F:\RIOS 2004-2005-2006\Vol 8 n
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30 SONAN N. K. & al. : Caractères morphologiques des structures dento-cranio-faciales... Rev. Ivoir. Odonto-Stomatol., vol. 8, n° 2, 2006, pp. 30-38 © EDUCI 2006 CARACTERES MORPHOLOGIQUES DES STRUCTURES DENTOCRANIO-FACIALES ET REGIME ALIMENTAIRE . ETUDE DESCRIPTIVE ET COMPARATIVE DES PIECES SECHES OSSEUSES RESUME Auteurs SONAN, N. K.1,2 DIAKITE1 K. BEUGRE, J.B.1,2 BEUGRE-KOUASSI, A.1 DOUE P. 2 DJAHA, K. (1,2) Services Au cours de la phylogenèse, le passage d’une classe de vertébrés à une autre s’accompagne de signes évolutifs ou involutifs qu’il est possible de visualiser au niveau anatomique. L’étude à partir de 14 pièces osseuses sèches de mammifères a pour objectif de rechercher les variations structurales dento-cranio-faciale au sein de ce groupe de vertébrés. L’anatomie comparée de ces structures met en évidence des différences morphologiques qui permet de comprendre les adaptations des formes vivantes aux contraintes de l’environnement. Ainsi, la morphologie des structures cranio-faciales diffère selon le régime alimentaire, avec des implications biomécaniques. Mots clés : Anatomie comparée - Mammifère - Appareil 1- Département d’Orthopédie manducateur - Régime Alimentaire. Dento-faciale, U.F.R d’Odonto-Stomatologie SUMMARY d’Abidjan 2-Département de Paléoanthropologie, Institut des Sciences Anthropologiques de Développement d’Abidjan Correspondance SONAN N’GUESSAN. K. UFR d’Odonto-Stomatologie, 22 BP 612 Abidjan 22. E-Mail : [email protected] During the phylogenesis, the passage of a class of vertebrates in the other one comes along with evolutionary or involutive signs that it is possible to show at the anatomical level. The study from 14 dry bones of mammals aims to seek the structural variations dento-cranio-facial within this group of vertebrates. The compared anatomy of theses structures puts in evidence of the morphological differences which allows to understand the adaptations of the alive forms to the constraints of the environment. So,; the morphology of the cranio-facial structures differs according to the diet, with biomechanical implications. Keys Words : Comparative anatomy - Mammal - Device manducator - Diet Rev. Ivoir. Odonto-Stomatol., Vol. 8, n° 2, 2005 pp. 30-38 INTRODUCTION La paléontologie et l’anatomie comparée montrent comment l’évolution des mâchoires et des dents a accompagné l’hominisation (rétrusion de la face, bipédie, transformation de la sphère masticatrice etc.) L’acquisition des mâchoires remonte a environ 400 millions d’années, elle est passée probablement par les poissons, les amphibiens, les reptiles, et enfin les mammifères. Cette évolution à travers les différents ordres constitue la phylogenèse. Cette dernière s’observe également au sein d’un même ordre composé de différents espèces : le cas des mammifères. Apparus à l’ère secondaire (au trias environ 240 millions d’années), les premiers mammifères (vertébrés placentaires) vont côtoyer presque discrètement les dinosaures(reptiles géants) , avant de s’épanouir véritablement à l’ère tertiaire (environ 65 millions d’années)7. Dans cette classe de vertébrés, l’apparition de la fonction masticatoire leur est contemporaine. Il s’agit d ’une acquisition capitale permettent la dilacération et le broiement des aliments. L’existence de cette fonction s’est accompagnée d’une modification morphologique. Au plan dentaire, elle concerne le passage de l’homodontie (dents semblables) à l’hétérodontie et à la plexodontie. L’hétérodontie permet aux différentes dents d’accomplir une fonction déterminée en rapport avec le type de mastication. Au niveau cranio-facial, l’articulation quadratoarticulaire est remplacée par l’articulation squamoso-dentaire adaptée à la mastication. L’ancienne articulation reptilienne carréarticulaire limitée à la préhension va migrer dans l’oreille moyenne des mammifères pour constituer la chaîne des osselets 6. Le palais osseux secondaire se complète en arrière par le voile mou avec un recul des choanes et un isolement des cavités nasales et buccales5. Ceci permet la simultanéité de la respiration et de la mastication. Une extension de la force temporale vers le haut 31 et l’avant témoigne de l’importance du muscle temporal. Au plan musculaire, il y a l’achèvement de la différenciation et une organisation musculaire avec des variantes qui sont fonction du régime alimentaire. Pour comprendre l’adaptation des structures anatomiques à la fonction masticatrice, il est intéressant de comparer le système dento-cranio-facial de différents mammifères classés selon leur régime alimentaire. La présente étude va décrire et analyser les mandibules, les articulations temporo-mandibulaires, et les dents. Ce travail sera mené à travers quelques ordres de la classe des mammifères : carnivore, herbivore, rongeur, insectivore, frugivore, et omnivore. I - MATERIEL ET METHODE 1- Echantillon Le matériel d’étude est constitué de 14 pièces sèches osseuses (7 crânes et 7 mandibulaires) de mammifères. L e s différentes mâchoires sont totalement ou partiellement dentées. Ces mammifères sont choisis en fonction de leur modalité alimentaire. La plupart sont des animaux domestiques , ainsi on distingue : - 1 carnivore (le chat de la famille des Félidés) ; - 1 ruminant (le mouton de la famille des Bovidés) ; - 1 rongeur (le lapin de la famille des Léporidés); - 1 insectivore (le hérisson de la famille des Erinaceïdés) ; - 1 frugivore ( le chimpanzé de la famille des pongidés : pan troglodyte) - 2 omnivores ; · le porc de la famille des suidés ; · l’homme mélanoderme africain de la famille de l’Homo sapiens sapiens Ces structures préalablement vernies ne présentent pas de zones abîmées capables d’entraver la présente étude. 32 SONAN N. K. & al. : Caractères morphologiques des structures dento-cranio-faciales... 2- Méthodes A l’exception de l’homme et du chimpanzé décédés naturellement, les têtes de mammifères furent récupérées après sacrifice des animaux. Ces têtes furent décharnées ensuite plongées dans « l’eau javellisée », rincées puis trempées dans une solution de formol pendant une dizaine de jours. Après quoi elles furent séchées au soleil avant d’être vernies. Chaque paire de pièces sèches de mammifère a fait l’objet d’une description morphologique. Cette description s’est axée sur la mandibule en générale, le condyle mandibulaire, le condyle temporal et les dents. II - RESULTATS 1- Description morphologique 1.1- Le carnivore : le chat Représentés au début de l’ère tertiaire par des formes primitives ou créodontes, les carnivores se sont ensuite spécialisés par adaptation à un régime carné plus ou moins strict. - Structures cranio-faciales L’extrémité céphalique est généralement ramassée donnant l’aspect d’une boule. La face (le maxillaire et la mandibule) est donc courte. L’arcade mandibulaire en forme de lyre présente une importante fosse massétérine matérialisant une large insertion du muscle masséter. Le développement du processus coronoïde en témoigne aussi. Le condyle mandibulaire a une forme transversale dans l’axe du plan d’occlusion ; La fosse temporale qu’elle épouse constitue un relief osseux assurant un blocage postérieur qui enveloppe presque entièrement le condyle mandibulaire. - Les dents Les carnivores à l’instar du chat présente les canines très développées s’insérant pour la mandibule dans le diastème pré canin et pour le maxillaire et post canin. Les incisives isolées montrent l’existence d’un angle corono-radiculaire important (l’axe de la couronne et de la racine ne sont pas confondus). Les molaires de type sécodonte sont tranchante dont l’une est à la mâchoire supérieure et l’autre à la mâchoire inférieure fonctionne à la manière d’une paire de ciseaux : ce sont les molaires carnassières. 1 2 3 Figure n°1 : Vue latérale extrémité céphalique du chat. 1 : condyle temporal ; 2 : maxillaire ; 3 : dent 1.2- L’herbivore Apparus au paléocène supérieur (début de l’ère tertiaire), les téniodontes sont des herbivores primitifs de formes immenses. C’est avec le temps que la « gracialisation » relative des herbivores va se réaliser. - Structures cranio-faciales L ‘extrémité céphalique est généralement allongée dans le sens antéro-postérieur. La face (le maxillaire et la mandibule) est donc projetée en avant conférant ainsi une sorte de prognathisme. L’arcade mandibulaire a une forme en « V » allongé ouvert postérieurement. De profil, sa forme épouse la trajectoire d’oscillation d’une pendule. Elle présente une apophyse coronoïde surplombant par sa taille le condyle mandibulaire juste en arrière d’elle. Le condyle a une forme transversale dans l’axe du plan d’occlusion . il est plus large que celui du carnivore. Le condyle temporale qui le loge est moins profond et donc ne l’enveloppe pas. Les surfaces articulaires sont aplaties. Rev. Ivoir. Odonto-Stomatol., Vol. 8, n° 2, 2005 pp. 30-38 - Les dents Les canines sont inexistantes chez l’herbivore. Les incisives isolées montrent un angle corono-radiculaire important (l’axe de la couronne et de la racine ne sont pas confondus). Les incisives sont absentes au maxillaire. On note un espace vide entre les prémolaires et les incisives. Cet espace du nom de barre participe à l’allongement du corps mandibulaire. Les prémolaires et molaires ont des tubercules disposés en rangées antéro-postérieuresavecdessillons transversaux. Les tubercules ont souvent une forme en croissant de lune. Les dents sont dites sélénodontes (croissant de lune). De même les crêtes d’émail ont une disposition mésiodistale(perpendiculaire au mouvements de latéralité) . Ce qui confère à ces molaires le nom de lophodonte. 1 2 3 4 33 Elle présente une forme en « V » avec au niveau incisive un prolongement antérieur. Les incisives isolées montrent l’existence d’un angle corono-radiculaire important (l’axe de la couronne et de la racine ne sont pas confondus). Le condyle mandibulaire longitudinal orienté en arrière et en bas surplombe le corps mandibulaire. Une esquisse de coroné apparaît en avant et en bas du condyle mandibulaire. Le condyle temporal qui l’épouse n’assure pas de contrainte anatomique (absence de butée temporale postérieure). Cette caractéristique autorise une grande liberté de mouvement mandibulaire surtout dans le sens sagittal. - Les dents De même que chez les herbivores, les rongeurs ne possèdent pas de canine et dispose d’une barre séparant les molaires des incisives. Les incisives isolées montrent l’existence d’un angle corono-radiculaire important (l’axe de la couronne et de la racine ne sont pas confondus). Au niveau des molaires, on note des replis d’émail transversaux. La morphologie coronaire de ces molaires donne l’aspect de rappeur : molaire rappeuse. Les molaires sont dites lophodontes. 1 2 3 4 Figure n°2 : Vue latérale extrémité céphalique de mouton 1 : condyle temporal ; 2 : maxillaire ; 3 : dent ; 4: barre 1.3- Le rongeur Les rongeurs primitifs sont apparus il y a environ 50 millions d’années à l’Eocène (au début de l’ère tertiaire). Figure n°3 : Vue latérale de la mandibule de lapin 1 : condyle temporal ; 2 : dent ; 3 : maxillaire ; 4 : barre 5 6 - Structures cranio-faciales De même que l’herbivore, l ‘extrémité céphalique du rongeur est généralement allongée dans le sens antéro-postérieur. La face (le maxillaire et la mandibule) est donc projetée en avant conférant ainsi une sorte de prognathisme. Figure n°4 : Vue latérale de la mandibule de lapin 34 SONAN N. K. & al. : Caractères morphologiques des structures dento-cranio-faciales... 1.4- L’insectivore L’extrémité céphalique de l’insectivore est moins allongée que celle des deux mammifères précédents (herbivore, rongeur) ; elle donne cependant un aspect plus robuste que le rongeur. L’arcade mandibulaire présente une forme presque en « V ». Le condyle mandibulaire très peu différencié est légèrement plus élevé que le coroné. Il n’existe pas de structure osseuse en arrière de la tête mandibulaire. Il y a un prolongement postérieur du corpus mandibulaire. L’absence de la canine (chez le hérisson) fait place à une petite barre, limitée antérieurement par deux incisives et postérieurement par des molaires avec des cuspides acérées. Les incisives isolées montrent l’existence d’un angle coronoradiculaire important (l’axe de la couronne et de la racine ne sont pas confondus). 1 2 3 4 présentent des incisives plus volumineuses que leurs homologues humaines, de même que les canines qui dépassent le plan d’occlusion. Les incisives isolées montrent l’existence d’un angle corono-radiculaire important (l’axe de la couronne et de la racine ne sont pas confondus). Les molaires sont de type bunoïde 4. 1 2 3 4 Figure n°6 : Vue latérale de l’extrémité céphalique du chimpanzé 1 : méat acoustique ; 2 : condyle temporal ; 3 : maxillaire ; 4 : dent 1.6- L’omnivore Ce groupe de mammifère regroupe l’Homme et les suidés (porc). 1.6.1- Porc Figure n°5 : Vue latérale de l’extrémité céphalique de l’hérisson 1 : condyle temporal ; 2 : dent ; 3 : maxillaire ; 4 : barre 1.5- Le frugivore Les pongidés (grands singes) sont des mammifères frugivores. Le crâne semble être enroulé autour du méat acoustique externe et déjeté en arrière. La face est allongée dans le sens antéro-postérieur, conférant ainsi une sorte de prognathisme. L’arcade mandibulaire des pongidés présente une forme en «U». Il existe une structure osseuse en arrière de la tête mandibulaire en occlusion. Il s’agit du segment rétro-glasérien formé par le tympanal. Les dents quasi humaines L’extrémité céphalique est généralement allongée dans le sens antéro-postérieur. Le crâne très court est dominé par la face. Cette dernière est fortement projetée en avant. L’arcade mandibulaire présente une forme en « V » ouvert postérieurement. La zone alvéolaire prémolo-molaire est orientée en dedans de l’arcade mandibulaire. L’arcade mandibulaire massif à l’image de toute la mandibule est légèrement plus haute que le coroné. Il n’existe pas de structure osseuse en arrière de la tête mandibulaire. Les incisives isolées montrent l’existence d’un angle corono-radiculaire important (l’axe de la couronne et de la racine ne sont pas confondus). Les canines mandibulaires dépassant le plan d’occlusion s’incruste en intercuspidation dans le diastème post canin Rev. Ivoir. Odonto-Stomatol., Vol. 8, n° 2, 2005 pp. 30-38 maxillaire, tandis que celle du maxillaire dans le diastème précanin. Les prémolaires sont tranchantes et les molaires tuberculées. 1 2 3 en tous ces points. Il est légèrement plus haut que le coroné. Le condyle temporal est représenté par l’apophyse zygomatique. Il est convexe d’avant en arrière et concave de dedans vers le dehors. Au niveau dentaire, le groupe prémolo-molaire est tuberculé. Les incisives isolées montrent que la couronne et la racine sont orientées dans le même axe. 12 Figure n°7 : Vue latérale de l’extrémité céphalique de porc 1 : condyle temporal ; 2 : maxillaire ; 3 : dent 4 4 : condyle mandibulaire 1.6.2- Homme L’extrémité céphalique humain semble contenir dans une sphère ayant pour centre le méat acoustique externe. L’aspect du crâne montre la fin de son enroulement autour du méat acoustique externe. Comparativement aux autres vertébrés le neurocrâne a gagné plus en dimension que le splanchnocrâne(squelette facial). L’arcade mandibulaire est parabolique et divergent au niveau postérieur. De profil, il apparaît une courbe à concavité occlusale des incisives aux molaires. Le condyle mandibulaire a une forme oblongue, située au dessus du plan d’occlusion, il est convexe 3 4 Figure n°9 : Vue latérale de l’extrémité céphalique humaine 1 : méat acoustique ; 2 : condyle temporal ; 3 : maxillaire ; 4 : dent ; 5 Figure n°8 : Vue plongeante de la mandibule de porc 35 6 Figure n°10 : Vue latérale de la mandibule humaine 5 : condyle mandibulaire ; 6 : coroné III- DISCUSSION L’adaptation des structures anatomiques à la fonction masticatrice soulève différentes voies d’investigation qui sont morphologique, biomécanique, électromyographique etc. Nous explorons dans ce travail le volet morphologique. Pour mener ces investigations centrées essentiellement sur la fonction masticatrice, il a été nécessaire de recenser les différentes modalités alimentaires. A chaque régime alimentaire un mammifère correspondant a été choisi. Ainsi, cette étude n’a pas rassemblé plusieurs mammifères 36 SONAN N. K. & al. : Caractères morphologiques des structures dento-cranio-faciales... du même régime à l’exception des omnivores ; car il s’agit ici de donner une approche phylogénique qui pourrait retracer l’évolution de la fonction masticatrice. Il ressort de l’étude morphologique quelques traits caractéristiques. Le neurocrâne (voûte et base du crâne) et le splanchnocrâne (squelette facial) subissent à travers les espèces des variations dimensionnelles allant dans le sens croissant pour les uns et décroissant pour les autres. Le neurocrâne des herbivores, des rongeurs, des carnivores, des insectivores, des suidés est de dimension réduite par rapport à leur splanchnocrâne qui est immense et allongé sagittalement. Avec les pongidés, le neurocrâne va acquérir une bien grande expansion sans toutefois dominer le squelette facial. Ce dernier demeure proéminent. C’est chez l’Homme que le neurocrâne va présenter une taille plus importante que le splanchnocrâne. Cette régression progressive du splanchnocrâne pourrait traduire la moins grande sollicitation de cette structure. En effet, les mammifères quadrupèdes (herbivores, rongeurs, carnivores insectivores, suidés) utilisent leur gueule ou museau à la fois pour la préhension, (extension de la zone crâniocervicale) et la mastication. Le chimpanzé qui adopte une bipédie occasionnelle libère ses membres supérieurs réduisant la sollicitation du splanchnocrâne. L’Homme, en plus de la libération des membres supérieurs, mange des aliments cuits et donc mous. Ce qui va diminuer en gros l’activité masticatoire 1, et donc réduire l’allongement facial. L’augmentation de la taille du neurocrâne expliquerait la sollicitation de cette structure chez le chimpanzé et encore plus chez l’Homme. Certaines structures de l’extrémité céphaliques vont subir des variations morphologiques. Entre autre l’articulation temporo-mandibulaire, les dents etc. L’articulation temporo-mandibulaire du carnivore présente une véritable contrainte liée à son anatomie (condyle mandibulaire est transversale et est emboîtée dans le condyle temporal). Cette disposition limite certains mouvements mandibulaires. Au niveau dentaire, les canines proéminentes ne peuvent autoriser l’intercuspidation que par l’existence de diastèmes pré et post canins. Dans cette constitution anatomique, les mouvements de latéralité demeurent difficilement réalisables ; il n’en est pas moins des mouvements de propulsion-rétropulsion. Seuls les mouvements verticaux sont développés et quelquefois sont de grande amplitude et de forte puissance 6. Cette morphologie va offrir moins de contrainte chez les herbivores où les surfaces articulaires sont presque aplaties. De même la morphologie des dents jugales, principalement l’anatomie occlusale montre une table d’usure modelée par les mouvements latéraux. Aussi bien que les herbivores, les rongeurs ont moins de contrainte au niveau de l’articulation temporo-mandibulaire. Ceci est matérialisé par l‘absence de butée temporale postérieure. Ce faisant, les mouvements sagittaux quasi inexistants chez les précédents deviennent réalisables. Au plan dentaire, la morphologie occlusale toute particulière (l’aspect rappeur) et l’absence de canine offre la possibilité de réalisation de différents mouvements. Les insectivores présentent moins de contrainte au niveau de l’articulation temporo-mandibulaire car les condyles mandibulaires sont peu différenciés. Les cuspides acérées des dents ne s’opposent pas à des mouvements mandibulaires. Pour les vertébrés qui se nourrissent de tout (omnivores), la prise en compte des deux mammifères que sont le porc et l’Homme s’explique par la différence posturale. En effet, le porc est quadrupède tandis que l’Homme est bipède. Ces deux mammifères présentent aussi bien des similitudes que des différences. L’articulation temporomandibulaire montre la même dysharmonie fosse- tête autorisant les mouvements tri dimensionnels. La distinction apparaît avec les dents et l’appareil crânio-cervical. L’Homme présente un groupe prémolomolaire tuberculé, alors que chez les suidés coexistent des prémolaires tranchantes et Rev. Ivoir. Odonto-Stomatol., Vol. 8, n° 2, 2005 pp. 30-38 des molaires tuberculées. Au niveau craniocervical, la boîte crânienne est hyper développée chez l’homme, ce qui privilégie les insertions du muscle temporal. Chez le porc, celle-ci étant réduite, les insertions musculaires sont prépondérantes à la mandibule précisément dans la région de l’angle mandibulaire (le muscle masséter). Par ailleurs chez le porc, il n’existe pas de structure osseuse en arrière de la tête mandibulaire, contrairement à l’Homme où le segment rétroglasérien est formé par le tympanal. On peut sans doute expliquer ce fait par l’adaptation du port de la tête : le cou est en effet à l’horizontal chez le porc tandis qu’il existe un angle crânio -vertébral (angle CVA de ROCCABADO = 96°- 106°) chez l’homme rendu obligatoire par la station bipède ou érigée. Au plan dentaire, l’hétérodontie fait apparaître les types de dents. Ces derniers à partir des formes qu’ils présentent et des places occupées sur l’arcade dentaire, assurent des fonctions différentes. Ainsi classiquement on distingue les incisives les canines et les molaires. Les incisives au nombre d’une à trois par hémi-arcade sont implantées antérieurement aussi bien à la mandibule qu’au maxillaire à l’exception de certains ruminants(bœuf, mouton) où elles sont absentes au maxillaire. Ces dents ont un rôle préhensible et coupante. Il existe un caractère distinctif très important. L’inclinaison de l’axe de la couronne par rapport à celui de la racine est en relation avec l’allongement du massif facial. La cléotoxie (importance de l’angle coronoradiculaire) s’observe chez les vertébrés non humains ; tandis que la tribotoxie(l’axe coronaire et l’axe radiculaire sont confondus)est caractéristique du genre homo. Les canines par leur présence et leur forme annoncent le régime alimentaire. Elles sont absentes chez les rongeurs, absentes ou rudimentaire chez les herbivores, présentes chez les primates frugivores et surtout les carnivores où leur importance est traduite par une hauteur 37 dépassant le plan d’occlusion et s’insérant dans les espaces aménagés que sont les diastèmes pré-canins maxillaires et postcanins mandibulaires. La morphologie des molaires traduit plus la modalité alimentaire de ces mammifères. Classiquement, on distingue quatre types de molaires, Le type bunodonte, où les cuspides ont une forme émoussée, ils sont caractéristiques du régime omnivore, frugivore, insectivore. Le type thécodonte ou lophodonte présente deux à plusieurs arêtes transversales ou lophes réunies par une crête longitudinale. Il s’observe surtout chez les rongeurs. Le type bélodonte ou sélédonte, les tubercules ont une forme en croissant de lune, et sont rencontrés chez les herbivores. Et enfin, le type sécodonte où les tubercules externes sont développés alors que régressent les rangées médianes et internes donnant ainsi l’aspect de lame coupante. Ce type se rencontre dans les régimes carnivores et quelque fois dans le régime insectivore. CONCLUSION L’anatomie comparée devient anatomie fonctionnelle lorsqu’elle s’attache aux rapports existants entre la structure des éléments anatomiques et leur fonction. Elle peut alors permettre de comprendre les adaptations des formes vivantes aux contraintes de l’environnement. Ce travail appuie la thèse selon laquelle la morphologie des structures crânio-mandibulaires des mammifères varie selon le régime alimentaire. Les canines sont plus importantes chez les mammifères qui l’utilisent constamment (les carnivores) et inexistantes où elles servent le moins. La morphologie de l’articulation temporomandibulaire indique les mouvements réalisables et ceux qui sont le moins. L’expansion morphologique du splanchnocrâne des mammifères quadrupèdes montrerait la forte sollicitation de cette structure contrairement à l’Homme qui sollicite plus le neurocrâne. Ce dernier est plus développé chez l’humain. Pour mieux circonscrire ce travail une étude biomécanique s’avère nécessaire de même qu’une investigation électromyographique 2, 3. 38 SONAN N. K. & al. : Caractères morphologiques des structures dento-cranio-faciales... REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1- AZERAD J. Physiologie de la manducation. Ed. Masson, Paris, 1992. 5- LIEBERMAN P., CRELIN E.S., KLATT D.H. Phonetic ability and related anatomy of the newborn and adult human, Neanderthal man, and the chimpanzee. Am. J. Phys. Anthropol., 48 : 1-8, 1978. 2- HAIRSTON L.E., BLANTON, P.L. An e1ectromyographic Study of mandibular position in response to changes in body position. J. Prosthet Dent., 49 : 271-275, 1983. 6- MESNAY W. Courbe de SPEE - phylogenèse - biomécanique. 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