Éducation francophone en milieu minoritaire, volume 11, numéro 1
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Éducation francophone en milieu minoritaire, volume 11, numéro 1
POSER LES JALONS D’UNE DIDACTIQUE DE LA GRAMMAIRE DU FRANÇAIS EN MILIEU MINORITAIRE Joël Thibeault et Louise Larouche Université d’Ottawa Résumé À la lumière des enjeux qui sont propres à l’enseignement et à l’apprentissage du français en situation de minorité linguistique, les auteurs proposent dans cet article une réflexion théorique et repensent la didactique de la grammaire en fonction de la réalité sociolinguistique dans laquelle évoluent les populations scolaires de langue française à l’extérieur du Québec, au Canada. À partir d’un cadre théorique composé de la didactique du plurilinguisme et de la transposition didactique actuelle en ce qui a trait à l’enseignement grammatical dans les écoles de langue française au Canada, ils abordent notamment l’utilisation des outils d’analyse qui sont offerts par la grammaire nouvelle – les manipulations syntaxiques et la phrase de base – et l’articulation des composantes de la discipline français au sein de séquences didactiques, et ce, en mettant l’accent sur les spécificités qui marquent les élèves scolarisés en français où cette langue est minoritaire. Mots-clés didactique de l’écriture; pédagogie en milieu minoritaire; savoir grammatical; français écrit; primaire; secondaire Abstract In light of the challenges related to teaching and learning French where it is a minority language, the authors of this paper suggest a way to rethink grammar teaching and learning according to the sociolinguistic reality of pupils who are schooled in French outside of Québec, in Canada. Based upon a theoretical framework that combines the didactic of plurilingualism and the current didactic transposition of grammar teaching in French schools across Canada, the article discusses the use of the analytical tools provided by the new grammar – the syntactic manipulations and the basic sentence – as well as the articulation of the different components of the French discipline in a didactic sequence, while constantly emphasizing the specificities that characterize students who learn French in a minority setting. Problématique1 À une époque où l’on reconnait2 que l’écrit est d’abord et avant tout un objet culturel socialisant (Vygotsky, 1934/1997), force nous est de constater que le développement de la compétence scripturale peut varier selon l’environnement dans lequel l’individu évolue. Or, les élèves qui grandissent en milieu francophone minoritaire, en raison des contacts fluctuants qu’ils établissent avec la langue de l’école, de l’anglodominance qui marque leur milieu et des répercussions de ces caractéristiques environnementales sur leurs développements identitaire, affectif et culturel, se construisent des connaissances de la langue écrite très hétérogènes (Cavanagh et Blain, 2009), qui ne sont pas toujours conformes aux conventions linguistiques qui sont attendues par l’école. À cet effet, le groupe de recherche DIEPE publiait en 1995 le rapport d’une étude d’envergure dont la principale visée était la comparaison de productions écrites chez des élèves belges, français, québécois et néobrunswickois qui en sont à leur neuvième année de scolarisation obligatoire. Assez frappants, les résultats révèlent que les élèves du Nouveau-Brunswick affichent des résultats significativement inférieurs à ceux de leurs pairs provenant des trois autres territoires et que la morphosyntaxe, pour ces apprenants, renvoie à une source d’écueils importants. Plus récemment, l’étude de Bélanger, Minor-Corriveau et Bélanger (2015) a quant à elle montré que, lors d’une dictée, les élèves de cinquième année scolarisés dans le nord de l’Ontario commettaient environ deux fois plus d’erreurs grammaticales que leurs homologues du même âge en région parisienne. Devant ces données, qui montrent que les élèves en milieux francophones minoritaires manifestent des besoins particuliers en matière d’écriture, la collectivité scientifique se doit d’après nous de réfléchir à des manières d’enseigner la grammaire avec efficience, à l’aune de la réalité socioculturelle qui caractérise les écoles de langue française en situation de minorité linguistique. 1 Les auteurs tiennent d’entrée de jeu à remercier les arbitres anonymes ayant évalué une première version de ce texte. Leurs remarques ont su grandement contribuer à sa qualité. 2 Le présent texte adopte l’orthographe rectifiée. Vol 11, no 1, 2016 2 Revue EFMM Enseignement grammatical en milieu minoritaire Si c’est à la fin des années 1990 que le plus récent changement paradigmatique en didactique de la grammaire, celui de la grammaire dite nouvelle, a été opéré au Québec, les milieux francophones minoritaires du Canada ont dû attendre quelques années pour que leurs instances ministérielles optent à leur tour pour l’adoption de ce courant dans les écoles de langue française hors Québec. En Ontario, où l’on retrouve le plus important bassin de francophones à l’extérieur du Québec en Amérique du Nord, la grammaire nouvelle a fait son entrée sur les bancs d’école avec l’arrivée des plus récents programmes-cadres de français, en 2006 (ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2006a). Le Cadre commun de français langue première du Protocole de l’Ouest et du Nord canadiens, qui sert de base pour l’élaboration des programmes d’études en Alberta, au Manitoba, au Nunavut, en Saskatchewan et dans les Territoires du Nord-Ouest, mentionne pour sa part la grammaire nouvelle pour la première fois dans sa dernière version, publiée en 20123. Bien qu’elle jouisse d’un ancrage théorique fort et pertinent (Boivin et Pinsonneault, 2008; Nadeau et Fisher, 2006) et que de nombreux chercheurs en milieu sociolinguistique majoritaire aient focalisé sur son actualisation en salle de classe (Boivin, 2009; 2014; Gauvin, 2011), peu de travaux ont porté sur la mise en place de la grammaire nouvelle dans les milieux minoritaires, lesquels sont marqués de spécificités qui les distinguent parfois grandement des contextes de scolarisation où le français est utilisé en milieux intra et extrascolaires. De manière générale, le présent article vise donc à poser les jalons d’une didactique de la grammaire qui s’inscrit dans le cadre théorique que nous offre la grammaire nouvelle, mais qui est pensée en fonction des besoins socioéducatifs des élèves scolarisés en milieu francophone minoritaire. De nature théorique, il n’épouse que partiellement la structure de l’article scientifique traditionnel et ne gravite donc pas autour de la présentation de résultats empiriques. Qui plus est, comme le sous-tend notre objectif général, nous entendons ici entamer une réflexion, qui devra par la suite être poursuivie, nuancée et complétée à l’aide de données probantes. Nous présenterons donc en premier lieu les assises conceptuelles sur lesquelles nous nous appuyons pour poser nos trois jalons (les manipulations syntaxiques, la phrase de base et la séquence didactique), que nous discuterons 3 Cela ne veut pas dire que la grammaire nouvelle a été adoptée en 2012 dans chacun de ces provinces et territoires. Cela dit, chacun d’eux, selon le Protocole, serait maintenant tenu de l’incorporer dans ses programmes. Vol 11, no 1, 2016 3 Revue EFMM ensuite à la lueur des caractéristiques qui sont propres aux élèves des milieux francophones minoritaires au Canada. Cadre conceptuel Notre principal appui théorique, comme nous l’avons annoncé en début de texte, est constitué des travaux portant sur la transposition didactique qui fait actuellement école dans les systèmes éducatifs de langue française au Canada en ce qui a trait à la grammaire et à son enseignement : la grammaire nouvelle4. Comme le souligne Bulea Bronckart (2015), la rénovation de l’enseignement grammatical, initiée en Europe dans les années 1970, a touché autant les faits de langue enseignés que les mécanismes d’enseignement. Il convient dès lors d’aborder laconiquement ces deux volets. Langue et outils analytiques en grammaire nouvelle Pour ce qui est des contenus, cette rénovation s’appuie sur la grammaire bloomfieldienne et les écrits initiaux en grammaire générative et transformationnelle. Délaissant une vision de la langue qui ne trouve son ancrage que dans la sémantique (p. ex., le nom est une personne, un animal ou une chose), elle positionne l’analyse phrastique en son centre et fonde la description de ses constituants, les groupes de mots, sur la base de leurs comportements morphosyntaxiques. Pour que l’élève puisse bien saisir ces comportements, la grammaire nouvelle met aussi à sa disposition des outils d’analyse lui permettant de faire émerger les règles et les régularités linguistiques. Centraux en grammaire nouvelle, ces outils apparaissent sous la forme des manipulations syntaxiques et d’une phrase-modèle, la phrase de base. Les manipulations syntaxiques sont des tests que l’élève peut utiliser lors de l’analyse d’une phrase pour en dégager la structure et établir les propriétés syntaxiques des groupes qui la composent. Chartrand (2013a) en identifie six : le déplacement, le remplacement, l’ajout, l’effacement, l’encadrement et le dédoublement. Ces opérations revêtent une valeur euristique, en ce qu’elles permettent à l’élève d’opérer, de manière méthodique, des tests sur des unités 4 Nous n’offrons qu’une brève présentation du paradigme, d’autres auteurs ayant déjà fait état de sa pertinence avec exhaustivité. Nous invitons le lectorat intéressé à consulter les écrits de Nadeau et Fisher (2006), de Dolz et Simard (2009) et de Boivin et Pinsonneault (2008) pour plus de détails. Vol 11, no 1, 2016 4 Revue EFMM linguistiques et de poser des hypothèses à leur égard. À titre d’exemple, l’élève souhaitant repérer le sujet d’une phrase dans le but d’accorder un verbe peut tenter d’encadrer des groupes de mots par les marqueurs d’emphase c’est […] qui et, lorsqu’il repère le groupe pouvant bel et bien faire l’objet de cet encadrement, il peut en conclure qu’il s’agit du sujet de la phrase. Si, pour utiliser ces manipulations à bon escient, l’élève doit en avoir des connaissances explicites, il doit aussi, chaque fois qu’il en opère une, juger de la grammaticalité du résultat qu’il obtient. Il doit donc mettre en œuvre un bassin de connaissances implicites, qu’il a construites au gré de son exposition à la langue, pour déterminer si le résultat de sa tentative est conforme aux normes du français standard (Nadeau et Fisher, 2011). L’autre instrument qui permet le travail grammatical tel qu’il est conceptualisé en grammaire nouvelle est la phrase de base (Boivin et Pinsonneault, 2008; Nadeau et Fisher, 2006; Chartrand, 2013a). Cette dernière, contrairement à d’autres phrases dont on fait mention dans les ouvrages de grammaire (phrase graphique, phrase syntaxique, phrase subordonnée, etc.), ne renvoie pas à une phrase réalisée, qui pourrait apparaitre au sein d’un texte oral ou écrit; il s’agit plutôt d’un objet théorique qui constitue pour l’élève une ressource fiable dans son observation des énoncés de la langue. Il peut dès lors, en reconstruisant la phrase pour qu’elle corresponde à la structure canonique, se référer à cette transformation pour dégager les caractéristiques syntaxiques des énoncés rencontrés. De type déclaratif et de formes simple, neutre, affirmative et active, la phrase de base a fait l’objet d’une myriade de définitions, certaines étant plus cohérentes que d’autres. Le but de notre discussion n’étant pas d’aborder les fondements théoriques qui ont mené à sa transposition didactique ou d’en montrer la pertinence didactique, d’autres l’ayant fait avant nous (Boivin, 2012; Paret, 1999), nous soulignerons simplement que, pour cette réflexion, nous en retenons la définition de Chartrand (2013a), pour qui la phrase de base est égale à cette règle : sujet + prédicat + [(compléments de P)]5. Cette définition, notonsle, repose sur le recours aux fonctions syntaxiques et respecte l’ensemble des critères établis par Boivin (2012) quant à l’adéquation de modèles didactiques : l’adéquation descriptive, la cohérence et la pertinence didactique. 5 À noter que les parenthèses indiquent que ce constituant est facultatif, tandis que les crochets indiquent plutôt sa mobilité. Vol 11, no 1, 2016 5 Revue EFMM Enseignement grammatical en grammaire nouvelle D’inspiration socioconstructiviste, les méthodes d’enseignement qui ont accompagné cette rénovation encouragent pour leur part l’élève, de concert avec ses pairs et l’enseignant, à poser des hypothèses sur le fonctionnement de la langue, et ce, à partir de corpus authentiques. Plusieurs auteurs (Cavanagh, 2007; Chartrand et Boivin, 2004; Marmy Cusin et Schneuwly, 2013) préconisent également un enseignement grammatical intégré à celui de la production écrite et proposent ainsi de le situer au cœur de séquences didactiques, c’est-à-dire des ensembles continus ou discontinus de séances d’enseignement articulées entre elles dans le temps et organisées autour d’une ou de plusieurs activités en vue d’atteindre des objectifs fixés par le programme. Plurilinguisme et apprentissage des langues en milieu minoritaire Nos dires puisent également leur source dans un postulat fort, soutenu par plusieurs chercheurs : le monolinguisme n’est plus (Abdallah-Pretceille, 2013). En milieu minoritaire, parce que les élèves peuvent provenir de couples exogames et qu’ils se créent souvent une relation intime avec la langue et la culture anglaises, leur vécu ethnolangagier est complexe, à un point tel que plusieurs d’entre eux développent une identité linguistique hybride, au carrefour d’au moins deux langues-cultures (Duquette, 2006; Gérin-Lajoie, 2003; 2012). Pour rendre compte des compétences linguistiques de ces populations scolaires marquées par la diversité, une panoplie de didacticiens (Armand, Sirois et Abadou, 2008; Auger, à paraitre; De Pietro et Rispail, 2014), faisant suite aux travaux de Cummins (1979; 2000) ayant montré que l’apprentissage d’une langue s’opérationnalisait en fonction des connaissances que l’individu a construites dans les langues qu’il connait déjà, soutiennent maintenant que l’école doit susciter chez l’élève le développement d’une compétence plurilingue, cette dernière reflétant la compétence linguistique plurielle, dans plusieurs langues, mais également dans les variations de ces langues, que l’apprenant construit au fur et à mesure de ses expériences langagières et sociales (Coste, Moore et Zarate, 1997/2009). Vol 11, no 1, 2016 6 Revue EFMM Dans la lignée des travaux présentés supra, on assiste depuis un certain temps à l’émergence de la didactique du plurilinguisme (Billiez, 1998; Troncy, 2014), qui envisage de ne plus réduire l’enseignement des langues à l’enseignement d’une langue dissociée des autres qui sont pratiquées par l’apprenant. Cette didactique, à contrario, inscrit explicitement l’enseignement de chaque langue dans l’ensemble des pratiques linguistiques de l’individu. Ses tenants réfutent donc l’idée, répandue chez les enseignants en milieu minoritaire (Auger, Dalley et Roy, 2007), que le bilinguisme est une simple addition de deux monolinguismes étanches en soutenant qu’il s’agit en fait d’une articulation complexe de connaissances linguistiques hétérogènes, qu’elles soient intra ou interlinguistiques. Quelques auteurs européens (De Pietro, 2006; Vargas, 2010) ont d’ailleurs fait des propositions pour qu’un enseignement de la grammaire s’insère avec efficience dans une telle didactique du plurilinguisme. Forel (2014), abordant le rôle de l’enseignant dans ce paradigme, souligne qu’il devra faire comprendre à ses élèves que chaque langue déploie ses ressources différemment et que la compétence qu’ils doivent développer n’est pas de mémoriser des systèmes de règles, mais de remarquer les similitudes et les différences entre ces langues. Nous croyons donc, avec Di Meglio (2014), qu’il est important de reconnaitre qu’un milieu minoritaire ne se définit ainsi que parce qu’on y retrouve une coexistence entre langues et, du point de vue didactique, qu’il serait fécond de promouvoir la mise en contraste de ces langues au sein d’une éducation plurilingue. Questions spécifiques À la lumière des quelques éléments de conceptualisation que nous avons présentés supra, nous pouvons maintenant arrêter de manière spécifique les éléments théoriques autour desquels s’articulera notre réflexion. Ainsi, pour poser les jalons d’une didactique de la grammaire en milieu minoritaire, nous tenterons de répondre aux questions suivantes : 1. Comment les outils analytiques qu’offre la grammaire nouvelle – les manipulations syntaxiques et la phrase de base – peuvent-ils être mis à profit en milieu francophone minoritaire? Vol 11, no 1, 2016 7 Revue EFMM 2. Comment peut-on adapter un modèle de séquence didactique (Chartrand et Boivin, 2004) pour qu’il réponde aux besoins sociolinguistiques des élèves en milieu francophone minoritaire? Point d’ancrage des jalons Le travail réflexif qui a mené à la mise au jour des jalons que nous présentons ici a été réalisé sur plusieurs années, les deux auteurs de ce texte étant professionnels de l’éducation et étudiants-chercheurs offrant de la formation aux enseignants en didactique de la grammaire en milieu francophone minoritaire. Partant du postulat que les élèves arrivent sur les bancs d’école avec des connaissances linguistiques plurielles en français et en anglais, nous nous sommes d’abord questionnés quant aux potentiels apports de la plus récente transposition didactique en enseignement grammatical et aux enjeux qui sont spécifiques à son implantation auprès des apprenants dont les répertoires linguistiques sont composites. Notre réflexion s’est rapidement arrêtée sur le potentiel didactique des manipulations syntaxiques et de la phrase de base, des outils que nous voulions toutefois contextualiser dans le cadre d’une démarche qui permettrait aux élèves de déconstruire l’artificialité qui est souvent associée à la langue française dans les contextes minoritaires (Cavanagh et Blain, 2009). L’insertion du travail grammatical au cœur de séquences didactiques, proposée par maints chercheurs, nous semblait alors une piste qui méritait d’être explorée puisqu’elle favorise, entre autres, la construction de nouvelles connaissances sur la langue, la multiplication des occasions de s’entrainer et la mise en relation de ce travail grammatical avec des situations de productions authentiques (Cavanagh, 2007). Un premier jalon : les manipulations syntaxiques Si les manipulations syntaxiques permettent l’émergence des propriétés syntaxiques des unités qui sont mises à l’étude en classe, leur recours est également tributaire des connaissances des élèves à l’égard de la langue française dite standard (Boivin, 2009; Paret, 2001). Comme nous l’avons souligné précédemment, l’élève qui est appelé à opérer de manière méthodique des modifications sur une phrase pour vérifier une hypothèse ayant trait à son fonctionnement doit sans contredit juger de la grammaticalité de l’énoncé résultant de la manipulation utilisée. Vol 11, no 1, 2016 8 Revue EFMM Autrement dit, il doit déterminer, à l’aide de ses connaissances implicites, si la phrase obtenue à la suite de la manipulation est bel et bien conforme aux normes qui caractérisent le français standard. Or, en milieu minoritaire, où l’exposition au français à l’extérieur de l’école peut fluctuer grandement d’un élève à l’autre et où l’anglais est souvent omniprésent, il est fréquent que les jugements de grammaticalité des élèves vis-à-vis du niveau de langue standard soient teintés de leurs connaissances implicites hétérogènes. À titre d’exemple, dans une tâche de jugements de grammaticalité que nous avons proposée à huit élèves de la fin de l’ordre élémentaire du sud de l’Ontario, trois élèves sur huit ont déterminé que la phrase Il a donné moi un bonbon était grammaticale. Pour un autre item (Lorie achète pain quand elle va dans l’espace), dans lequel nous avons délibérément inséré un leurre sémantique, ce sont cinq des huit élèves qui ont déclaré qu’elle respectait les règles gouvernant le fonctionnement du français. Ce qui est intéressant, c’est que l’agrammaticalité de ces phrases partage un trait : si on les traduisait en anglais, elles seraient toutes deux grammaticales puisque, dans cette langue, le pronom remplaçant le complément du verbe apparait en position postverbale (He bought me candy) et que le déterminant partitif peut être omis (Lorie buys bread when she goes to space). Ces quelques exemples, qui frôlent certes la sphère anecdotique, nous amènent quand même à penser que certains de ces jugements témoigneraient d’une influence de l’anglais. En langue seconde, comme le précisent Jarvis et Pavlenko (2008, p. 97), « [t]here are additional studies that have documented CLI [crosslinguistic influence] effects in L2 users’ grammaticality judgments […], and the main thrusts of such studies for present concerns is simply that CLI does6 affect language users’ judgments ». Loin d’être le seul facteur influençant le jugement, l’influence translinguistique pourrait tout de même jouer un rôle dans le processus d’attribution du statut grammatical ou agrammatical de l’énoncé. Des travaux subséquents, menés dans différents milieux minoritaires, devraient toutefois être menés pour comprendre avec finesse les jugements de grammaticalité qui sont posés par les élèves lors de leur travail grammatical en classe7. 6 Mis en italique dans le texte original. 7 Le lecteur intéressé par les travaux en milieu majoritaire pourra consulter ceux de Boivin (2009; 2014). Vol 11, no 1, 2016 9 Revue EFMM La présence d’un répertoire linguistique qui est composé de plusieurs langues n’est pas le seul élément qui pourra influer sur les jugements de grammaticalité. Paret (2001) s’interroge quant à elle au traitement de l’oral dont les formes peuvent varier en fonction de celles qui prévalent à l’écrit. Car ne l’oublions pas, « [p]uisque l’élève connaît surtout les formes de l’oral plus ou moins familier, son évaluation de la grammaticalité va se faire à partir de ces formes et non pas des formes de la langue écrite, qui est l’objectif de l’apprentissage » (p. 3). Les français oraux des milieux minoritaires, de leur côté, accusent souvent plusieurs variations, variations qui pourront alors agir à titre de prismes dans l’actualisation d’un jugement de grammaticalité. À nos yeux, l’enseignant peut alors emprunter deux avenues complémentaires pour soutenir ses élèves dans l’utilisation des manipulations en milieu minoritaire et, de ce fait, dans la mise en œuvre de jugements de grammaticalité adéquats. (1) D’abord, lorsqu’il fera l’enseignement d’une manipulation syntaxique, il devra s’assurer au préalable que ses élèves détiennent les connaissances implicites du français standard qui permettent son utilisation. Si les connaissances de l’élève paraissent fragiles, il devra les développer avant même qu’il tente de leur enseigner la manipulation. Pour ce faire, l’un de nous a présenté ailleurs une activité (Thibeault, Fleuret et Lefrançois, 2015) basée sur un livre de jeunesse, La mouche qui pète (Escoffier et Di Giacomo, 2011), lequel met en scène une histoire qui se réalise sous la forme d’une série de phrases emphatiques (C’est la mouche qui pète au nez du papillon, C’est le papillon grognon qui s’envole à tire-d’aile, etc.). Puisque l’apprentissage implicite se produit grâce à la fréquence d’association de certains éléments (Nadeau et Fisher, 2011), la littérature de jeunesse offrant des contextes morphosyntaxiques répétitifs peut être un allié fort précieux dans la construction de ce type de connaissances. Ainsi, en proposant des activités de différents ordres à partir d’un livre de ce type, les élèves intérioriseront la structure syntaxique emphatique telle qu’elle se manifeste en français standard, ces connaissances étant essentielles à l’utilisation de la manipulation d’encadrement par c’est […] qui, utilisée en grammaire nouvelle pour identifier le sujet de la phrase. (2) Aussi nous semble-t-il important que l’élève puisse verbaliser les connaissances qu’il a déjà intériorisées dans les langues ou dans les variations du français qu’il connait. Celles-ci deviendront alors, dans une optique socioconstructiviste, le tremplin qui permettra la prise de Vol 11, no 1, 2016 10 Revue EFMM conscience des similitudes et des différences entre idiomes et entre les variations de l’oral et de l’écrit8. Pour développer la compétence plurilingue de l’élève et favoriser chez lui l’édification de ponts entre les langues qui constituent son répertoire langagier, l’enseignant peut en outre présenter la manipulation syntaxique dans une perspective plurilingue, comme l’a fait celle de sixième année qui a pris part à l’étude doctorale de l’un des auteurs de ce texte. Cette enseignante, après avoir présenté les manipulations qui permettent de délimiter le sujet aux élèves, a recouru à un dispositif, la machine à sujet (figure 1), comme référentiel servant à guider l’élève dans son utilisation de la manipulation. Ce dispositif, emprunté à Lefrançois et Montésinos-Gelet (2013), lui montre exactement les tests qu’il doit opérer s’il souhaite vérifier si le groupe de mots à la source de son questionnement est un sujet. L’enseignante l’a toutefois adapté pour qu’il reflète la réalité plurilingue dans laquelle elle œuvre. Les élèves peuvent donc s’en servir dans leur travail grammatical en anglais et en français, et ainsi faire aisément des liens entre les langues qu’ils connaissent. 8 Cette façon de faire nous semble d’ailleurs essentielle si l’enseignant souhaite traiter avec ses élèves des erreurs fossilisées, c’est-à-dire des erreurs systématiques qui sont passées dans l’usage. Dans le sud de l’Ontario, milieu que nous connaissons bien, les expressions attendre pour quelque chose et regarder pour quelque chose sont constamment employées. Au Québec, comme à plusieurs endroits dans la francophonie, on utilise l’expression prendre pour acquis, qui est le fruit d’une telle fossilisation (on préfèrera tenir pour acquis à l’écrit). Un travail comparatif entre langues et entre variations est probablement le meilleur moyen de déconstruire ces erreurs avec les élèves. Vol 11, no 1, 2016 11 Revue EFMM Figure 1 : La machine à sujet plurilingue (adapté de Lefrançois et Montésinos-Gelet, 2013) Un deuxième jalon : la phrase de base Afin d’épauler l’élève dans son appropriation de la langue lorsqu’il n’y est que peu exposé, le recours à un modèle de référence théorique, en l’occurrence celui de la phrase de base, offre un point d’ancrage précieux, à partir duquel l’élève peut explorer de nombreux phénomènes morphosyntaxiques et textuels. Boivin (2012), s’inscrivant dans une perspective qui est propre à la didactique du français langue première en milieu majoritaire, pose dès le début de sa réflexion un postulat qui répond effectivement à une croyance qui semble être généralisée : la phrase de base n’est pas une structure à reproduire systématiquement, mais bien un modèle qui permet l’étude morphosyntaxique de phrases réalisées, notamment en les ramenant à leur homologue de base. Comme elle le note, les constituants de la phrase de base correspondent en fait aux connaissances implicites des élèves, qui seront alors mises à profit dans la reconstruction de la Vol 11, no 1, 2016 12 Revue EFMM structure prototypique et dans l’émergence des propriétés syntaxiques des énoncés mis à l’étude. Encore une fois, il appert donc que l’enseignant en milieu minoritaire doit agir sur deux plans, celui des connaissances explicites et des connaissances implicites. Car si la phrase de base n’est pas qu’un simple modèle à imiter, ou si elle n’a pas été transposée dans cette optique pour les élèves francophones des milieux majoritaires, elle peut d’abord être travaillée ainsi avec les élèves du préscolaire et de l’élémentaire en contexte minoritaire, à l’oral et à l’écrit, pour qu’ils puissent intérioriser les connaissances liées aux constituants des phrases conformes au modèle et produire des énoncés dans lesquels on retrouve lesdits constituants. Il ne s’agit pas, cela dit, d’apposer les étiquettes métalangagières avant que les élèves aient construit mentalement les concepts que l’on souhaite définir, bien au contraire! Il s’agit plutôt de les exposer, à une fréquence régulière, à des contextes linguistiques signifiants par le truchement desquels ils pourront développer, progressivement, les connaissances implicites relatives au sujet, au prédicat et au complément de phrase. Lorsqu’il sent que ses élèves sont prêts, l’enseignant peut mettre en place un dispositif dont le rôle sera de dévoiler les propriétés syntaxiques des constituants (p. ex., ce groupe est facultatif, ce groupe est non déplaçable, ce groupe peut être encadré par c’est […] qui, etc.). Une fois les propriétés mises en lumière, on pourra faire usage du métalangage, nommer les manipulations syntaxiques qui ont été employées et définir la phrase au regard de ses constituants. Lorsque les connaissances implicites et explicites relativement aux trois constituants de la phrase de base sont construites et réinvesties dans d’autres contextes authentiques, le modèle peut être utilisé pour faire découvrir aux élèves différents faits de langue. L’approche par fonctions syntaxiques que nous avons choisie pour le définir (sujet + prédicat + [(compléments de P)]) « présente l’avantage de ne pas associer directement [à chaque fonction] une catégorie grammaticale précise, rendant ainsi naturellement compte des diverses réalisations syntaxiques du sujet et du complément de phrase » (Boivin, 2012, p. 196), le prédicat se réalisant presque toujours sous la forme d’un groupe verbal. Cet avantage, en milieu minoritaire, nous parait indéniable, car plusieurs élèves ne connaitront pas implicitement les différentes réalisations Vol 11, no 1, 2016 13 Revue EFMM syntaxiques par lesquelles peuvent s’actualiser les fonctions grammaticales9. Il convient donc de partir des fonctions pour explorer les groupes syntaxiques par l’entremise desquels elles peuvent se réaliser et, par le fait même, découvrir les caractéristiques de chacune de ces réalisations. Pour exemplifier notre propos, nous proposons un schéma (figure 2), qui montre les réalisations qui peuvent être travaillées à partir de chacune des fonctions constitutives de la phrase de base. Nous le discuterons ensuite. Figure 2 : Réalisations des constituants de la phrase de base Ce schéma fait état de l’ensemble des réalisations syntaxiques que peuvent adopter les constituants et, de ce fait, elles ne doivent bien évidemment pas être enseignées toutes en même temps. Quand l’élève sait manier les trois constituants de la phrase de base, on peut commencer l’enseignement des réalisations les plus fréquentes, à partir de contextes authentiques et en commençant par le sujet. Pendant les premières années scolaires, l’élève se familiarise, entre autres, avec les groupes nominaux simples, composés de noms, de déterminants et de quelques compléments du nom, comme les groupes adjectivaux et les groupes prépositionnels. Au fur et à 9 Pour le lectorat néophyte, précisons que la fonction syntaxique est le rôle joué par un syntagme dans une phrase (p. ex., le sujet). Ce rôle peut être joué par un certain nombre de réalisations (p. ex., le groupe nominal, le groupe du verbe à l’infinitif, etc.). Vol 11, no 1, 2016 14 Revue EFMM mesure de sa progression, il peut également voir les accords qui se réalisent au sein des groupes nominaux, en focalisant sur les notions de genre et de nombre10. Il découvrira donc au fil de sa scolarité les différentes manifestations d’un sujet (et des autres constituants de la phrase de base) et, quand l’enseignant se concentrera sur chacune d’elle, il en découvrira les particularités morphosyntaxiques. Lorsque l’élève développe une compréhension suffisante des réalisations, il s’avère important de lui faire observer la manière dont ces différentes réalisations contribuent à la progression et à la cohérence textuelle. Par exemple, on lui fera remarquer l’usage de groupes nominaux synonymes (p. ex., le bel homme, l’homme d’une grande beauté, cet homme) ou de divers déterminants (p. ex., plusieurs, une myriade de, une panoplie de, etc.) pour enrichir l’unitésujet et la progression de l’information à l’intérieur du texte. Le travail sur les réalisations des fonctions grammaticales, par ailleurs, permettra à l’enseignant de différencier son enseignement selon le développement langagier de ses lèves. En effet, en prenant comme point de départ la fonction syntaxique de premier niveau, l’enseignant peut facilement adapter son enseignement des réalisations à l’aune des habiletés de ses élèves; il amènera certains à travailler des réalisations plus complexes, avec expansions, alors que d’autres pourront prolonger leur travail sur des réalisations plus simples en situation de lecture, d’écriture ou d’exercisation. Eu égard au prédicat, qui parait simple dans le schéma, il est à noter que bon nombre de complexités devront être abordées avec les élèves et que l’enseignant devra parfois adopter un esprit critique vis-à-vis des manuels scolaires qui, rappelons-le, ont souvent été pensés pour des élèves en contexte majoritaire. Mentionnons d’abord qu’un grand nombre d’élèves en milieu minoritaire peine à reconnaitre les propriétés inhérentes à chacun des verbes et, ainsi, commettent des erreurs liées à leur transitivité (p. ex., *regarder à quelque chose) et aux pronoms remplaçant les compléments verbaux (*je la parle). Or, la grammaire nouvelle postule que, pour identifier les compléments directs et indirects des verbes, une manipulation décisive 10 L’enseignant en contexte minoritaire ne devrait pas tenir pour acquis que ses élèves détiennent les connaissances implicites pour assigner le genre nominal et opérer les accords qui en dépendent. En effet, une difficulté importante rencontrée par plusieurs de ces élèves sera l’assignation du genre pour les noms ne représentant pas des personnes. Ainsi, pour enseigner le genre nominal, l’enseignant peut, entre autres, proposer un enseignement des indices phonologiques à la fin des noms (p. ex., les noms finissant par – ade sont majoritairement féminins). Pour plus de détails, voir Tipurita (2011). Vol 11, no 1, 2016 15 Revue EFMM peut s’avérer utile : la pronominalisation des compléments verbaux. À notre connaissance, une telle pronominalisation nécessite de solides connaissances implicites liées aux régimes des verbes, et il est souvent difficile pour l’élève en milieu minoritaire de l’opérer à bon escient. Nous rejoignons en ce sens les didacticiens du lexique, dont Anctil (2011), qui croient qu’un travail en profondeur sur la notion de régime verbal devrait occuper une place de choix dans la classe et qu’il importe d’aborder les concepts de transitivité, d’intransitivité, de complément direct et de complément indirect avec les élèves, et ce, en les outillant quant à l’utilisation du dictionnaire dans leur recherche des caractéristiques afférentes aux verbes et en leur enseignant explicitement la pronominalisation des compléments du verbe. Plusieurs des notions ayant trait au sujet pourront d’ailleurs être mises à profit dans ce travail; par exemple, un complément direct se réalise le plus souvent sous la forme d’un groupe nominal, syntagme qui est également une réalisation fréquente du sujet. Concernant l’accord verbal, le travail effectué relativement à la mise en emphase et à la pronominalisation du sujet pourra ici être réinvesti, car l’identification du sujet en est une étape primordiale (Gauvin, 2011). Les analyses initiales relatives à cet accord au présent de l’indicatif chez des élèves de la fin de l’élémentaire en Ontario (Thibeault, à paraitre) nous poussent au demeurant à croire qu’il est indispensable d’allouer un temps important aux verbes les plus fréquents, qui sont aussi les plus irréguliers en français, car nombreux sont les apprenants qui ont de la difficulté à choisir, en plus de la flexion adéquate, les radicaux appropriés lors du processus d’accord. Si l’exploration des réalisations de différentes fonctions syntaxiques n’est que l’une des manières de mettre l’outil à profit, la phrase de base peut également être utilisée pour étudier les différents types et formes de phrases, les mécanismes d’enchâssement, certains accords et certains phénomènes d’homophonie (voir Boivin, 2012). De plus, en milieu minoritaire, afin que l’élève puisse développer un réel bilinguisme additif et qu’il soit apte à comprendre ce qui est propre au français et à l’anglais, un enseignement parallèle de notions morphosyntaxiques dans les deux langues nous paraitrait particulièrement profitable (pour des travaux en français langue seconde, voir Quevillon Lacasse, 2011). En effet, la structure canonique qui caractérise la phrase de base n’est pas unique au français, l’anglais privilégiant aussi le prototype sujet – prédicat – complément de phrase. Comme nous l’avons montré préalablement avec la notion de sujet, un Vol 11, no 1, 2016 16 Revue EFMM travail conjoint et complémentaire dans les deux langues pourra aider l’élève à distinguer les similitudes qu’elles partagent, mais aussi ce qui est propre à l’une et à l’autre. Par exemple, quand l’enseignant de français du secondaire aborde le groupe du verbe à l’infinitif en position sujet à partir de la phrase de base, rien n’empêche son collègue en anglais d’enseigner les notions équivalentes dans cette langue11. Quand les phrases réalisées ne sont pas conformes au modèle en français et en anglais, il est alors intéressant de mettre en exergue de manière parallèle les mécanismes transformatifs que prône chacune des langues à l’étude, de manière à considérer le bagage linguistique de l’élève comme un tout pluriel, qui se manifeste de différentes façons selon la langue dans laquelle il s’exprime. Cette approche pourra certes rencontrer quelques embuches, dont le métalangage qui peut varier d’une langue à l’autre (De Pietro, 2014), mais elle constitue selon nous une piste intéressante qu’enseignants et chercheurs devraient emprunter dans les années à venir. Un troisième jalon : le travail grammatical au sein de séquences didactiques basées sur les genres Jusqu’ici, nous nous sommes concentrés sur l’enseignement spécifique de notions grammaticales, sans toutefois nous attarder aux liens que devait édifier l’enseignant entre lesdites notions et les autres composantes de la discipline français. Or, pour enseigner de telles notions, nous proposons également, à l’instar de Chartrand et Boivin (2004), une articulation de leur enseignement à l’étude des genres de texte, et ce, dans une approche de type inductif 12. Comme le rappellent Cavanagh et Blain (2009), la langue française revêt pour bon nombre d’élèves en milieu minoritaire un caractère artificiel, car pour plusieurs, elle n’est utilisée qu’à l’école. Il devient donc pertinent, voire essentiel, que l’enseignement grammatical prenne appui 11 Pour le lecteur intéressé : l’anglais tolèrera la forme infinitive en position sujet (To read books is my hobby), qui appartient à un registre assez soutenu, mais préfèrera souvent le recours au gérondif (Reading books is my hobby). 12 Faut-il, par une approche inductive, faire découvrir les règles aux élèves ou, en adoptant une approche déductive, donner la règle et les laisser l’appliquer en contextes? Il s’agit là d’un débat récurrent en didactique! Nous dirons seulement que, en grammaire, des recherches récentes s’étant attardées à la comparaison des approches inductive et déductive ne montrent pas l’efficience accrue de l’une ou de l’autre, et que l’effet enseignant serait un facteur déterminant dans la mise en œuvre de ces approches (Vincent et Lefrançois, 2013). Nous choisissons délibérément de nous concentrer ici sur l’approche inductive, d’abord parce qu’elle est moins utilisée par les enseignants, et ensuite parce que nous croyons que ses apports sont considérables pour les classes en milieux minoritaires. Vol 11, no 1, 2016 17 Revue EFMM sur des contextes authentiques et que l’élève comprenne que la langue est d’abord et avant tout un outil communicatif lui permettant d’entrer en interaction avec des textes et des individus. L’entrée par les genres, c’est-à-dire des « ensemble[s] de productions langagières orales ou écrites qui, dans une culture donnée, possèdent des caractéristiques communes d’ordres communicationnel, textuel, sémantique, grammatical, graphique ou visuel et/ou d’oralité, souples mais relativement stable dans le temps » (Chartrand, Émery-Bruneau et Sénéchal, 2015, p. 3), constitue une avenue prometteuse en milieu minoritaire, car elle offre à l’apprenant des contextes morphosyntaxiques riches, mais elle le fait en fonction de productions langagières qui sont délimitées par des normes sociales, celles qui gouvernent le genre à l’étude, et qui ne sont pas forcément accessibles aux élèves dans leur quotidien. Le travail sur les régularités des genres (le conte, la nouvelle, l’annonce publicitaire, etc.) peut donc les aider à s’approprier des modèles de discours qu’ils auront à lire, à écrire ou à produire oralement (Chartrand et Boivin, 2004). Le modèle de séquence didactique que nous proposons est en grande partie inspiré des travaux de Chartrand et Boivin (2004), qui visent l’articulation des activités grammaticales aux pratiques discursives. Nous en proposons toutefois quelques modifications, ces dernières nous paraissant mieux répondre aux enjeux des milieux minoritaires. Pour le concevoir, nous nous sommes souciés, d’une part, du fait que les élèves sont souvent peu exposés à la langue, aussi bien orale qu’écrite, et qu’ils ont eux-mêmes peu d’occasions de s’exprimer en français en dehors du contexte scolaire. D’autre part, nous avons mis l’accent sur l’importance d’étayer les activités proposées afin d’amener progressivement les élèves à s’approprier le genre et ses régularités. Ces deux éléments nous ont conduits à multiplier, au sein de la séquence, les occasions de communication orale et écrite, et à limiter l’observation et la réflexion à un élément grammatical à la fois. Conséquemment, l’étude d’un genre devrait selon nous comporter plusieurs séquences consécutives, permettant ainsi à l’élève de faire de nouveaux apprentissages grammaticaux, mais aussi d’être exposé, à de multiples reprises, à divers textes d’un même genre pour en constater les régularités. De plus, tout au long de la séquence, nous privilégions la mise en œuvre de dispositifs pédagogiques qui conduiront les élèves à communiquer oralement la compréhension qu’ils ont du texte et des mécanismes textuels, phrastiques et lexicaux employés par l’auteur, les stratégies métacognitives et métalinguistiques mises à profit à divers moments de la séquence Vol 11, no 1, 2016 18 Revue EFMM ainsi que leurs questionnements. Finalement, nous avons intégré certains éléments proposés par Nadeau et Fisher (2006) sur l’exercisation. Nous divisons donc le modèle de séquence en quatre grands moments, l’appréhension du texte et de son genre, l’observation/réflexion, l’exercisation et la production13. Étant donné la visée de notre article, nous focaliserons ici sur l’adaptation que peut subir la séquence en milieu minoritaire14. Premier grand moment : l’appréhension du texte et de son genre Lors des prémisses de la séquence, l’enseignant est appelé à présenter le texte et son genre à ses élèves, de manière à préparer l’enseignement grammatical qui suivra. Il recueille donc leurs hypothèses quant au genre à l’étude et au texte en particulier, il développe parallèlement chez eux les stratégies de lecture qui sont nécessaires à la bonne compréhension du texte et il s’assure que les connaissances implicites qui sont mises en œuvre lors de l’étude des faits de langue (et de l’utilisation des manipulations syntaxiques qui leur sont sous-jacentes) sont bel et bien suffisantes. Il peut au demeurant inciter son groupe à faire des liens avec les notions qui ont été abordées précédemment et mettre en avant la pertinence de celles qu’il traitera dans le cadre de la présente séquence. Dans une perspective plurilingue, pour soutenir l’appréhension du texte, plusieurs approches peuvent être adoptées, celles-ci reflétant davantage la réalité sociolinguistique plurielle des élèves en milieu minoritaire. L’enseignant peut d’abord, comme le suggèrent Lyster, Collins et Ballinger (2009), proposer une lecture bilingue du texte soumis aux élèves. Ainsi en lisent-ils une partie en français et, dans le cours d’anglais, poursuivent-ils le texte dans cette deuxième langue. Selon les chercheurs, une telle façon de faire « help[s] bridge the gap between L1 and L2 for particular children, [and] sometimes serve[s] to reinforce a concept for all children » (p. 375). En d’autres termes, non seulement les élèves peuvent-ils établir des connexions entre les langues qu’ils connaissent, mais ils peuvent également construire une compréhension plus 13 Il est à noter que le modèle peut être adapté pour enseigner l’oral. Dans le cadre de cet article, nous nous concentrerons davantage sur l’écrit. 14 Le modèle dans sa totalité se trouve à l’annexe A. Il a par ailleurs été conçu avec la collaboration de madame Guylaine Lachance, agente d’éducation au ministère de l’Éducation de l’Ontario. Qu’elle trouve ici la plus sincère reconnaissance des auteurs. Vol 11, no 1, 2016 19 Revue EFMM fine des concepts qui apparaissent dans le texte et enrichir leur vocabulaire sur le sujet traité, ce qui est un préalable au travail grammatical. L’enseignant a également l’option de mettre en évidence les caractéristiques du genre étudié telles qu’elles apparaissent en français et en anglais pour voir si, selon la langue, il existe des convergences et des différences au sein d’un même genre. Plutôt que d’alterner d’une langue à l’autre, l’enseignant peut aussi opter, comme le font Moore et Sabatier (2014), pour des textes bi/plurilingues, c’est-à-dire des écrits dans lesquels on retrouve plus d’une langue. À cet effet, les auteures notent que la mise en œuvre de séquences centrées sur un type de textes marqués par la pluralité linguistique et culturelle favorise l’émergence d’un espace collaboratif et promeut le partage de savoirs et de pratiques liées aux littératies scolaire, familiale et communautaire qui sont ancrées dans le vécu des élèves. Elles permettraient donc le développement de compétences lectorales et scripturales solides en positionnant en son centre des articulations réfléchies entre les expertises scolaires et familiales et en valorisant les savoirs d’expérience qu’ont les élèves. Deuxième grand moment : l’observation/réflexion Lorsque les élèves ont développé une compréhension suffisante du texte étudié, à savoir sa structure, son vocabulaire et ses concepts, il est temps de mettre en place un dispositif qui permet l’exploration de faits de langue qui se reflètent habituellement dans le genre préconisé par l’enseignant. Il est à noter qu’il doit aborder un élément grammatical à la fois et qu’il choisira le nombre de notions à enseigner pour un même genre de textes selon le niveau de ses élèves et le temps alloué pour l’étude du genre en question. Un tel dispositif devrait, par ailleurs, tenir compte des représentations des apprenants à l’égard de la langue en leur permettant de les verbaliser et de les confronter, d’une part, aux constatations qu’ils feront à partir des observations du texte choisi par l’enseignant et, de l’autre, au point de vue de leurs pairs sur ces mêmes éléments. À cette étape du travail grammatical, les représentations de l’élève, justes ou erronées, seront constituées de connaissances implicites teintées des variations du français qu’ils connaissent, de l’anglais ou des autres langues de leur répertoire. Il est donc important de Vol 11, no 1, 2016 20 Revue EFMM prendre ces connaissances en compte de manière systématique, car leur mise au jour contribuera à mieux cerner les besoins de chacun et à orienter la démarche de l’enseignant. L’enseignant sélectionne donc des extraits du texte qu’il soumet à l’analyse des élèves, alors appelés à manipuler et à observer les effets desdites manipulations sur la grammaticalité et le sens des énoncés, et l’impact des transformations sur le discours tenu par l’auteur. Pour ce faire, il peut les guider en les questionnant de façon à mettre en lumière des caractéristiques propres à l’élément grammatical à l’étude. L’élève, avec ses camarades, répertorie les comportements morphosyntaxiques observés dans un tableau, lequel facilitera l’émergence de régularités et l’énonciation d’hypothèses liées à celles-ci (voir Chartrand, 1996 pour plus de détails)15. Cette observation de régularités peut aussi engendrer un travail grammatical dans les autres langues, dont l’anglais, pour constater les propriétés de chacune des langues. Comme le souligne Auger (à paraitre), une observation en synchronie de faits de langue dans une perspective plurilingue rend explicites les liens qui existent entre chacune d’elles, facilite l’apprentissage de l’une et de l’autre et développe chez les élèves une capacité de distanciation, de relativisation et de conceptualisation. Pour conclure, l’enseignant formule explicitement la règle avec son groupe (en anglais et en français, selon le cas), règle qu’il rappellera régulièrement et qu’il peut même afficher jusqu’à son automatisation par les élèves. Troisième grand moment : l’exercisation Afin d’ancrer des automatismes qui conduiront l’élève à utiliser, à un cout cognitif peu élevé, ces nouvelles règles en situation de production, il importe de mettre en place un ensemble d’exercices et d’activités qui l’amèneront progressivement vers une mise en œuvre autonome de la règle enseignée en situation de production authentique (Nadeau et Fisher, 2006). À cette étape, l’enseignant doit gérer, dans une perspective d’étayage, la charge cognitive associée à la réalisation de chacune des activités proposées et encourager l’élève à expliciter les processus cognitifs dans lesquels il s’engage en laissant des traces. Ces dispositifs doivent également être courts et espacés dans le temps (p. ex., un par jour) pour que l’élève s’entraine fréquemment à 15 Voir le Portail pour l’enseignement du français pour des exemples d’activités permettant l’observation et la classification de caractéristiques linguistiques selon des notions et des textes étudiés : http://www.enseignementdufrancais.fse.ulaval.ca/ Vol 11, no 1, 2016 21 Revue EFMM utiliser la règle; ils devraient aussi être immédiatement suivis d’une courte tâche d’écriture avec des contraintes liées à la notion grammaticale à l’étude. Lorsqu’une nouvelle notion linguistique est présentée, ces tâches d’écriture pourront aussi accumuler les contraintes en exigeant l’utilisation des nouveaux éléments à l’étude et de ceux qui les ont précédés. Elles devraient in fine rendre compte d’éléments de la macrostructure du genre de texte à l’étude (voir Nadeau et Fisher, 2006, chap. 9 pour de plus amples informations sur l’exercisation). Par ailleurs, l’enseignant peut mettre en place différentes activités qui favorisent l’interaction et la confrontation des représentations des élèves quant aux notions linguistiques abordées. Lors de ces activités, il les invite à faire appel aux outils offerts par la grammaire nouvelle, les manipulations et la phrase de base, pour mettre en lumière les caractéristiques morphosyntaxiques des éléments grammaticaux qu’il a choisis. Entre autres activités, notons la dictée zéro faute (Fisher et Nadeau, 2014), l’activité de négociation graphique (Brissaud et Cogis, 2012), le dictogloss (Prince, 2013) et la phrase dictée du jour (Fisher et Nadeau, 2014). Quatrième grand moment : la production Au moment où les élèves auront observé suffisamment de textes du même genre et qu’ils se seront exercés avec les différentes notions grammaticales à l’étude, ils devraient être prêts à en produire un qui présentera ces notions et les caractéristiques du genre étudiées. L’étape de la production est constituée de cinq composantes (ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2006b). (1) D’abord, dans la préécriture, il s’agit d’arrêter les consignes et de les rédiger collectivement, de faire un remue-méninge pour outiller les élèves dans la rédaction, de les inviter à faire un plan et de concevoir, de concert avec eux, des grilles de révision et d’évaluation. (2) Suivra la rédaction de l’ébauche du texte et (3) sa révision, dans le cadre de laquelle le scripteur relit sa production initiale. À cette étape, Chartrand (2013b) suggère de permettre à l’élève de se distancier de son texte en laissant s’écouler quelques jours entre la rédaction du brouillon et la révision. À ce moment, le scripteur effectue d’abord un travail sur les idées, la macrostructure de son texte et le vocabulaire, pour voir si les premières sont claires, si la seconde respecte les régularités du genre qu’il devait adopter et si le dernier reflète ses intentions de communication. Une consultation entre pairs pourra aussi soutenir l’élève dans cette étape. (5) S’ensuivra une révision Vol 11, no 1, 2016 22 Revue EFMM de la syntaxe pendant laquelle l’élève s’assurera de la grammaticalité de ses phrases et de leur participation à la progression du texte. Il opèrera ensuite une révision plus fine et se penchera sur les composantes morphologiques et lexicales de l’écriture. (6) Il peaufinera enfin l’aspect visuel du texte dans le cadre de sa publication, pour en favoriser la lisibilité. Conclusion Dans le cadre de ce texte, nous nous sommes attachés à poser les jalons d’une didactique de la grammaire qui reflète la réalité sociolinguistique des élèves qui sont scolarisés en milieu francophone minoritaire canadien. Nous avons proposé, pour ce faire, une réflexion théorique portant sur les outils d’analyse qui sont à la disposition de l’apprenant en grammaire nouvelle : les manipulations syntaxiques et la phrase de base. Nous avons notamment souligné que le recours à ces instruments analytiques dépend d’un amas de connaissances diversifiées, qu’elles soient explicites – l’élève doit connaitre leurs utilités et les utiliser aux moments opportuns en vue de comprendre le fonctionnement de l’unité linguistique qu’il étudie – ou implicites – il doit, entre autres, juger de la grammaticalité du résultat à la suite d’une manipulation syntaxique ou d’une transformation de phrase. Il devient donc important que l’enseignant qui œuvre dans un milieu minoritaire apprenne à évaluer les connaissances implicites de ses élèves à l’égard du registre standard, car c’est grâce à elles qu’ils peuvent poser des jugements de grammaticalité adéquats en regard de la norme scolaire. Si certains apprenants ont développé des connaissances du français qui sont davantage en harmonie avec le registre soutenu qui est valorisé par l’école, d’autres, pour une multitude de raisons (une connaissance de la norme scolaire en construction, des interférences provenant des registres oraux connus de l’élève en français, un manque d’exposition au français à l’extérieur de l’école, etc.), peineront parfois à mettre en branle des connaissances implicites qui permettront la réflexion grammaticale telle qu’elle est conceptualisée en grammaire nouvelle. Dans cette perspective, les pistes didactiques que nous avons mises en lumière et qui répondent en partie à la problématique qui nous intéresse gravitent autour de deux principaux axes. (1) Nous avons d’abord soutenu qu’une didactique de la grammaire du français en milieu minoritaire ne peut faire fi du bagage linguistique composite que détiennent les élèves et que, Vol 11, no 1, 2016 23 Revue EFMM par conséquent, une telle didactique se doit également d’être une didactique du plurilinguisme qui, d’une part, fait valoir les connaissances de l’anglais, des autres langues et des registres de ces langues que connaissent les élèves et qui, de l’autre, leur permet de voir ce qui est propre à chacun des idiomes qui composent leur répertoire langagier. En légitimant les capitaux linguistiques hétérogènes des élèves et en leur donnant le droit de verbaliser leurs représentations linguistiques plurielles, l’enseignant peut alors évaluer leurs connaissances implicites, utiliser les outils de la grammaire nouvelle pour leur faire comprendre la source de l’erreur s’il y a écart à la norme de l’école et, ainsi, les aider à construire des connaissances implicites en français standard. Cette façon de faire devrait également susciter le développement d’un bilinguisme additif (Lambert, 1975), se manifestant lorsque les connaissances d’une langue (ou d’une variation) X soutiennent le développement d’une langue Y, et vice-versa. (2) Nous avons également suggéré d’inscrire l’enseignement grammatical dans des séquences didactiques centrées sur les genres textuels, ces derniers permettant aux élèves de se familiariser avec les caractéristiques de textes auxquels ils n’auraient peut-être pas accès à l’extérieur de l’école et, grâce à un travail sur le texte effectué en amont de la découverte de faits de langue nouveaux, de développer les connaissances implicites de l’élève. Ce dispositif, qui décloisonne les différentes composantes de la discipline français, devrait aussi faire ressortir l’utilité de l’apprentissage de la grammaire chez les apprenants, qui verront alors qu’ils peuvent réinvestir les contenus grammaticaux en productions orales et écrites. Pour terminer, rappelons le postulat de Demougin (2008), qui argüe qu’il n’y a pas de didactique universelle des langues, mais plutôt des didactiques contextualisées et historicisées. À la lueur des différents enjeux que nous avons ici relatés, il nous parait effectivement essentiel que la didactique de la grammaire, qui s’intéresse à l’enseignement et à l’apprentissage des régularités et des normes de la langue scolaire, tienne compte du milieu socioculturel dans lequel cet apprentissage s’inscrit, car il a irréfutablement des répercussions sur les mécanismes cognitifs que les élèves mettent en application lors de la construction de connaissances nouvelles (Vygotsky, 1934/1997). Il importe également que les enseignants soient formés à l’enseignement de la langue, mais il est d’après nous primordial qu’une telle formation les sensibilise aussi aux enjeux sociolinguistiques qui sous-tendent leur pratique. En raison de son caractère théorique, la Vol 11, no 1, 2016 24 Revue EFMM réflexion que nous avons mise en mots dans notre article impose certes des limites incontestables. Il est donc nécessaire que des études empiriques confirment la pertinence didactique de nos propositions et s’intéressent aux formations, initiale et continue, des enseignants de français en milieu de minorité linguistique. Ainsi, nos réflexions théoriques, combinées à des résultats de recherche, pourraient contribuer, dans les prochaines années, à l’émergence d’une nouvelle discipline : la didactique du français en milieu minoritaire. Vol 11, no 1, 2016 25 Revue EFMM Références Abdallah-Pretceille, M. (2013). L’éducation interculturelle (4e éd.). Paris, France : PUF. Anctil, D. (2011). L’erreur lexicale au secondaire : analyse d’erreurs lexicales d’élèves de 3e secondaire et description du rapport à l’erreur lexicale d’enseignants de français (thèse de doctorat, Université de Montréal, Canada). 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Vol 11, no 1, 2016 30 Revue EFMM Annexe A : présentation du modèle de séquence didactique basée sur les genres (adapté de Chartrand et Boivin, 2004) Les grands moments Leurs objectifs Description de l’activité Objets d’enseignement Planification de la lecture Discussion sur la pertinence de l’étude de ce genre de texte Discussion sur les caractéristiques du genre et anticipation de celles-ci Stratégie : se donner une intention de lecture Genre textuel : contenus et aspects formels du genre Stratégies de lecture (p. ex. prédire) Reconstruction du sens et de l’organisation du texte lu Identifier le thème du texte en dégageant le champ lexical principal et les champs secondaires, s’il y a lieu. Identifier les mots non connus et en dégager le sens. Observer les marques graphiques et évaluer leur apport à la compréhension du texte. Identifier les principales chaines de reprises et les mécanismes utilisés : expliquer leur apport à la cohérence et à la progression Thème d’un texte, champ lexical Stratégie de compréhension de mots non connus Organisation textuelle : marques graphiques Mécanismes de reprise : groupes nominaux, pronoms Réaction au texte et objectivation des stratégies de lecture Retour sur la discussion d’anticipation : vérification des hypothèses Retour sur la stratégie de compréhension des mots non connus/les marques graphiques/les mécanismes de reprise Discussion sur son appréciation du texte et formulation d’hypothèses quant à ses caractéristiques linguistiques dominantes et à leur apport au texte (types et formes de phrases, vocabulaire connoté ou non, phrases enchâssées, temps de verbes, etc.) Compréhension en lecture Compréhension en lecture Appréciation d’un texte Stratégies métalinguistiques (manipulations, phrase de base, etc.) Appréhender le texte et le genre Vol 11, no 1, 2016 31 Revue EFMM Les grands moments Observation /réflexion (activités métalinguisti ques) Exercisation Leurs objectifs Description de l’activité Objets d’enseignement Étude d’une caractéristique générique (syntaxique, textuelle, lexicale) Activité métalinguistique collaborative sur une caractéristique générique amenant l’élève à observer des faits de langue, leurs comportements et leurs effets dans le texte (approche inductive guidée). Énonciation de règles et de régularités quant au fait de langue. Notions linguistiques (syntaxe, texte ou lexique) en lien avec le genre de texte à l’étude Exercisation Exercice court portant sur la notion à l’étude. Notions linguistiques (syntaxe, texte ou lexique) en lien avec le genre de texte à l’étude Tâches simplifiées de production écrite Tâche d’écriture courte avec contrainte portant sur la notion à l’étude. Rédaction et révision portant sur la notion à l’étude Production écrite Élaboration d’une grille de révision/évaluation Planification de la tâche d’écriture et des éléments qui la composent Mise en texte d’une ébauche Révision à l’aide de la grille Révision par les pairs Correction du texte par l’élève et publication Rédaction et révision Procédure de planification Procédure de mise en texte Stratégies de révision et de correction Réinvestissement Évaluer l’utilité des apprentissages pour d’autres situations de communication. Contraintes en lien avec les apprentissages dans d’autres situations d’écriture. Stratégies de transfert Production Vol 11, no 1, 2016 32 Revue EFMM