La dame aux baies roses
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La dame aux baies roses
ÉCO DU SUD par Myriam Grandcler © Photos Patrick Chalas La dame aux baies roses Le projet innovant d’Odile Boyd a séduit le jury des Trophées de l’entreprise. « L’Archipel aux baies roses » a provoqué le coup de cœur du jury des premiers Trophées de l’entreprise. La société d’Odile Boyd, qui récolte, égrène, traite et commercialise les baies roses (fruits du faux-poivrier), projette cette année d’investir le marché local. D ans sa petite boutique aux couleurs chaudes, Cœur d’épices, au Faubourg Blanchot, Odile Boyd fait le commerce d’épices venues des quatre coins de la planète. Du curcuma et du safran des Indes, du raz el hanout du Maroc et des épices méconnues telles que la nigelle de France et le sumac du Liban. Elle essaie aussi de proposer, autant que possible, des produits locaux. C’est ainsi que depuis 2009, elle vend également des baies roses, une nouvelle production locale lancée par ses soins. « Je voyais ces baies roses partout autour de moi. Elles tombaient depuis des années sans que personne n’en fasse rien. Je me suis dit que je devais bien 2 pouvoir utiliser cette matière première gratuite », raconte Odile, encore enthousiaste. Il est vrai que la Nouvelle-Calédonie regorge de faux-poivrier, un arbre proche du saule pleureur, qui produit ce petit fruit comestible au goût poivré, légèrement sucré et fruité, qui en fait une épice extrêmement prisée, en cuisine et en parfumerie. Or, les baies commercialisées ici proviennent de Madagascar… Avec les femmes des squats En 2008, l’intrépide retraitée de l’enseignement public décide de se lancer dans un projet d’envergure de collecte et de traitement des baies roses en vue de les commercialiser. « Cela ne s’était encore jamais fait sur le Caillou », relève t-elle, non sans fierté. Pendant trois ans, soutenue par les techniciens de la direction du Développement rural, Odile Boyd travaille d’abord à petite échelle pour mener les études nécessaires afin de s’assurer que son projet est viable. Après s’être initiée au protocole assez pointu de traitement répondant aux critères d’exportation, la marchande d’épices fonde en 2011 L’Archipel aux baies roses. C’est pourtant le travail, de collecte et de tri, qu’elle offre à des dizaines de femmes sans emploi qui constitue la force de son projet. « J’ai voulu axer mon activité sur le côté social qui me tenait énormément à cœur », tient-elle à préciser. Sa première récolte en 2008, elle la confie à des femmes des squats (les faux-poivriers n’y manquent pas), souvent trop âgées, porteuses d’un handicap ou devant rester au foyer. « Ces femmes sont très demandeuses de petits boulots qu’elles peuvent effectuer chez elles, assises sur la natte avec leurs gamins. Cela leur permet de gagner un peu d’argent pour elles. » Partenaire du Camp Est D’ici à la prochaine cueillette, d’avril à juin, Odile s’est rendue dans plusieurs communes, jusqu’à Boulouparis, pour recruter les récolteuses de baies roses en organisant des réunions d’informations. Puis, une fois par semaine, elle récupérait les fruits ramassés et triés au lieu de rendez-vous fixé. « Je me déplace avec une balance dans ma voiture, je pèse les sacs et je paye cash », explique celle que tout le monde appelle désormais « la dame aux baies roses ». « Cette année, j’ai voulu faire profiter d’autres personnes démunies », lance cet infatigable bout de femme qui a réussi à obtenir un partenariat avec le Camp Est. C’est un accord historique puisque, pour la première fois, le pénitencier signe avec une société calédonienne. Odile en tire une grande fierté : « Les responsables étaient très intéressés par cette activité qui ne nécessite aucun outil et permettra bientôt de sortir les prisonniers de leur oisiveté quotidienne ». Pour le moment, quelques baies roses sont disponibles dans son magasin, mais l’intégralité de la production a été achetée par un grossiste tourné vers l’export. Pour l’année en cours, Odile envisage donc de doubler sa production et de partir ainsi à la conquête du marché local. La baie rose de Madagascar n’a qu’à bien se tenir ! Premiers Trophées de l’entreprise Ce nouveau concours, organisé par la Chambre de commerce et d’industrie en partenariat avec les Nouvelles calédo‐ niennes, valorise l’entrepreneu‐ riat et récompense les entre‐ prises innovantes (5 lauréats pour 72 postulants). L’Archipel aux baies roses a remporté le Coup de cœur du jury, un des deux trophées hors concours, à © ?????????????????? haute valeur symbolique. « Le projet de Mme Boyd a retenu l’attention du jury pour son caractère unique qui s’inscrit dans une démarche de développement durable, indique Sabah Damène, du service communication de la CCI. L’Archipel aux baies roses favorise l’insertion pro‐ fessionnelle et valorise des produits locaux non exploités par ailleurs ». 3