Qui est ce Ionesco? - Théâtre Denise
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Qui est ce Ionesco? - Théâtre Denise
L’ÉQUIPE ET LA COMPAGNIE QUI EST CE IONESCO ? De Richard Letendre Mise en scène : Thérèse Perreault Une production du Théâtre Effet V en codiffusion avec le Théâtre Denise-Pelletier Salle Fred-Barry Du 1er au 18 octobre 2014 Interprètes Lori Hazine Poisson Richard Letendre Aliona Munteanu Concepteurs et collaborateurs artistiques Décors et costumes.............Lori Hazine Poisson Musique / environnement sonore ........................................... Jean-Michel Rousseau Régie..............................................Federico Blanch LA COMPAGNIE Théâtre Effet V Pour Effet V, le théâtre est un espace privilégié où se réfléchit la condition humaine. Son désir est de s’inscrire dans le paysage théâtral en trouvant une place qui lui soit propre. La compagnie développe dans son travail, des rapports basés sur la connivence, l’échange de savoirs et de connaissances et elle vit la diversité de façon intégrée. Chaque production est une expérience qui offre de découvrir des ressources pour enrichir et approfondir ses façons d’être. C’est au fil des rencontres, ou sur des coups de cœur que se dessine le trajet singulier d’une programmation libre, sans rien céder à la rigueur de la démarche artistique ni à celle du travail. La compagnie compte plus d’une vingtaine de spectacles à son actif. Toujours passionnée dans sa recherche de moyens d’expression et de réalisation autonomes et appropriés, Effet V, implantée dans Villeray en 2009, a aménagé un laboratoire de 25 places, à la boutique Rubans Boutons…. Qui est ce Ionesco ? est la quatrième production élaborée dans ce contexte. En 2013 Effet V a construit le Lab Mobile, qui permet une sortie des spectacles aux dimensions de la création et de partir à la rencontre de l’autre. http://effetvinc.blogspot.ca/ qui est ce ionesco ? / page 51 } Eugène Ionesco. 1993. LA PIÈCE Théâtre dans le théâtre où l’on retrouve avec bonheur ce qui caractérise si bien l’œuvre d’Ionesco : dérision du quotidien, dérèglement du langage, prolifération de mots, d’objets, mécanique des gestes, obsession de la mort et nostalgie des paradis perdus. L’enquête devient une véritable quête de sens, et l’inspecteur subira lui-même le sort dévolu à chacun des personnages, celui d’être confronté au tragique de la condition humaine. © Gorupdebesanez Qui est ce Ionesco ? est une pièce-hommage au grand dramaturge Eugène Ionesco, écrivain français d’origine roumaine. L’inspecteur Mallot, avec un T à la fin, (nom inspiré de la pièce Victimes du devoir) ouvre une enquête sur le père du théâtre de l’absurde. Il traverse les pièces les plus connues, les plus marquantes d’Ionesco, interroge les personnages qu’il croise pour connaître l’homme à travers son œuvre. Qui est ce Ionesco ? ne donne pas de réponse, n’impose aucune conclusion. Tout reste ouvert, ou se referme en boucle. Même si on rit, le comique n’en est pas moins effrayant. La pièce nous permet de découvrir ou de redécouvrir une œuvre majeure, résolument contemporaine. ENTRETIEN AVEC RICHARD LETENDRE, AUTEUR © Effet V Richard Letendre fait ses débuts au Théâtre du Chiendent, s’inscrit à l’UQÀM en 1982 et, après avoir complété son baccalauréat en jeu, co-anime l’émission Café-show à CFER-TV de Rimouski dont il rédige et interprète les capsules d’humour. De retour à Montréal, il plonge dans l’univers des soirées « meurtres et mystères » et écrit les scénarios de Une ombre au tableau, Victime de la mode et La Croisière divague. Il se consacre aussi à l’animation corporative, rédige des scènes humoristiques pour différents clients. Cordes raides sera son premier spectacle solo, suivi de Le Fou du bouton, deux spectacles produits par le Théâtre Effet V. En 2011, c’est la création de Qui est ce Ionesco ? qui participe au F.A.I.T. de ~ Richard Letendre L’Assomption (2013). Traduite en roumain, la pièce est jouée au Théâtre Davila de Pitesti en Roumanie par une distribution roumaine et paraît aux Éditions NEMESIS (2014) dans sa version bilingue français/roumain pour souligner le vingtième anniversaire de la mort d’Eugène Ionesco. page 52 / qui est ce ionesco ? | Publication. Éditions Nemesis, Montréal, 2014. J’ai alors commencé à écrire des monologues et des dialogues post-ionesciens qui évoquaient ses grands thèmes : le temps, l’attente, la mort, la déconstruction du langage… Les sketches se multipliaient, proliféraient même, mais il manquait la ligne dramatique. Puis, j’ai pensé : « J’ai écrit beaucoup de meurtres et mystères. Ma force, c’est l’enquête ». D’ailleurs, Ionesco disait que « Toute bonne pièce de théâtre est une enquête policière ». Il y a un enquêteur dans Victimes du devoir qui cherche un dénommé Mallot avec-un-t-à-la-fin. Voilà, ce sera le policier qui cherche non pas un coupable, mais un auteur. D’où vous est venue l’idée d’écrire une pièce sur Ionesco ? J’ai d’abord connu Ionesco à travers des artistes qu’il a influencés, et qui m’ont influencé à mon tour : Devos, Sol, même Claude Meunier de La Petite Vie, ces auteurs qui aiment les mots. Je suis remonté à la source de leur inspiration. J’ai lu tout son théâtre, puis les essais, pour finalement m’attaquer à la biographie. C’est là que l’idée de la pièce a germé : faire connaître l’homme à travers son œuvre, jouer la vie d’Ionesco dans l’œuvre d’Ionesco. Un personnage de la pièce dit : « L’œuvre de Ionesco n’est pas sa vie, mais c’est sa vie qui lui a fait écrire son œuvre ». On se questionne encore sur Shakespeare ou Molière, pourquoi pas sur Ionesco ? Cette passion-là, je ne suis certainement pas le seul à la vivre. En tout cas, je veux la partager. Vous faites allusion à près d’une quinzaine de pièces d’Ionesco. Est-il nécessaire de connaître son œuvre pour apprécier la pièce ? Surtout pas. Les questions posées dans ma pièce sont des questions existentielles, celles que tout le monde se pose, sur l’influence de la famille, Quel a été le fil conducteur pour pénétrer dans son univers foisonnant ? © Carlos Jamous Une des choses qui m’a frappé, c’est que plusieurs de ses pièces se terminent de façon abrupte. « Le roi est mort » dans Le Roi se meurt. « Je ne capitule pas » dans Rhinocéros. Mais après ? Comment vivent les deux reines veuves ? Qu’arrive-t-il à Bérenger ? qui est ce ionesco ? / page 53 l’identité, l’angoisse de vivre, la mort… Peu importe qu’il s’agisse d’un dramaturge ou d’un peintre. Le spectateur qui connaît Ionesco appréciera tous les petits et grands clins d’œil aux œuvres ; celui qui ne le connaît pas pourra le découvrir. Si, après avoir vu la pièce, le spectateur a envie de lire ou de relire Ionesco, c’est mission accomplie. Des gens m’ont dit : « Ionesco m’a toujours fait peur. Vous m’avez donné le goût de le lire ». Rien ne peut me faire plus plaisir. Vous avez repris des traits du style d’Ionesco, sans toutefois l’imiter servilement. Qu’est-ce qui appartient en propre à Richard Letendre ? Je me suis imprégné de son esthétique théâtrale et, par la force des choses, j’ai repris plusieurs procédés ionesciens. Disons que ma vision du langage, et du monde probablement, est plus ludique que tragique. Chez Ionesco, les mots prolifèrent comme les objets, ou ils sont répétés jusqu’à ce qu’ils perdent leur sens, jusqu’à l’incommunicabilité, jusqu’à l’absurde. Moi, j’aime jouer avec les mots comme d’autres jouent avec de la pâte à modeler ; j’aime surprendre, cultiver l’équivoque, faire surgir un sens inattendu ou insolite par les homophonies ou les parentés de sons. Je me décrirais modestement comme une sorte de « patenteux » du langage. L’aventure de Qui est ce Ionesco ? s’est poursuivie jusqu’en Roumanie… J’ai eu une triple chance. D’abord, d’avoir été traduit. Cela a permis de tisser des liens avec la communauté roumaine de Montréal. Ensuite, de m’être rendu en Roumanie et d’avoir assisté à la représentation de ma pièce adaptée par le metteur en scène Bogdan Cioaba. J’avoue que j’ai rarement été aussi ému au théâtre. Ici, au Québec, la pièce a été jouée une soixantaine de fois sans recevoir beaucoup d’échos. Je passe huit jours en Roumanie, on m’invite à la télévision, à la radio, on parle de la pièce dans le journal, elle gagne un prix. Je suis probablement plus connu à titre d’auteur en Roumanie qu’au Québec. J’en suis assez fier. © Photo Effet V ENTRETIEN AVEC THÉRÈSE PERREAULT, METTEURE EN SCÈNE page 54 / qui est ce ionesco ? Thérèse Perreault a joué sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde, de La Licorne et à la télévision, entre autres dans La Galère, Les Boys, Les Invincibles, Un homme mort, Les Poupées russes, Bouscotte, La Boîte à Lunch et, en 2013, dans La Vie parfaite à Radio-Canada. Elle a prêté sa voix à l’émission PassePartout. Elle participe régulièrement aux Grands Reportages sur les ondes de RDI. Qui est ce Ionesco ? est sa troisième mise en scène professionnelle. | Thérèse Perreault © Dragos Samoila Vous êtes comédienne. Qu’est-ce qui, dans la pièce de Richard Letendre, vous a incitée à faire le saut vers la mise en scène ? C’est le sujet, le désir de me pencher sur Ionesco, l’homme et l’œuvre, et de transmettre la passion d’un auteur québécois pour ce grand dramaturge, et ce dans le contexte du théâtre laboratoire Effet V, qui met l’accent sur le travail d’équipe et l’expérimentation. fallait aussi éviter le didactisme. Dans la pièce, par exemple, on donne de l’information biographique ce qui, en soi, est peu théâtral. J’ai repris un procédé du théâtre d’Ionesco qui me fascinait : le décalage ou la contradiction entre la situation et le dialogue, comme dans l’interrogatoire de la Bonne inspiré de La Leçon. Il s’agit de maintenir la théâtralité dans l’information même. Comment s’est déroulé le travail de création et de mise en scène ? « Nous sommes dans un tout petit théâtre », dit un personnage au début de la pièce. L’espace scénique est effectivement exigu. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ? L’auteur nous a d’abord soumis sa pièce, qu’il a retravaillée en tenant compte de nos commentaires. Au moment où nous avons commencé à répéter, la pièce était déjà très, très solide. Tout le monde a participé de manière très créative au processus. Rien n’était décidé une fois pour toutes et à l’avance. Et comme l’auteur joue dans sa propre pièce, nous pouvions apporter des modifications avec son consentement. À titre de metteure en scène, il fallait que j’impose un rythme pour l’ensemble et pour chaque tableau, et que je le fasse passer dans le jeu des acteurs. Le temps est important en théâtre de l’absurde, et je voulais le faire sentir, qu’il s’étire en longueur ou s’accélère de manière folle. Il Le lieu s’est imposé de lui-même. Le spectacle a été créé dans un tout petit théâtre de 25 places, qui loge dans une boutique de rubans et de boutons. D’entrée de jeu, nous avons donc opté pour un théâtre minimaliste, qui sollicite l’imagination de tous, artistes et spectateurs. Quand la pièce commence, la représentation est terminée, le public, parti. Les comédiens continuent à vivre et se posent des questions sur leur identité et sur celle de « l’auteur qui les a fait naître ». C’est, littéralement, le théâtre dans le théâtre. On sait que le Guignol a marqué Ionesco. Il est évident que la scénographie rappelle le castelet. Nous avons même pensé utiliser des marionnettes, mais nous qui est ce ionesco ? / page 55 avons plutôt choisi le théâtre d’objets. Pour nous, c’est l’écrin dans lequel l’œuvre est née et nous l’avons conservé pour la salle Fred-Barry. Le jeune compositeur Jean-Michel Rousseau a aussi participé de manière très étroite à l’élaboration du spectacle. Cela a dû poser des défis considérables ? C’est ce que nous souhaitions dès le départ. La composition de la bande sonore et de la musique est le travail de maîtrise de Jean-Michel qui a étudié avec la grande compositrice contemporaine Ana Sokolovic. Nous avons découvert un musicien extraordinaire. Je lui parlais en termes d’émotion et de théâtre, je lui proposais un univers, et il me répondait la semaine suivante en musique. Je me demandais par exemple comment représenter la montée de l’angoisse, tellement présente chez Ionesco, par le passage d’un rhinocéros. Je ne voulais surtout pas un barrissement, trop littéral. Jean-Michel a proposé un air de violon vraiment oppressant, et on entend passer les rhinocéros ! © Carlos Jamous Je me suis servie de la contrainte pour créer. Plus le filet est tissé serré, plus je trouve ma liberté entre les mailles. J’ai placé les comédiens dans un cadre très strict, à l’intérieur duquel ils ont pu s’éclater. Je ne les ai jamais sentis étouffés. Chacun a pris son espace dans la boîte. Nous avons défini le lieu où se déroulait chaque scène, puis nous nous sommes servis de notre imagination pour l’amener à l’échelle du théâtre avec l’aide de la scénographe, qui a fait preuve d’une grande ingéniosité. page 56 / qui est ce ionesco ? certains de ses déplacements. Étant donné que plusieurs personnages sont joués par la même comédienne et portent parfois le même nom, comme la Madeleine d’Amédée ou Comment s’en débarrasser et de Victimes du devoir, nous avons tâché de bien les caractériser. Quant au personnage de l’inspecteur, bien qu’il mène une enquête totalement loufoque, il a un jeu moins irréaliste puisqu’il correspond à un archétype. © Carlos Jamous En proposant un théâtre minimaliste, avezvous l’impression d’être à contre-courant ? Pour lui, tous les sons font partie de la partition et contribuent à la cohérence du sens. Sa collaboration nous a permis d’aller plus loin, de construire des tableaux qui sont pratiquement des pièces en soi et de les lier. Je ne dirais pas que nous sommes à contre-courant, mais plutôt dans un courant parallèle. Je crois beaucoup au pouvoir évocateur du théâtre qui propose au spectateur une expérience imaginaire à partir du « comme si… » : faites « comme si » un cube était un trône, « comme si » un rideau torsadé était un arbre, et cet arbre, la forêt… Pour moi, c’est l’essence du théâtre. Même les jeunes qui sont habitués à la technologie, plus spectaculaire mais pas nécessairement théâtrale, peuvent développer leur imagination au théâtre, la découvrir peut-être. Propos recueillis et mis en forme par Denise Ringuette Les personnages du théâtre de l’absurde sont des fantoches. Quel type de jeu avez-vous privilégié pour incarner, selon l’expression d’Alfred Jarry, ces « abstractions qui marchent » ? Ce type de théâtre exige un style de jeu non réaliste que nous avons exploré ensemble. Les trois comédiens, une Française, une Roumaine et un Québécois, viennent d’univers théâtraux très différents. Je me suis servie des forces de chacun. Le jeu corporel de Lori Hazine Poisson, qui a fait du mime, tend vers le tableau vivant. Celui d’Aliona Munteanu est plus primesautier, plus souple. Danseuse de formation, elle a chorégraphié qui est ce ionesco ? / page 57