Contamines Montjoie

Transcription

Contamines Montjoie
Contamines
Montjoie
Qu’ils aient grandi à des centaines de kilomètres ou
que leur famille habite le village depuis des génération, tous parlent des Contamines-Montjoie avec
amour et passion. Ils sont prêtre à la retraite, garde
de réserve, restaurateur, guide de haute montagne... Ils vivent au village ou y travaillent et contribuent, chacun à leur manière au développement du
territoire. Onze Contaminards racontent leur histoire
et dessinent à travers leur propre expérience, la
ligne de vie de ce village haut-savoyard.
Textes : Céline Authemayou
Photographies : Zir / Cyril Entzmann
Mise en page : Elodie Barreau
Maïa, Zoé, Tamati, Edgar, Clément et Maxence, 7 à 12 ans
Petits Contaminards et fiers de l’être
Une enfance
tout en reliefs
C ertains sont nés « à zéro kilomètre d’ici ».
D’autres dans des terres plus lointaines,
en Nouvelle-Zélande. Quelles que soient
leurs origines, les petits Contaminards partagent
avec joie et gourmandise leur plaisir de vivre à la
montagne. Une montagne qu’il faut amadouer
et apprivoiser, saison après saison. « Au début,
lorsqu’on arrive ici, la hauteur des paysages impressionne, reconnaît Maïa, 10 ans, qui habite au village depuis l’âge d’un an. Puis, au fil du temps, on
s’y fait et on finit même par oublier la présence de
la montagne. » La plupart des enfants de la bande
n’a connu que le village, comme terrain de jeu.
« Aussi, quand on part en vacances dans des
régions sans relief, on trouve les paysages très
étranges, sourit Maxence. Et les reliefs finissent par
nous manquer… »
2 - Contamines / Monjoie
Tout au long de l’année, Maïa, Zoé, Tamati, Edgar,
Clément et Maxence vivent au rythme de la nature.
En été, les sorties au lac de baignade du Pontet
sont quasi-quotidiennes et les randonnées en haute
montagne avec les parents ponctuent les chaudes
journées de juillet et d’août. En hiver, place au ski !
« Ici, le football n’est pas du tout le sport classique,
rigole Edgar, 8 ans. Nous, c’est le ski !” Né au village, le garçon partage avec ses copains la passion
pour la glisse. « Les bosses, la poudreuse, la vitesse… C’est tout cela qu’on aime, s’enthousiasme
à son tour Clément. Bien-sûr, on tombe et parfois
on a un peu peur. Mais à chaque fois, on rechausse
les skis et on repart ! ». Toutes les semaines, ils se
retrouvent au ski club, qui dispense bien plus que
de simples cours sportifs. C’est aussi le lieu des
rencontres, des amitiés, des belles histoires entre
ICI LE FOOT N’EST PAS DU
TOUT LE SPORT CLASSIQUE !
NOUS, C’EST LE SKI ! „
copains et des futurs souvenirs d’enfance. Des
bons moments partagés, qui n’ont pas pour objectif principal de “fabriquer” des champions. D’ailleurs, parmi la bande de copains, aucun n’évoque
le désir de devenir un sportif professionnel. Même
Tamati et Maïa, qui ont pour oncle Antoine Bouvier,
champion local de Télémark. Certains s’imagine
professeurs de surf sur la côte Basque, Zoé rêve
de devenir pâtissière, Tamati paléontologue. Des
aspirations d’enfants, nourris par tout un imaginaire
fait de voyage et de rencontres. Ils sont encore
petits, mais ont déjà des rêves plein la tête. Parmi
la bande, quelques uns veulent rester au village,
car la grande ville , ça « n’est pas sympa ». D’autres
aimeraient partir, voir comment on vit ailleurs. Mais
tous gardent un attachement profond aux Contamines, leur petit coin de nature, leur village. Qu’ils
soient nés à zéro kilomètre d’ici ou de l’autre côté
du globe. ß
Contamines / Monjoie - 3
Jean-Yves Duperthuy, 48 ans
Directeur du service des pistes à la Société d’équipement des Contamines-Montjoie Hauteluce
Green doctor
H iver comme été, sous la neige ou lorsque
l’herbe pousse, Jean-Yves Duperthuy
veille sur les 120 kilomètres de pistes
que compte le domaine skiable des ContaminesMontjoie Hauteluce. Depuis dix ans, il est directeur du service des pistes au sein de la SECMH
(Société d’équipement des Contamines-Montjoie
Hauteluce). Lorsque les skieurs rejoignent la station, il organise le travail des pisteurs-secouristes,
des dameurs et des nivoculteurs (fabricants de
neige). Quand vient l’été, Jean-Yves œuvre avec
ses équipes à l’amélioration du domaine skiable et à
la création de nouvelles structures, comme ce parcours VTT, inauguré durant l’été 2013. « Pour assurer le bon développement de la station, il faut avoir
une vision à long terme, raconte ce passionné. En
matière de projets, nous avons toujours une voire
deux saisons d’avance. »
Natif de Saint Nicolas de Véroce, Jean-Yves Duperthuy a toujours voulu travailler au cœur de la mon-
4 - Contamines / Monjoie
tagne. A 18 ans, il devient pisteur-secouriste. Après
plusieurs années passées dans la vallée, il décide
de rejoindre la station de Val d’Isère en Savoie, pour
apprendre le métier dans un autre contexte, dans
un autre monde. « Les coupes du monde, les Jeux
Olympiques d’hiver... Ces années ont été d’une
richesse incroyable », se souvient le Contaminard.
Mais en 1992, il aspire à une autre vie et rejoint les
Contamines et la SECMH. Pisteur, puis pisteur-artificier… Au fil des années, il prend du grade, jusqu’à
devenir directeur des pistes en 2003. « La dimension familiale de la station me plaît, avoue JeanYves. Le contact avec la clientèle est très simple,
très direct. Pour être bien dans son travail, il faut apprécier le cadre dans lequel on exerce son métier.
Moi, je suis dans ma vallée, mon pays. »
Au fil des années, Jean-Yves a vu le métier évoluer.
Aujourd’hui, le fil conducteur est l’écologie. Réengazonnement des pistes pour assurer un bon enneigement, réhabilitation de zones travaillées pour
POUR ÊTRE BIEN
DANS SON TRAVAIL,
IL FAUT APPRÉCIER
LE CADRE DANS
LEQUEL ON EXERCE
SON MÉTIER. „
restituer l’aspect naturel du site après les travaux…
« J’ai à cœur de participer à l’évolution de la vallée
et à son développement économique, souligne le
directeur des pistes. Mais il n’est pas question que
cela se fasse au détriment de la montagne et de la
nature. Toutes mes actions sont guidées par une
seule et même idée: laisser à nos enfants une belle
vallée. » ß
Contamines / Monjoie - 5
Fabrice Boisdard, 37 ans
Restaurateur L’ô à la bouche
Cuisine et sac à dos
I l parle de sa cuisine avec un sourire gourmand.
A 37 ans, Fabrice Boisdard concocte dans son
restaurant situé au cœur du village des plats
« simples et conviviaux », qui attirent tout au long de
l’année habitués et touristes de tous âges. Le jeune
homme est en passe de réaliser son pari : faire une
belle cuisine qui rassemble toutes les générations
autour d’une idée simple : manger frais et de saison.
Fils de restaurateur, natif des Contamines, Fabrice a
quitté son village à 15 ans, avec la ferme intention…
de ne jamais y revenir ! « L’adolescence est l’âge où
l’on a envie d’aller voir ailleurs pour vivre sa propre
expérience », argumente le cuisinier. Après des
études d’hôtellerie-restauration à Thonon-les-Bains,
il travaille dans différents restaurants de France,
auprès de grands chefs. Puis en 2003, l’envie de
rentrer au pays se fait ressentir. Il rejoint de la chef
locale Renée Mermoud. Lui, est en cuisine. Mélanie
quant à elle, officie en salle. Elle a quitté sa région
d’origine, la Touraine, pour venir travailler en HauteSavoie. Ils se rencontrent grâce à cette expérience
professionnelle. Et décident de poursuivre leur route
6 - Contamines / Monjoie
IL FAUT PARFOIS
PRENDRE DES RISQUES
POUR PERMETTRE À
NOTRE VALLÉE DE VIVRE
ET DE SE DÉVELOPPER. „
personnelle côté à côte, aux Contamines. « Nous
avons fait le choix de la qualité de vie, raconte Fabrice. Ici, on peut vivre les portes ouvertes, sans
aucune crainte. Et il n’y a pas meilleur endroit pour
avoir des enfants ! »
Trois ans plus tard, en 2006, le couple décide de
tenter la grande aventure : l’ouverture de sa propre
affaire. Fabrice et Mélanie achètent un terrain situé
au cœur du village, imaginent le restaurant de leur
rêve et font appel à de jeunes architectes issus des
Contamines pour dessiner le bâtiment. Aujourd’hui,
le résultat est à la hauteur de leurs espérances. La
clientèle est au rendez-vous, tout comme la satisfaction des palais. S’ils ne comptent pas leurs heures
de travail et leurs efforts, Fabrice et Mélanie continuent d’innover, d’inventer. « Il faut parfois prendre
des risques pour permettre à notre vallée de vivre et
de se développer, estime le cuisinier. Les habitants
des Contamines ont beaucoup voyagé. Ils ont une
énorme culture du voyage, des expériences de vie
extraordinaires à partager. C’est une vraie source de
richesse, qu’il faut partager et mettre en avant. » ß
Contamines / Monjoie - 7
Gérard Barbier, 75 ans
Ancien garde forestier, mémoire du patrimoine contaminard
Le Mont-Blanc, côté cœur
U ne barbe de père Noël, une gouaille de
colporteur, un sourire charmeur… Au
cœur des Contamines, Gérard « Gégé »
Barbier est connu comme le loup blanc. Garde
forestier à la retraite, ce fils de Contaminard pure
souche est la mémoire vivante du village. De l’âge
de Bronze à la Seconde guerre mondiale en passant par le Moyen-Age, il est intarrisable lorsqu’il
s’agit de narrer l’histoire de ses aïeux. « A l’époque
romaine, le village était un lieu de passage international », raconte Gérard. D’ailleurs, du côté de l’église
Notre Dame de la Gorge, au bout du village, là où
les routes s’arrêtent, la voie romaine vient rappeler
cette riche histoire. « Impossible de comprendre le
présent si on ne se penche pas sur son passé »,
aime rappeler l’ancien garde forestier.
Au début du XXe siècle, à une époque où beaucoup de familles quittent le village, le grand-père
de Gérard Barbier s’exile à Paris. Beaucoup de ses
compatriotes travaillent dans les hôtels de vente, au
marché des Halles ou comme cireurs de parquet.
8 - Contamines / Monjoie
CES GENS-LÀ
FONT PARTIE DE CEUX
QUI DONNENT PLUS
QU’ILS NE PRENNENT. „
Lui, devient chauffeur du funiculaire de Montmartre
puis employé au sein du palace parisien le Bristol.
Après plusieurs années parisiennes, il revient aux
Contamines-Montjoie en 1933. Et devient « le premier hôtelier du coin », raconte fièrement Gérard !
Son fils, le père de Gérard prend le relais. Ce dernier
combattra aux côtés des chasseurs alpins durant la
seconde guerre mondiale. L’ancien garde forestier
porte fièrement le béret paternel chaque année, lors
de la fête du village en juillet.
Gérard, quant à lui, n’embrasse pas la carrière
d’hôtellier malgré les prédispositions familiales. Né
en 1948, il devient garde forestier en 1965. Il fait sa
carrière au sein des parcs naturels de la Vanoise,
des Bauges, de Chamonix. « Quand j’étais jeune, je
lisais énormément de littérature autour de la nature,
avoue le Contaminard. Je me souviens de l’Appel
de la forêt, de Jack London. Ce métier était pour
moi une évidence. Il m’a ennobli. » Après 25 ans de
bons et loyaux services, Gérard prend sa retraite et
revient aux Contamines. « Ici, c’est le côté coeur du
Mont-Blanc. Nous avons des sportifs exceptionnels,
de merveilleux guides. Tous ces gens-là font partie
de ceux qui donnent plus qu’ils ne prennent. » ß
Contamines / Monjoie - 9
Damien Chatellard, 34 ans
Directeur technique de l’Ecole de Ski française
Une vie bien fartée
I l ne quitterait pour rien au monde son village. A
33 ans, Damien Chatellard appartient à cette
génération de jeunes Contaminards qui ont
à cœur de défendre leur territoire et de contribuer
à son développement. « Les Contamines ont une
histoire, c’est un village vivant, se plaît à rappeler
le jeune homme. Nos anciens nous ont légués un
patrimoine dont il faut prendre soin. » Fils d’agriculteur, petit-fils de charron, Damien a repris l’exploitation familiale, tout en occupant le poste de directeur
technique de l’Ecole de Ski Française (ESF) du village. Deux activités qui se complètent et qui lui permettent de vivre au contact du territoire, 365 jours
par an. « Quand on est gamin aux Contamines, le
ski est à la fois une activité sportive et un merveilleux
lien social, constate le jeune homme. Tout le monde
10 - Contamines / Monjoie
se connaît, on retrouve les copains et on découvre
de si belles sensations. Le ski est pour moi le plus
beau de tous les moyens de transports. Quand on
sait skier, on éprouve une sensation de liberté, que
l’on rencontre dans très peu de sports... » C’est
pour toutes ces raisons qu’à l’adolescence, Damien décide de transformer sa passion en métier.
« Sachant que je n’avais pas le niveau pour devenir
champion, je me suis très vite tourné vers l’enseignement, porté par mon père moniteur, qui m’a
transmis son goût pour la pédagogie. »
A 16 ans, le jeune Contaminard entre ainsi à l’ESF
en qualité de moniteur stagiaire. Quatre ans plus
tard, il obtient son diplôme… Et devient le plus
jeune diplômé ESF de France. Titularisé à l’âge
de 21 ans, il part pendant un an à Morzine, « pour
LE SKI EST
À LA FOIS UNE
ACTIVITÉ SPORTIVE
ET UN MERVEILLEUX
LIEN SOCIAL. „
voir autre chose » et revient aux Contamines. A 26
ans, il est nommé directeur technique, son poste
actuel. Aujourd’hui, s’il n’enseigne quasiment plus,
il organise le travail des moniteurs – tous travailleurs
indépendants -, gère les événements sportifs qui
se déroulent dans la station (coupe de monde Skicross, etc.) et passe sa journée entre ordinateur
et ski. « Notre village a un vrai cachet, une belle
authenticité qu’il faut faire vivre. Nous ne sommes
pas un dortoir pour touristes mais un vrai village, qui
doit aller de l’avant. » ß
Contamines / Monjoie - 11
Marine Strappazzon, 19 ans
Championne de VTT
Le braquet
de la liberté
L JE NE POURRAIS
PAS VIVRE EN PLAINE.
LES MONTAGNES
ME MANQUERAIENT
CRUELLEMENT ! „
12 - Contamines / Monjoie
es Contamines-Montjoie sont pour elle
un terrain de jeu. A 19 ans, Marine Strappazzon est l’un des espoirs du VTT français. La jeune fille, qui poursuit ses études pour
devenir professeur d’EPS appartient à la famille
très sélective des sportifs de haut niveau. Championnats du monde, coupe du monde, coupe de
France… Marine multiplie les compétitions, au sein
de l’équipe de France espoir de VTT et de vélo de
route. « Mon objectif ? Décrocher les championnats
du monde avant 25 ans », assure sereinement et
avec détermination la jeune Contaminarde.
Marine est une enfant du pays. Ses parents tiennent
l’unique magasin de vélo du village. L’hiver, les roues
et chambres à air sont remplacées par les ski.
« De quoi créer quelques prédispositions au sport »,
sourit la jeune fille. Enfant, elle s’essaie à la glisse
et au vélo. A l’âge de trois ans, elle skie. A six, elle
enfourche un VTT. La passion grandit, les courses
et compétitions se succèdent, puis vient l’heure du
choix, inévitable. « En vélo, la saison commence
très tôt dans l’année, dès février, explique Marine.
Je ne pouvais pas mener de front les deux sports,
j’ai donc dû trancher. » Va pour le VTT.
Depuis trois ans, la sportive appartient à l’équipe
Scott à La Cluzat. Elle a dû quitter les Contamines
pour poursuivre ses études. Elle est aujourd’hui à
l’université de Besançon en filière sport. « J’ai toujours su que je ne pourrais pas compter sur mon
activité de compétition pour vivre, avoue, lucide
Marine. Les études sont toujours passées avant le
reste. »
Inévitablement, la jeune fille a dû s’éloigner de sa
montagne. Mais dès qu’elle peut, elle revient au
pays pour apprécier la vie « tranquille et familiale »
de ce petit coin des Alpes. « Je me rends compte
que j’ai besoin de ce calme, de cet apaisement.
Je voyage beaucoup grâce à mon sport et c’est
en visitant d’autres régions que j’ai pris conscience
de la qualité de vie des Contamines. Et puis, je ne
pourrais pas vivre en plaine. Les montagnes me
manqueraient cruellement ! » ß
Contamines / Monjoie - 13
Ricardo Mora, 47 ans
Guide de haute montagne
De la houle
vers les cîmes
E nfant, il a côtoyé la mer et sa houle, aux
côtés de son père marin et grand voyageur. Ricard Mora a grandi en Espagne,
près des plages de Tarifa. Un univers fait de sable et
de récits maritimes, bien loin des histoires de haute
montagne et de cols escarpés. Le guide de haute
montagne exerce aux Contamines-Montjoie depuis
l’âge de 33 ans. Auparavant, il a été décorateur sur
céramique, technicien du son…
Son attachement au milieu montagnard remonte à
ses 18 ans. A l’époque, il part avec son frère sur
les routes de France visiter les châteaux cathares.
Ils découvrent la montagne, pratiquent l’alpinisme et
rentrent en Espagne, bien décidés à nourrir cette
passion naissante. « A partir de ce moment-là, tout
14 - Contamines / Monjoie
notre argent est passé dans l’alpinisme, se souvient
Ricardo. On grimpait sans arrêt, épris de cette liberté ressentie en montagne. » Chaque été, ils partent
avec son frère en stop, pour rejoindre Chamonix.
Ils s’arrêtent en chemin pour faire les vendanges et
lisent goulument toute la littérature alpine.
Au fil des années, l’idée de transformer cette passion en métier germe dans l’esprit de Ricardo. Il
découvre l’école des guides de Chamonix, se renseigne sur les modalités d’inscription et décide de
AUX CONTAMINES,
LA NATURE EST RESTÉE
SAUVAGE, PRÉSERVÉE.
QUEL BONHEUR DE
PARCOURIR LES SENTIERS
ET DE TRANSMETTRE
NOTRE ATTACHEMENT À
CE TERRITOIRE. „
tenter le tout pour le tout. Il quitte l’Espagne, s’installe en Haute-Savoie et réussit à intégrer l’école
sélective pour y apprendre son futur métier : guide
de haute montagne.
Cinq ans plus tard, il peut enfin exercer. Comme la
vie est une histoire de rencontres, un jour qu’il rentre
chez lui en stop, il fait la connaissance du président
du bureau des guides et accompagnateurs des
Contamines-Montjoie. Il découvre à ses côtés une
vision du métier, avec en fil directeur la proximité
avec le public. « La technique est importante, mais
il faut avant tout aimer les gens, constate Ricardo.
Aux Contamines, la nature est restée sauvage, préservée. Quel bonheur de parcourir les sentiers et de
transmettre notre attachement à ce territoire ! »
Depuis six ans, Ricardo est président de la Compagnie des guides du Val-Montjoie. En relation
étroite avec ses homologues de Chamonix, il veille
à la préservation du patrimoine et au dynamisme
du secteur. « Il est essentiel de prendre le relai des
aînés, pour continuer de faire avancer notre métier
et de préserver nos valeurs. » ß
Contamines / Monjoie - 15
Christine Mattel, 47 ans
Gardienne du refuge des Conscrits, 2600 mètres d’altitude
Le phare
de la montagne
P erchée à 2600 mètres d’altitude, elle
observe jour après jour la ronde des alpinistes. Christine Mattel tient depuis 2007
le refuge des Conscrits, sur les hauteurs des Contamines-Montjoie. Après 5 heures de marche en partant du village, les marcheurs poussent la porte du
bâtiment moderne construit en 1997, laissent leurs
chaussures au rez-de chaussée pour les troquer
contre des sabots multicolores en plastique. Et
savourent la vue qui s’offre à eux. Epoustouflante.
« Ici, on est en haute montagne, rappelle Christine
Mattel. Les personnes qui viennent aux Conscrits ne
sont pas des touristes, mais plutôt des alpinistes. »
Ils viennent chercher le gite et le couvert, avant de
repartir sur les itinéraires escarpés environnants.
Gestion des réservations, préparation des repas
16 - Contamines / Monjoie
- avec un cuisinier venu du Népal -...
JE NE ME LASSE PAS
La gardienne du refuge prend soin de
DE CE CADRE DE VIE.
ses hôtes, du petit matin au soir. Levée
CHAQUE JOUR, LA LUMIÈRE
à 3 heures, elle ne se couche guère
EST DIFFÉRENTE.
avant 23 heures, « le temps de discuter
avec les visiteurs, d’échanger avec les
guides... Le contact humain est l’intérêt
même du métier et le refuge permet de faire des
rencontres. Quand je vois la mayonnaise prendre
entre des personnes qui ne se connaissaient pas
avant d’arriver ici, je suis ravie ! »
Avant de travailler aux Conscrits, Christine Mattel
a tenu d’autres refuges. Le premier, elle avait 21
ans. « Aujourd’hui, je me dis que c’était quelque
peu inconscient, sourit-elle. J’étais dans l’Oisan,
au coeur d’un site très accidentogène. Mais que
„
voulez-vous, j’aimais ça ! » Fille d’immigrés hongrois
installés en Lorraine, elle découvre les Contamines
pendant ses vacances d’enfance et se jure, chaque
année au moment du départ qu’elle reviendra un
jour pour s’y installer. C’est chose faite, lorsqu’elle
devient hôtesse d’accueil au bureau des guides et
accompagnateurs du village, après avoir délaissé
les refuges pour construire une famille. « Je me suis
sentie tout de suite acceptée, intégrée à la grande
famille des Contaminards. »
Depuis, elle n’a plus quitté le village et y a fait sa
vie. Sa fille, Coline est d’ailleurs l’une des étoiles
sportives de la station. La jeune fille de 17 ans, sauteuse à ski, prépare ses premiers Jeux Olympiques
à Sotchi l’hiver prochain. « Je ne vois pas les Contamines comme une station de ski, mais comme un
vrai village ! aime rappeler Christine Mattel. Je ne
lasse pas de ce cadre de vie. Chaque jour, la lumière est différente. C’est certain, je pourrai rester
ici encore très longtemps ! » ß
Contamines / Monjoie - 17
Joseph Rey, 77 ans
Prêtre-ouvrier à la retraite
L’humaniste qui parlait aux fleurs
L J’ÉCOUTE LES HISTOIRES,
JE M’INTÉRESSE À ELLES.
C’EST UNE TOILE DE FOND
MERVEILLEUSE POUR
COMPRENDRE LA RÉGION. „
18 - Contamines / Monjoie
es Contamines-Montjoie ne devaient être
qu’une petite escale d’une année, avant
de voguer vers de nouvelles aventures.
Finalement, Philippe Rey n’en est jamais reparti.
Et voilà dix-sept ans que ça dure ! L’ancien prêtre
ouvrier s’est installé dans la maison jouxtant l’église
Notre Dame de la Gorge lorsqu’il a pris sa retraite,
en 1996. « J’ai découvert les Contamines en 1949,
lors d’un camp de vacances, se souvient celui que
tout le village appelle Père Rey. Des années plus
tard, je suis revenu régulièrement, pour prendre
mes trois semaines de congés d’été. »
Le regard enfantin et le sourire au coin des lèvres,
le père est au village une véritable institution. On
en parle avec malice, avec admiration. Toujours
avec tendresse. Il faut dire qu’il est devenu au fil des
années le confident, l’oreille attentive des âmes en
peine. « Je me définis comme un âne, raconte, hilare le septuagénaire. J’ai deux grandes oreilles, un
bon dos… Et je suis loin de tout savoir ! » Humble et
discret, il réfute cependant sa qualité d’ermite que
certains villageois lui prêtent. « J’aime la solitude,
mais je ne suis en rien isolé du monde. Au contraire,
tout me relie à lui : ma foi, mon humanité… Mais il
paraît que je suis un peu particulier ! »
Durant les beaux jours, assis sur un banc devant
sa maison, il lit, discute avec les marcheurs et les
passants, observe les fleurs et contemple la nature.
L’hiver, il observe le ciel étoilé et « admire les étoiles
qui communiquent entre elles à coup de lumière ».
L’été, il parcourt les sentiers de randonnée, à la recherche de la fleur rare, de l’orchidée sauvage qu’il
n’aurait pas encore repérée. Car le père Rey est
un naturaliste hors-pair. Dans sa poche, il emporte
toujours une petite loupe, pour observer de près
la flore locale. « Une minute, avec une loupe, sur
une fleur », tel est son credo. « La nature parle des
hommes, comme n’importe quelle autre science,
assure le prêtre, qui observait sa mère cueillir les
plantes médicinales. J’aime appliquer ce précepte
aux personnes que je rencontre. J’écoute les histoires, je m’intéresse à elles. C’est une toile de fond
merveilleuse pour comprendre la région et les aspirations de ceux qui y vivent. » ß
Contamines / Monjoie - 19
Benoît Rioult et François « Bobo » Boraly, 63 et 71 ans
Ebenistes amateurs
La culture alpine,
source d’inspiration
C es deux-là sont amis depuis des années.
Ensemble, Benoît et “Bobo” travaillent le
bois. Par passion, en amateurs. Le premier est né aux Contamines, le second à Bourgen Bresse. L’un fut moniteur de ski, l’autre guide
de haute montagne. Tous deux ont travaillé pour
l’UCPA (Union nationale des centres sportifs
de plein air) et en gardent des souvenirs émus.
Benoît Rioult et François Boraly partagent bien
plus qu’un amour inconditionnel pour l’altitude
et les massifs. Les deux hommes, amis depuis
des années se souviennent d’avoir toujours aimé
façonner le bois, le travailler, le sculpter. « Il y a
peu de temps, j’ai retrouvé une tête travaillée
20 - Contamines / Monjoie
dans du noisetier, que j’avais réalisée à l’âge de
13 ans, raconte Benoît. J’avais un peu délaissé
cette passion, mais Bobo m’a donné envie de
m’y remettre, il y a une dizaine d’années. » Objets
usuels, jouets, petites pièces ou grands meubles,
les deux ébénistes amateurs puisent leur inspiration dans la culture alpine. « Dans certaines
vallées de la région, le travail du bois était très
présent, raconte François. Il servait à embellir les
objets et chaque ferme avait ses propres dessins, ses propres styles. Mais dans notre vallée,
nous avons retrouvé très peu de sculpture. Le
côté artistique était très peu développé, du fait
de la relative pauvreté des foyers du secteur. »
LORSQU’ON TRAVAILLE
LE BOIS, LE RAPPORT
AU TEMPS EST TRÈS
DIFFÉRENT, TRÈS LONG.
C’EST L’OCCASION DE SE
POSER, DE RÉFLÉCHIR. „
Si chacun dispose de son propre style, tous deux
se plaisent à travailler cette matière « vivante, à
l’odeur enivrante », sourit François. Merisier, tilleu, noyer... Des amis leur donnent le bois. Eux lui
donnent une seconde vie, une seconde jeunesse.
Les deux hommes aiment parler de leur passion.
« Pouvoir transmettre est une vrai bonheur, avoue
Benoît. Lorsqu’on travaille le bois, le rapport au
temps est très différent, très long. C’est l’occasion
de se poser, de réfléchir… » Réfléchir notamment à
cette vie à la montagne, au coeur de cette « belle
petite station » qu’est le village des ContaminesMontjoie où « l’on vit bien ». ß
Contamines / Monjoie - 21
Geoffrey Garcel, 33 ans
Garde technicien de la réserve naturelle des Contamines-Montjoie
Gardien du temple
L es jumelles autour du cou, il arpente les
chemins de traverse, oreilles grandes
ouvertes et sourire aux lèvres. Au cœur
de la réserve naturelle des Contamines, Geoffrey
est dans son élément. Amoureux de cette nature
luxuriante, le jeune homme est garde de la réserve
depuis 2002. A l’époque, il vient de terminer ses
études en gestion et protection de la nature et
rejoint le village pour son tout premier poste. Il est
employé de l’ASTERS (conservatoire des espaces
naturels de Haute-Savoie), gestionnaire de toutes
les réserves naturelles de Haute-Savoie. « J’ai toujours voulu faire ce métier, raconte Geoffrey, originaire d’Annecy. J’ai été bercé par la montagne et
j’ai beaucoup observé la faune et la flore. » Avec
22 - Contamines / Monjoie
J’AI L’IMPRESSION
DE CONCOURIR
AU DÉVELOPPEMENT
DE CE MAGNIFIQUE
COIN DE MONTAGNE. „
plus de 670 variétés de fleurs et 70 espèces d’oiseaux nicheurs recensés, autant dire que le garde
ne manque pas de travail. « Pour un passionné
de faune comme moi, c’est extraordinaire, avoue
Geoffrey. Cette réserve naturelle est la plus haute
de France et la seule traversée par le tour du MontBlanc. De plus, grâce à un fort dénivelé (de 1200
mètres à 3900 mètres), les espèces sont extrêmement variées et l’eau apparaît ici sous toutes ses
formes : tourbière, lac, torrent, glacier ».
Tout au long de l’année, par tous les temps, le
garde parcourt des dizaines de kilomètres chaque
jour. Sensibilisation du public à l’environnement qui
l’entoure, mission de police envers les personnes
non respectueuses de la nature, collaboration à
des études scientifiques... « Le métier est extrêmement varié et il permet d’entrer en contact avec des
acteurs très divers », explique Geoffrey. Lors de la
conception du nouveau sentier menant au refuge
des Conscrits, il a participé aux discussions avec
les guides, pour définir le meilleur tracé, qui respecterait au mieux les espèces vivantes présentes sur
le circuit. Métier de nature, mais aussi métier de dia-
logues. « Ce qui me rend le plus fier, c’est lorsque
les locaux, après avoir écouté mes explications
comprennent l’importance de ce travail de protection de la nature. Dans ces cas là, je me sens utile
et j’ai l’impression de concourir au développement
de ce magnifique coin de montagne. Un développement raisonné et concerté. » ß
Contamines / Monjoie - 23
ZIR (Cyril Entzmann), 41 ans
Céline Authemayou, 29 ans
Photographe
06 19 58 36 89
[email protected]
web : www.zir.fr
Journaliste à l'agence Sygma (1996-1999) puis rédacteur
en chef adjoint à l'agence Editing (1999-2004), il réalise
des reportages et des portraits pour la presse quotidienne et magazine et collabore avec des agences de communication et des
institutions. Son travail pour la presse comprend plusieurs séries
sur les lieux d’événements historiques, où il s’intéresse à la mise
en scène de la mémoire, et des reportages sur les enjeux écologiques et scientifiques.
Dans son travail personnel, Zir développe plusieurs approches,
touchant aussi bien à la mémoire de l’intime, au corps et au
paysage. Si le point de départ est toujours réel, le regard posé
s’éloigne du contexte original et propose une vision contemporaine et poétique des sujets abordés.
Depuis 2010, il a publié quatre livres pour enfants, Timo le drôle
de petit héros, édité par Gallimard Jeunesse.
Journaliste
Le portrait est avant tout une rencontre. Une rencontre humaine,
intime, avec des personnes qui acceptent de se livrer, durant
quelques minutes ou quelques heures au regard du photographe
et à l’oreille du journaliste. Parfois marquantes, souvent touchantes,
toujours enrichissantes, ces rencontres permettent de transmettre
une passion, une histoire.
Cyril Entzmann et Céline Authemayou se sont rencontrés dans le
cadre de leur collaboration régulière avec le magazine l’Etudiant. Les
reportages les ont menés dans un grand palace parisien, au cœur
des ateliers d’une grande marque de mode ou encore dans les
couloirs d’un hôpital pour suivre durant une nuit les professionnels
qui organisent le don d’organes en France.
Ce travail en collaboration étroite leur a donné envie de poursuivre
cette aventure en duo et de s’intéresser aux personnes, à travers la
réalisation de différents projets, toujours tournés vers les portraits.
06 60 64 16 95
[email protected]
web : site des Incorrigibles
Journaliste indépendante en presse écrite depuis 2005,
elle travaille régulièrement pour le magazine national L'Etudiant (groupe l'Express) sur des sujets métiers et emploi (portraits
de jeunes actifs, reportages métiers, etc.).
En presse régionale, elle couvre depuis deux ans le festival international Jazz in Marciac pour La Dépêche du Midi.
Elle collabore également à des titres de presse institutionnelle.
Depuis six ans, elle couvre pour la ville de Vincennes (94) la saison culturelle et réalise des portraits des acteurs de la vie locale
publiés dans le mensuel de la Ville.
Elle est membre du collectif de journalistes indépendants Les Incorrigibles, basé à Montreuil (93).
Conception graphique - Elodie Barreau - 06 50 70 84 54 - [email protected]

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