F:\RIOS 2004-2005-2006\Vol 8 n

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F:\RIOS 2004-2005-2006\Vol 8 n
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SONAN N. K. & al. : Caractères morphologiques des structures dento-cranio-faciales...
Rev. Ivoir. Odonto-Stomatol., vol. 8, n° 2, 2006, pp. 30-38
© EDUCI 2006
CARACTERES MORPHOLOGIQUES DES STRUCTURES DENTOCRANIO-FACIALES ET REGIME ALIMENTAIRE . ETUDE DESCRIPTIVE
ET COMPARATIVE DES PIECES SECHES OSSEUSES
RESUME
Auteurs
SONAN, N. K.1,2
DIAKITE1 K.
BEUGRE, J.B.1,2
BEUGRE-KOUASSI, A.1
DOUE P. 2
DJAHA, K. (1,2)
Services
Au cours de la phylogenèse, le passage d’une classe de
vertébrés à une autre s’accompagne de signes évolutifs
ou involutifs qu’il est possible de visualiser au niveau
anatomique. L’étude à partir de 14 pièces osseuses
sèches de mammifères a pour objectif de rechercher les
variations structurales dento-cranio-faciale au sein de
ce groupe de vertébrés.
L’anatomie comparée de ces structures met en
évidence des différences morphologiques qui permet de
comprendre les adaptations des formes vivantes aux
contraintes de l’environnement. Ainsi, la morphologie des
structures cranio-faciales diffère selon le régime
alimentaire, avec des implications biomécaniques.
Mots clés : Anatomie comparée - Mammifère - Appareil
1- Département d’Orthopédie
manducateur - Régime Alimentaire.
Dento-faciale,
U.F.R d’Odonto-Stomatologie
SUMMARY
d’Abidjan
2-Département de Paléoanthropologie,
Institut des Sciences Anthropologiques de Développement
d’Abidjan
Correspondance
SONAN N’GUESSAN. K.
UFR d’Odonto-Stomatologie,
22 BP 612 Abidjan 22.
E-Mail : [email protected]
During the phylogenesis, the passage of a class of
vertebrates in the other one comes along with evolutionary
or involutive signs that it is possible to show at the anatomical
level. The study from 14 dry bones of mammals aims to seek
the structural variations dento-cranio-facial within this group
of vertebrates. The compared anatomy of theses structures
puts in evidence of the morphological differences which allows
to understand the adaptations of the alive forms to the
constraints of the environment. So,; the morphology of the
cranio-facial structures differs according to the diet, with
biomechanical implications.
Keys Words : Comparative anatomy - Mammal - Device
manducator - Diet
Rev. Ivoir. Odonto-Stomatol., Vol. 8, n° 2, 2005 pp. 30-38
INTRODUCTION
La paléontologie et l’anatomie comparée
montrent comment l’évolution des mâchoires
et des dents a accompagné l’hominisation
(rétrusion de la face, bipédie, transformation
de la sphère masticatrice etc.) L’acquisition
des mâchoires remonte a environ 400
millions d’années, elle est passée probablement par les poissons, les amphibiens,
les reptiles, et enfin les mammifères. Cette
évolution à travers les différents ordres
constitue la phylogenèse. Cette dernière
s’observe également au sein d’un même
ordre composé de différents espèces : le cas
des mammifères.
Apparus à l’ère secondaire (au trias environ 240 millions d’années), les premiers
mammifères (vertébrés placentaires) vont
côtoyer presque discrètement les
dinosaures(reptiles géants) , avant de
s’épanouir véritablement à l’ère tertiaire
(environ 65 millions d’années)7.
Dans cette classe de vertébrés, l’apparition
de la fonction masticatoire leur est
contemporaine. Il s’agit d ’une acquisition
capitale permettent la dilacération et le
broiement des aliments. L’existence de cette
fonction s’est accompagnée d’une modification
morphologique. Au plan dentaire, elle
concerne le passage de l’homodontie (dents
semblables) à l’hétérodontie et à la plexodontie.
L’hétérodontie permet aux différentes dents
d’accomplir une fonction déterminée en
rapport avec le type de mastication. Au niveau
cranio-facial, l’articulation quadratoarticulaire est remplacée par l’articulation
squamoso-dentaire adaptée à la mastication.
L’ancienne articulation reptilienne carréarticulaire limitée à la préhension va migrer
dans l’oreille moyenne des mammifères
pour constituer la chaîne des osselets 6. Le
palais osseux secondaire se complète en
arrière par le voile mou avec un recul des
choanes et un isolement des cavités nasales
et buccales5. Ceci permet la simultanéité
de la respiration et de la mastication. Une
extension de la force temporale vers le haut
31
et l’avant témoigne de l’importance du
muscle temporal. Au plan musculaire, il
y a l’achèvement de la différenciation et une
organisation musculaire avec des variantes
qui sont fonction du régime alimentaire.
Pour comprendre l’adaptation des
structures anatomiques à la fonction
masticatrice, il est intéressant de comparer
le système dento-cranio-facial de différents
mammifères classés selon leur régime
alimentaire. La présente étude va décrire
et analyser les mandibules, les articulations
temporo-mandibulaires, et les dents. Ce
travail sera mené à travers quelques ordres
de la classe des mammifères : carnivore,
herbivore, rongeur, insectivore, frugivore, et
omnivore.
I - MATERIEL ET METHODE
1- Echantillon
Le matériel d’étude est constitué de 14
pièces sèches osseuses (7 crânes et 7
mandibulaires) de mammifères. L e s
différentes mâchoires sont totalement ou
partiellement dentées. Ces mammifères sont
choisis en fonction de leur modalité
alimentaire. La plupart sont des animaux
domestiques , ainsi on distingue :
- 1 carnivore (le chat de la famille des
Félidés) ;
- 1 ruminant (le mouton de la famille
des Bovidés) ;
- 1 rongeur (le lapin de la famille des
Léporidés);
- 1 insectivore (le hérisson de la famille
des Erinaceïdés) ;
- 1 frugivore ( le chimpanzé de la famille
des pongidés : pan troglodyte)
- 2 omnivores ;
· le porc de la famille des suidés ;
· l’homme mélanoderme africain de la
famille de l’Homo sapiens sapiens
Ces structures préalablement vernies
ne présentent pas de zones abîmées
capables d’entraver la présente étude.
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SONAN N. K. & al. : Caractères morphologiques des structures dento-cranio-faciales...
2- Méthodes
A l’exception de l’homme et du chimpanzé
décédés naturellement, les têtes de
mammifères furent récupérées après
sacrifice des animaux. Ces têtes furent
décharnées ensuite plongées dans « l’eau
javellisée », rincées puis trempées dans une
solution de formol pendant une dizaine de
jours. Après quoi elles furent séchées au
soleil avant d’être vernies. Chaque paire de
pièces sèches de mammifère a fait l’objet
d’une description morphologique. Cette
description s’est axée sur la mandibule en
générale, le condyle mandibulaire, le condyle
temporal et les dents.
II - RESULTATS
1- Description morphologique
1.1- Le carnivore : le chat
Représentés au début de l’ère tertiaire
par des formes primitives ou créodontes,
les carnivores se sont ensuite spécialisés
par adaptation à un régime carné plus ou
moins strict.
- Structures cranio-faciales
L’extrémité céphalique est généralement
ramassée donnant l’aspect d’une boule. La
face (le maxillaire et la mandibule) est donc
courte. L’arcade mandibulaire en forme de
lyre présente une importante fosse
massétérine matérialisant une large
insertion du muscle masséter. Le
développement du processus coronoïde en
témoigne aussi. Le condyle mandibulaire a
une forme transversale dans l’axe du plan
d’occlusion ; La fosse temporale qu’elle
épouse constitue un relief osseux assurant
un blocage postérieur qui enveloppe presque
entièrement le condyle mandibulaire.
- Les dents
Les carnivores à l’instar du chat présente
les canines très développées s’insérant pour
la mandibule dans le diastème pré canin
et pour le maxillaire et post canin. Les
incisives isolées montrent l’existence d’un
angle corono-radiculaire important (l’axe de
la couronne et de la racine ne sont pas
confondus). Les molaires de type sécodonte
sont tranchante dont l’une est à la mâchoire
supérieure et l’autre à la mâchoire
inférieure fonctionne à la manière d’une
paire de ciseaux : ce sont les molaires
carnassières.
1
2
3
Figure n°1 : Vue latérale extrémité
céphalique du chat.
1 : condyle temporal ; 2 : maxillaire ; 3 : dent
1.2- L’herbivore
Apparus au paléocène supérieur (début
de l’ère tertiaire), les téniodontes sont des
herbivores primitifs de formes immenses.
C’est avec le temps que la « gracialisation »
relative des herbivores va se réaliser.
- Structures cranio-faciales
L ‘extrémité céphalique est généralement
allongée dans le sens antéro-postérieur. La
face (le maxillaire et la mandibule) est donc
projetée en avant conférant ainsi une sorte
de prognathisme.
L’arcade mandibulaire a une forme
en « V » allongé ouvert postérieurement.
De profil, sa forme épouse la trajectoire
d’oscillation d’une pendule. Elle présente
une apophyse coronoïde surplombant par
sa taille le condyle mandibulaire juste
en arrière d’elle. Le condyle a une forme
transversale dans l’axe du plan
d’occlusion . il est plus large que celui du
carnivore. Le condyle temporale qui le
loge est moins profond et donc ne
l’enveloppe pas. Les surfaces articulaires
sont aplaties.
Rev. Ivoir. Odonto-Stomatol., Vol. 8, n° 2, 2005 pp. 30-38
- Les dents
Les canines sont inexistantes chez
l’herbivore. Les incisives isolées montrent un
angle corono-radiculaire important (l’axe de la
couronne et de la racine ne sont pas confondus).
Les incisives sont absentes au maxillaire.
On note un espace vide entre les prémolaires
et les incisives. Cet espace du nom de barre
participe à l’allongement du corps
mandibulaire. Les prémolaires et molaires
ont des tubercules disposés en rangées
antéro-postérieuresavecdessillons transversaux.
Les tubercules ont souvent une forme en
croissant de lune. Les dents sont dites
sélénodontes (croissant de lune). De même
les crêtes d’émail ont une disposition mésiodistale(perpendiculaire au mouvements de
latéralité) . Ce qui confère à ces molaires le
nom de lophodonte.
1
2
3
4
33
Elle présente une forme en « V » avec au
niveau incisive un prolongement antérieur.
Les incisives isolées montrent l’existence
d’un angle corono-radiculaire important
(l’axe de la couronne et de la racine ne sont
pas confondus).
Le condyle mandibulaire longitudinal
orienté en arrière et en bas surplombe le corps
mandibulaire. Une esquisse de coroné apparaît
en avant et en bas du condyle mandibulaire.
Le condyle temporal qui l’épouse n’assure pas
de contrainte anatomique (absence de butée
temporale postérieure). Cette caractéristique
autorise une grande liberté de mouvement
mandibulaire surtout dans le sens sagittal.
- Les dents
De même que chez les herbivores, les
rongeurs ne possèdent pas de canine et
dispose d’une barre séparant les molaires
des incisives. Les incisives isolées montrent
l’existence d’un angle corono-radiculaire
important (l’axe de la couronne et de la
racine ne sont pas confondus).
Au niveau des molaires, on note des
replis d’émail transversaux. La morphologie
coronaire de ces molaires donne l’aspect de
rappeur : molaire rappeuse. Les molaires
sont dites lophodontes.
1
2 3 4
Figure n°2 : Vue latérale extrémité
céphalique de mouton
1 : condyle temporal ; 2 : maxillaire ;
3 : dent ; 4: barre
1.3- Le rongeur
Les rongeurs primitifs sont apparus il y
a environ 50 millions d’années à l’Eocène
(au début de l’ère tertiaire).
Figure n°3 : Vue latérale de la mandibule
de lapin
1 : condyle temporal ; 2 : dent ; 3 : maxillaire ;
4 : barre
5
6
- Structures cranio-faciales
De même que l’herbivore, l ‘extrémité
céphalique du rongeur est généralement
allongée dans le sens antéro-postérieur. La
face (le maxillaire et la mandibule) est donc
projetée en avant conférant ainsi une sorte
de prognathisme.
Figure n°4 : Vue latérale de la mandibule
de lapin
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SONAN N. K. & al. : Caractères morphologiques des structures dento-cranio-faciales...
1.4- L’insectivore
L’extrémité céphalique de l’insectivore
est moins allongée que celle des deux
mammifères précédents (herbivore, rongeur) ;
elle donne cependant un aspect plus robuste
que le rongeur. L’arcade mandibulaire
présente une forme presque en « V ». Le condyle
mandibulaire très peu différencié est
légèrement plus élevé que le coroné. Il n’existe
pas de structure osseuse en arrière de la tête
mandibulaire. Il y a un prolongement
postérieur du corpus mandibulaire. L’absence
de la canine (chez le hérisson) fait place à une
petite barre, limitée antérieurement par deux
incisives et postérieurement par des molaires
avec des cuspides acérées. Les incisives
isolées montrent l’existence d’un angle coronoradiculaire important (l’axe de la couronne et
de la racine ne sont pas confondus).
1
2 3 4
présentent des incisives plus volumineuses
que leurs homologues humaines, de même
que les canines qui dépassent le plan
d’occlusion. Les incisives isolées montrent
l’existence d’un angle corono-radiculaire
important (l’axe de la couronne et de la racine
ne sont pas confondus). Les molaires sont de
type bunoïde 4.
1 2
3
4
Figure n°6 : Vue latérale de l’extrémité
céphalique du chimpanzé
1 : méat acoustique ; 2 : condyle temporal ;
3 : maxillaire ; 4 : dent
1.6- L’omnivore
Ce groupe de mammifère regroupe
l’Homme et les suidés (porc).
1.6.1- Porc
Figure n°5 : Vue latérale de l’extrémité
céphalique de l’hérisson
1 : condyle temporal ; 2 : dent ; 3 : maxillaire ;
4 : barre
1.5- Le frugivore
Les pongidés (grands singes) sont des
mammifères frugivores. Le crâne semble être
enroulé autour du méat acoustique externe
et déjeté en arrière. La face est allongée dans
le sens antéro-postérieur, conférant ainsi
une sorte de prognathisme.
L’arcade mandibulaire des pongidés
présente une forme en «U». Il existe une
structure osseuse en arrière de la tête
mandibulaire en occlusion. Il s’agit du
segment rétro-glasérien formé par le
tympanal. Les dents quasi humaines
L’extrémité céphalique est généralement
allongée dans le sens antéro-postérieur. Le
crâne très court est dominé par la face. Cette
dernière est fortement projetée en avant.
L’arcade mandibulaire présente une forme
en « V » ouvert postérieurement. La zone
alvéolaire prémolo-molaire est orientée en
dedans de l’arcade mandibulaire. L’arcade
mandibulaire massif à l’image de toute la
mandibule est légèrement plus haute que le
coroné. Il n’existe pas de structure osseuse
en arrière de la tête mandibulaire. Les
incisives isolées montrent l’existence d’un
angle corono-radiculaire important (l’axe de
la couronne et de la racine ne sont pas
confondus). Les canines mandibulaires
dépassant le plan d’occlusion s’incruste en
intercuspidation dans le diastème post canin
Rev. Ivoir. Odonto-Stomatol., Vol. 8, n° 2, 2005 pp. 30-38
maxillaire, tandis que celle du maxillaire
dans le diastème précanin. Les prémolaires
sont tranchantes et les molaires tuberculées.
1
2
3
en tous ces points. Il est légèrement plus
haut que le coroné. Le condyle temporal est
représenté par l’apophyse zygomatique. Il
est convexe d’avant en arrière et concave
de dedans vers le dehors. Au niveau
dentaire, le groupe prémolo-molaire est
tuberculé. Les incisives isolées montrent
que la couronne et la racine sont orientées
dans le même axe.
12
Figure n°7 : Vue latérale de l’extrémité
céphalique de porc
1 : condyle temporal ; 2 : maxillaire ;
3 : dent
4
4 : condyle mandibulaire
1.6.2- Homme
L’extrémité céphalique humain semble
contenir dans une sphère ayant pour centre
le méat acoustique externe. L’aspect du
crâne montre la fin de son enroulement
autour du méat acoustique externe.
Comparativement aux autres vertébrés le
neurocrâne a gagné plus en dimension que
le splanchnocrâne(squelette facial).
L’arcade mandibulaire est parabolique et
divergent au niveau postérieur. De profil,
il apparaît une courbe à concavité occlusale
des incisives aux molaires. Le condyle
mandibulaire a une forme oblongue, située
au dessus du plan d’occlusion, il est convexe
3 4
Figure n°9 : Vue latérale de l’extrémité
céphalique humaine
1 : méat acoustique ; 2 : condyle temporal ;
3 : maxillaire ; 4 : dent ;
5
Figure n°8 : Vue plongeante de la
mandibule de porc
35
6
Figure n°10 : Vue latérale de la mandibule
humaine
5 : condyle mandibulaire ; 6 : coroné
III- DISCUSSION
L’adaptation des structures anatomiques à
la fonction masticatrice soulève différentes
voies d’investigation qui sont morphologique,
biomécanique, électromyographique etc.
Nous explorons dans ce travail le volet
morphologique. Pour mener ces investigations
centrées essentiellement sur la fonction
masticatrice, il a été nécessaire de recenser
les différentes modalités alimentaires. A
chaque régime alimentaire un mammifère
correspondant a été choisi. Ainsi, cette étude
n’a pas rassemblé plusieurs mammifères
36
SONAN N. K. & al. : Caractères morphologiques des structures dento-cranio-faciales...
du même régime à l’exception des omnivores ;
car il s’agit ici de donner une approche
phylogénique qui pourrait retracer l’évolution
de la fonction masticatrice.
Il ressort de l’étude morphologique
quelques traits caractéristiques. Le
neurocrâne (voûte et base du crâne) et le
splanchnocrâne (squelette facial) subissent
à travers les espèces des variations
dimensionnelles allant dans le sens croissant
pour les uns et décroissant pour les autres.
Le neurocrâne des herbivores, des rongeurs,
des carnivores, des insectivores, des suidés
est de dimension réduite par rapport à leur
splanchnocrâne qui est immense et allongé
sagittalement. Avec les pongidés, le
neurocrâne va acquérir une bien grande
expansion sans toutefois dominer le squelette
facial. Ce dernier demeure proéminent. C’est
chez l’Homme que le neurocrâne va présenter
une taille plus importante que le
splanchnocrâne. Cette régression progressive
du splanchnocrâne pourrait traduire la moins
grande sollicitation de cette structure. En effet,
les mammifères quadrupèdes (herbivores,
rongeurs, carnivores insectivores, suidés)
utilisent leur gueule ou museau à la fois pour
la préhension, (extension de la zone crâniocervicale) et la mastication. Le chimpanzé
qui adopte une bipédie occasionnelle libère
ses membres supérieurs réduisant la
sollicitation du splanchnocrâne. L’Homme, en
plus de la libération des membres supérieurs,
mange des aliments cuits et donc mous. Ce
qui va diminuer en gros l’activité masticatoire 1,
et donc réduire l’allongement facial.
L’augmentation de la taille du neurocrâne
expliquerait la sollicitation de cette structure
chez le chimpanzé et encore plus chez
l’Homme. Certaines structures de l’extrémité
céphaliques vont subir des variations
morphologiques. Entre autre l’articulation
temporo-mandibulaire, les dents etc.
L’articulation temporo-mandibulaire du
carnivore présente une véritable
contrainte liée à son anatomie (condyle
mandibulaire est transversale et est
emboîtée dans le condyle temporal). Cette
disposition limite certains mouvements
mandibulaires. Au niveau dentaire, les
canines proéminentes ne peuvent autoriser
l’intercuspidation que par l’existence de
diastèmes pré et post canins. Dans cette
constitution anatomique, les mouvements
de latéralité demeurent difficilement
réalisables ; il n’en est pas moins des
mouvements de propulsion-rétropulsion.
Seuls les mouvements verticaux sont
développés et quelquefois sont de grande
amplitude et de forte puissance 6. Cette
morphologie va offrir moins de contrainte chez
les herbivores où les surfaces articulaires sont
presque aplaties. De même la morphologie
des dents jugales, principalement l’anatomie
occlusale montre une table d’usure modelée
par les mouvements latéraux.
Aussi bien que les herbivores, les
rongeurs ont moins de contrainte au niveau
de l’articulation temporo-mandibulaire.
Ceci est matérialisé par l‘absence de butée
temporale postérieure. Ce faisant, les
mouvements sagittaux quasi inexistants
chez les précédents deviennent réalisables.
Au plan dentaire, la morphologie occlusale
toute particulière (l’aspect rappeur) et
l’absence de canine offre la possibilité de
réalisation de différents mouvements.
Les insectivores présentent moins de
contrainte au niveau de l’articulation
temporo-mandibulaire car les condyles
mandibulaires sont peu différenciés. Les
cuspides acérées des dents ne s’opposent
pas à des mouvements mandibulaires.
Pour les vertébrés qui se nourrissent de
tout (omnivores), la prise en compte des deux
mammifères que sont le porc et l’Homme
s’explique par la différence posturale. En
effet, le porc est quadrupède tandis que
l’Homme est bipède. Ces deux mammifères
présentent aussi bien des similitudes que
des différences. L’articulation temporomandibulaire montre la même dysharmonie
fosse- tête autorisant les mouvements tri
dimensionnels. La distinction apparaît avec
les dents et l’appareil crânio-cervical.
L’Homme présente un groupe prémolomolaire tuberculé, alors que chez les suidés
coexistent des prémolaires tranchantes et
Rev. Ivoir. Odonto-Stomatol., Vol. 8, n° 2, 2005 pp. 30-38
des molaires tuberculées. Au niveau craniocervical, la boîte crânienne est hyper
développée chez l’homme, ce qui privilégie
les insertions du muscle temporal. Chez le
porc, celle-ci étant réduite, les insertions
musculaires sont prépondérantes à la
mandibule précisément dans la région de
l’angle mandibulaire (le muscle masséter).
Par ailleurs chez le porc, il n’existe pas de
structure osseuse en arrière de la tête
mandibulaire, contrairement à l’Homme où
le segment rétroglasérien est formé par le
tympanal. On peut sans doute expliquer ce
fait par l’adaptation du port de la tête : le
cou est en effet à l’horizontal chez le porc
tandis qu’il existe un angle crânio -vertébral
(angle CVA de ROCCABADO = 96°- 106°) chez
l’homme rendu obligatoire par la station
bipède ou érigée.
Au plan dentaire, l’hétérodontie fait
apparaître les types de dents. Ces derniers
à partir des formes qu’ils présentent et des
places occupées sur l’arcade dentaire,
assurent des fonctions différentes. Ainsi
classiquement on distingue les incisives
les canines et les molaires.
Les incisives au nombre d’une à trois
par hémi-arcade sont implantées
antérieurement aussi bien à la mandibule
qu’au maxillaire à l’exception de certains
ruminants(bœuf, mouton) où elles sont
absentes au maxillaire. Ces dents ont un
rôle préhensible et coupante. Il existe un
caractère distinctif très important.
L’inclinaison de l’axe de la couronne par
rapport à celui de la racine est en relation
avec l’allongement du massif facial. La
cléotoxie (importance de l’angle coronoradiculaire) s’observe chez les vertébrés
non humains ; tandis que la tribotoxie(l’axe
coronaire et l’axe radiculaire sont
confondus)est caractéristique du genre
homo. Les canines par leur présence et leur
forme annoncent le régime alimentaire.
Elles sont absentes chez les rongeurs,
absentes ou rudimentaire chez les
herbivores, présentes chez les primates
frugivores et surtout les carnivores où leur
importance est traduite par une hauteur
37
dépassant le plan d’occlusion et s’insérant
dans les espaces aménagés que sont les
diastèmes pré-canins maxillaires et postcanins mandibulaires.
La morphologie des molaires traduit plus
la modalité alimentaire de ces mammifères.
Classiquement, on distingue quatre types de
molaires,
Le type bunodonte, où les cuspides ont une
forme émoussée, ils sont caractéristiques du
régime omnivore, frugivore, insectivore. Le
type thécodonte ou lophodonte présente deux
à plusieurs arêtes transversales ou lophes
réunies par une crête longitudinale. Il
s’observe surtout chez les rongeurs. Le type
bélodonte ou sélédonte, les tubercules ont une
forme en croissant de lune, et sont rencontrés
chez les herbivores. Et enfin, le type sécodonte
où les tubercules externes sont développés
alors que régressent les rangées médianes
et internes donnant ainsi l’aspect de lame
coupante. Ce type se rencontre dans les
régimes carnivores et quelque fois dans le
régime insectivore.
CONCLUSION
L’anatomie comparée devient anatomie
fonctionnelle lorsqu’elle s’attache aux rapports
existants entre la structure des éléments
anatomiques et leur fonction. Elle peut alors
permettre de comprendre les adaptations des
formes vivantes aux contraintes de
l’environnement. Ce travail appuie la thèse
selon laquelle la morphologie des structures
crânio-mandibulaires des mammifères varie
selon le régime alimentaire. Les canines sont
plus importantes chez les mammifères qui
l’utilisent constamment (les carnivores) et
inexistantes où elles servent le moins. La
morphologie de l’articulation temporomandibulaire indique les mouvements
réalisables et ceux qui sont le moins.
L’expansion morphologique du splanchnocrâne
des mammifères quadrupèdes montrerait la forte
sollicitation de cette structure contrairement à
l’Homme qui sollicite plus le neurocrâne. Ce
dernier est plus développé chez l’humain. Pour
mieux circonscrire ce travail une étude
biomécanique s’avère nécessaire de même
qu’une investigation électromyographique 2, 3.
38
SONAN N. K. & al. : Caractères morphologiques des structures dento-cranio-faciales...
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Les mammifères. Que sais-je ?
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