Éducation francophone en milieu minoritaire, volume 11, numéro 1

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Éducation francophone en milieu minoritaire, volume 11, numéro 1
POSER LES JALONS D’UNE DIDACTIQUE DE LA GRAMMAIRE DU FRANÇAIS
EN MILIEU MINORITAIRE
Joël Thibeault et Louise Larouche
Université d’Ottawa
Résumé
À la lumière des enjeux qui sont propres à l’enseignement et à l’apprentissage du français
en situation de minorité linguistique, les auteurs proposent dans cet article une réflexion
théorique et repensent la didactique de la grammaire en fonction de la réalité sociolinguistique
dans laquelle évoluent les populations scolaires de langue française à l’extérieur du Québec, au
Canada. À partir d’un cadre théorique composé de la didactique du plurilinguisme et de la
transposition didactique actuelle en ce qui a trait à l’enseignement grammatical dans les écoles
de langue française au Canada, ils abordent notamment l’utilisation des outils d’analyse qui sont
offerts par la grammaire nouvelle – les manipulations syntaxiques et la phrase de base – et
l’articulation des composantes de la discipline français au sein de séquences didactiques, et ce,
en mettant l’accent sur les spécificités qui marquent les élèves scolarisés en français où cette
langue est minoritaire.
Mots-clés
didactique de l’écriture; pédagogie en milieu minoritaire; savoir grammatical; français écrit;
primaire; secondaire
Abstract
In light of the challenges related to teaching and learning French where it is a minority
language, the authors of this paper suggest a way to rethink grammar teaching and learning
according to the sociolinguistic reality of pupils who are schooled in French outside of Québec, in
Canada. Based upon a theoretical framework that combines the didactic of plurilingualism and
the current didactic transposition of grammar teaching in French schools across Canada, the
article discusses the use of the analytical tools provided by the new grammar – the syntactic
manipulations and the basic sentence – as well as the articulation of the different components of
the French discipline in a didactic sequence, while constantly emphasizing the specificities that
characterize students who learn French in a minority setting.
Problématique1
À une époque où l’on reconnait2 que l’écrit est d’abord et avant tout un objet culturel
socialisant (Vygotsky, 1934/1997), force nous est de constater que le développement de la
compétence scripturale peut varier selon l’environnement dans lequel l’individu évolue. Or, les
élèves qui grandissent en milieu francophone minoritaire, en raison des contacts fluctuants qu’ils
établissent avec la langue de l’école, de l’anglodominance qui marque leur milieu et des
répercussions de ces caractéristiques environnementales sur leurs développements identitaire,
affectif et culturel, se construisent des connaissances de la langue écrite très hétérogènes
(Cavanagh et Blain, 2009), qui ne sont pas toujours conformes aux conventions linguistiques qui
sont attendues par l’école.
À cet effet, le groupe de recherche DIEPE publiait en 1995 le rapport d’une étude d’envergure
dont la principale visée était la comparaison de productions écrites chez des élèves belges,
français, québécois et néobrunswickois qui en sont à leur neuvième année de scolarisation
obligatoire. Assez frappants, les résultats révèlent que les élèves du Nouveau-Brunswick affichent
des résultats significativement inférieurs à ceux de leurs pairs provenant des trois autres
territoires et que la morphosyntaxe, pour ces apprenants, renvoie à une source d’écueils
importants. Plus récemment, l’étude de Bélanger, Minor-Corriveau et Bélanger (2015) a quant à
elle montré que, lors d’une dictée, les élèves de cinquième année scolarisés dans le nord de
l’Ontario commettaient environ deux fois plus d’erreurs grammaticales que leurs homologues du
même âge en région parisienne. Devant ces données, qui montrent que les élèves en milieux
francophones minoritaires manifestent des besoins particuliers en matière d’écriture, la
collectivité scientifique se doit d’après nous de réfléchir à des manières d’enseigner la grammaire
avec efficience, à l’aune de la réalité socioculturelle qui caractérise les écoles de langue française
en situation de minorité linguistique.
1
Les auteurs tiennent d’entrée de jeu à remercier les arbitres anonymes ayant évalué une première version de ce
texte. Leurs remarques ont su grandement contribuer à sa qualité.
2 Le présent texte adopte l’orthographe rectifiée.
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Enseignement grammatical en milieu minoritaire
Si c’est à la fin des années 1990 que le plus récent changement paradigmatique en didactique
de la grammaire, celui de la grammaire dite nouvelle, a été opéré au Québec, les milieux
francophones minoritaires du Canada ont dû attendre quelques années pour que leurs instances
ministérielles optent à leur tour pour l’adoption de ce courant dans les écoles de langue française
hors Québec. En Ontario, où l’on retrouve le plus important bassin de francophones à l’extérieur
du Québec en Amérique du Nord, la grammaire nouvelle a fait son entrée sur les bancs d’école
avec l’arrivée des plus récents programmes-cadres de français, en 2006 (ministère de l’Éducation
de l’Ontario, 2006a). Le Cadre commun de français langue première du Protocole de l’Ouest et
du Nord canadiens, qui sert de base pour l’élaboration des programmes d’études en Alberta, au
Manitoba, au Nunavut, en Saskatchewan et dans les Territoires du Nord-Ouest, mentionne pour
sa part la grammaire nouvelle pour la première fois dans sa dernière version, publiée en 20123.
Bien qu’elle jouisse d’un ancrage théorique fort et pertinent (Boivin et Pinsonneault, 2008;
Nadeau et Fisher, 2006) et que de nombreux chercheurs en milieu sociolinguistique majoritaire
aient focalisé sur son actualisation en salle de classe (Boivin, 2009; 2014; Gauvin, 2011), peu de
travaux ont porté sur la mise en place de la grammaire nouvelle dans les milieux minoritaires,
lesquels sont marqués de spécificités qui les distinguent parfois grandement des contextes de
scolarisation où le français est utilisé en milieux intra et extrascolaires. De manière générale, le
présent article vise donc à poser les jalons d’une didactique de la grammaire qui s’inscrit dans le
cadre théorique que nous offre la grammaire nouvelle, mais qui est pensée en fonction des besoins
socioéducatifs des élèves scolarisés en milieu francophone minoritaire. De nature théorique, il
n’épouse que partiellement la structure de l’article scientifique traditionnel et ne gravite donc
pas autour de la présentation de résultats empiriques. Qui plus est, comme le sous-tend notre
objectif général, nous entendons ici entamer une réflexion, qui devra par la suite être poursuivie,
nuancée et complétée à l’aide de données probantes. Nous présenterons donc en premier lieu
les assises conceptuelles sur lesquelles nous nous appuyons pour poser nos trois jalons (les
manipulations syntaxiques, la phrase de base et la séquence didactique), que nous discuterons
3
Cela ne veut pas dire que la grammaire nouvelle a été adoptée en 2012 dans chacun de ces provinces et territoires.
Cela dit, chacun d’eux, selon le Protocole, serait maintenant tenu de l’incorporer dans ses programmes.
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ensuite à la lueur des caractéristiques qui sont propres aux élèves des milieux francophones
minoritaires au Canada.
Cadre conceptuel
Notre principal appui théorique, comme nous l’avons annoncé en début de texte, est
constitué des travaux portant sur la transposition didactique qui fait actuellement école dans les
systèmes éducatifs de langue française au Canada en ce qui a trait à la grammaire et à son
enseignement : la grammaire nouvelle4. Comme le souligne Bulea Bronckart (2015), la rénovation
de l’enseignement grammatical, initiée en Europe dans les années 1970, a touché autant les faits
de langue enseignés que les mécanismes d’enseignement. Il convient dès lors d’aborder
laconiquement ces deux volets.
Langue et outils analytiques en grammaire nouvelle
Pour ce qui est des contenus, cette rénovation s’appuie sur la grammaire bloomfieldienne et
les écrits initiaux en grammaire générative et transformationnelle. Délaissant une vision de la
langue qui ne trouve son ancrage que dans la sémantique (p. ex., le nom est une personne, un
animal ou une chose), elle positionne l’analyse phrastique en son centre et fonde la description
de ses constituants, les groupes de mots, sur la base de leurs comportements
morphosyntaxiques. Pour que l’élève puisse bien saisir ces comportements, la grammaire
nouvelle met aussi à sa disposition des outils d’analyse lui permettant de faire émerger les règles
et les régularités linguistiques. Centraux en grammaire nouvelle, ces outils apparaissent sous la
forme des manipulations syntaxiques et d’une phrase-modèle, la phrase de base.
Les manipulations syntaxiques sont des tests que l’élève peut utiliser lors de l’analyse
d’une phrase pour en dégager la structure et établir les propriétés syntaxiques des groupes qui la
composent. Chartrand (2013a) en identifie six : le déplacement, le remplacement, l’ajout,
l’effacement, l’encadrement et le dédoublement. Ces opérations revêtent une valeur euristique,
en ce qu’elles permettent à l’élève d’opérer, de manière méthodique, des tests sur des unités
4
Nous n’offrons qu’une brève présentation du paradigme, d’autres auteurs ayant déjà fait état de sa pertinence avec
exhaustivité. Nous invitons le lectorat intéressé à consulter les écrits de Nadeau et Fisher (2006), de Dolz et Simard
(2009) et de Boivin et Pinsonneault (2008) pour plus de détails.
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linguistiques et de poser des hypothèses à leur égard. À titre d’exemple, l’élève souhaitant
repérer le sujet d’une phrase dans le but d’accorder un verbe peut tenter d’encadrer des groupes
de mots par les marqueurs d’emphase c’est […] qui et, lorsqu’il repère le groupe pouvant bel et
bien faire l’objet de cet encadrement, il peut en conclure qu’il s’agit du sujet de la phrase.
Si, pour utiliser ces manipulations à bon escient, l’élève doit en avoir des connaissances
explicites, il doit aussi, chaque fois qu’il en opère une, juger de la grammaticalité du résultat qu’il
obtient. Il doit donc mettre en œuvre un bassin de connaissances implicites, qu’il a construites au
gré de son exposition à la langue, pour déterminer si le résultat de sa tentative est conforme aux
normes du français standard (Nadeau et Fisher, 2011).
L’autre instrument qui permet le travail grammatical tel qu’il est conceptualisé en
grammaire nouvelle est la phrase de base (Boivin et Pinsonneault, 2008; Nadeau et Fisher, 2006;
Chartrand, 2013a). Cette dernière, contrairement à d’autres phrases dont on fait mention dans
les ouvrages de grammaire (phrase graphique, phrase syntaxique, phrase subordonnée, etc.), ne
renvoie pas à une phrase réalisée, qui pourrait apparaitre au sein d’un texte oral ou écrit; il s’agit
plutôt d’un objet théorique qui constitue pour l’élève une ressource fiable dans son observation
des énoncés de la langue. Il peut dès lors, en reconstruisant la phrase pour qu’elle corresponde à
la structure canonique, se référer à cette transformation pour dégager les caractéristiques
syntaxiques des énoncés rencontrés. De type déclaratif et de formes simple, neutre, affirmative
et active, la phrase de base a fait l’objet d’une myriade de définitions, certaines étant plus
cohérentes que d’autres. Le but de notre discussion n’étant pas d’aborder les fondements
théoriques qui ont mené à sa transposition didactique ou d’en montrer la pertinence didactique,
d’autres l’ayant fait avant nous (Boivin, 2012; Paret, 1999), nous soulignerons simplement que,
pour cette réflexion, nous en retenons la définition de Chartrand (2013a), pour qui la phrase de
base est égale à cette règle : sujet + prédicat + [(compléments de P)]5. Cette définition, notonsle, repose sur le recours aux fonctions syntaxiques et respecte l’ensemble des critères établis par
Boivin (2012) quant à l’adéquation de modèles didactiques : l’adéquation descriptive, la
cohérence et la pertinence didactique.
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À noter que les parenthèses indiquent que ce constituant est facultatif, tandis que les crochets indiquent plutôt sa
mobilité.
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Enseignement grammatical en grammaire nouvelle
D’inspiration socioconstructiviste, les méthodes d’enseignement qui ont accompagné cette
rénovation encouragent pour leur part l’élève, de concert avec ses pairs et l’enseignant, à poser
des hypothèses sur le fonctionnement de la langue, et ce, à partir de corpus authentiques.
Plusieurs auteurs (Cavanagh, 2007; Chartrand et Boivin, 2004; Marmy Cusin et Schneuwly, 2013)
préconisent également un enseignement grammatical intégré à celui de la production écrite et
proposent ainsi de le situer au cœur de séquences didactiques, c’est-à-dire des ensembles
continus ou discontinus de séances d’enseignement articulées entre elles dans le temps et
organisées autour d’une ou de plusieurs activités en vue d’atteindre des objectifs fixés par le
programme.
Plurilinguisme et apprentissage des langues en milieu minoritaire
Nos dires puisent également leur source dans un postulat fort, soutenu par plusieurs
chercheurs : le monolinguisme n’est plus (Abdallah-Pretceille, 2013). En milieu minoritaire, parce
que les élèves peuvent provenir de couples exogames et qu’ils se créent souvent une relation
intime avec la langue et la culture anglaises, leur vécu ethnolangagier est complexe, à un point
tel que plusieurs d’entre eux développent une identité linguistique hybride, au carrefour d’au
moins deux langues-cultures (Duquette, 2006; Gérin-Lajoie, 2003; 2012). Pour rendre compte des
compétences linguistiques de ces populations scolaires marquées par la diversité, une panoplie
de didacticiens (Armand, Sirois et Abadou, 2008; Auger, à paraitre; De Pietro et Rispail, 2014),
faisant suite aux travaux de Cummins (1979; 2000) ayant montré que l’apprentissage d’une
langue s’opérationnalisait en fonction des connaissances que l’individu a construites dans les
langues qu’il connait déjà, soutiennent maintenant que l’école doit susciter chez l’élève le
développement d’une compétence plurilingue, cette dernière reflétant la compétence
linguistique plurielle, dans plusieurs langues, mais également dans les variations de ces langues,
que l’apprenant construit au fur et à mesure de ses expériences langagières et sociales (Coste,
Moore et Zarate, 1997/2009).
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Dans la lignée des travaux présentés supra, on assiste depuis un certain temps à
l’émergence de la didactique du plurilinguisme (Billiez, 1998; Troncy, 2014), qui envisage de ne
plus réduire l’enseignement des langues à l’enseignement d’une langue dissociée des autres qui
sont pratiquées par l’apprenant. Cette didactique, à contrario, inscrit explicitement
l’enseignement de chaque langue dans l’ensemble des pratiques linguistiques de l’individu. Ses
tenants réfutent donc l’idée, répandue chez les enseignants en milieu minoritaire (Auger, Dalley
et Roy, 2007), que le bilinguisme est une simple addition de deux monolinguismes étanches en
soutenant qu’il s’agit en fait d’une articulation complexe de connaissances linguistiques
hétérogènes, qu’elles soient intra ou interlinguistiques. Quelques auteurs européens (De Pietro,
2006; Vargas, 2010) ont d’ailleurs fait des propositions pour qu’un enseignement de la grammaire
s’insère avec efficience dans une telle didactique du plurilinguisme. Forel (2014), abordant le rôle
de l’enseignant dans ce paradigme, souligne qu’il devra faire comprendre à ses élèves que chaque
langue déploie ses ressources différemment et que la compétence qu’ils doivent développer n’est
pas de mémoriser des systèmes de règles, mais de remarquer les similitudes et les différences
entre ces langues. Nous croyons donc, avec Di Meglio (2014), qu’il est important de reconnaitre
qu’un milieu minoritaire ne se définit ainsi que parce qu’on y retrouve une coexistence entre
langues et, du point de vue didactique, qu’il serait fécond de promouvoir la mise en contraste de
ces langues au sein d’une éducation plurilingue.
Questions spécifiques
À la lumière des quelques éléments de conceptualisation que nous avons présentés supra,
nous pouvons maintenant arrêter de manière spécifique les éléments théoriques autour desquels
s’articulera notre réflexion. Ainsi, pour poser les jalons d’une didactique de la grammaire en
milieu minoritaire, nous tenterons de répondre aux questions suivantes :
1. Comment les outils analytiques qu’offre la grammaire nouvelle – les manipulations
syntaxiques et la phrase de base – peuvent-ils être mis à profit en milieu francophone
minoritaire?
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2. Comment peut-on adapter un modèle de séquence didactique (Chartrand et Boivin, 2004)
pour qu’il réponde aux besoins sociolinguistiques des élèves en milieu francophone
minoritaire?
Point d’ancrage des jalons
Le travail réflexif qui a mené à la mise au jour des jalons que nous présentons ici a été réalisé
sur plusieurs années, les deux auteurs de ce texte étant professionnels de l’éducation et
étudiants-chercheurs offrant de la formation aux enseignants en didactique de la grammaire en
milieu francophone minoritaire. Partant du postulat que les élèves arrivent sur les bancs d’école
avec des connaissances linguistiques plurielles en français et en anglais, nous nous sommes
d’abord questionnés quant aux potentiels apports de la plus récente transposition didactique en
enseignement grammatical et aux enjeux qui sont spécifiques à son implantation auprès des
apprenants dont les répertoires linguistiques sont composites. Notre réflexion s’est rapidement
arrêtée sur le potentiel didactique des manipulations syntaxiques et de la phrase de base, des
outils que nous voulions toutefois contextualiser dans le cadre d’une démarche qui permettrait
aux élèves de déconstruire l’artificialité qui est souvent associée à la langue française dans les
contextes minoritaires (Cavanagh et Blain, 2009). L’insertion du travail grammatical au cœur de
séquences didactiques, proposée par maints chercheurs, nous semblait alors une piste qui
méritait d’être explorée puisqu’elle favorise, entre autres, la construction de nouvelles
connaissances sur la langue, la multiplication des occasions de s’entrainer et la mise en relation
de ce travail grammatical avec des situations de productions authentiques (Cavanagh, 2007).
Un premier jalon : les manipulations syntaxiques
Si les manipulations syntaxiques permettent l’émergence des propriétés syntaxiques des
unités qui sont mises à l’étude en classe, leur recours est également tributaire des connaissances
des élèves à l’égard de la langue française dite standard (Boivin, 2009; Paret, 2001). Comme nous
l’avons souligné précédemment, l’élève qui est appelé à opérer de manière méthodique des
modifications sur une phrase pour vérifier une hypothèse ayant trait à son fonctionnement doit
sans contredit juger de la grammaticalité de l’énoncé résultant de la manipulation utilisée.
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Autrement dit, il doit déterminer, à l’aide de ses connaissances implicites, si la phrase obtenue à
la suite de la manipulation est bel et bien conforme aux normes qui caractérisent le français
standard. Or, en milieu minoritaire, où l’exposition au français à l’extérieur de l’école peut fluctuer
grandement d’un élève à l’autre et où l’anglais est souvent omniprésent, il est fréquent que les
jugements de grammaticalité des élèves vis-à-vis du niveau de langue standard soient teintés de
leurs connaissances implicites hétérogènes.
À titre d’exemple, dans une tâche de jugements de grammaticalité que nous avons
proposée à huit élèves de la fin de l’ordre élémentaire du sud de l’Ontario, trois élèves sur huit
ont déterminé que la phrase Il a donné moi un bonbon était grammaticale. Pour un autre item
(Lorie achète pain quand elle va dans l’espace), dans lequel nous avons délibérément inséré un
leurre sémantique, ce sont cinq des huit élèves qui ont déclaré qu’elle respectait les règles
gouvernant le fonctionnement du français. Ce qui est intéressant, c’est que l’agrammaticalité de
ces phrases partage un trait : si on les traduisait en anglais, elles seraient toutes deux
grammaticales puisque, dans cette langue, le pronom remplaçant le complément du verbe
apparait en position postverbale (He bought me candy) et que le déterminant partitif peut être
omis (Lorie buys bread when she goes to space). Ces quelques exemples, qui frôlent certes la
sphère anecdotique, nous amènent quand même à penser que certains de ces jugements
témoigneraient d’une influence de l’anglais. En langue seconde, comme le précisent Jarvis et
Pavlenko (2008, p. 97), « [t]here are additional studies that have documented CLI [crosslinguistic
influence] effects in L2 users’ grammaticality judgments […], and the main thrusts of such studies
for present concerns is simply that CLI does6 affect language users’ judgments ». Loin d’être le
seul facteur influençant le jugement, l’influence translinguistique pourrait tout de même jouer un
rôle dans le processus d’attribution du statut grammatical ou agrammatical de l’énoncé. Des
travaux subséquents, menés dans différents milieux minoritaires, devraient toutefois être menés
pour comprendre avec finesse les jugements de grammaticalité qui sont posés par les élèves lors
de leur travail grammatical en classe7.
6
Mis en italique dans le texte original.
7 Le lecteur intéressé par les travaux en milieu majoritaire pourra consulter ceux de Boivin (2009; 2014).
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La présence d’un répertoire linguistique qui est composé de plusieurs langues n’est pas le
seul élément qui pourra influer sur les jugements de grammaticalité. Paret (2001) s’interroge
quant à elle au traitement de l’oral dont les formes peuvent varier en fonction de celles qui
prévalent à l’écrit. Car ne l’oublions pas, « [p]uisque l’élève connaît surtout les formes de l’oral
plus ou moins familier, son évaluation de la grammaticalité va se faire à partir de ces formes et
non pas des formes de la langue écrite, qui est l’objectif de l’apprentissage » (p. 3). Les français
oraux des milieux minoritaires, de leur côté, accusent souvent plusieurs variations, variations qui
pourront alors agir à titre de prismes dans l’actualisation d’un jugement de grammaticalité.
À nos yeux, l’enseignant peut alors emprunter deux avenues complémentaires pour
soutenir ses élèves dans l’utilisation des manipulations en milieu minoritaire et, de ce fait, dans
la mise en œuvre de jugements de grammaticalité adéquats. (1) D’abord, lorsqu’il fera
l’enseignement d’une manipulation syntaxique, il devra s’assurer au préalable que ses élèves
détiennent les connaissances implicites du français standard qui permettent son utilisation. Si les
connaissances de l’élève paraissent fragiles, il devra les développer avant même qu’il tente de
leur enseigner la manipulation. Pour ce faire, l’un de nous a présenté ailleurs une activité
(Thibeault, Fleuret et Lefrançois, 2015) basée sur un livre de jeunesse, La mouche qui pète
(Escoffier et Di Giacomo, 2011), lequel met en scène une histoire qui se réalise sous la forme
d’une série de phrases emphatiques (C’est la mouche qui pète au nez du papillon, C’est le papillon
grognon qui s’envole à tire-d’aile, etc.). Puisque l’apprentissage implicite se produit grâce à la
fréquence d’association de certains éléments (Nadeau et Fisher, 2011), la littérature de jeunesse
offrant des contextes morphosyntaxiques répétitifs peut être un allié fort précieux dans la
construction de ce type de connaissances. Ainsi, en proposant des activités de différents ordres à
partir d’un livre de ce type, les élèves intérioriseront la structure syntaxique emphatique telle
qu’elle se manifeste en français standard, ces connaissances étant essentielles à l’utilisation de la
manipulation d’encadrement par c’est […] qui, utilisée en grammaire nouvelle pour identifier le
sujet de la phrase.
(2) Aussi nous semble-t-il important que l’élève puisse verbaliser les connaissances qu’il a
déjà intériorisées dans les langues ou dans les variations du français qu’il connait. Celles-ci
deviendront alors, dans une optique socioconstructiviste, le tremplin qui permettra la prise de
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conscience des similitudes et des différences entre idiomes et entre les variations de l’oral et de
l’écrit8. Pour développer la compétence plurilingue de l’élève et favoriser chez lui l’édification de
ponts entre les langues qui constituent son répertoire langagier, l’enseignant peut en outre
présenter la manipulation syntaxique dans une perspective plurilingue, comme l’a fait celle de
sixième année qui a pris part à l’étude doctorale de l’un des auteurs de ce texte. Cette
enseignante, après avoir présenté les manipulations qui permettent de délimiter le sujet aux
élèves, a recouru à un dispositif, la machine à sujet (figure 1), comme référentiel servant à guider
l’élève dans son utilisation de la manipulation. Ce dispositif, emprunté à Lefrançois et
Montésinos-Gelet (2013), lui montre exactement les tests qu’il doit opérer s’il souhaite vérifier si
le groupe de mots à la source de son questionnement est un sujet. L’enseignante l’a toutefois
adapté pour qu’il reflète la réalité plurilingue dans laquelle elle œuvre. Les élèves peuvent donc
s’en servir dans leur travail grammatical en anglais et en français, et ainsi faire aisément des liens
entre les langues qu’ils connaissent.
8
Cette façon de faire nous semble d’ailleurs essentielle si l’enseignant souhaite traiter avec ses élèves des erreurs
fossilisées, c’est-à-dire des erreurs systématiques qui sont passées dans l’usage. Dans le sud de l’Ontario, milieu que
nous connaissons bien, les expressions attendre pour quelque chose et regarder pour quelque chose sont
constamment employées. Au Québec, comme à plusieurs endroits dans la francophonie, on utilise l’expression
prendre pour acquis, qui est le fruit d’une telle fossilisation (on préfèrera tenir pour acquis à l’écrit). Un travail
comparatif entre langues et entre variations est probablement le meilleur moyen de déconstruire ces erreurs avec
les élèves.
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Figure 1 :
La machine à sujet plurilingue (adapté de Lefrançois et Montésinos-Gelet, 2013)
Un deuxième jalon : la phrase de base
Afin d’épauler l’élève dans son appropriation de la langue lorsqu’il n’y est que peu exposé, le
recours à un modèle de référence théorique, en l’occurrence celui de la phrase de base, offre un
point d’ancrage précieux, à partir duquel l’élève peut explorer de nombreux phénomènes
morphosyntaxiques et textuels. Boivin (2012), s’inscrivant dans une perspective qui est propre à
la didactique du français langue première en milieu majoritaire, pose dès le début de sa réflexion
un postulat qui répond effectivement à une croyance qui semble être généralisée : la phrase de
base n’est pas une structure à reproduire systématiquement, mais bien un modèle qui permet
l’étude morphosyntaxique de phrases réalisées, notamment en les ramenant à leur homologue
de base. Comme elle le note, les constituants de la phrase de base correspondent en fait aux
connaissances implicites des élèves, qui seront alors mises à profit dans la reconstruction de la
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structure prototypique et dans l’émergence des propriétés syntaxiques des énoncés mis à l’étude.
Encore une fois, il appert donc que l’enseignant en milieu minoritaire doit agir sur deux plans,
celui des connaissances explicites et des connaissances implicites.
Car si la phrase de base n’est pas qu’un simple modèle à imiter, ou si elle n’a pas été
transposée dans cette optique pour les élèves francophones des milieux majoritaires, elle peut
d’abord être travaillée ainsi avec les élèves du préscolaire et de l’élémentaire en contexte
minoritaire, à l’oral et à l’écrit, pour qu’ils puissent intérioriser les connaissances liées aux
constituants des phrases conformes au modèle et produire des énoncés dans lesquels on retrouve
lesdits constituants. Il ne s’agit pas, cela dit, d’apposer les étiquettes métalangagières avant que
les élèves aient construit mentalement les concepts que l’on souhaite définir, bien au contraire!
Il s’agit plutôt de les exposer, à une fréquence régulière, à des contextes linguistiques signifiants
par le truchement desquels ils pourront développer, progressivement, les connaissances
implicites relatives au sujet, au prédicat et au complément de phrase. Lorsqu’il sent que ses élèves
sont prêts, l’enseignant peut mettre en place un dispositif dont le rôle sera de dévoiler les
propriétés syntaxiques des constituants (p. ex., ce groupe est facultatif, ce groupe est non
déplaçable, ce groupe peut être encadré par c’est […] qui, etc.). Une fois les propriétés mises en
lumière, on pourra faire usage du métalangage, nommer les manipulations syntaxiques qui ont
été employées et définir la phrase au regard de ses constituants.
Lorsque les connaissances implicites et explicites relativement aux trois constituants de la
phrase de base sont construites et réinvesties dans d’autres contextes authentiques, le modèle
peut être utilisé pour faire découvrir aux élèves différents faits de langue. L’approche par
fonctions syntaxiques que nous avons choisie pour le définir (sujet + prédicat + [(compléments de
P)]) « présente l’avantage de ne pas associer directement [à chaque fonction] une catégorie
grammaticale précise, rendant ainsi naturellement compte des diverses réalisations syntaxiques
du sujet et du complément de phrase » (Boivin, 2012, p. 196), le prédicat se réalisant presque
toujours sous la forme d’un groupe verbal. Cet avantage, en milieu minoritaire, nous parait
indéniable, car plusieurs élèves ne connaitront pas implicitement les différentes réalisations
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syntaxiques par lesquelles peuvent s’actualiser les fonctions grammaticales9. Il convient donc de
partir des fonctions pour explorer les groupes syntaxiques par l’entremise desquels elles peuvent
se réaliser et, par le fait même, découvrir les caractéristiques de chacune de ces réalisations. Pour
exemplifier notre propos, nous proposons un schéma (figure 2), qui montre les réalisations qui
peuvent être travaillées à partir de chacune des fonctions constitutives de la phrase de base. Nous
le discuterons ensuite.
Figure 2 : Réalisations des constituants de la phrase de base
Ce schéma fait état de l’ensemble des réalisations syntaxiques que peuvent adopter les
constituants et, de ce fait, elles ne doivent bien évidemment pas être enseignées toutes en même
temps. Quand l’élève sait manier les trois constituants de la phrase de base, on peut commencer
l’enseignement des réalisations les plus fréquentes, à partir de contextes authentiques et en
commençant par le sujet. Pendant les premières années scolaires, l’élève se familiarise, entre
autres, avec les groupes nominaux simples, composés de noms, de déterminants et de quelques
compléments du nom, comme les groupes adjectivaux et les groupes prépositionnels. Au fur et à
9
Pour le lectorat néophyte, précisons que la fonction syntaxique est le rôle joué par un syntagme dans une phrase
(p. ex., le sujet). Ce rôle peut être joué par un certain nombre de réalisations (p. ex., le groupe nominal, le groupe du
verbe à l’infinitif, etc.).
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mesure de sa progression, il peut également voir les accords qui se réalisent au sein des groupes
nominaux, en focalisant sur les notions de genre et de nombre10. Il découvrira donc au fil de sa
scolarité les différentes manifestations d’un sujet (et des autres constituants de la phrase de base)
et, quand l’enseignant se concentrera sur chacune d’elle, il en découvrira les particularités
morphosyntaxiques.
Lorsque l’élève développe une compréhension suffisante des réalisations, il s’avère
important de lui faire observer la manière dont ces différentes réalisations contribuent à la
progression et à la cohérence textuelle. Par exemple, on lui fera remarquer l’usage de groupes
nominaux synonymes (p. ex., le bel homme, l’homme d’une grande beauté, cet homme) ou de
divers déterminants (p. ex., plusieurs, une myriade de, une panoplie de, etc.) pour enrichir l’unitésujet et la progression de l’information à l’intérieur du texte. Le travail sur les réalisations des
fonctions grammaticales, par ailleurs, permettra à l’enseignant de différencier son enseignement
selon le développement langagier de ses lèves. En effet, en prenant comme point de départ la
fonction syntaxique de premier niveau, l’enseignant peut facilement adapter son enseignement
des réalisations à l’aune des habiletés de ses élèves; il amènera certains à travailler des
réalisations plus complexes, avec expansions, alors que d’autres pourront prolonger leur travail
sur des réalisations plus simples en situation de lecture, d’écriture ou d’exercisation.
Eu égard au prédicat, qui parait simple dans le schéma, il est à noter que bon nombre de
complexités devront être abordées avec les élèves et que l’enseignant devra parfois adopter un
esprit critique vis-à-vis des manuels scolaires qui, rappelons-le, ont souvent été pensés pour des
élèves en contexte majoritaire. Mentionnons d’abord qu’un grand nombre d’élèves en milieu
minoritaire peine à reconnaitre les propriétés inhérentes à chacun des verbes et, ainsi,
commettent des erreurs liées à leur transitivité (p. ex., *regarder à quelque chose) et aux
pronoms remplaçant les compléments verbaux (*je la parle). Or, la grammaire nouvelle postule
que, pour identifier les compléments directs et indirects des verbes, une manipulation décisive
10
L’enseignant en contexte minoritaire ne devrait pas tenir pour acquis que ses élèves détiennent les connaissances
implicites pour assigner le genre nominal et opérer les accords qui en dépendent. En effet, une difficulté importante
rencontrée par plusieurs de ces élèves sera l’assignation du genre pour les noms ne représentant pas des personnes.
Ainsi, pour enseigner le genre nominal, l’enseignant peut, entre autres, proposer un enseignement des indices
phonologiques à la fin des noms (p. ex., les noms finissant par – ade sont majoritairement féminins). Pour plus de
détails, voir Tipurita (2011).
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peut s’avérer utile : la pronominalisation des compléments verbaux. À notre connaissance, une
telle pronominalisation nécessite de solides connaissances implicites liées aux régimes des
verbes, et il est souvent difficile pour l’élève en milieu minoritaire de l’opérer à bon escient. Nous
rejoignons en ce sens les didacticiens du lexique, dont Anctil (2011), qui croient qu’un travail en
profondeur sur la notion de régime verbal devrait occuper une place de choix dans la classe et
qu’il importe d’aborder les concepts de transitivité, d’intransitivité, de complément direct et de
complément indirect avec les élèves, et ce, en les outillant quant à l’utilisation du dictionnaire
dans leur recherche des caractéristiques afférentes aux verbes et en leur enseignant
explicitement la pronominalisation des compléments du verbe. Plusieurs des notions ayant trait
au sujet pourront d’ailleurs être mises à profit dans ce travail; par exemple, un complément direct
se réalise le plus souvent sous la forme d’un groupe nominal, syntagme qui est également une
réalisation fréquente du sujet. Concernant l’accord verbal, le travail effectué relativement à la
mise en emphase et à la pronominalisation du sujet pourra ici être réinvesti, car l’identification
du sujet en est une étape primordiale (Gauvin, 2011). Les analyses initiales relatives à cet accord
au présent de l’indicatif chez des élèves de la fin de l’élémentaire en Ontario (Thibeault, à
paraitre) nous poussent au demeurant à croire qu’il est indispensable d’allouer un temps
important aux verbes les plus fréquents, qui sont aussi les plus irréguliers en français, car
nombreux sont les apprenants qui ont de la difficulté à choisir, en plus de la flexion adéquate, les
radicaux appropriés lors du processus d’accord.
Si l’exploration des réalisations de différentes fonctions syntaxiques n’est que l’une des
manières de mettre l’outil à profit, la phrase de base peut également être utilisée pour étudier
les différents types et formes de phrases, les mécanismes d’enchâssement, certains accords et
certains phénomènes d’homophonie (voir Boivin, 2012). De plus, en milieu minoritaire, afin que
l’élève puisse développer un réel bilinguisme additif et qu’il soit apte à comprendre ce qui est
propre au français et à l’anglais, un enseignement parallèle de notions morphosyntaxiques dans
les deux langues nous paraitrait particulièrement profitable (pour des travaux en français langue
seconde, voir Quevillon Lacasse, 2011). En effet, la structure canonique qui caractérise la phrase
de base n’est pas unique au français, l’anglais privilégiant aussi le prototype sujet – prédicat –
complément de phrase. Comme nous l’avons montré préalablement avec la notion de sujet, un
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travail conjoint et complémentaire dans les deux langues pourra aider l’élève à distinguer les
similitudes qu’elles partagent, mais aussi ce qui est propre à l’une et à l’autre. Par exemple, quand
l’enseignant de français du secondaire aborde le groupe du verbe à l’infinitif en position sujet à
partir de la phrase de base, rien n’empêche son collègue en anglais d’enseigner les notions
équivalentes dans cette langue11. Quand les phrases réalisées ne sont pas conformes au modèle
en français et en anglais, il est alors intéressant de mettre en exergue de manière parallèle les
mécanismes transformatifs que prône chacune des langues à l’étude, de manière à considérer le
bagage linguistique de l’élève comme un tout pluriel, qui se manifeste de différentes façons selon
la langue dans laquelle il s’exprime. Cette approche pourra certes rencontrer quelques embuches,
dont le métalangage qui peut varier d’une langue à l’autre (De Pietro, 2014), mais elle constitue
selon nous une piste intéressante qu’enseignants et chercheurs devraient emprunter dans les
années à venir.
Un troisième jalon : le travail grammatical au sein de séquences didactiques basées sur les
genres
Jusqu’ici, nous nous sommes concentrés sur l’enseignement spécifique de notions
grammaticales, sans toutefois nous attarder aux liens que devait édifier l’enseignant entre
lesdites notions et les autres composantes de la discipline français. Or, pour enseigner de telles
notions, nous proposons également, à l’instar de Chartrand et Boivin (2004), une articulation de
leur enseignement à l’étude des genres de texte, et ce, dans une approche de type inductif 12.
Comme le rappellent Cavanagh et Blain (2009), la langue française revêt pour bon nombre
d’élèves en milieu minoritaire un caractère artificiel, car pour plusieurs, elle n’est utilisée qu’à
l’école. Il devient donc pertinent, voire essentiel, que l’enseignement grammatical prenne appui
11
Pour le lecteur intéressé : l’anglais tolèrera la forme infinitive en position sujet (To read books is my hobby), qui
appartient à un registre assez soutenu, mais préfèrera souvent le recours au gérondif (Reading books is my hobby).
12 Faut-il, par une approche inductive, faire découvrir les règles aux élèves ou, en adoptant une approche déductive,
donner la règle et les laisser l’appliquer en contextes? Il s’agit là d’un débat récurrent en didactique! Nous dirons
seulement que, en grammaire, des recherches récentes s’étant attardées à la comparaison des approches inductive
et déductive ne montrent pas l’efficience accrue de l’une ou de l’autre, et que l’effet enseignant serait un facteur
déterminant dans la mise en œuvre de ces approches (Vincent et Lefrançois, 2013). Nous choisissons délibérément
de nous concentrer ici sur l’approche inductive, d’abord parce qu’elle est moins utilisée par les enseignants, et
ensuite parce que nous croyons que ses apports sont considérables pour les classes en milieux minoritaires.
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sur des contextes authentiques et que l’élève comprenne que la langue est d’abord et avant tout
un outil communicatif lui permettant d’entrer en interaction avec des textes et des individus.
L’entrée par les genres, c’est-à-dire des « ensemble[s] de productions langagières orales ou
écrites qui, dans une culture donnée, possèdent des caractéristiques communes d’ordres
communicationnel, textuel, sémantique, grammatical, graphique ou visuel et/ou d’oralité,
souples mais relativement stable dans le temps » (Chartrand, Émery-Bruneau et Sénéchal, 2015,
p. 3), constitue une avenue prometteuse en milieu minoritaire, car elle offre à l’apprenant des
contextes morphosyntaxiques riches, mais elle le fait en fonction de productions langagières qui
sont délimitées par des normes sociales, celles qui gouvernent le genre à l’étude, et qui ne sont
pas forcément accessibles aux élèves dans leur quotidien. Le travail sur les régularités des genres
(le conte, la nouvelle, l’annonce publicitaire, etc.) peut donc les aider à s’approprier des modèles
de discours qu’ils auront à lire, à écrire ou à produire oralement (Chartrand et Boivin, 2004).
Le modèle de séquence didactique que nous proposons est en grande partie inspiré des
travaux de Chartrand et Boivin (2004), qui visent l’articulation des activités grammaticales aux
pratiques discursives. Nous en proposons toutefois quelques modifications, ces dernières nous
paraissant mieux répondre aux enjeux des milieux minoritaires. Pour le concevoir, nous nous
sommes souciés, d’une part, du fait que les élèves sont souvent peu exposés à la langue, aussi
bien orale qu’écrite, et qu’ils ont eux-mêmes peu d’occasions de s’exprimer en français en dehors
du contexte scolaire. D’autre part, nous avons mis l’accent sur l’importance d’étayer les activités
proposées afin d’amener progressivement les élèves à s’approprier le genre et ses régularités.
Ces deux éléments nous ont conduits à multiplier, au sein de la séquence, les occasions de
communication orale et écrite, et à limiter l’observation et la réflexion à un élément grammatical
à la fois. Conséquemment, l’étude d’un genre devrait selon nous comporter plusieurs séquences
consécutives, permettant ainsi à l’élève de faire de nouveaux apprentissages grammaticaux, mais
aussi d’être exposé, à de multiples reprises, à divers textes d’un même genre pour en constater
les régularités. De plus, tout au long de la séquence, nous privilégions la mise en œuvre de
dispositifs pédagogiques qui conduiront les élèves à communiquer oralement la compréhension
qu’ils ont du texte et des mécanismes textuels, phrastiques et lexicaux employés par l’auteur, les
stratégies métacognitives et métalinguistiques mises à profit à divers moments de la séquence
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ainsi que leurs questionnements. Finalement, nous avons intégré certains éléments proposés par
Nadeau et Fisher (2006) sur l’exercisation. Nous divisons donc le modèle de séquence en quatre
grands moments, l’appréhension du texte et de son genre, l’observation/réflexion, l’exercisation
et la production13. Étant donné la visée de notre article, nous focaliserons ici sur l’adaptation que
peut subir la séquence en milieu minoritaire14.
Premier grand moment : l’appréhension du texte et de son genre
Lors des prémisses de la séquence, l’enseignant est appelé à présenter le texte et son genre
à ses élèves, de manière à préparer l’enseignement grammatical qui suivra. Il recueille donc leurs
hypothèses quant au genre à l’étude et au texte en particulier, il développe parallèlement chez
eux les stratégies de lecture qui sont nécessaires à la bonne compréhension du texte et il s’assure
que les connaissances implicites qui sont mises en œuvre lors de l’étude des faits de langue (et
de l’utilisation des manipulations syntaxiques qui leur sont sous-jacentes) sont bel et bien
suffisantes. Il peut au demeurant inciter son groupe à faire des liens avec les notions qui ont été
abordées précédemment et mettre en avant la pertinence de celles qu’il traitera dans le cadre de
la présente séquence.
Dans une perspective plurilingue, pour soutenir l’appréhension du texte, plusieurs
approches peuvent être adoptées, celles-ci reflétant davantage la réalité sociolinguistique
plurielle des élèves en milieu minoritaire. L’enseignant peut d’abord, comme le suggèrent Lyster,
Collins et Ballinger (2009), proposer une lecture bilingue du texte soumis aux élèves. Ainsi en
lisent-ils une partie en français et, dans le cours d’anglais, poursuivent-ils le texte dans cette
deuxième langue. Selon les chercheurs, une telle façon de faire « help[s] bridge the gap between
L1 and L2 for particular children, [and] sometimes serve[s] to reinforce a concept for all children »
(p. 375). En d’autres termes, non seulement les élèves peuvent-ils établir des connexions entre
les langues qu’ils connaissent, mais ils peuvent également construire une compréhension plus
13
Il est à noter que le modèle peut être adapté pour enseigner l’oral. Dans le cadre de cet article, nous nous
concentrerons davantage sur l’écrit.
14 Le modèle dans sa totalité se trouve à l’annexe A. Il a par ailleurs été conçu avec la collaboration de madame
Guylaine Lachance, agente d’éducation au ministère de l’Éducation de l’Ontario. Qu’elle trouve ici la plus sincère
reconnaissance des auteurs.
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fine des concepts qui apparaissent dans le texte et enrichir leur vocabulaire sur le sujet traité, ce
qui est un préalable au travail grammatical. L’enseignant a également l’option de mettre en
évidence les caractéristiques du genre étudié telles qu’elles apparaissent en français et en anglais
pour voir si, selon la langue, il existe des convergences et des différences au sein d’un même
genre.
Plutôt que d’alterner d’une langue à l’autre, l’enseignant peut aussi opter, comme le font
Moore et Sabatier (2014), pour des textes bi/plurilingues, c’est-à-dire des écrits dans lesquels on
retrouve plus d’une langue. À cet effet, les auteures notent que la mise en œuvre de séquences
centrées sur un type de textes marqués par la pluralité linguistique et culturelle favorise
l’émergence d’un espace collaboratif et promeut le partage de savoirs et de pratiques liées aux
littératies scolaire, familiale et communautaire qui sont ancrées dans le vécu des élèves. Elles
permettraient donc le développement de compétences lectorales et scripturales solides en
positionnant en son centre des articulations réfléchies entre les expertises scolaires et familiales
et en valorisant les savoirs d’expérience qu’ont les élèves.
Deuxième grand moment : l’observation/réflexion
Lorsque les élèves ont développé une compréhension suffisante du texte étudié, à savoir sa
structure, son vocabulaire et ses concepts, il est temps de mettre en place un dispositif qui permet
l’exploration de faits de langue qui se reflètent habituellement dans le genre préconisé par
l’enseignant. Il est à noter qu’il doit aborder un élément grammatical à la fois et qu’il choisira le
nombre de notions à enseigner pour un même genre de textes selon le niveau de ses élèves et le
temps alloué pour l’étude du genre en question. Un tel dispositif devrait, par ailleurs, tenir
compte des représentations des apprenants à l’égard de la langue en leur permettant de les
verbaliser et de les confronter, d’une part, aux constatations qu’ils feront à partir des
observations du texte choisi par l’enseignant et, de l’autre, au point de vue de leurs pairs sur ces
mêmes éléments. À cette étape du travail grammatical, les représentations de l’élève, justes ou
erronées, seront constituées de connaissances implicites teintées des variations du français qu’ils
connaissent, de l’anglais ou des autres langues de leur répertoire. Il est donc important de
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prendre ces connaissances en compte de manière systématique, car leur mise au jour contribuera
à mieux cerner les besoins de chacun et à orienter la démarche de l’enseignant.
L’enseignant sélectionne donc des extraits du texte qu’il soumet à l’analyse des élèves,
alors appelés à manipuler et à observer les effets desdites manipulations sur la grammaticalité et
le sens des énoncés, et l’impact des transformations sur le discours tenu par l’auteur. Pour ce
faire, il peut les guider en les questionnant de façon à mettre en lumière des caractéristiques
propres à l’élément grammatical à l’étude. L’élève, avec ses camarades, répertorie les
comportements morphosyntaxiques observés dans un tableau, lequel facilitera l’émergence de
régularités et l’énonciation d’hypothèses liées à celles-ci (voir Chartrand, 1996 pour plus de
détails)15. Cette observation de régularités peut aussi engendrer un travail grammatical dans les
autres langues, dont l’anglais, pour constater les propriétés de chacune des langues. Comme le
souligne Auger (à paraitre), une observation en synchronie de faits de langue dans une
perspective plurilingue rend explicites les liens qui existent entre chacune d’elles, facilite
l’apprentissage de l’une et de l’autre et développe chez les élèves une capacité de distanciation,
de relativisation et de conceptualisation. Pour conclure, l’enseignant formule explicitement la
règle avec son groupe (en anglais et en français, selon le cas), règle qu’il rappellera régulièrement
et qu’il peut même afficher jusqu’à son automatisation par les élèves.
Troisième grand moment : l’exercisation
Afin d’ancrer des automatismes qui conduiront l’élève à utiliser, à un cout cognitif peu élevé,
ces nouvelles règles en situation de production, il importe de mettre en place un ensemble
d’exercices et d’activités qui l’amèneront progressivement vers une mise en œuvre autonome de
la règle enseignée en situation de production authentique (Nadeau et Fisher, 2006). À cette
étape, l’enseignant doit gérer, dans une perspective d’étayage, la charge cognitive associée à la
réalisation de chacune des activités proposées et encourager l’élève à expliciter les processus
cognitifs dans lesquels il s’engage en laissant des traces. Ces dispositifs doivent également être
courts et espacés dans le temps (p. ex., un par jour) pour que l’élève s’entraine fréquemment à
15
Voir le Portail pour l’enseignement du français pour des exemples d’activités permettant l’observation et la
classification de caractéristiques linguistiques selon des notions et des textes étudiés :
http://www.enseignementdufrancais.fse.ulaval.ca/
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utiliser la règle; ils devraient aussi être immédiatement suivis d’une courte tâche d’écriture avec
des contraintes liées à la notion grammaticale à l’étude. Lorsqu’une nouvelle notion linguistique
est présentée, ces tâches d’écriture pourront aussi accumuler les contraintes en exigeant
l’utilisation des nouveaux éléments à l’étude et de ceux qui les ont précédés. Elles devraient in
fine rendre compte d’éléments de la macrostructure du genre de texte à l’étude (voir Nadeau et
Fisher, 2006, chap. 9 pour de plus amples informations sur l’exercisation).
Par ailleurs, l’enseignant peut mettre en place différentes activités qui favorisent
l’interaction et la confrontation des représentations des élèves quant aux notions linguistiques
abordées. Lors de ces activités, il les invite à faire appel aux outils offerts par la grammaire
nouvelle, les manipulations et la phrase de base, pour mettre en lumière les caractéristiques
morphosyntaxiques des éléments grammaticaux qu’il a choisis. Entre autres activités, notons la
dictée zéro faute (Fisher et Nadeau, 2014), l’activité de négociation graphique (Brissaud et Cogis,
2012), le dictogloss (Prince, 2013) et la phrase dictée du jour (Fisher et Nadeau, 2014).
Quatrième grand moment : la production
Au moment où les élèves auront observé suffisamment de textes du même genre et qu’ils se
seront exercés avec les différentes notions grammaticales à l’étude, ils devraient être prêts à en
produire un qui présentera ces notions et les caractéristiques du genre étudiées. L’étape de la
production est constituée de cinq composantes (ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2006b). (1)
D’abord, dans la préécriture, il s’agit d’arrêter les consignes et de les rédiger collectivement, de
faire un remue-méninge pour outiller les élèves dans la rédaction, de les inviter à faire un plan et
de concevoir, de concert avec eux, des grilles de révision et d’évaluation. (2) Suivra la rédaction
de l’ébauche du texte et (3) sa révision, dans le cadre de laquelle le scripteur relit sa production
initiale. À cette étape, Chartrand (2013b) suggère de permettre à l’élève de se distancier de son
texte en laissant s’écouler quelques jours entre la rédaction du brouillon et la révision. À ce
moment, le scripteur effectue d’abord un travail sur les idées, la macrostructure de son texte et
le vocabulaire, pour voir si les premières sont claires, si la seconde respecte les régularités du
genre qu’il devait adopter et si le dernier reflète ses intentions de communication. Une
consultation entre pairs pourra aussi soutenir l’élève dans cette étape. (5) S’ensuivra une révision
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de la syntaxe pendant laquelle l’élève s’assurera de la grammaticalité de ses phrases et de leur
participation à la progression du texte. Il opèrera ensuite une révision plus fine et se penchera sur
les composantes morphologiques et lexicales de l’écriture. (6) Il peaufinera enfin l’aspect visuel
du texte dans le cadre de sa publication, pour en favoriser la lisibilité.
Conclusion
Dans le cadre de ce texte, nous nous sommes attachés à poser les jalons d’une didactique de
la grammaire qui reflète la réalité sociolinguistique des élèves qui sont scolarisés en milieu
francophone minoritaire canadien. Nous avons proposé, pour ce faire, une réflexion théorique
portant sur les outils d’analyse qui sont à la disposition de l’apprenant en grammaire nouvelle :
les manipulations syntaxiques et la phrase de base. Nous avons notamment souligné que le
recours à ces instruments analytiques dépend d’un amas de connaissances diversifiées, qu’elles
soient explicites – l’élève doit connaitre leurs utilités et les utiliser aux moments opportuns en
vue de comprendre le fonctionnement de l’unité linguistique qu’il étudie – ou implicites – il doit,
entre autres, juger de la grammaticalité du résultat à la suite d’une manipulation syntaxique ou
d’une transformation de phrase. Il devient donc important que l’enseignant qui œuvre dans un
milieu minoritaire apprenne à évaluer les connaissances implicites de ses élèves à l’égard du
registre standard, car c’est grâce à elles qu’ils peuvent poser des jugements de grammaticalité
adéquats en regard de la norme scolaire. Si certains apprenants ont développé des connaissances
du français qui sont davantage en harmonie avec le registre soutenu qui est valorisé par l’école,
d’autres, pour une multitude de raisons (une connaissance de la norme scolaire en construction,
des interférences provenant des registres oraux connus de l’élève en français, un manque
d’exposition au français à l’extérieur de l’école, etc.), peineront parfois à mettre en branle des
connaissances implicites qui permettront la réflexion grammaticale telle qu’elle est
conceptualisée en grammaire nouvelle.
Dans cette perspective, les pistes didactiques que nous avons mises en lumière et qui
répondent en partie à la problématique qui nous intéresse gravitent autour de deux principaux
axes. (1) Nous avons d’abord soutenu qu’une didactique de la grammaire du français en milieu
minoritaire ne peut faire fi du bagage linguistique composite que détiennent les élèves et que,
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par conséquent, une telle didactique se doit également d’être une didactique du plurilinguisme
qui, d’une part, fait valoir les connaissances de l’anglais, des autres langues et des registres de ces
langues que connaissent les élèves et qui, de l’autre, leur permet de voir ce qui est propre à
chacun des idiomes qui composent leur répertoire langagier. En légitimant les capitaux
linguistiques hétérogènes des élèves et en leur donnant le droit de verbaliser leurs
représentations linguistiques plurielles, l’enseignant peut alors évaluer leurs connaissances
implicites, utiliser les outils de la grammaire nouvelle pour leur faire comprendre la source de
l’erreur s’il y a écart à la norme de l’école et, ainsi, les aider à construire des connaissances
implicites en français standard. Cette façon de faire devrait également susciter le développement
d’un bilinguisme additif (Lambert, 1975), se manifestant lorsque les connaissances d’une langue
(ou d’une variation) X soutiennent le développement d’une langue Y, et vice-versa.
(2) Nous avons également suggéré d’inscrire l’enseignement grammatical dans des
séquences didactiques centrées sur les genres textuels, ces derniers permettant aux élèves de se
familiariser avec les caractéristiques de textes auxquels ils n’auraient peut-être pas accès à
l’extérieur de l’école et, grâce à un travail sur le texte effectué en amont de la découverte de faits
de langue nouveaux, de développer les connaissances implicites de l’élève. Ce dispositif, qui
décloisonne les différentes composantes de la discipline français, devrait aussi faire ressortir
l’utilité de l’apprentissage de la grammaire chez les apprenants, qui verront alors qu’ils peuvent
réinvestir les contenus grammaticaux en productions orales et écrites.
Pour terminer, rappelons le postulat de Demougin (2008), qui argüe qu’il n’y a pas de
didactique universelle des langues, mais plutôt des didactiques contextualisées et historicisées. À
la lueur des différents enjeux que nous avons ici relatés, il nous parait effectivement essentiel que
la didactique de la grammaire, qui s’intéresse à l’enseignement et à l’apprentissage des
régularités et des normes de la langue scolaire, tienne compte du milieu socioculturel dans lequel
cet apprentissage s’inscrit, car il a irréfutablement des répercussions sur les mécanismes cognitifs
que les élèves mettent en application lors de la construction de connaissances nouvelles
(Vygotsky, 1934/1997). Il importe également que les enseignants soient formés à l’enseignement
de la langue, mais il est d’après nous primordial qu’une telle formation les sensibilise aussi aux
enjeux sociolinguistiques qui sous-tendent leur pratique. En raison de son caractère théorique, la
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réflexion que nous avons mise en mots dans notre article impose certes des limites
incontestables. Il est donc nécessaire que des études empiriques confirment la pertinence
didactique de nos propositions et s’intéressent aux formations, initiale et continue, des
enseignants de français en milieu de minorité linguistique. Ainsi, nos réflexions théoriques,
combinées à des résultats de recherche, pourraient contribuer, dans les prochaines années, à
l’émergence d’une nouvelle discipline : la didactique du français en milieu minoritaire.
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Revue EFMM
Annexe A : présentation du modèle de séquence didactique basée sur les genres
(adapté de Chartrand et Boivin, 2004)
Les grands
moments
Leurs objectifs
Description de l’activité
Objets d’enseignement
Planification de
la lecture
Discussion sur la pertinence de
l’étude de ce genre de texte
Discussion sur les
caractéristiques du genre et
anticipation de celles-ci
Stratégie : se donner une
intention de lecture
Genre textuel : contenus et
aspects formels du genre
Stratégies de lecture (p. ex.
prédire)
Reconstruction
du sens et de
l’organisation
du texte lu
Identifier le thème du texte en
dégageant le champ lexical
principal et les champs
secondaires, s’il y a lieu.
Identifier les mots non connus
et en dégager le sens.
Observer les marques
graphiques et évaluer leur
apport à la compréhension du
texte.
Identifier les principales chaines
de reprises et les mécanismes
utilisés : expliquer leur apport à
la cohérence et à la progression
Thème d’un texte, champ
lexical
Stratégie de compréhension
de mots non connus
Organisation textuelle :
marques graphiques
Mécanismes de reprise :
groupes nominaux, pronoms
Réaction au
texte et
objectivation
des stratégies
de lecture
Retour sur la discussion
d’anticipation : vérification des
hypothèses
Retour sur la stratégie de
compréhension des mots non
connus/les marques
graphiques/les mécanismes de
reprise
Discussion sur son appréciation
du texte et formulation
d’hypothèses quant à ses
caractéristiques linguistiques
dominantes et à leur apport au
texte (types et formes de
phrases, vocabulaire connoté ou
non, phrases enchâssées, temps
de verbes, etc.)
Compréhension en lecture
Compréhension en lecture
Appréciation d’un texte
Stratégies métalinguistiques
(manipulations, phrase de
base, etc.)
Appréhender le texte
et le genre
Vol 11, no 1, 2016
31
Revue EFMM
Les grands
moments
Observation
/réflexion
(activités
métalinguisti
ques)
Exercisation
Leurs objectifs
Description de l’activité
Objets d’enseignement
Étude d’une
caractéristique
générique
(syntaxique,
textuelle,
lexicale)
Activité métalinguistique
collaborative sur une
caractéristique générique
amenant l’élève à observer des
faits de langue, leurs
comportements et leurs effets
dans le texte (approche
inductive guidée).
Énonciation de règles et de
régularités quant au fait de
langue.
Notions linguistiques
(syntaxe, texte ou lexique) en
lien avec le genre de texte à
l’étude
Exercisation
Exercice court portant sur la
notion à l’étude.
Notions linguistiques
(syntaxe, texte ou lexique) en
lien avec le genre de texte à
l’étude
Tâches
simplifiées de
production
écrite
Tâche d’écriture courte avec
contrainte portant sur la notion
à l’étude.
Rédaction et révision portant
sur la notion à l’étude
Production
écrite
Élaboration d’une grille de
révision/évaluation
Planification de la tâche
d’écriture et des éléments qui la
composent
Mise en texte d’une ébauche
Révision à l’aide de la grille
Révision par les pairs
Correction du texte par l’élève
et publication
Rédaction et révision
Procédure de planification
Procédure de mise en texte
Stratégies de révision et de
correction
Réinvestissement
Évaluer l’utilité des
apprentissages pour d’autres
situations de communication.
Contraintes en lien avec les
apprentissages dans d’autres
situations d’écriture.
Stratégies de transfert
Production
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Revue EFMM