Bernard-Debre,-lettr..

Transcription

Bernard-Debre,-lettr..
Bernard Debré, lettre ouverte à Valérie Trierweiler
Madame,
Lorsque vous êtes apparue aux côtés de François Hollande, après qu’il eut
quitté Ségolène Royal, les citoyens français ont accepté votre présence,
certains avec interrogation, d’autres avec un petit sourire, mais la plupart
avec gentillesse. En France, l’amour est roi et les nouveaux couples qui se
forment, surtout en politique, attirent plutôt la bienveillance.
Nicolas Sarkozy avait bénéficié de cette même « grâce » lorsque Cécilia
était partie. Il s’en était expliqué, peut-être un peu trop, en conférence de
presse et s’était marié avec Carla Bruni. Autre temps, autre mœurs, diriezvous. Effectivement, qu’il s’agisse du général de Gaulle avec « tante
Yvonne », de Giscard d’Estaing et d’Anne-Aymone, de François Mitterrand
et de Danielle ou même de Jacques Chirac et de Bernadette, ces femmes
versaient
plutôt
dans
le
caritatif
discret
que
vers
l’émergence people tapageuse.
Il est vrai cependant que la presse, pour François Mitterrand, a laissé
tomber un manteau de discrétion sur sa double vie qu’il n’a révélée qu’à
ses dernières heures. Déjà, il paraissait (mais qui a osé en parler ?) tout à
fait anormal que sa deuxième « épouse » et sa fille soient prises en charge
par l’État : appartement officiel sur le Quai Branly, voitures, chauffeurs,
gardes du corps, cuisines et cuisiniers.
Bref ! Les frasques de François Mitterrand, gardées secrètes par des
journalistes complices, ont coûté quelques 8 à 10 millions d’euros au
budget de l’État
Carla Bruni n’a pas agi dans ce sens ni Bernadette Chirac. Mais vous voilà
arrivé et avec vous, comme le dit la gauche, la modernité, ringardisant tout
ce qui s’est passé avant.
Après tout, François Hollande a le droit d’avoir comme amie qui il veut et le
temps qu’il le désire. Quant au titre de « première dame », il est usurpé. Ce
statut n’existe pas et a été monté de toutes pièces par des journalistes
avides de sensationnel. Vous n’avez, Madame, aucune existence légale
d’autant plus que vous n’êtes ni mariée, ni pacsée. Que dirait-on d’un
président de la République qui accumulerait les « premières dames »
comme on accumule des amies ou des flirts ?
Vous avez néanmoins exigé d’avoir autour de vous une équipe composée
d’hommes et de femmes qui vous suivent, qui vous aident, qui travaillent
avec vous et qui sont payés par l’État. Au nom de quoi l’État doit-il
s’occuper de votre secrétariat pléthorique ? Ce n’est pas, je pense, pour
vous aider à écrire des articles dans votre journal « Paris Match ».
Voici un autre problème. Vous vous réclamez, à juste titre, du statut de
journaliste et vous désirez continuer à écrire. Au début de la campagne
présidentielle et même, si je ne me trompe, dès l’élection de François
Hollande, vous avez clamé haut et fort que vous ne renonceriez pas à
écrire dans l’hebdomadaire « Paris Match » et vous avez même annoncé
que vous alliez interroger les grands de ce monde pour faire des papiers de
politique étrangère ! Journaliste oui, mais journaliste politique non !
Il me semble que ce métier est incompatible avec la fonction que vous
aimeriez avoir, même si elle n’est pas officielle. Vous avez donc décidé de
faire du journalisme de bavardages pour bien montrer votre autonomie par
rapport à votre ami François Hollande. Vous avez néanmoins accepté,
demandé, peut-être même exigé de l’accompagner dans ses voyages
officiels. A quel titre ? Simplement d’amie !
Il y avait et il y a toujours un obstacle : Ségolène Royal ! Vous ne la
supportez pas, elle qui est pourtant mère des 4 enfants de François
Hollande. Il semblerait qu’à la Bastille, lorsque François Hollande a
« claqué une bise » sur les deux joues de Ségolène Royal, vous ayez exigé
qu’il vous embrasse sur la bouche pour montrer la différence de statut ! Cet
acte était sinon puéril du moins cruel.
Voici maintenant qu’en femme moderne, vous tweetez. Vous avez réussi,
par vos bavardages, à ébranler la campagne électorale et à ridiculiser la
France.
Ségolène Royal est candidate, certes parachutée, en Poitou-Charentes.
Elle affronte Monsieur Falorni, implanté localement depuis de nombreuses
années et ami de François Hollande. Il était naturel que les caciques du
Parti socialiste viennent à son secours, elle qui avait été la femme
candidate à l’élection présidentielle de 2007.
Il était peut-être moins évident que le président de la République se mêle
de ces élections. En Président « normal », il avait annoncé qu’il n’y
participerait pas. Les Français avaient d’ailleurs compris que le petit mot de
soutien à Ségolène Royal était plus affectif que politique. Elle avait été sa
compagne pendant si longtemps.
Mais vous ne la supportez pas, taraudée par la jalousie. Après le ridicule de
« embrasse moi sur la bouche » que, semblait-il, vous aviez prononcé, voici
maintenant la trahison ! En effet, de quoi vous mêlez-vous en soutenant
Monsieur Falorni qui, au demeurant, reste très sympathique ? Est-ce en
tant que journaliste politique que vous prenez position pour un candidat ?
Il s’agirait là d’une déviation intolérable de la neutralité politique d’un
journaliste. Voyez-vous Monsieur Jean-Michel Apathie, Madame Ruth
Elkrief, Monsieur Alain Duhamel prendre position pour qui que ce soit ? Ils
devraient rendre immédiatement leur carte de presse, s’inscrire à un parti
politique et ne plus parler. Certes, beaucoup de journalistes, beaucoup de
journaux, sont à gauche et l’ont montré lors de ces dernières élections.
Mais vous, Madame, journaliste à « Paris Match », vous n’auriez jamais dû
prendre position. Ce n’est donc pas comme journaliste que vous avez
envoyé ce tweet, vous êtes trop intelligente pour tomber dans un tel piège.
Est-ce pour affirmer votre indépendance vis-à-vis de votre compagnon ?
Peut-être aussi pensiez-vous affirmer l’importance de la liberté de la femme
? Je ne le crois pas non plus car je ne suis pas sûr que la liberté consiste à
faire des gaffes. Peut-être ce mot est-il trop faible ? Il s’agit d’une faute
grave. En réalité, vous ne pouviez pas imaginer une seconde que Ségolène
Royal, élue, puisse un jour arriver au fauteuil de présidente de l’Assemblée
nationale. « Comment cette femme, qui était avec mon ami auparavant, qui
a vécu si longtemps avec lui, peut-elle revenir en pleine lumière ? ».
Mais, pire encore, vous imaginiez, dans vos rêves les plus épouvantables,
dans les cauchemars les plus terribles, les cérémonies officielles présidées
par François Hollande obligatoirement accompagné par Ségolène Royal, en
tant que quatrième personnage de l’État. Vous cauchemardiez à l’idée de
voir ces grands dîners à l’Elysée, ces dîners officiels où votre place était
équivoque, alors que Ségolène, rayonnante, aurait été proche de votre ami
par la grâce du protocole. D’ailleurs, c’est pour cette raison déjà qu’à La
Rochelle, vous aviez exigé, semble-t-il, que François Hollande parle de
vous comme de « son unique amour ». Petite flèche empoisonnée dans le
dos de Ségolène Royal.
La France, par ce tweet, a été ridiculisée dans le monde entier. Une si
petite phrase ayant de telles conséquences ! Vous avez non seulement
desservi la France où vous n’avez aucun rôle à jouer même si vous avez
accompagné François Hollande dans ses voyages officiels à l’étranger (ce
qui, déontologiquement, diplomatiquement, était déjà une extravagance),
mais vous avez desservi le président de la République élu par une attitude
grotesque de femme jalouse qui se mêle de politique pour entraver la
carrière de son ami ou compagnon.
Vous avez ridiculisé et humilié les femmes des autres présidents français
qui, elles, faisaient de l’humanitaire. Vous avez, semble-t-il, balayé d’un
revers de la main ces actions remarquables qu’elles avaient menées et, par
conséquent, vous avez méprisé tous ceux qui, en France ou ailleurs, ont
consacré leur vie aux enfants, aux handicapés, à ceux qui étaient atteints
du SIDA, etc.
Bref, ce petit tweet de rien du tout a été le révélateur, Madame, d’un
malaise que les Français n’osaient pas admettre, qui mélange la faiblesse
du président de la République et la méchanceté de sa compagne.
Acceptez, Madame, mes sentiments mêlés de tristesse, de rage et de
surprise.
Pr. Bernard DEBRÉ Ancien Ministre Député de Paris