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Dossier n°31. De l’avenir des armées françaises
Quelques chiffres
•
1,45%: c'est le pourcentage du budget alloué à la défense en 2016 par rapport au PIB,
contre 3% en 1982
•
450 millions d'euros : c'est le budget mis en place pour les OPEX (opérations extérieures)
par l’État -qui devrait normalement être de minimum 1 milliard d'euros
•
40 millions d'euros : c'est le budget annuel qui devrait être consacré à la défense seulement
afin de faire en sorte que les missions confiées aux diverses armées françaises soient
accomplis
•
2,7% : c'est le pourcentage du PIB qui est utilisé pour les fonctions régaliennes (défense,
police, justice, diplomatie, …). Ce pourcentage était de 4,7 % au début des années 2000.
En résumé. Les armées sont actuellement dans un état piteux. Il est nécessaire de
considérablement augmenter le budget consacré à celles-ci. Mais cette augmentation doit se faire en
fonction d'un véritable projet politique. Projet qui doit s'affermir des décisions politiques des ÉtatsUnis et de l'OTAN. Ainsi, la France doit avoir un véritable projet qui s'ancre dans ce que représente
la France à l'étranger.
Une armée dans un état désastreux
Plusieurs années de décisions politiques ont mis l'armée française dans des dispositions qui
enjoignent aujourd'hui à une certaine prise de conscience. Citons tout d'abord la LOLF c'est-à-dire la
Loi Organique relative aux Finances. Cette législation a supprimé un rapport du supportant au
supporté. Dans les faits, cette loi a mis au même niveau de hiérarchie et d'importance le Chef d’Étatmajor des Armées (CEMA), la délégation générale à l'armement et le secrétariat général de
l'administration. Cette égalité engendre un souci dans la gestion des armées. En effet, avant 2006 et la
LOLF, le CEMA avait une importance majeure par rapport à cette dite délégation et à ce dit secrétariat.
En les mettant sur le même niveau, on a ôté de l'importance au CEMA. Cette loi enclenche donc le fait
que les décisions effectuées pour les armées sont rarement prises dans une logique d'intérêt de l'armée
d'un point de vue opérationnel. De même, la Révision Générale des Politiques Publiques a souhaité
mutualiser tous les moyens et les personnels entres les différentes armées ( Air, Terre, Marine ou
encore la récente Cyberarmée). On a donc voulu occulter tous les détails qui faisaient les différences
entre les armées au niveau de la logistique notamment. Cette loi a encore été une erreur. En effet, les
différences entre les armées forment les traditions, la personnalité et les forces de celles-ci qui sont
ainsi bien plus opérationnelles. Cette mutualisation des moyens n'a abouti qu’à un certain « chaos »
comme l'avait dit Jean-Luc Champenois. Cette loi a également enlevé de l'importance au
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commandement hiérarchisé et a mis en place des réunions de coordination. Cette tentative de
« matricialisation » a également été facteur de la baisse de compétences au sein des armées. Enfin la
nouvelle gouvernance entamée en 2012 a ôté au CEMA la gestion des Ressources Humaines et donc la
gestion de ses hommes. Ceci est une faute grave car le CEMA perd de son pouvoir au fur et à mesure.
Il n'a plus la main mise sur ses hommes.
Tout ceci démontre à quel point certaines décisions politiques ont mis en difficulté les armées.
On observe donc aujourd'hui que l'état de l'armée est désastreux. Ainsi les divers régiments sont sousentraînés. Autant l’entraînement individuel est toujours important, autant l’entraînement collectif a été
fortement réduit, ce qui mène à une dégradation de l'armée. Les « réductions temporaires de capacité »
ont mené à un sous-équipement des armées. On pense en effet qu'il n'y aura pas de conflit majeur sur le
territoire français dans un temps proche. Voilà pourquoi l'état actuel du matériel des armées est
catastrophique. On estime qu'il faudrait plus d'un milliard d'euros afin de faire en sorte que les
équipements soient suffisamment nombreux pour remplir les missions confiées aux armées françaises.
Comme on nivelle par le bas la formation des soldats, on observe aussi que la formation du corps des
officiers devient également défectueuse. Ainsi, on a diminué le temps de formation des cadres de
l'armée. A titre d'exemple on peut citer l’École de Guerre, dont la formation durait deux ans dans les
années 1990 et qui est aujourd'hui limitée à seulement un an. Il convient également de citer la
dimension budgétaire peu importante que représente celle des OPEX, ainsi le budget dédié aux OPEX
(c'est-à-dire le financement des surcoûts du déploiement des armées en opérations extérieures) n'est
que de 450 millions d'euros alors même qu'il devrait être de plus d'un milliard d'euros. Cette sousdimension mène à prévoir des OPEX déjà sous la contrainte de ce coût. Ceci mène donc à envoyer trop
peu d'effectifs en opération et à les retirer bien trop tôt.
Tout cela aboutit à des victoires françaises de par la puissance de son armée mais ce sont des
victoires tactiques et non stratégiques ou politiques. En effet l'armée française ne peut pas se déployer
sur le long terme. Enfin, les ressources humaines de l'armée sont mal gérées. En effet, la gestion des
ressources humaines est faite par le ministère de la défense qui, encore une fois, souhaite effectuer des
contraintes budgétaires. Ceci aboutit à une baisse du moral de certains officiers qui voient l'avenir
bouché et quitte l'armée pour aller exercer leurs compétences autre part. Toutes ces contraintes
conduisent à avoir une armée française qui est suffisamment puissante pour obtenir des victoires
pareilles mais non suffisantes pour incarner la force politique française. Plus simplement, l'armée
française réussit ce qu'elle fait dans le peu de temps qu'elle a lors des OPEX mais elle peut (et doit)
faire bien mieux si on lui en donnait les moyens.
Dans les faits, ce manque d'importance stratégique peut se traduire parce ce qu'on a pu observer
entre les opérations au Mali et l'opération Chamal. La France est intervenue au Mali, elle a dû le quitter
pour la Centrafrique, qu'elle a dû quitter pour le Sahel (opération Barkhane) et l'Irak (opération
Chamal). Du point de vue de l'équipement, on s'aperçoit qu'il y a des manques au niveau de la capacité
des armées. Ainsi l'armée française ne possède pas d'hélicoptères lourds, d'avions gros porteurs et a
une insuffisance quant aux services de renseignements. La voilà qui doit demander de l'aide aux EtatsUnis pour certaines de ses missions. De même, elle fait face à un matériel vieillissant (comment ne pas
parler du VAB?). Mais le processus de remplacement entamé est trop long car le budget réservé à cela
n'est absolument pas suffisant. Il faut donc augmenter ce budget. Un accroissement qui ne doit pas
s’opérer sans faire privilégier le pays de l'arme nucléaire mais en faisant aussi profiter les forces
conventionnelles sous peine de ne faire qu'aggraver un déséquilibre déjà considérable.
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Un projet politique en adéquation avec la nécessité de relever les armées
En considérant ces différents paradigmes, force est de constater que le redressement des armées
semble indispensable. Aujourd'hui la plupart souhaite que le pourcentage du PIB dédié aux armées
augmente à un taux de 2%. En 2016, seulement 1,45% du PIB nationale était utilisé pour l'armée.
Selon le général Vincent Desportes, le budget de la défense ne peut pas être de seulement 2% ( et donc
encore moins de 1,45%). En effet, ce pourcentage équivaut à avoir une armée capable de bien agir sur
les différentes opérations dans laquelle elle est engagée. Néanmoins, la France doit viser bien plus
haut. Ce pourcentage de 2% a été décidé au sommet de l'OTAN Newport en 2014. Les points 14 et 15
des diverses décisions prises lors du sommet visent à cesser la baisse du budget dédié à la défense chez
les états membres et à l'augmenter à 2%. Cette décision semble bonne pour des états qui ne sont pas
interventionnistes et qui n'ont pas la puissance nucléaire. Or ça n'est absolument pas le cas de la
France. Notre pays doit donc passer au-delà du seuil des 2% et devrait même viser les 3%.
La défense doit donc résulter d'un projet politique. En effet, c'est la place de la France dans
l'échiquier mondial qui se joue avec son armée. En outre, augmenter le budget alloué à la défense n'a
aucune utilité si les choix politiques sont toujours effectués comme ils le sont à l'heure actuelle. Par
conséquent, il faut tout d'abord trouver un projet politique à la France et de cela découle le budget de la
défense. Or, ce choix politique doit être tourné vers un rétablissement de la puissance armée française.
Cette prétention de faire de la défense française une armée en phase avec le rôle que veut jouer la
France est générée par plusieurs raisons. En effet, la France doit déconnecter ses ambitions de celle des
Etats-Unis et de l'OTAN. Les Etats-Unis ne seront pas toujours derrière la France, d'autant plus que
leur futur semble davantage se dessiner en Asie qu'en Europe (notamment car la population américaine
va devenir majoritairement afro-américaine ou latino-américaine). Se pose, alors, le problème que
compose l'OTAN. En effet, la force militaire de l'OTAN est majoritairement celle des Etats-Unis.
L'OTAN empêche alors les pays européens de prendre à leur compte la défense (d'autant plus que
l'Europe de la Défense ne peut pas se former).
Ainsi, il faut que la France prenne son indépendance vis-à-vis des Etats-Unis. De même, l'armée
française ne pourra pas (et ne doit pas vouloir) avoir la complexité de l'équipement américain.
La France doit s'occuper urgemment de l'état de son armée pour plusieurs raisons. Il y a une
contradiction entre l'état du monde actuel et les moyens mis en place pour la défense. Cette
contradiction mène à un deuxième paradoxe. On a baissé les moyens alloués à l'armée alors qu'on
l'engage de plus en plus. Nous sommes actuellement au sein d'une période de chaos à la croisée de
deux périodes dites de « domination ». La volonté des Etats-Unis de ne plus être le gendarme du
monde laisse les organisations islamistes notamment se développer. La France est la première cible
occidentale de ces organisations. En effet, les armées françaises sont intervenues dans les pays
concernés par ces organisations. Malgré ces engagements, jamais l'idée d'une riposte de l'ennemi n'a
été évoquée. Pourtant il l'a fait (Bataclan, Nice, Charlie Hebdo...). Il fallait connecter la politique
extérieure et la politique intérieure française et ainsi prendre des assurances de la sécurité de la France
sur son territoire lors qu'elle attaque une organisation. L'Etat répète depuis plus de deux ans que le
France est en guerre et pourtant on ne donne pas les moyens à la défense d'effectuer son travail de la
meilleure façon possible. Par choix, nous nous sommes surexposés dans divers théâtres d'opérations
extérieures et par choix également nous n'avons pas une armée suffisante pour répondre à cette
surexposition. Voilà pourquoi, il faut quitter la politique budgétaire qui s'impose à l'armée et la faire
évoluer vers une politique stratégique.
Ainsi, la France est bel et bien une puissance armée mais les choix politiques doivent se faire en
fonction de l'état actuel du monde. Opérer en même temps une réduction des budgets et une
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surexposition française ne peut que mener à des mauvaises surprises. Il faut alors choisir entre ne plus
exposer la France et ainsi perdre son statut de puissance, ou alors décider d'assumer le statut qui est
celui de la France et alors mettre en place une politique en faveur de cela. Le problème ne vient pas
seulement des financements publics mais d'une décision de l'Etat. Ainsi, les fonctions régaliennes se
voient bien moins favorisées que les fonctions publiques. Ainsi les dépenses publiques représentent
57% du PIB alors que les dépenses régaliennes ne consistent qu'en 2,7% du PIB. Or, l'Etat existe grâce
à ces fonctions régaliennes ; les rabaisser reviendrait à faire décroitre l'importance de l'Etat. L'arrêt des
subventions de ces fonctions peut conduire à une contestation du pouvoir de l'Etat.
Source : De l’avenir des armées françaises, Institut Diderot, Général Vincent Desportes,
automne 2016.
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