Cerlityp dcembre 04
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Cerlityp dcembre 04
Correlation et subordination en indo-aryen, l’exemple du hindi Annie Montaut Renou (1930), et surtout Minard (1936), ont nettement suggéré qu’en sanscrit, la subordination n’existe pas, Minard divisant même sa syntaxe en deux parties, l’une sur le dyptique du type yah…sah (lequel/qui… celui-ci/il) et l’autre sur les formes dérivées du type yavat… tavat. Les thèmes concernés (ya- … sa-/ta-) sont du reste le pendant du thème interrogatif (ka-) et indéfini, triple base pronominale que commente Haudry (1973) en signalant la parenté de l’interrogatif, indéfini et corrélatif, toutes formes d’occurrence non stabilisée, en instance d’instanciation dirions-nous en termes culioliens. Ni l’un ni l’autre n’insiste beaucoup sur le participe conjonctif dit dans la tradition française ‘absolutif’ (V-ya/tva, invariable), qui sert à coordonner deux procès et dont l’introduction en sanscrit est fréquemment attribuée à l’influence (au substrat ?) dravidien, langues n’admettant qu’un verbe fini par phrase 1 et ignore du reste la coordination de propositions 2 . Cette double absence en dravidien, de conjonction de subordination et de conjonction de coordination équivalant à « et », invite à s’interroger sur les rapports entre les deux procédés, ainsi que sur la relation de cette absence avec le caractère non configurationnel (« flat structure ») très souvent reconnu à la langue : par exemple, Lehmann propose d’analyser le tamoul comme ne connaissant que des rapports de concaténation (la question des adjoints n’étant pas clairement posée), sans autre relation que celle du verbe avec ses arguments, dont la grammaire demanderait donc exclusivement une bonne morphologie et pas de syntaxe 3 . L’indo-aryen moderne (ex ici hindi/ourdou), qui hérite du sanscrit les structures corrélatives, hérite aussi du dravidien les structures coordonnantes dites de participe conjonctif (et vraisemblablement l’ordre SOV 4 ), mais dispose en outre d’un système de subordination supposé introduire des hiérarchies claires entre propositions à verbe fini, ce dernier système étant relativement tardif et vraisemblablement emprunté au persan, qui fournit aussi l’essentiel de sa morphologie (conjonctions dérivées du ki « que » persan, et parfois empruntées telles : tâki « afin que », chûnki « puisque »). Je commencerai par m’interroger sur la nature de la conjonction opérée par le participe dit « conjonctif », car il peut aussi bien coordonner que subordonner (dans l’acception classique de ces termes). LES PROPOSITIONS CONJOINTES PAR LE MORPHEME -KAR SUBORDONNANT ? : COORDINATEUR OU Les participes dits « conjonctifs » en indo-aryen en général et en hindi/ourdou en particulier sont souvent considérés comme un moyen de coordonner deux procès (1), car ils commutent dans certains cas avec la conjonction de coordination aur « et » (2), les deux étant attestés dans le même contexte pour décrire le même procès. 1a âdmî andar âkar baiTh gayâ homme dedans venir-kar s’asseoir alla-ms 2a l’homme entra et s’assit Shankar ke mukh par ek mushurâhaT âkar Shankar de visage sur un sourire calî gai venir-kar marcha-fs partit-fs 1 A l’exception de la structure dite de “quotatif” (enru, forme figée d’un verbe dicendi) autorisant un verbe fini enchâssé : c’est-à-dire que l’occurrence d’un verbe hiérarchiquement ‘subordonné’ exige un changement du point de vue énonciateur (dans les pronoms aussi ; Montaut 1998, 2003). Sur les quelques autres formes (dont un verbe « sembler » fonctionnant comme « quotatif », voir Lehmann xxxx, X 2 Et la coordination en « et » à un certain point puisque l’équivalent en est un suffixe (-um) qui a par ailleurs quatre autre emplois (groupe insécable, indéfini, concession, addition) si spécifiques que leur existence en sanscrit associée à la particule api a fait proposer l’hypothèse d’un calque (Emeneau 1980, Montaut 1997) 3 Ce qui ne veut pas dire que toute la linguistique dravidienne se passe de syntaxe, et l’analyse la plus fréquente de enru par exemple est COMP. 4 Ordre dominant des énoncés non marqués, c’est-à-dire non soumis à des contraintes contextuelles, intonatives, etc. Les corollaires de cet ordre (head final) sont, entre autres, l’existence de postpositions, l’antéposition de l’adjectif, du complément de nom, de la base verbale par rapport à l’auxiliaire. 1 2b un sourire vint aux lèvres de Shankar et disparut Shankar ke mukh par ek mushurâhaT âyî aur chalî gayî Shankar de visage sur marcha-fs parti-fs un sourire vint-fs et Shankar de visage sur un sourire-fs vint-fs et marcha-fs partit-fs Morphologiquement, le segment -kar/-ke 5 responsable de l’opération de jonction dérive de la base verbale du verbe faire (kar-) et peut alterner avec la marque zéro (le verbe « faire » lui-même ne permet d’alternance qu’entre -ke et -zéro). Il remplace la flexion du verbe dans le premier constituant. Syntaxiquement, la forme verbale dite conjonctive n’a en principe (cf. infra) pas de sujet autonome, son sujet étant obligatoirement coréférent avec le sujet syntaxique (premier argument : nominatif, datif, ergatif, locatif ou génitif) du verbe fini ou principal. Il peut aussi avoir pour objet l’objet principal (3), avoir un objet distinct (5), se placer avant ou après le sujet principal. Sémantiquement enfin, la série (3)-(7) montre dans les traductions que la coordination est soit une des interprétations possibles, l’autre étant une relation de dépendance causale, temporelle, adverbiale, soit une interprétation exclue (xx) 3 Sîtâ cây banâkar pîne lagî Sita thé faire-kar boire-inf.obl se mit-fs 4 Sita a préparé le thé et s’est mise à le boire (ayant préparé du thé, S s’est mise à boire) Sîtâ ne cây banâkar mehmânoN ko pilâ dî 5 Sita a préparé le thé et l’a servi aux invités Râm ko ciTThî paRhkar haNsî âîN 6 Ram a lu la lettre et s’est senti envie de rire (en lisant la lettre Ram a eu envie de rire) apne bhâi kî ciTThî paRhkar Sîtâ kî âNkheN bhar âîN 7 Sita a lu la lettre de son frère et s’est mise à pleurer (en lisant la lettre, Sita s’est mise à pleurer) usne haNskar kahâ Sita erg thé-fs faire-kar invité-mp Ram-ms dat lettre refl lire-kar frère de lettre lire-kar à boire-caus donna-fs rire-fs vint-fs Sita de yeux-fp s’emplir vinrent-fp 3s-erg rire-kar dit-aor il dit en riant La différence la plus visible avec la conjonction aur « et » est que cette dernière peut coordonner tout constituant (N aur N, Adj aur Adj, V aur V, P aur P), alors que -kar ne peut coordonner que deux VP (« category sensitivity » chez Haspelmath). Deux VP ou deux propositions dont la première se caractériserait par l’ellipse du sujet ? Aur conjoint un constituant toujours ommissible, -kar aussi, dans les exemples ci-dessus du moins. Cependant, le comportement en présence de la négation (na, particule spécifique des modes non finis, est exceptionnellement admis 6 pour nier le co-verbe qui prend alors le sens de « au lieu de ») montre qu’il n’est pas certain qu’on ait affaire à deux constituants assez autonomes pour que l’omission du premier n’affecte pas le second : 8 tum tâsh na khelkar apnâ kâm karo 2 cartes neg jouer-kar refl travail fais-imper 9a fais ton travail au lieu de jouer aux cartes (tu ferias mieux de faire ton travail que de jouer…) âdmî do-tîn din khânâ khâkar nahîN martâ 9b on ne meurt pas pour ne pas avoir mangé pendant trois jours 7 ve âj subah khâkar nahîN gae homme deux-trois jours nourriture manger-kar neg 3H aujourd’hui matin manger-kar neg meurt-ms partit-3H il est parti ce matin sans manger 5 Recaractérisation moderne de l’ancien participe ‘absolutif’ sanscrit en -i/-iya < -iya Scrt). On trouve encore au début du XIXème siècle la concurrence des formes anciennes en -i et des formes modernes en zéro/kar/ke. 6 On dit le plus souvent que les participes conjonctifs ne peuvent pas être niés. 7 cf. vah dastânen pahankar nahîn gayâ (il gants porter-kar neg partit) « il est parti sans mettre ses gants ». 2 L’exemple (9a) par ailleurs ne peut que partiellement servir de contre argument à l’hypothèse sur le statut coordonnant de -kar, car on a avec les conjonctions bi-syndétiques «ni… ni » (na…na) 8 , des phénomènes analogues, même s’ils sont relativement marginaux, la négation ayant une portée qui englobe le constituant qui la suit (alors que normalement na précède sa portée) et le constituant précédent, en tout cas les deux constituants ‘coordonnés’ : 10a bakkâ qâtil hai na zânî (GHZ) Bakka meurtrier est neg violeur Bakka n’est ni un meurtrier ni un violeur 10b sinemâ dekhne kâ shauq lîlâ ko thâ na mujhe (L) cinema voir-inf de goût Lila dat était neg 1s-dat ni Lila n’avait de goût pour le cinéma ni moi 9 L’ommissibilité (obligatoire dans les co-jonctions par -kar, préférée avec le coordinateur aur si le sujet du constituant 2 est nominatif ou ergatif) obéit par ailleurs à des règles plus restrictives que dans les propositions coordonnées par la conjonction aur, puisqu’un ‘sujet’ au datif peut être omis dans un constituant 2 coordonné mais ne peut pas être réduit à la place vide requise par le participe conjonctif : 11a use baRâ dukh huâ aur (vah) rone lagî 3s-dat grande douleur-ms fut-ms et (3s) pleurer se mit-fs elle se sentit triste et se mit à pleurer 11b *use / *vah baRâ dukh hokar rone lagî 3s-dat / 3s grande douleur être-PC pleurer se mit-fs Les deux constituants “coordonnés” sont par ailleurs du même niveau quand ils sont conjoints par aur « et » 10 , alors que le trait non fini du verbe-kar en fait une catégorie syntaxiquement dépendante du verbe principal, sans toutefois le rendre sémantiquement dépendant. Le constituant 1 ne joue aucun 8 Na est la négation des modes non finis et la particule négative correspondant à fr. « ni ». Où on voit au passage que l’extraposition n’est pas impossible dans les structures coordonnées (à moins, encore une fois, cf. V-kar, qu’on ne considère cet énoncé comme 2 propositions (et non deux constituants) coordonnées, la seconde elliptique du constituant non marqué, actant 2, et du verbe. 10 Il y a malgré tout quelques cas où on doit mettre en question cette apparente symétrie : coordonnant 2 adjectifs ou participes par exemple, aur n’impose pas l’accord pluriel puisqu’on peut aussi trouver l’accord avec le dernier terme conjoint, ce qui fait du premier un équivalent à un certain niveau du VP-kar conjoint à VP fini. A un certain niveau seulement car N1 ou adj1 dans les constructions en question n’est pas dépourvu d’inflexion. 9 a ghar kâ naukrânî, bâg kâ mâlî aur paRos kâ halvâî maison de domestique-fs, jardin de jardinier-ms et voisin de confiseur-ms bhî uske janm kî kahânî jântâ thâ (SSG) aussi lui-de naissance de histoire connaître impft-ms la servante, le jardinier et le confiseur du voisinnage aussi connaissaient l’histoire de sa naissance b bhâle hamâre ye, châleN bouclier-mp notre-mp dem, épée-fp c hamârî ye, nirarthak nos boucliers, nos épées, sont restées inutiles (AY) usne do mûRhe aur tîn kursiyâN rakhî thîN 3s-erg deux siège-mp et trois chaises-fp d enfant pour une orange-ms et kharîdnî hai un bonbon-fs acheter-fs oblig-3s tu dois acheter une orange et un bonbon pour l’enfant dâdî ke pâs baiThî strî yâ puruSh grand-mère près f avaient mis-fp il avait place deux sieges de rotin et trios chaises tumheN bacce ke lie ek santrâ aur ek tâfî 2-dat e paRî rahîN notre-fp dem insignifiant tomber-f rester-fp (UB) assise-part2-fs femme-fs ou homme-ms un homme ou une femme assis(e) près de grand-mère uskâ gharânâ, jât-birâdrî apnî honî câhie 3s-gen lignage-ms, caste-fraternité-fs refl-fs être-fs doit sa lignée, sa caste et son clan doivent être (les mêmes que) les nôtres 3 rôle dans l’accord 11 . En outre, aur n’est pas clitique (peut régir une expression par exemple dans une question, aur tum ? « et toi ? »), confirmant une analyse de type [A] [aur B] alors que -kar est suffixé, invitant donc à une analyse [A-kar] [B]. La contrainte du réfléchi quand il renvoie au sujet (unique) invite à analyser l’énoncé comme une seule phrase (proposition) dans le type (6) alors que dans deux phrases (propositions) coordonnées (6b) ou subordonnées finies (6c) le réfléchi de la seconde ne peut pas renvoyer au sujet de la première: 6b Sîtâ ne apnî bhâî kî chiTTî paRhî aur (to/ islie) uskî (*apnî *zéro) ânkhen bhar gaîn Sita erg refl frère de lettre lut-fs et (alors / donc) ses-pro (*refl) yeux-fp s’emplirent-fp 6c Sita lut la lettre de son frère et elle eut les larmes aux yeux Sîtâ kî (*apnî) âNkheN bhar gaî islie ki usne (*apne ne) apne bhâî kî chiTThî paRhî Sita de / refl/ yeux s’emplirent pour-ce que 3s-erg /refl erg / refl frère de lettre lut Sita eut les larmes aux yeux car elle avait lu la lettre de son frère L’extraction et l’extraposition sont possibles alors qu’elles sont difficiles (voir note 8) avec le coordonnant aur 12 : 12a Sîtâ kiskî chiTThî paRhkar rone lagî ? Sita interr-gen lettre lire-kar pleurer se mit Sita se mit à pleurer après avoir lu la letter de qui 12b kiskî chiTThî Sîtâ paRhkar rone lagî ? interr-gen lettre 12c sita lire-kar pleurer se mit? bhâî kî chiTThî paRhkar Sîtâ kyâ karne lagî ? frère de lettre lire-kar Sita interr faire se mit qu’est-ce que Sita se mit à faire après avoir lu la lettre de (son) frère? 12d kaun bhâî kî chiTThî paRhkar rone lagî ? qui-inter frère de lettre lire-kar pleurer se mit qui se mit à pleurer après avoir lu la lettre de (son) frère? 13a * ?Sîtâ kiskî chiTThî paRhî aur rone lagî ? Sita interr-gen lettre lut et pleurer se mit 13b * bhâî kî chiTTî paRh aur kaun rone lagî ? frère de lettre lut et qui pleurer se mit On serait donc tenté de dire que même s’il s’agit là de coordination sémantique (entre VPs), il s’agit syntaxiquement de rapports de dépendance (hiérarchisés : subordination?) 13 . De fait, (5-7) présentent une relation adverbiale (cause à effet, manière) plutôt que de coordination, ce qui apparente le comportement du participe conjonctif aux participes accomplis et inaccomplis quand ils ne sont pas adjectivaux, et particulièrement quand ils sont redoublés, l’interprétation n’étant jamais coordonnante alors : 14a hâth hilâ-hilâkar kahâ main secouer-secouer-kar dit elle dit en agitant (avec insistance) la main 14b tâlâ kholte-kholte usne pûchâ cadenas ouvrant-ouvrant 3s-erg demanda il demanda tout en ouvrant le cadenas 15a ham log unke bhaShaN sun-sunkar ûb gae nous gens 3p-gen conférence entendre-entendre-kar s’ennnuyer aller-aor nous en avons eu marre d’entendre ses grands discours 15b main ûb gayâ yahân baiThe-baiThe 1s s’ennuer allay ici assis-assis 11 Que le sujet principal soit exprimé ou non (car le hindi omet facilement le sujet, quelque soit son cas morphologique). 12 Le test de l’interrogation est inapplicable car il devrait porter sur le verbe pour les structures co-jointes par kar. 13 Coordination sémantique et subordination syntaxique : Haspelmath 2004, après Yuasa & Sadock 2002 (« pseudo-subordination »). 4 j’en ai eu assez / je me lassai de rester là (sans rien faire) 16a naukrî kî bât muNh par â-âkar rah gayî emploi de chose bouche sur venir-venir-kar rester alla la question de l’emploi vint aux lèvres et y resta :je faillis/n’osai aborder la question de l’emploi 16b bârish hote-hote rah gaî pluie étant-étant rester alla il était sur le point de pleuvoir mais il ne plut pas 17 baccâ girte-girte bacâ entant tombant-tombant se sauver alla l’enfant faillit tomber Les exemples (b) de cette série, formés sur des participes (-t- : marque d’inaccompli, -e : désinence de masculin singulier servant aussi pour noter la fonction non adjectivale, ‘adverbiale’, du participe), suivis ou non, comme les participes adjectivaux, du participe (hue) du verbe être, ne présentent avec les exemples (a) pas de différence sémantique majeure, équivalant globalement à des gérondifs français, et comme eux supposant la coréférence de leur sujet et du sujet du verbe fini 14 . Même la valeur de suspension du procès (16), réputée propriété spécifique des participes inaccomplis suivis d’un verbe de type « se sauver » (17), peut aussi être exprimée par le participe conjonctif redoublé. Par contre, les participes, redoublés ou non, diffèrent des formes en -kar syntaxiquement par l’expression possible d’un sujet distinct, représenté alors par le cas génitif (+ kâ/kî/ke) 15 , relateur ordinairement réservé à la relation N1N2 (18a, cf. infra 21). 18a apne patî ke rahte hue (*patî rahte hue) maiN kahâN jâ saktî hûN ? refl mari de demeurer-part étant (mari demeurant étant) je où aller pouvoir pres-1s où puis-je aller tant que mon mari est vivant Les (rares) cas d’expression d’un sujet non postpositionnel correspondent à des cas de quasi incorporation (impossibles avec les humains et les entités nettement individuées) comme le montrent les cas de contraste suivants : 18b bârish shurû hote hî sab bhâg gae pluie 18c commencer-part juste tous s’enfuir allèrent dès qu’il commença à pleuvoir tous s’enfuirent bârish ke shurû hote hî sab bhâg gae pluie de commencer-part juste tous s’enfuir allèrent dès que la pluie commença à tomber (à la première goutte de pluie) tous décampèrent Mais on n’a jamais andherâ *ke hote hî (dès que l’obscurité fut tombée, dès qu’il fit nuit). Le participe (inaccompli ou accompli) diffère aussi dans ses emplois dits ‘adverbiaux’ de l’absolutif sur le plan morphologique : non seulement le verbe conserve une marque aspectuelle, mais il arrive même que la marque d’accord reste présente (â pour le masculin au cas direct, î pour le féminin), apparentant, au moins sur le plan morphologique, le constituant à ce que la grammaire traditionnelle appelle une apposition : 19 a (vah) soyâ-soyâ mar gayâ (il) ayant dormi(ms)-ayant dormi-ms mourir alla-ms il est mort dans son sommeil (tout en étant endormi) 19b zamîn par mâthâ Tektâ huâ bolâ 14 On les trouve d’ailleurs souvent dans des constructions coordonnées, supposant donc l’analogie des deux constituants, la forme en -kar et la forme en -te (hue) : vah donoN hâthoN se chehre ko Dhake hue, ghûTnoN ko sameTkar chipkâe hue chup rahtî thî 3s deux mains par visage acc couvrir-part étant, genoux acc ramasser-kar se-coller-part étant silencieuse restait elle restait silencieuse, le visage couvert de ses deux mains (se cachant le visage de ses deux mains), recroquevillée avec /et les genoux ramassés (ramassant contre elle ses genoux) avec participe variable en genre/nombre : yah kahtâ huâ donoN chizoN ko lekar chalâ âyâ ceci disant-ms étant-ms les-deux choses acc prendre-kar partir arriva en disant ces mots il arriva avec (apportant) les deux objets 15 Voir dans les exemples supra notamment (6) : bhâî kî chiTThî (frère de lettre) « lettre du frère ». 5 terre sur front prosternant-ms étant-ms parla-ms il dit, posant son front à terre Les valeurs de concession et d’enchaînement immédiat (‘dès que’), données par la présence des clitiques bhî et hî respectivement caractérisent plutôt le participe inaccompli mais on trouve aussi la concession avec le participe conjonctif (21a) : 20a mân ke bulâte hî maiN turant savâr ho gayâ thâ mère de appelant juste 1s immédiatement s’embarquer étais allé dès que ma mère (m’)avait appelé, j’étais parti tout de suite 21a uske na châhate hue bhî maiN vahâN gayâ thâ 3s-gen neg voulant étant bhî 1s là-bas étais allé j’étais allé là-bas bien qu’elle/il ne veuille pas 21b bahut pryâs karke bhî usse paRhâ nahîn gayâ beaucoup effort faire-kar 3s-instr étudier neg passif-aor bien qu’il fît tous ses efforts il ne parvint pas à étudier Mais qu’est-ce qu’une relation adverbiale ? (cf. gérondif français). Question d’autant plus problématique ici que les participes dits adverbiaux en hindi/ourdou peuvent conserver leurs marques de genre et de nombre (et de cas direct) comme on voit dans (19) et dans la note 14. Dans la mesure où ces relations sont aussi typiquement exprimées par les syntagmes nominaux postpositionnels, avec les mêmes contraintes syntaxiques sur le sujet que les participes, et les mêmes possibilités (ou contraintes) d’incorporation, dans la mesure aussi où le sujet distinct quand il peut apparaître apparaît avec le relateur nominal kâ, est-on amené à considérer certains syntagmes nominaux, les syntagmes participiaux et la classe 2 des participes conjonctifs comme fonctionnellement équivalents ? En effet les relations de concommittance, de consécution immédiate, de concession, de cause, peuvent s’exprimer par des infinitifs (morphologie clairement nominale en hindi) suivis de postposition : 14c tâlâ kholne ke daurân usne kahâ cadenzas ouvrir-inf-obl pendant 18c mère / refl ami 21c de appeler-inf-obl sur 3s de-suite s’embarquer alla quand [sa] mère / son ami l’appela il se mit tout de suite en route uske na châhane par bhî maiN jâûNgâ 3s-gen neg vouloir-inf-obl sur bhî 1s 15c 3s-erg dit pendant qu’il ouvrait le cadenas, il dit mân / apne dost ke bulâne par vah turant savâr ho gayâ irai bien qu’elle ne le veuille pas j’irai ham uske bhâShaN sunne se ûbne lage 1p 3s-gen discours entendre-inf-obl par s’ennuyer commençâmes nous commençames à nous lasser d’entendre ses grands discours La réponse à la question posée à l’entrée de cette série pose la question de l’adjonction et du statut des syntagmes prépositionnels non argumentaux. Question qui, en hindi/ourdou, est compliquée par la structure de la proposition dite infinitive : bien que celle-ci soit introduite par la même marque segmentale (postposition ko, régissant un infinitif oblique), et, en traduction, établisse clairement un rapport de subordination (hypotaxe), bien que le comportement du réfléchi suggère aussi une analyse en deux propositions distinctes (il peut être ambigu, renvoyer au sujet principal ou au ‘sujet enchâssé’), le fait qu’on puisse avoir la postposition ko « à » (régissant des arguments) ou ke lie « pour » (régissant des PP) invite à analyser la phrase comme un constituant nominal : 22 Sîtâ ne Râmesh se apne bhâî ke sâth khelne ko / ke lie kahâ Sita erg Ramesh avec/à/par 16 refl frère avec jouer-inf-obl à / pour dit Sita a dit à Ramesh de jouer avec son (ambigu) frère 16 Postposition difficile à gloser (source, instrumental, moyen, cause), ordinairement glosée « ablatif », mais qui marque en général la mise en relation (se marier, contacter, la plupart des verbes de parole se construisent avec cette postposition). 6 On peut analyser ce type d’énoncé (Butt 1994, Montaut 2004) comme la substitution à l’argument 2 du verbe dire (objet non marqué) d’un argument de type allatif (« à, pour ») correspondant sémantiquement à l’objectif visé par le dire, ce changement suffisant à rendre compte du changement de sens du verbe (dire /énoncer > dire de/ demander de, assertion > prescription) sans modifier le type de construction. Mais les propositions dites participiales (enchâssées), qui complètent les verbes de perception “voir” et “entendre”), présentant des propriétés analogues, comme l’ambiguïté du réfléchi, se laissent plus difficilement ramener à un constituant nominal : 23a usne Sîtâ ko apnî bahan se bât karte hue sunâ 3s-erg Sita acc refl soeur à parole faire-part étant entendit il a entendu Sita parler à sa (ambigu) soeur 23b maiNne gâRî vâpas âî dekhî thî 1s-erg voiture-fs de-retour venue-fs vais vu j’avais vu que la voiture était rentrée Leur sujet est nécessairement l’objet ‘enchâssé’ (donc pas d’analogie avec la classe nominale comme dans la série (14-17) et, si on refuse de les analyser comme des propositions dans une relation de simple dépendance (l’accord possible du participe comme dans (22b) suggère une autre relation, avec le nom objet de Vprincipal), on ne peut les voir que comme des adjonctions, là encore de type « apposition » dans la terminologie traditionnelle. Naturellement, une analyse comme adjonction (quelle que soit la fonction exacte de l’adjoint) suppose une dissymétrie entre les deux constituants co-joints (prédicats ou propositions), le premier constituant n’étant pas autonome. Mais le second ne l’est pas toujours (22) et la corrélation bisyndétique présente aussi des cas de dissymétrie et de dépendance (10). LE SYSTEME CORRELATIF Le hindi moderne hérite ce système du sanscrit, comme le suggère la morphologie des corrélatifs et des résomptifs (jo < yah « qui », yadi « si » et les dérivés du relatif jab « quand », jahân « où », jidhar « où+directionel », jaise « comme » jitnâ « aussi grand » ; to, tab « alors », vah « il/celui-là » ayant une étymologie compliquée mais correspondant au dialectal to/so, et les dérivés du résomptif vahan « là », vaise « comme », utnâ « aussi grand » ; thèmes interrogatifs kaun (qui) kab, kahân, kidhar, kaise, kitnâ 1. La corrrelative 1.1. Modèle typique: la relative déterminative ou restrictive La relative déterminative représente le modèle typique de la corrélation: pronom-adjectif relatif jo dans l’expression relativisée, anaphorisée dans la principale par le pronom résomptif (vah). C’est l’ordre séquentiel non marqué, le relatif restant, dans sa proposition, “in situ” –comme l’interrogatif en hindi. 24a jo âdmî kal âyâ thâ vah merâ dost hai rel homme hier était venu il mon ami est l’homme qui est venu hier est mon ami 24b videsh kî jo mahilâeN subah tumhâre étranger de rel femme 25 matin tu-de yahâN âîN maîN un ici vinrent celles-là acc je ko jântâ hûN connais je connais les femmes étrangères qui sont venues chez toi ce matin kharîdnâ thâ vah na kharîd hameN us laRkî ke lie jo hâr pâe 1p-dat²² cette fille pour pouvoir-ps rel collier acheter être-impft il neg acheter nous n’avons pas pu acheter le collier qu’il nous fallait acheter pour cette fille Le sens est restrictif (un ‘antécédent’ pluriel représente la sélection dans un groupe: 26a renvoie à un petit groupe de Japonais), à l’opposition de la relative postposée à son antécédent (26b renvoie à l’ensemble des Japonais), et la position du relatif, antéposé au nom, fonctionne comme un déterminant. (26a), comme (24) et (25), thématisent l’expression relativisée. 26a jo jâpânî mehnat se kâm karte haiN ve bahut kamyâb haiN rel Japonais peine avec travail font ils beaucoup réussi sont les (ceux des) Japonais qui travaillent dur réussissent très bien 7 26b jâpânî jo mehnat se kâm karte haiN bahut kamyâb haiN Japonais rel peine avec travail font beaucoup réussi sont les Japonais, qui travaillent dur, réussissent très bien La relative déterminative peut être anaphorisée par une copie du nom relativisé, trait fréquent dans l’anglo-indien (comme l’usage du déterminant “that”, “those” sur le nom relativisé: “those Japanese who”) : 27 jis jagah vah baiThâ thâ us jagah ko pânî se dhonâ zarûrî hotâ thâ rel endroit 3s s’était assis cet endroit acc eau avec laver nécessaire était il fallait laver à grande eau l’endroit où il s’était assis 1.2. Ordres alternatifs des deux éléments du dyptique Si la relative déterminative est le plus souvent à gauche (antéposée) en conformité avec sa fonctionante topicalisante (Gupta 1985), l’ordre des éléments peut être inversée: d’abord le nom précédé du déterminant (résomptif?) vah, dans la “principale”, ensuite la relative, qui serait ainsi “extraposée” (Srivastav 1991, Dvivedi 1994). Cet ordre, où la relative développe l’expression vah-N en une sorte de contre-thème (‘antitopic’: Chafe 1976), ou simple post rhème (Morel 1999), ajoutant (rappelant) une connaissance partagée, thématise l’expression vah-N. Le sens est également déterminatif et la présence du déterminant/résomptif vah, déictique distal, également obligatoire (interdisant yah déictique proximal) 17 . 28a ve/*ye log â gae jinkâ intazâr kar rahâ thâ ces gens (là/*ci) sont arrivés rel-gen attente faire prog impft les gens que (j’)attendais sont arrivés 28b jin logoN kâ intazâr kar rahâ thâ ve rel people gen waiting do prog impft â gae they come went les gens que (j’)attendais sont arrivés 2. Autres types de correlation Tous les pronoms ou pronoms dits adverbiaux dérivés des thèmes (j-/v- et u- or t-) structurent une syntaxe “bi-syndétique” du même type que la corrélative vue supra, qu’il s’agisse d’emplois ajectivaux (29) ou adverbiaux (comparaison, temps, lieu, hypothèse), dans le même ordre séquentiel que les corrélatives du type (24). 29 sîtâ jitnî lambî hai maîN utnî Sita autant-fs grande est je hî hûN autant-fs juste suis je suis juste aussi grande que Sita 30 jaise maîNne kahâ vaise karo comme je-erg Comparatif d’égalité (pro-adj rel jitnâ, corrélé au résomptif utnâ) comparaison adverbiale a dit ainsi fais fais comme je te dis 17 Un troisième ordre est possible, aussi considéré comme une extraposition (Subbarao 1984 : 102 sq), mais nettement plus rare : toujours dans le modèle corrélatif du type 5a, vah étant corrélé à jo, mais avec la relative médiane, ordre qui thématise l’ensemble (sans pause) de vahN + relative : ve log jinkâ intazâr kar rahâ thâ âkhir â gae ces gens là rel-gen attente faisais finalement sont arrivés Une raison de considérer le type (24-27) comme basique est que les autres ordres sont plus contraints, en terme notamment d’extraction du thème (‘topic extraction’: exemples de Dvivedi 1994): in the left adjoined relative of the topicalizing dislocation of the embedded verb khar dn⇓ (a) is allowed but a similar move is not possible with right adjoined (b) and embedded (c) relative. a kharîdnâ merâ khyâl hai ki jo mâkân tum câhtî thîn vo bik cukâ hai buy my thought is that rel house you wanted that get-sold term pft I think that the house you wanted to buy has already been sold b * kharîdnâ merâ khyâl hai ki vah mâkân bik cukâ hai jo tum câhtî thîn buy my thougjt is that that house get-sold term pft rel you wanted c * kharîdnâ merâ khyâl hai ki vah mâkân jo tum cahtî thîn bik cukâ hai buy my thought is that that house rel you wanted get-sold term pft 8 31 jahâN bhî tum jâoge, vahâN maîN bhî jâûgî où que ce soit tu iras-m, là j’irai partout où tu iras 32 jab ham logoN ne pûcchâ quand nous gens je to/tab vah bolâ erg demandâmes alors quand on lui demanda, il dit 33 yadi âpne davâiyâN na si vous-erg médicaments neg lieu aussi irai-f bhejî hotî il dit to temps (tab strictement temporel to +enchaînement logique vah mar gayâ hotâ aviez envoyé alors il serait mort hypothétique si vous n’aviez pas envoyé de remèdes il serait mort Il est significatif que, même lorsque le réemprunt sanscrit yadi alterne avec l’emprunt turc agar « si », la reprise par to « alors » reste nécessaire. De même dans l’expression de la concession, le dérivé sanscrit yadyapi (si-même), corrélé à to bhî (alors même), est remplacé dans le registre non solennel par l’emprunt persan hâlâNki (bien que), presque toujours corrélé à une coordination adversative (phir bhî « pourtant », par « mais », etc.). Là encore, l’ordre du dyptique peut s’inverser avec les mêmes effets sur la thématisation (l’élément 2 passe à un statut post rhématique). Pour récapituler les questions que posent les corrélatives du hindi : Comment analyser les rapports entre les deux phrases ou propositions? Le comportement du réfléchi montre qu’on a affaire à deux entités nettement séparées, puisqu’il n’y a jamais contrôle de la coréférence de l’une à l’autre, mais c’est aussi le cas dans les subordonnées non corrélées, comme dans les coordonnées. Par ailleurs, le morphème qui introduit l’apodose a un statut soit syncatégorématique (semblable à ceux Rebuschi 2000 du type “et”, “si” en ancien français) comme to “alors”, “donc”, qui fonctionne aussi comme conjonction de coordination et adverbe (connexion logique et consécution temporelle, enchaînement de paragraphes discursifs: Montaut 2003) soit clairement anaphorique: vah en est l’exemple le plus clair. Certes on peut dire que les apodoses font sens isolément, sauf éventuellement celles qui correspondent à une protase hypothétique 18 . Mais ce sens n’est pas celui qu’elles ont en tant qu’apodoses: les comparatives présenteraient si elles étaient isolées une valeur exclamative et le comparé au haut degré (itna et non utna) ou une valeur non relative (l’adverbe aise “ainsi”). Les apodoses qui auraient le sens le plus voisin en emploi isolé comme “j’irai là-bas” en emploi indépendant supposent soit un fonctionnement ostensif soit un contexte à anaphoriser (de même “il dit alors” suppose un contexte narratif), et les comparatives si elles gardent leur sens comparatif (et leur marque) supposent exprimé précédemment le terme comparant. Dans ce dernier cas, de sens très voisin, seule la protase ne serait donc pas une phrase indépendante possible 19 , mais l’apodose n’est pas interprétable sans elle. Dire que la protase sert de thème (cadre interprétatif) à l’apodose revient à dire qu’elle constitue le point de départ de ce que H. Weil 20 déjà appelait en 1844 la marche des idées, la protase constituant le but ou le point d’arrivée, ce que l’énonciateur souhaite communiquer de nouveau et mettre en évidence. L’ordre canonique de la corrélative hindi (protase apodose) serait tel parce qu’il correspond à celui du constituant thématisé suivi de ce qui en est prédiqué ou est prédiqué à partir du repère qu’il pose, la relation des deux propositions étant une relation de localisation de la seconde par rapport à la première. Que les deux morphèmes soient présents ou, dans le cas de l’hypothétique, que le premier soit absent, l’intonation suspensive suivie de pause dans la protase manifeste qu’il y a co-dépendance et non dépendance orientée. 18 Eventuellement : en contexte habituel passé, elle pourrait signifier l’habitude, car il existe une forme d’imparfait court formellement identique à l’irréel. L’exemple donné ne s’y prête pas, mais on peut interpréter to vah aur bîmâr ho jâtâ (il et/davantage malade être allait « il était alors encore plus malade » (chaque fois qu’il prenait cette potion par exemple) 19 Elles ne le deviendraient, avec une force exclamative, ou interrogative, qu’en substituant k- à j- dans le morphème qui les introduit. 20 De l’ordre des mots dans les langues anciennes 9 LE SYSTEME SUBORDONNANT: CONJONCTIONS ET RELATIVE 1. Ki “que” et ses dérivés Ki emprunt persan 21 fournit à l’origine les seules vraies subordonnées (discours et contenus de pensée rapportés – au style direct) comme dans (34), et toute une gamme de conjonctions dérivés (kyoNki “parce que”, hâlâNki “bien que” cf. supra, tâki “pour que”, cûNki “puisque”. 34 usne kahâ 3s-erg said ki maîN kal que je âûNgâ demain viendrai il a dit qu’il viendrait le lendemain L’ordre est toujours: principale CONJONCTION (ki) subordonnée, dans le discours rapporté. 2. Troncation du dyptique correlatif Quand seul le premier membre du dyptique correlatif est exprimé, on aboutit à un système de subordination hiérarchisé (principale/dépendante), qui s’est développé en hindi (35), probablement sous la double influence du persan d’abord et de l’anglais ensuite, et qui, dans la relative, s’est spécialisé dans l’expression de la relative descriptive ou appositive, sans résomptif donc, comme en (26b). Le modèle (26b) structuré comme une relative française, est postérieur au modèle (24), et souvent, surtout dans le parlé, souligné comme subordonnée par l’usage de ki après le relatif (36) 35 maîN zarûr ghûmne jâûgî jab mausam Thîk ho jâegâ je sûrement promener irai quand temps bien deviendra j’irai certainement me promener quand le temps s’arrangera 36 maîN sîtâ se pûchûngâ jo (ki) sab kuch jântî hai je Sita à demanderai qui (que) tout sait je demanderai à Sita, qui sait tout Ce type de relative diffère de la corrélative traditionnelle par deux traits: 1) elle seule peut correspondre à la relative appositive/descriptive; 2) quand, aussi, elle correspond à une déterminative (après un indéfini, “le dernier”, “le premier” 22 , elle n’est jamais thématisante (37). 37 maîN ek/aise âdmî ko jântâ hûN jo tumhârî madad kar sakegâ je un/tel homme acc connais qui ton aide faire pourra je connais un homme qui pourra t’aider On pourrait déduire de cette évolution que la subordination (avec la représentation hiérarchisée de la phrase complexe) procède d’une évolution de la corrélation vers la simplification et la hiérarchisation, évolution catalysée par le comportement de la conjonction empruntée au persan. 3. Correlativisation du modèle subordonnant Il n’en est rien, et l’un des traits remarquables de cet emprunt du hindi au persan a consisté précisément à recatégoriser la conjonction comme premier ou second terme d’un dyptique: cûNki “puisque” est systématiquement repris par is lie (“pour ceci”), comme hâlâNki “bien que” est presque toujours repris par “mais/pourtant”, kyoNki “parce que”, fréquemment repris par islie “c’est pourquoi”. De nouvelles locutions comme avant que (is se pahle ki), malgré (is ke bâvajûd), au point que (is had tak ki) corrèlent systématiquement la locution ‘conjonctive’ à un déictique ici cataphorique, résumant le contenu propositionnel, qui est toujours yah/is (nominatif/oblique). Même les emplois les plus canoniques de ki (complétive) sont corrélés à un yah cataphorique soit optionnellement (38) si le verbe est fini, soit obligatoirement si le verbe est non fini (39). 38a maîNne yah kahâ ki…yah sunâ ki… yah socâ ki… je-erg ceci dis que… ceci entendis que… ceci pensai que… j’ai dit que… j’ai entendu dire que… j’ai pensé que…. 21 Bien que certains le rattachent au sanscrit kimcit, son usage comme complémenteur ne semble pas précéder l’influence du persan sur l’indo-aryen. 22 hilârî pahlâ âdmî hai jo Everest par caRh sakâ Hilary premier homme est qui Everest sur grimper put Hilary est le premier homme qui a pu faire l’ascension de l’Everest 10 39b mujhe (yah) ummîd hai je-dat (ceci) espoir est ki tum jaldî que tu âoge bientôt viendras j’espère que tu viendras bientôt 40a * Ø /*vah/ yah sunkar mujhe baRî khushî huî ki… *zero/*cela/ ceci ayant entendu je-dat grand bonheur fut ue… I was very happy to hear that 40b yah sunte hî ki Nishâ ânevâlî hai … ceci entendant juste que Nisha va venir…. 40c dès qu’il entendit que Nisha allait arriver…. mujhe yah kahne kâ mauqâ nahîN milâ je-dat ceci dire ki yah sab galat hai de occasion neg se-trouva que tout ceci gaux est l’occasion ne se présenta pas pour moi de dire que tout ça est mal Vue à cette lumière, la présence du déictique yah/is dans les locutions postpositionnelles dérivées (au point que, malgré, etc.) de même qu’avec les noms gouvernant une complétive, suggère la généralisation du modèle corrélatif pour tout type de complétive. Le pronom cataphorique est le second déictique du hindi (renvoyant ici à des contenus propositionnels abstraits, comme déictique à des référents proches) alors que la corrélative traditionnelle utilise celui qui sert aussi de pronom personnel (renvoyant à des entités), vah “celui-là”. 41a is bât par / is par dhyân denâ paRegâ ki… cette chose sur /ceci sur attention donner faudra que… on devra veiller à ce que… 41b sab se zarûrî bât yah hai ki… superlatif importante chose ceci est que … 41c la chose la plus importante est que… yah khabar abhî milî ki râm kal âegâ cette nouvelle maintenant se-trouva que Ram demain viendra (je/on) viens d’apprendre que Ram arrivait demain Certains linguistes considèrent du reste que l’absence du pronom/adj yah (cataphorique) résulte d’un effacement (Subbarao 1984: 135-94), considérant comme basique le modèle corrélatif dans la complémentation nominale ou verbale aussi.. Le sysème cataphorique établit en tout cas une relation de co-dépendance (au point que chez Pandharipande 1997 on trouve le pronom-adjectif is/yah analysé comme COMP dans les exemples marathi équivalents à 41-45) comparable à celle des corrélatives, dans un ordre inverse : de même que la protase seule peut (dans une interprétation requérant un contexte) exister indépendamment, de même ici la première des deux propositions. Mais son intonation (suspensive) marque qu’elle ne peut pas s’interpréter sans suite, la ‘complétive’ en ki instanciant la place donnée comme à instancier par yah. La structure est analogue à celle de l’ordre alternatif de la corrélative en (28a). Question : ce postrhème occupé dans un cas par la ‘relative’ et dans l’autre par la ‘complétive’ en ki, a quel statut, de type apposition (ce qui signifie exactement quoi ?) ? Autre question, à laquelle je ne suis pas maintenant en mesure de répondre : l’analogie formelle entre (40) ou (41) et (28) est-elle illusoire du fait d’une dépendance syntaxique dans (40)-(41) ? Le fait que (40)-(41) puisse remplacer la ‘conjonction’ ki par une simple pause (ou « : » à l’écrit) ne constitue-t-il pas une ombre, quand on sait que ki est aussi utilisé comme coordonnant (tum âoge ki nahîn ? tu viendras ou (oui ou) non ?) ? ‘PARATAXE’, ‘INVERSION’ DES TERMES ET ANAPHORE Le type complétif, corrélativisé (38) ou non (34) a de très fréquentes alternatives (surtout à l’oral) de type asyndétique, la principale étant simplement suivie du contenu du discours direct (42). Mais si cet ordre séquentiel s’inverse – le contenu propositionel de la “complétive” s’antéposant au verbe principal--, le pronom yah est requis, et un modèle anaphorique se substitue donc au modèle soit corrélatif (43 qu’on peut comparer à 41c) soit complétif/corrélatif/’parataxique’ 23 (43): 23 Les guillements simples signalent que je n’emploie le terme qu’à titre d’étiquette provisoire, et uniquement pour marquer l’absence de tout signe de dépendance, en tout cas il n’y a pas de signe de dépendance dans une 11 42 usne kahâ maîN kal il-erg dit 43 je âûgâ demain viendrai il a dit qu’il viendrait le lendemain vah kal âegâ yah khabar abhî il milî demain viendra cette nouvelle maintenant se-trouva we just received the news he will arrive the day after tomorrow 44a maîN (yah) nahîN châûNgî (ki) vah mere ghar is tarah âe je (ceci) neg voudrai (que) elle ma maison cette façon vienne je ne voudrais pas qu’elle arrive de cette façon chez moi 44b vah mere ghar is tarah âe yah maîN nahîN châhûgâ elle ma maison cette façon vienne ceci neg voudrai 45 that she comes to my home in such a way I would not like it rahtî thî bât na baRhe is khyâl se hameshâ cup chose neg augmente-subj cette pensée par toujours silencieuse restait elle ne disait jamais rien, dans l’idée de ne pas aggraver la chose Il est notable que le modèle anaphorique (43, 44b, 45) permet au contenu de pensée/discours, c’est-àdire au contenu ‘dépendant’ d’apparaître avant le verbe principal, ce qui correspond à la structure du dravidien, alors que le modèle ‘parataxique’ ne le permet qu’optionnellement : 46 sîtâ kab âegî maîN nahîN jântâ Sita quand viendra je neg sais je ne sais pas quand Sita viendra (quand Sita viendra, je n’en sais rien) 47b tumhâre pitâ kâ dehânt huâ (yah sâmâchâr) kal hî patâ calâ ton père de fin-corps fut (cette nouvelle) hier juste appris je n’ai appris qu’hier que ton père était mort ‘Parataxe’ et anaphore apparaissent donc comme des alternatives productives aujourd’hui du système subordonnant, parallèlement à la corrélativisation. Il est délicat de situer cette dernière comme le fait Haudry (1973) dans l’évolution logique de la parataxe puis de l’anaphore avant le stade de la subordination, puisque le hindi présente un cas d’évolution corrélativisante à partir de la subordination et divers cas d’alternance entre parataxe, anaphore et subordination. On peut se demander si la ‘parataxe inversée’, requérant l’anaphore du contenu propositionnel 1, a été catalysée par la prégnance du modèle corrélatif dès l’indo-aryen ancien. Mais on doit analyser ce système comme une relation de co-dépendance, ce que suppose pas le terme de parataxe : la protase est intonationellement marquée comme suspensive (comme la corrélative) mais elle ne représente pas le thème ou le cadre dans lequel interpréter la protase. Elle représente par contre le point de départ, la notion initiale, pour reprendre les termes de Weil, par rapport et à partir duquel l’énonciateur exprime quelque chose. L’‘inversion’ qu’on peut trouver entre (41c) et (43) représente simplement le contenu de la nouvelle est, sinon déjà connu, posé cadre à la circonstance dans laquelle elle est apprise (élément le plus important) alors que (41c) représente le contenu de la nouvelle comme plus intéressant que les circonstances dans lesquelles il a été connu. En somme, se dégage la dominance dans la langue des systèmes de co-dépendance, marqués soit par des joncteurs symétriques (dont l’un est un anaphorique 24 ) ou par la seule intonation, au point qu’on pourrait considérer le ki « que » (complémenteur universel dit-on parfois) comme un simple démarcateur entre phrases co-jointes, ce que confirmerait son usage après le relatif dans les « appositives », usage anciennement beaucoup plus répandu 25 . D’autre part, le suffixe employé pour coordonner deux prédicats (-kar) (ou propositions elliptiques du sujet) réduit le constituant qu’il régit à séquence discursive entre deux propositions indépendantes, bien qu’elles s’enchaînent généralement dans la logique du discours et que l’intonation le marque. 24 Même tab « alors » et vahân « là » sont morphologiquement dérivés du pronom anaphorique. 25 Et précédant le relatif (ki jo, »qui », ki jismeN « dans lequel ») alors qu’aujourd’hui il se place après. 12 un statut présentant des affinités nettes avec les participes ‘adverbiaux’ et donc constituants nominaux sans statut argumental. Là encore, cela fait plus de questions que de réponses. Il semble bien qu’en tout cas, comme l’intuitionnaient Renou et Minard pour l’indo-aryen ancien, la subordination n’existe toujours que marginalement, en hindi/ourdou moderne. Références (incomplètes) Butt, Mariam, 1993, “ Conscious Choice and some Light Verbs in Urdu , In Verma M.K. (ed.). 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