La nature du désir
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La nature du désir
dossier La nature du désir Nous avons parfois du désir une représentation corrompue par les objets sur lesquels il lui arrive de se porter obsessionnellement : l’argent, le pouvoir, les biens de consommation… Pourtant, le désir n’est pas l’avidité. Loin d’être un vice, le désir est le principe même de toute vie et c’est en lui que nous découvrons ce qui a la puissance de nous faire grandir en nous élevant vers les biens les plus hauts. quement humaine, capable de faire grandir en lui ce qu’il y a de plus humain. C’est donc en l’homme que le désir naturel du bon s’élève en désir spirituel du bien. D’un point de vue simplement naturel, le désir est tension vers des biens nécessaires à la vie. L’antilope qui cherche l’eau de la rivière sait que ce qu’elle désire est bon pour elle parce que cette eau est nécessaire à sa survie. Ainsi son désir est déjà un hommage à cette vie qu’elle s’efforce de conserver. Et le plaisir qu’elle éprouve dans la satisfaction de son désir signifie déjà que « cela était bon ». Un désir humain n’est donc pas une pulsion instinctive. Il n’est humain que lorsque son objet est reconnu par la raison comme condition d’une croissance possible. Manger, boire ou dormir sont indispensables à notre survie. L’amitié, la fraternité, la connaissance, l’amour, la tendresse, la générosité sont indispensables à une vie vraiment humaine. C’est pourquoi il nous faut apprendre à ordonner nos désirs en reconnaissant que les désirs les plus beaux sont ceux qui nous tournent vers les biens les plus élevés, les seuls qui puissent nous faire grandir. Désir spirituel du bien Oui au plus désirable Une telle mise en ordre de nos désirs demande de l’exercice. S’exercer, c’est toujours lutter contre des tendances qui nous abaissent en nous jetant dans Mais le plus désirable, dans nos sociétés consuméristes, est souvent confondu avec ce que convoitent la majorité de nos semblables. La loi du désir mimétique nous fait perdre de vue l’essentiel. Nous avons pris la triste habitude de renverser l’ordre des choses : ce n’est pas parce qu’un bien est désirable que nous le désirons, c’est parce que d’autres le convoitent que nous le jugeons désirable. Étrange renversement de perspective qui nous rappelle que toute conversion authentique est une conversion, et non une répression de notre désir. Yann Martin, philosophe © Glamy Ainsi, tout désir authentique est tourné vers ce qui est bon. Toutefois, ce qui est bon pour l’homme ne se réduit pas à ce qui lui permet de survivre (manger, boire, dormir…). L’homme est en effet ce vivant qui aspire à autre chose qu’à persévérer tant bien que mal dans l’existence. Il désire une vie bonne, authenti- la pente descendante de nos paresses ou de nos tentations. Tout exercice rend plus fort, et l’exercice spirituel qui nous rend capable de hiérarchiser nos désirs nous rend plus humain. C’est ce qu’on appelle l’ascèse qui ne consiste pas à dire NON au désir, mais à dire OUI au plus désirable, à se disposer à faire l’expérience en nous de plus grand que nous. 10 Carrefours d’Alsace, septembre 2015