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La Nuit des Publivores, projection publique de cinq cents films publicitaires, huit heures d'affilée, fait, chaque année, le tour de
quelques grandes villes, en France et dans le monde.
Des jeunes par centaines paient dans les deux cents francs pour assister à la projection. A voir leur mine insouciante, on peut
supposer qu'obnubilés par les cinq cents asticots agités sous leurs yeux, ils n'aperçoivent pas l'hameçon dissimulé, ni, a fortiori, le
pêcheur : le producteur, ancien publicitaire, qui bénéficiera des recettes du «spectacle» pour entretenir sa collection de films.
Chaque année, R.A.P. se mêle à leur queue dans l'espoir d'en réveiller quelques uns. Les moyens qu'elle se donne, pas toujours
exempts d'ironie, allient humour et non-violence.
L'année dernière, après l'action, le producteur mécontent avait chargé son avocat d'adresser un avertissement à R.A.P.,
coupable, à ses yeux, d'avoir «jeté le doute sur le caractère spontané du spectacle, sur son authenticité, et même sur sa finalité»
(voir 5$3eFKRVn° 15).
Cette année, la nouvelle tournée de la Nuit des Publivores a donné aux militants de R.A.P.-Lyon l'occasion d'entrer les
premiers en action le 21 mars 1997, devant la Bourse du Travail. Quelques centaines de jeunes y attendaient l'ouverture des
portes. Les militants leur ont tenu compagnie. Une dizaine d'entre eux, la tête enfoncée dans un carton en forme de téléviseur,
répondaient aux injonctions d'un manitou, lequel, armé d'un mégaphone, proférait des mots d'ordre et des «vérités» sur la société
de consommation en général, sur la télévision et la publicité en particulier, et aussi sur le sort qui guettait toutes ces jeunes
victimes naïvement impatientes de sauter dans la marmite. Mise en scène, il est vrai, du plus mauvais goût et d'une violence
inouïe!
Une semaine plus tard, la veille du passage de la Nuit des Publivores à Paris, le siège national de R.A.P. a reçu, du même
avocat que l'année dernière, la lettre recommandée suivante, datée du 25 mars
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Tiens! Qu'est-ce que cela signifie?
De l'intimidation ? Des menaces ? De la part d'un -ancien - publicitaire ? Maître de l'humour et de la créativité. Champion de la
liberté. Gourou émancipateur de nos pulsions profondes. Quel péril une poignée de militants ont-ils donc bien pu faire entrevoir
au producteur de la Nuit des Publivores pour qu'il se mêle ainsi de l' "Ordre Public" avec des majuscules ? Pour qu'il affiche une
semblable intolérance ? R.A.P. aurait-elle atteint, par ses interventions ô combien ! brutales, les limites du sens de l'humour
publicitaire ?
Au contraire du vampire, dont un sourire trop large risque de révéler les crocs, le publicitaire vient de montrer son vrai visage
en oubliant de sourire. Cette lettre est un échantillon d'un totalitarisme qui ne se cache plus.
Menaces ou pas, huit militants parisiens de R.A.P. se sont rendus, le 28 mars 1997, au Palais des Congrès. Surprise: le hall
comptait presque autant d'uniformes que de publivores ! En effet, les forces de l'ordre (de 1"'Ordre Public" si cher à l'ancien
publicitaire) étaient nettement plus visibles que les autres années. Demi-surprise, en réalité : R.A.P. avait appris par un tiers que le
commissariat de police avait été prévenu par l'organisateur.
Autre surprise: les «spectateurs» n'étaient guère que quatre cents maximum, soit moins du tiers du contingent habituel.
L'ambiance était morne. Les congés de Pâques suffisaient-ils à expliquer une telle indocilité ? R.A.P. ne pouvait-elle, en toute
modestie, recueillir le fruit du patient labeur par lequel, année après année, elle s'évertue à éveiller ceux qui peuvent l'être? Un
jeune d'aujourd'hui a peut-être autre chose à faire de deux cents francs. Quant aux habitués, ils doivent bien finir, au bout d'un
certain nombre de fois, par mesurer la mince contrepartie d'une telle somme. D'où la probable détresse de l'organisateur, et cette
lettre, revancharde par anticipation.
En tout cas, l'action parisienne de R.A.P. prévue cette année ne devait pas le concerner directement. A partir d'une information
sur les coupures publicitaires pratiquées dans des cinémas italiens /H 0RQGH avaient été conçus une
pétition-canular réclamant l'importation du procédé en France, et un tract rédigé et présenté dans un style publicitaire et dans un
parfait irrespect de la langue française.
L'action a consisté à distribuer ce tract et à faire circuler la pétition. Sur l'accueil qui leur a été réservé par les publivores et sur
le sens des quelques dizaines de signatures obtenues, les militants de R.A.P. ne sont pas d'accord. Certains pensent que l'action a
échoué, d'autres que, par un effet de miroir, le canular aura permis de désiller quelque peu ces publivores... dévorés par leur
passion.
Y.G.
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Le 9 mars 1997, deux militants, l'
un de Résistance à l'
Agression Publicitaire, l'
autre de Paysages de France, ont fait deux fois
de suite en voiture le tour complet du boulevard périphérique de Paris, côté intérieur. Le but était de faire un état des lieux de
l'
affichage publicitaire. Le premier tour a servi à relever le nombre de panneaux s'
offrant au regard des usagers roulant dans le
sens des aiguilles d'
une montre. Le second à filmer en continu, à l'
aide d'
un caméscope, la vue, telle qu'
elle s'
offre à l'
automobiliste
au travers du pare-brise. Le relevé approximatif a permis de constater, avec une très faible marge d'
erreur, qu'
il y avait ce jour-là
environ 234 panneaux, à peu près autant côté banlieue que côté Paris. Deux cent trente quatre affiches à déchiffrer, désirer,
admirer. Deux cent trente quatre pages d'
un livre à endormir l'
automobiliste. Deux cent trente quatre couplets d'
une funeste
berceuse. Deux cent trente quatre causes potentielles d'
accidents par déconcentration :le crime est celui des pouvoirs publics, qui
favorisent la lecture à 80 km/ heure.
Dans combien d'
années pourra-t-on rire, jaune, d'
une absurdité dont seul le souvenir subsistera ? Après combien de morts ? Sur
les 8080 personnes qui ont perdu la vie sur les routes françaises en 1996 /H 0RQGH20 février 1997), combien avaient eu leur
attention détournée jusqu'
à perdre le contrôle de leur véhicule ?
Y.G.
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A deux reprises, des représentants de R.A.P. ont été reçus par les autorités municipales parisiennes.
Le 19 février 1997, Y. Gradis a pu, à sa demande, s'
entretenir sur l'
affichage avec deux responsables du service de la publicité
de la Mairie de Paris (B. Perot et C. Péroumal). Au cours d'
une conversation de près de trois heures, de nombreux aspects de la loi
ont été abordés, ainsi que la méthode de lutte contre l'
affichage illégal. Les fonctionnaires ont assuré faire de leur mieux pour
concilier les exigences du commerce et celles de l'
environnement : ils ont à ce propos souligné l'
avance de Paris sur la banlieue.
Concernant les publicités lumineuses bordant le périphérique, qualifiées de «scandale» visuel par le représentant de R.A.P., il a été
affirmé qu'
elles étaient toutes réglementaires, ayant fait l'
objet d'
une demande d'
autorisation, et qu'
il valait mieux qu'
elles se
trouvent là plutôt qu'
au centre de Paris. Quant au bardage de tôle verte qui encadre de nombreux panneaux, les deux spécialistes
ont reconnu que, tout en servant parfois l'
esthétique ou l'
hygiène, il contribue d'
autres fois à masquer des infractions.
Le 13 mars, J.-C.Hervé et T.Jeanneret (ex-président de R.A.P.-Lyon) ont répondu à l'
invitation de Georges Sarre, député-maire
du XIéme arrondissement, conseiller de Paris, et vice président du Mouvement des Citoyens. Ils ont été reçus, pendant deux heures,
par son collaborateur, F.-X.Cottrel.
Là encore, le thème était l'
affichage. Le représentant de l'
élu a déclaré que, pour celui-ci, il s'
agissait d'
un prob1ème important,
touchant autant à l'
environnement qu'
à la santé publique, par le danger que les panneaux publicitaires représentent pour la sécurité
et la concentration des conducteurs.
Il a été décidé de faire ensemble un état des lieux de l'
affichage à Paris, au moyen d'
une exploration de quelques zones-tests.
Un nouveau rendezvous a été pris pour début juin.
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Un chasseur de panneaux publicitaires, Y. Gradis, qui, fin 1996, en avait découvert un, illégal, sur une maison du Loiret, l'
avait
signalé, suivant la méthode mise au point par Paysages de France à la mairie de la ville concernée. A la suite de quoi il a reçu la
lettre suivante, datée du 22 janvier 1997 :
«Monsieur, J'
ai été chargé par Monsieur le Maire de donner suite à votre courrier. Je suis élu municipal et bailleur du panneau
en cause. Je vois que vous connaissez assez bien la réglementation en vigueur, en ce qui concerne la publicité. Sachez que j'
ai déjà
transmis votre courrier au preneur, la société Dauphin, qui, j'
en suis certain, fera le nécessaire.
Mais je me pose quand même une question.
Je connais bien ma commune et les panneaux qui y sont installés. Je n’ai vu qu'
un seul courrier en mairie. Dois-je prendre
votre requête comme une agression personnelle ? A destination du preneur ou du loueur ?
Je suis comme beaucoup de Français, je parcours les différentes routes de France et, croyez-moi, il est fréquent que je
remarque des irrégularités. Je n'
écris pas pour autant dans les mairies concernées. Peut-être s'
agit-il de votre métier. Alors soyez
plus rigoureux pour tout le monde!
Dans l'
attente d'
une réponse, recevez, Monsieur, l'
expression...»
Le 30 janvier, le chasseur répondait :
«Monsieur,
Merci pour votre lettre.
Rassurez-vous, en demandant la mise en conformité du panneau publicitaire apposé sur votre mur, je n'
entendais commettre
une «agression personnelle» ni contre vous-même, dont j'
ignorais - pardonnez-moi ! - l'
existence, le nom et la fonction, ni contre
l'
afficheur, quifait ce qu'
ilpeut, comme tout le monde, pour gagner sa vie.
En passant devant votre maison, j'
ai simplement remarqué ce panneau en infraction, l'
ai photographié et signalé aux autorités
compétentes. Mon objectif était de faire respecter la loi de 1979 qui protège l'
environnement.
Votre lettre m'
apprend que, parmi les autorités compétentes, il y a... vous-même, «élu municipal» ! Un «élu municipal» qui
connaît bien la loi, en tout cas suffisamment pour juger que je la connais moi-même «assez bien».
Un «élu municipal» qui reconnaît que sa maison n'
est pas la seule, dans sa commune, à servir de support à un panneau illégal
et qui ne donne aucun signe d'
une quelconque volonté de faire appliquer la loi : vous reconnaissez en effet, implicitement, qu'
il y a
plusieurs panneaux illégaux à (...), et le premier relevé d'
infraction qui vous parvient vous semble une possible «agression
personnelle», puisqu'
il concerne votre maison.
Un «élu municipal», enfin, qui avoue remarquer en France de «fréquentes irrégularités» et paraît s'
en accommoder... Que vous
vous absteniez, délibérément, de signaler ces irrégularités aux mairies concernées ne regarde que votre conscience. Mais que vous
me reprochiez, tacitement, de le faire me surprend.
Non, monsieur, ce n'
est pas mon «métier» qui me pousse à dénoncer les panneaux illégaux : c'
est mon civisme. Ce même
mobile qui, je n'
en doute pas un instant, vous a fait accepter votre fonction d'
«élu municipal». En l'
occurence, le civisme m'
oblige
à intervenir, chaque fois que je le puis, par la voie légale, pour libérer le paysage de l'
agression publicitaire dont il fait trop souvent
l'
objet de la part de certains vandales cachés derrière des sociétés d'
affichage, dont, je n'
en doute pas un instant, Dauphin est à
exclure, cela avec la complicité de certaines municipalités corrompues, dont, je n'
en doute pas un instant, la vôtre est à exclure.
Je ne connais pas votre métier, mais je suppose qu’il ne vous empêche pas d'
intervenir quand vous êtes témoin d'
une agression.
Pareillement je le répète, c'
est par conscience, et non par métier, que je vole au secours des paysages quand ils sont en danger!
Quant à être «plus rigoureux pour tout le monde», rassurez-vous, là encore, je le suis. Quelques communes pourraient en
témoigner : Aubervilliers, Boulogne, Chaville, Charsonville, Chateaudun, Douarnenez, Loches, Paris, Puteaux, etc.
Au cas où ma lettre vous aurait convaincu d'
infliger à tous les panneaux illégaux que vous dites remarquer «sur les routes de
France» le sort que j'
ai infligé au vôtre, je vous envoie un exemplaire de la fiche de relevé mise au point par l'
association Paysages
de France (à laquelle vous devriez adhérer, car elle a besoin de bons connaisseurs de la loi comme vous). En échange, si j'
ose dire,
faites-moi la faveur, s'
il vous plaît, de m'
envoyer une photo de votre panneau, lorsqu'
il aura été mis en conformité (ou déposé) par
la société Dauphin, qui m'
a promis par téléphone (le 17 janvier dernier) de régulariser la situation.
Veuillez recevoir, Monsieur, l'
expression..»
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Parmi les nombreux domaines où la France a manifesté son excellence et son rôle d'
avant-garde culturelle, on peut ajouter
encore celui-ci : la France est «championne d'
Europe» en publicité par affichage. Elle dépense la coquette somme de 874 millions
d'
écus par an - cela donne à peu près 5,3 milliards de francs - pour couvrir nos villes, nos rues, nos routes et nos paysages de
milliers de kilomètres carré d'
affiches. N'
est-ce pas formidable ? C'
est le journal /H 0RQGH daté du 20 février 1997 qui nous
apporte cette bonne nouvelle.
Les autres pays d'
Europe sont laissés loins derrière: 469 millions d'
écus pour l'
Allemagne, 414 pour le Royaume-Uni - sans
parler d'
un misérable 29 millions d'
écus pour la Norvège, qui dispose pourtant d'
une belle surface propice à l'
affichage dans ses
montagnes et ses fjords. De toute évidence, ces pays n'
ont pas encore compris l'
importance économique, l'
utilité sociale et, surtout,
la subtile beauté de l'
affichage publicitaire. Est-ce par étroitesse culturelle ou par simple inertie? En tout cas, ils sont terriblement
en retard par rapport à notre hexagone.
Certains esprits chagrins se plaindront que cette somme - 5,3 milliards de francs, dépense répercutée sur les prix des produits est trop élevée, et que l'
argent aurait été mieux employé à d'
autres objectifs. Cela montrera seulement qu'
ils n'
ont rien compris aux
règles de fonctionnement d'
une économie capitaliste de marché: comment battre son rival et lui prendreses parts de marché, sans
campagne publicitaire ?
Selon le même article du 0RQGH «l'
affichage et le cinéma suscitent l'
engouement des publicitaires». Pourquoi cet intérêt ?
Chacun de ces deux médias a ses avantages spécifiques. Dans le cas de l'
affiche, c'
est «son omniprésence - qui s'
explique en partie
par la permissivité des pouvoirs publics (...) - dans la rue, les gares, les bus, le métro, les aéroports, sur les taxis et même sur
certains chariots de supermarchés». Pourquoi les entreprises ne profiteraient-elles pas de cette aubaine, de cet immense espace
public, pour étaler leurs campagnes publicitaires ? D'
autant plus que les pouvoirs laissent faire. Mais le terme «omniprésence» est
un peu exagéré. Il est vrai que les rues des villes et des campagnes sont passablement encombrées. Mais beaucoup d'
espaces sont
encore (presque) vides et inutilisés, et n'
ont pas encore été suffisamment mis à profit par l'
affichage publicitaire: les bois, les
rivières, les cieux, les nuages. Ou encore, plus près de nous, les visages: pourquoi pas des masques publicitaires ? Il y a encore des
espaces à conquérir par l'
affichage.
En tout cas, c'
est pour les excellentes raisons ici évoquées que, en 1996, l'
affichage a, en France - et seulement en France«confirmé sa position, unique en Europe, de troisième média publicitaire, situé juste derrière la presse et la télévision».
Quant au cinéma: son avantage du point de vue publicitaire saute aux yeux -au sens propre et au figuré. Comme le souligne
l'
article du 0RQGH les spots publicitaires sont «projetés devant un public «captif» .«Obligé de venir tôt pour trouver une place
dans la salle de cinéma, empêché de parler avec son voisin par le niveau du son, dans l'
impossibilité de lire par la faible
luminosité, le patient, le client, bref, la cible publicitaire est un authentique prisonnier. Il ne peut pas s'
échapper, il sera, qu'
il le
veuille ou non, pendant quinze, vingt ou trente minutes, abreuvé par la manne publicitaire généreusement versée sur lui par les
créateurs de ces merveilleux échantillons de culture moderne.
Dans ces conditions, il n'
est pas étonnant que le cinéma publicitaire soit «le seul média français à pouvoir encore se vanter d'
un
taux de croissance à deux chiffres (+ 10%)».
Bref, tout va bien dans le meilleur des mondes possibles, l'
expansion (publicitaire) continue, la croissance (publicitaire) ne
s'
arrête pas, et la modernisation (publicitaire) nous prépare sans doute encore des belles surprises pour demain. Et tant que les
seules personnes à se plaindre ne seront qu'
une petite poignée de publiphobes obstinés, il n'
y aura pas de motif d'
inquiétude.
Michael Löwy
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Je viens de rentrer d'
un voyage au Mexique et j'
ai observé, dans la ville de Mexico, capitale du pays, un bien étrange
spectacle. Le métro urbain, immense réseau souterrain qui s'
étend sur des dizaines de kilomètres et qui voit passer tous les jours
plusieurs millions de passagers, est entièrement vide de publicité. J'
ai longuement cherché un échantillon et j'
avoue n'
avoir rien
trouvé: aucune affiche, pas un seul panneau, rien, absolument rien ! Des immenses espaces soustraits à l'
activité publicitaire:
quel gaspillage insensé!
Et par quoi a-ton remplacé la publicité, avec quoi a-t-on rempli ces espaces vides ? Par des peintures murales exécutées par les
plus grands artistes mexicains vivants, évoquant les grands moments de l'
histoire mexicaine ou des aspects des cultures indigènes;
dans certaines stations, on trouve aussi des expositions de tableaux d'
artistes contemporains, protégés par des vitres. Bref, on a
tout simplement remplacé la publicité par l'
art et la culture. C'
est incroyable, mais vrai!
Evidemment, ce n'
est que dans un pays pauvre, insuffisamment modernisé, bien moins développé que la France, qu'
un tel
anachronisme est encore possible…
Michael Lôwy
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- action-cinéma n° 25 /HVDFWLRQVFLQpPDGH5$3FRQVLVWHQWjV
LQWHUSRVHUHQWUHOHVVSHFWDWHXUVHWOHVLPDJHVSXEOLFLWDLUHVSURMHWpHVDYDQWOHORQJ
PpWUDJHDILQGHSURSRVHUXQFRQWUHVSHFWDFOHDX[SHUVRQQHVTXLQHVRQWSDVLQWpUHVVpHVSDUODSXEOLFLWp
Le 6 mars 1997, vers 20h, une dizaine de membres ou sympathisants de R.A.P.entrent dans l'
U.G.C.Montparnasse (Paris). Au
moment où commence la publicité, et suivant un scénario rôdé, quelques uns se lèvent, effectuent un tour de chauffe autour des
fauteuils et s'
arrêtent au pied de l'
écran. Tandis qu'
un militant informe le public de ce qui va se passer, les autres prennent une
posture sportive. Certains pour jouer au badminton, d'
autres pour se lancer un ballon, un dernier pour faire de la musculation au
moyen d'
un extenseur. Un tract est distribué aux spectateurs. La séance d'
exercice dure autant que la publicité elle-même. A la fin,
juste avant le film, les «sportifs» regagnent leur place sous les applaudissements de quelques spectateurs.
Pour la première fois depuis le début des actions-cinéma, aucun responsable de la salle n'
a laissé paraître le bout de son nez.
Est-ce à dire que ce rituel commence à entrer dans les moeurs ?
Y.G.
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Nom: Joly. Prénom: Dominique. Domicile: Sarthe.
Lieu: Coulaines. Date: décembre 1995.
«En décembre 1995, bien décidé à commencer une nouvelle année sans publicité, j'
ai décidé d'
apporter une petite modification
sur ma boîte aux lettres normalisée recommandée par la Poste.
J'
ai installé un verrouillage électromagnétique sur le volet de ma boîte, lequel est alimenté en basse tension par l'
intermédiaire
d'
un programmateur hebdomadaire. Ensuite, j'
ai réglé ce dernier pour que l'
ouverture du volet soit possible, entre 9h45 et 12h30.
Etant donné la ponctualité du préposé de mon quartier, ce réglage s'
est avéré satisfaisant. Le passage des distributeurs de publicité
ne se situant pas pendant cette période, ce système s'
est révélé pour moi très efficace.
D'
autre part, j'
ai installé un microcontact détectant l'
ouverture de ce volet. Cela m'
a d'
abord permis de connaître l'
heure
moyenne de passage du préposé, et ensuite d'
avoir une détection visuelle ou sonore de courrier. Un deuxième microcontact est
d'
ailleurs indispensable pour détecter (ouverture de la porte lors du dépôt d'
un colis. L'
ensemble est alimenté par un cable genre
téléphone. Pour une boîte éloignée du domicile, il est tout à fait possible de concevoir un système autonome.
Ayant réinstallé ma boite en janvier 1996, au moment même où j'
obtenais une réponse positive à ma lettre de refus adressée au
receveur des postes, j'
ai pu mesurer toute l'
importance du mot «agression». En effet, depuis ces deux interventions, aucun
prospectus n'
a pu s'
introduire dans ma boîte.»
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Boites aux lettres : le projet d'
autocollant illustré avance. Cinéma : actions de sensibilisation devant les salles. Télévision
contacts avec la Media Foundation, association antipublicitaire de Vancouver (Canada), à l'
occasion de la «Semaine sans
télévision». Permanence: le premier mardi de chaque mois, à 20 h, au siège.
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Abordée lors de la réunion parisienne du 9 mars 1997, cette question fondamentale, qui concerne la fin et les moyens de
l'
association, a révélé des divergences parmi les militants. Il a donc été décidé de consulter les adhérents, afin de déterminer une
position ferme et... pas définitive ! L'
assemblée générale du 21 juin sera donc mise à contribution. Par cette précaution stratégique,
il s'
agit de prévenir les objections que pourrait susciter, au-dedans comme au-dehors de l'
association, une affiche de R.A.P. sur la
voie publique.
Des suggestions écrites qui émaneraient, avant l'
assemblée générale, d'
adhérents ne pouvant se déplacer ce jour-là seraient
évidemment prises en compte dans la discussion.
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Mauvaise nouvelle; le groupe de travail, qui avait repris au ministère de l'
environnement, en janvier 1997 après un an
d'
interruption, est de nouveau en panne. Cette fois, c'
est le fonctionnaire qui en assurait le secrétariat et la coordination qui a
changé de poste. R.A.P se retrouve donc seule, face au Syndicat de la Distribution Directe, dont le président semble pourtant
ouvert à la discussion. Mais dans quel cadre ? Avec quel arbitre ? La ministre de l'
environnement aura-t-elle a coeur, comme son
prédécesseur, d'
enrayer l'
invasion des boites aux lettres par les prospectus ? Faute de mesure prise par les pouvoirs publics, le
citoyen peut toujours effectuer un certain nombre de gestes individuels .
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(;75$,765(352'8,76$9(&/
$8725,6$7,21'(/(85$87(85
« Quand j'
ai découvert votre association, le mot «agression» me paraissait excessif. Mais l'
expérience à laquelle je me suis
livré depuis plusieurs mois (voir ©&KLFKH ª m'
a permis de mesurer à quel point votre intitulé était réaliste. Je sais que votre
association a pour objet d'
agir d'
une façon démocratique, mais quand on voit l'
indifférence des responsables au pouvoir, il me
parait bien légitime d'
avoir recours à la technique pour conserver nos droits. » (Dominique Joly, Sarthe.)