Affaire Cœur Défense : coup d`arrêt pour l`utilisation de la
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Affaire Cœur Défense : coup d`arrêt pour l`utilisation de la
10 MAI 10 Hebdomadaire Paris Surface approx. (cm²) : 661 N° de page : 27-28 91 BIS RUE DU CHERCHE MIDI 75006 PARIS - 01 53 63 55 55 Page 1/2 Juridique Entreprise et expertise Affaire Cœur Défense : coup d'arrêt pour l'utilisation de la sauvegarde dans le cadre de la restructuration des LBO ou simple avertissement ? Le 25 février 2010 la Cour d'appel de Paris, par Philippe Saigne, avocat associe. Fidal dans l'affaire dite «Cœur Défense», a annulé une procédure de sauvegarde ouverte par le tribunal de commerce de Paris en rappelant que la sauvegarde est un outil de protection de «l'entreprise» et non de l'actionnaire. D "arrêt n a mis en émoi lc petit monde du LBO A entendre certains commentaires, la jurispru' dence proscrirait désormais l'utilisation de la sau* egarde pour la restructuration de LBO Qu'en .a est-il exactement? Premiere observation • l'arrêt rendu par la cour d'appel de Pans lc 2 5 février 2010 est incontestablement signifiant II est exclu qu il soit un arrêt d'espèce et ce de manière d'autant plus évidente que la cour d'appel de Paris a, le même jour, saisie sur demande de contredit a Rencontre d'un La Cour se refuse jugement du tribunal dc commerce de Pans qui s'était déclare absolument à dire, incompétent pour statuer sur une qu'une société ad hoc demande de sauvegarde présentée par différentes societes comconstituée pour recevoir posant lc groupe luxembourgeois un financement structure, Mamford, refusé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ne constituait pas une , i i i exactement pour les mêmes entreprise au sens de la loi motifs que ceux adoptés dans le cadre dc Paflaire Cœur Defense. et donc se trouvait, de ce Deuxieme observation . elle tient simple fait, inéligible à la à la situation quasi rigoureusement identique des deux dossiers procédure de sauvegarde Dans l'un et l'autre cas, il s'agit d'activité fonciere locative, acquisition puis location de deux tours à La Défense, acquisition puis location de ll immeubles de bureaux dans l'aflaiie Mansford. Dans l'un et l'autre cas, l'acquisition a eté financée par emprunt Le prêteur dc denier a pris une hypothèque de preFIDAL 6602693200503/GST/ATA/2 mier rang et s'est fait consentir des cessions loi Daillv sur les loyers des immeubles. Lc prêteur de denier s'est fait dans l'un ct l'autre cas consentir un nantissement sur les titres de la société portant les immeubles dans le cas de Cœur Défense, et des titres des sous-holdings détenant les titres des 11 sociétés immobilieres dans lc cas Mansford, le tout avec pacte commissoire Seule difference au titre du montage, dans le cas de Cœur Défense, le prêt a été souscrit par la sociéte propriétaire de Fimmeuble, alors que dans le cas du groupe Mansford le prêt a etc souscrit par la holding et «redescendu» par le jeu de compte courant dans les filiales D une maniere certaine, dans le cas Mansford et probable dans l'autre, le montage financier avait un caractère spéculatif, les revenus locatifs étant insuffisants pour assurer à la fois le remboursement du capital et des intérêts, le remboursement de la dette ne pouvant se faire que par la vente de l'immeuble dont il était au depart spécule que sa valeui serait tres superieure a celle de l'acquisition Dans l'un et l'autre cas, les prêts étaient assortis de «convenants» déterminant les conditions d'exigibilité anticipées des sommes prêtées Dans l'un et l'autre cas ces «convenants» n'avaient pas ete respectés et les créanciers avaient procedé à des mesures visant à exiger le règlement anticipé des sommes dues ainsi que la mise enjeu des garanties prévues au contrat I. Que dit la Cour? I/ la Cour s'intéresse au cœur economique de «l'entrepose», à savoir l'exploitation des immeubles, ct constate avec surprise que l'un et l'autre des demandeurs à la sau vegaide lui exposent que cette exploitation se déroule sans Eléments de recherche : FIDAL : cabinet d'avocats, toutes citations 10 MAI 10 Hebdomadaire Paris Surface approx. (cm²) : 661 N° de page : 27-28 91 BIS RUE DU CHERCHE MIDI 75006 PARIS - 01 53 63 55 55 Page 2/2 problème. Les immeubles sont normalement loués et les loyers encaissés. D ne s'agira donc pas de réorganiser l'entreprise pour lui permettre de pérenniser son activité. 2/ Les prêteurs dc deniers vont pouvoir appréhender les ressources locatives des immeubles au travers des cessions Dailly qui leur ont été librement consenties et dont les effets sont validés. 3/ En réalité, ce que recherchent les sociétés au travers de la demande d'ouverture d'une sauvegarde, c'est d'une part la remise en cause de l'exigibilité des prêts et donc de dispositions contractuelles librement consenties et, d'autre part, de faire échec à la mise en œuvre de garantie, c'est-à-dire la réalisation par le jeu de pactes commissoires applicables au Luxembourg, attribuant aux prêteurs de deniers les actions des sociétés détenant les immeubles. La Cour en conclut que faire droit aux demandes de sauvegarde constituerait un détournement de la loi régissant cette procédure dès l'instant qu'elle ne vise pas la réorganisation de l'entreprise dont l'exploitation n'est pas menacée et ce quel que soit son propriétaire, l'ancien ou le nouveau, c'est-à-dire les créanciers par le jeu de la mise en œuvre d'un nantissement sur actions, ce qui peut se traduire en langage imagé : «Peu importe L'externalisation des actifs le changement de joueurs dès l'instant que le jeu continue à se des entreprises au profit des dérouler normalement.» créanciers est une tendance En ce cas les actionnaires initiaux perdent leur mise de fond, lourde qui ne pourra que se ce qui ne peut émouvoir la renforcer notamment avec la Cour puisqu'il s'agit de l'application du principe premier du mise en œuvre effective de capitalisme. la fiducie sûreté. 2. Ce que se refuse à dire la Cour En revanche la Cour se refuse absolument à dire, ce qui lui est expressément demande par le tiers opposant dans le cadre du dossier Cœur Défense, qu'une société ad hoc ou si l'on préfère SPV (special purpose vehicle) constituée pour recevoir un financement structure, ne constituait pas une entreprise au sens de la loi et donc se trouvait, de ce simple fait, inéligible à la procédure de sauvegarde. La Cour — cela devrait rassurer les acteurs du LBO - n'écarte pas la possibilité pour les holdings d'être soumises à une procédure de sauvegarde. Dans les deux cas présents, elle ne leur refuse le bénéfice de la sauvegarde que parce qu'elles n'énoncent pas et en tout cas «ne justifient pas être en mesure de ne pas poursuivre leur activité de gestionnaire de titres» (sic). Donc a contrario les holdings sont susceptibles de bénéficier d'une procédure de sauvegarde pour peu qu'elles justifient des critères édictés par l'article L. 620-1 du Code dc commerce c'est-à-dire de difficultés de nature à remettre en cause son activité de holding. Ce sera le cas lorsque la société contrôlée aura elle-même des difficultés nécessitant FIDAL 6602693200503/GST/ATA/2 l'ouverture d'une sauvegarde et que ces difficultés compromettent les remontées de dividendes nécessaires à l'apurement de la dette. 3. Quelles leçons en tirer ? 3.1. Première leçon II s'agit incontestablement d'un sévère rappel à l'ordre. La sauvegarde n'est pas un jouet. Elle est une procédure permettant à une entreprise ayant des difficultés, par hypothèse d'exploitation, de se réorganiser (ce terme est intégré dans l'article L. 620-1 du Code de commerce). Hors ce cadre, point de sauvegarde. La sauvegarde ne permet en aucun cas, pas plus qu'au juge, de modifier les contrats hors le consentement des parties. 3.2. Deuxième leçon L'externalisation des actifs des entreprises au profit des créanciers est une tendance lourde qui ne pourra que se renforcer notamment avec la mise en œuvre effective de la fiducie sûreté. Dans le cas présent, nous ne voyons d'ailleurs pas comment les sauvegardes auraient pu prospérer et présenter un plan dès l'instant qu'elles étaient privées de ressources locatives, celles-ci étant directement allouées aux créanciers par l'effet de la cession Dailly. 3.3. Troisième leçon Le secteur immobilier, en tout cas dans son activité foncière locative, reste réfractaire aux procédures collectives, précisément parce qu'il n'y a pas de problème d'exploitation. Sauf le cas d'immeubles vides, l'exploitation n'est pas susceptible de grande variation, il est impossible d'envisager de rajouter un ou plusieurs étages aux immeubles. La valeur locative projetée est donc connue. La valeur vénale dépend du marché et la dette est ce qu'elle est. Elle sert souvent de variable d'ajustement. Dans lc cadre dc la précédente crise immobilière ces dossiers s'étaient traités dans le cadre de procédures amiables et il est souhaitable qu'il en demeure ainsi. La seule procédure collective malheureusement efficace est la liquidation judiciaire qui consiste à vendre l'immeuble. Dans le cas présent, les créanciers ont voulu éviter cette issue en devenant actionnaires du débiteur. Es conserveront le choix du moment de la vente de l'actif et pourront arbitrer ainsi leur niveau de pertes. 3.4. Quatrième leçon En revanche, la sauvegarde conserve toute son efficience dans le cadre de sociétés industrielles ou commerciales éprouvant des difficultés d'exploitation nécessitant une réorganisation et ce même après mise en œuvre d'un LBO. En effet s'il cst relativement confortable pour un banquier de prendre le contrôle d'un immeuble, il est sans aucun doute plus incertain, délicat, voire inopportun pour ce même banquier, de prendre le contrôle d'une entreprise dans laquelle doit être mis en œuvre un important plan social. • Eléments de recherche : FIDAL : cabinet d'avocats, toutes citations