Couple propriétaire de la Casa Milà en 1910 Pere Milà i Camps

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Couple propriétaire de la Casa Milà en 1910 Pere Milà i Camps
Couple propriétaire de la Casa Milà en 1910
Pere Milà i Camps
Roser Segimon
Gaudí reçut une commande pour un hôtel particulier de la part de Pere Milà i Camps, un
entrepreneur prospère, également promoteur immobilier qui avait ses entrées dans le
monde politique. Ce dernier avait épousé Roser Segimon i Artells, une riche veuve qui
avait hérité.
Le couple jouissait alors d'une position privilégiée, ce qui peut expliquer qu'ils ont voulu
créer une maison à la conception innovatrice et de grand luxe, suivant la mode
barcelonaise d'alors. Ils achetèrent la maison de Josep Antoni Ferrer-Vidal i Solernote à
l'angle du Passeig de Gràcia et de la rue de Provence le 9 juin 1905 puis confièrent le
projet à Gaudí, dont la renommée comme architecte était déjà établie. À cette époque,
celui-ci travaillait sur plusieurs projets : il avait repris le projet de la Sagrada Família
depuis 1884, travaillait sur la maison Bellesguard (1900-1909), le parc Güell (19001914), achevait la Casa Batlló (1904-1906) et restaurait la cathédrale de Palma de
Majorque (1903-1914).
En outre, Pere Milà connaissait bien Josep Batlló qui était un des sociétaires d'une de ses
entreprises textiles. Il sollicita une visite de la Casa Batlló alors qu'elle était en cours
d’achèvement et en profita pour rencontrer Gaudí.
Le projet de Milà était de construire un édifice de grandes dimensions, et, suivant la
coutume de l'époque, de s'attribuer le premier étage pour sa propre résidence et de
destiner le reste à la location. La partie extérieure serait quant à elle réservée à des
commerces. Le 2 février 1906, les plans furent présentés au conseil municipal ainsi
qu'une demande pour un permis de construire.
Les problèmes administratifs
Certificat d'achèvement des travaux rédigé par Gaudí : « D. Antonio Gaudí y Cornet,
architecte, résidant dans cette ville, certifie que, selon mes plans et sous ma direction, a
été construite la maison située sur le Passeig de Gràcia au no 929 et la rue de Provence
aux nos 261, 263, 265 et 267 dans cette ville (Gràcia), qu'elle appartient à Mme Roser
Segimon i Artells, et est prête à être louée à ce jour.
Pour valoir ce que de droit, signé à Barcelone le 21 octobre 1912. »
La construction souffrit divers retards. L'édifice dépassait en hauteur et en largeur ce qui
avait été accepté par le conseil, et Milà dut payer une amende. De plus, Gaudí
abandonna la direction de l'œuvre en 1909 en raison de divergences avec Milà à propos
de la décoration intérieure. La relation entre Gaudí et Milà se refroidit au point que
l'architecte et le promoteur durent réclamer en justice leurs honoraires, d'environ 105
000 pesetas, somme que l'architecte reversa aux jésuites. Pour faire face à ses
obligations et s'acquitter de sa dette, Milà dut hypothéquer la maison.
La première polémique avec l'administration se produisit lorsqu'en décembre 1907, le
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conseil municipal arrêta le chantier parce qu'un pilier occupait une partie du trottoir sans
respecter l'alignement des façades. Quand la nouvelle lui fut communiquée, Gaudí y
répondit avec son ironie habituelle:
« Dites-leur que s'ils veulent, nous couperons le pilier comme si c'était un fromage, et
que sur la face polie restante, nous sculpterons une légende qui dira : coupée, par ordre
du conseil municipal et selon un accord de la séance plénière de telle date. »
Cependant, la suspension du chantier ne fut pas respectée, Gaudí continua son travail. Le
28 septembre 1909, de nouvelles difficultés administratives surgirent : l'édifice dépassait
la hauteur prévue et excédait le volume d'environ 4 000 m3. Le conseil municipal
réclama une amende de 100 000 pesetas — environ 25 % du coût de l'édifice — sous
peine d'abattre les combles et la terrasse. La polémique se conclut un an et demi plus
tard, le 28 décembre 1909, quand la commission d'agrandissement de Barcelone certifia
qu'il s'agissait d'un édifice monumental et qu'il n'était donc pas requis qu'il s'adaptât
parfaitement aux ordonnances municipales.
« Il saute aux yeux que l'édifice en question, quel que soit son destin, a un caractère
artistique qui le distingue des autres édifices particuliers, lui donnant une physionomie
spéciale à laquelle l'œuvre réalisée contribue en grande partie en se séparant des plans
approuvés. »
Cette solution convint à Gaudí, qui réalisa une copie de la certification pour la conserver.
Enfin, en 1910, les Milà demandèrent au conseil municipal la permission de louer les
appartements de l'édifice, mais celle-ci ne fut accordée qu'en octobre 1912, au moment
où Gaudí annonça la fin des travaux.
La construction
Le déroulement de la construction fut raconté plusieurs années après à l'historien Joan
Bassegoda par le constructeur Josep Bayo. Selon ce dernier, la maison antérieure fut tout
d'abord partiellement démolie, de façon à laisser une partie de la structure intacte pour
servir de baraque aux ouvriers. Les assistants de Gaudí y recopiaient proprement les
croquis que leur donnait l'architecte. Immédiatement après, le terrain fut creusé de 4 m,
pour réaliser les sous-sols et les fondations. Après avoir couvert cet espace, l'atelier y fut
installé et le reste de la maison fut abattu.
Un béton à base d'un mélange de graviers, de pierres de Montjuïc et de mortier de chaux
servit à la fabrication des fondations. Sur celles-ci, on érigea des piliers, certains en
fonte. Les autres piliers furent maçonnés en réutilisant les briques de la maison détruite.
Une fois le sous-sol terminé, les ouvriers procédèrent à la construction du reste des
appartements, pendant que la façade, indépendante du reste de l'édifice, était imaginée
par Gaudí. L'architecte supervisait la création des maquettes de plâtre par Joan Bertran.
Ces maquettes furent par la suite découpées et servirent de modèle à l'œuvre réelle : les
tailleurs de pierre suivirent fidèlement leur structure. Un système de poutres fut utilisé
pour les autres étages dont notamment des poutres en fer disposées en forme de voûte
catalane, unies au moyen de boulons et de vis, sans soudure. La façade fut couverte de
pierres en forme d'arcs ondulés, qui furent retouchées peu à peu par les tailleurs de
pierre jusqu'à obtenir la forme désirée par Gaudí. Enfin, le grenier fut construit, dessiné
indépendamment du reste du bâtiment, avec un système d'arcs caténaires en brique.
La terrasse fut construite par-dessus, sa forme s'adaptant aux différentes hauteurs des
arcs du grenier.
Son propriétaire la présenta au concours annuel des bâtiments artistiques du conseil
municipal de Barcelone, où concouraient également en 1910 deux œuvres d'Enric Sagnier
i Villavecchia (264, rue de Majorque et la Casa Roman Macayanote), ainsi que la maison
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Gustà, résidence privée de l'architecte Jaume Gustà i Bondia, et la maison Pérez
Samanillo, œuvre de Joan Josep Hervas i Arizmendi. Bien que la maison Milà était la plus
spectaculaire et clairement favorite, le jury l'écarta au profit de la maison de Pérez
Samanillo, actuel siège du Centre équestre en déclarant que « bien que les façades
soient terminées, il manque beaucoup de travail pour que [l'édifice] soit totalement fini,
terminé, et en parfait état d'appréciation. »
Depuis l'achèvement de la Casa Milà
Durant la guerre civile espagnole, la Casa Milà fut occupée par le Parti socialiste unifié de
Catalogne, dont le secrétaire général, Joan Comorera, s'installa à l'étage principal. Les
Milà, qui étaient à Blanes pour l'été, y restèrent au début du conflit. Ils rejoignirent le
camp nationaliste et ne revinrent chez eux qu'à l'issue de la guerre. Père Milà décéda un
an plus tard, en 1940, et, en 1946, sa femme vendit l'immeuble à la « compagnie
immobilière de la Sainte Providence (CIPSA) », bien qu'elle continua à vivre à son étage
jusqu'à son décès en 1964.
La Casa Milà souffrit diverses vicissitudes. En 1927, Roser Segimon demanda au
constructeur Josep Bayo de rénover l'intérieur de l'appartement principal qu'elle
n'appréciait pas : la décoration réalisée par Gaudí fut perdue. Le premier commerce à
s'installer dans le bâtiment fut un tailleur qui ouvrit en 1928. En 1932, les charbonniers,
installés au rez-de-chaussée, transformèrent les magasins en éliminant les grilles en fer
qui séparaient le demi-sous-sol de la rue.
Les combles furent remodelés en 1953-1954 par l'architecte Francisco Barba Corsini. La
société CIPSA fit installer treize appartements dans les combles par l'architecte, dans un
style moderniste éloigné du projet de Gaudí. En 1966, l'étage principal fut transformé en
bureaux pour l'entreprise de Leopoldo Gil Nebot. Entre 1971 et 1975, une première
restauration fut effectuée par José Antonio Comas de Mendoza. En 1986, la Caixa
Catalunya acquit le bâtiment et y fit effectuer des travaux de conservation et de
restauration par José Emilio Hernandez Cros et Rafael Villa. Ils durèrent jusqu'en 1996 et
permirent de retrouver le dessin original élaboré par Gaudí. La société maintint l'édifice
ouvert au public, les touristes pouvaient y admirer les appartements du quatrième étage,
le grenier et la terrasse. Les autres étages étaient occupés par des bureaux et quelques
familles résidentes. Les combles accueillent aujourd'hui l'Espace Gaudí, une exposition
sur la vie et les œuvres de l'artiste, avec des maquettes et du matériel audiovisuel sur
les principales innovations réalisées par l'architecte catalan.
Depuis 2013, le propriétaire de l'équipement est le Fundació Catalunya-La Pedrera, qui
est responsable de l'organisation des expositions, des activités et des visites.
La Casa Milà fut déclarée monument historique d'Espagne en 1969 et, en 1984,
l'UNESCO l'inclut dans le programme « Œuvres d'Antoni Gaudí » du patrimoine mondial
de l'Humanité, conjointement avec le parc Güell, le palais Güell, la Casa Vicens, la façade
de la Nativité et la crypte de la Sagrada Família, la Casa Batlló et la crypte de la Colonie
Güell.
Depuis son ouverture au public en 1987, la Casa Milà a été visitée plus de 20 millions de
fois, soit environ un million de visiteurs par an, ce qui la place dans les dix lieux les plus
visités de Barcelone.
Source : Wikipédia
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