ou de Formation Professionnelle
Individuelle (FPI) « instituteurs », en parallèle des formations initiales prévues. Les conseillers emploi
d’Actiris pourraient sensibiliser les demandeurs d’emploi voulant s’orienter vers l’enseignement et non
détenteurs des titres à reprendre des études adéquates.
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In Brussel rapport personeel 2012, Vlaams Ministerie van Onderwijs en Vorming.
Dans le cadre de la réforme des titres et fonction en cours, posséder un titre requis ou suffisant sera un préalable pour
prétendre à une nomination.
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