Textes à apprendre pour audition Des couteaux dans le dos de
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Textes à apprendre pour audition Des couteaux dans le dos de
Textes à apprendre pour audition Des couteaux dans le dos de Pierre Notte La Mère : Ne crie pas Le Père : Je ne crie pas La Mère : Ne crie pas Le Père : Qui crie – je ne crie pas – rien fait pas ça La Mère : Tu me tues – ne crie pas Le Père : Rien dit – un mot – à peine – deux, bon – j’ai dit deux mots La Mère : Tu me soûles – tu me tues Le Père : Deux mots – à peine – qui crie – « regarde-moi » j’ai dit, n’ai dit que ça La Mère : Tu me soûles et tu me tues – d’abord tu me soûles, je suis là, tombée, soûlée, sous le coup de la soûlerie de ma fatigue de toi – ivre de ma fatigue de toi (tu me fatigues c’est rien de le dire) tombée, exactement tombée sur moi-même, soûlée (abattue) piétinée, à tes pieds désarmée – et tu me tues – une fois tombée tu me tues, tu m’achèves tu me tues Le Père : Qui crie – regarde-moi, c’est tout ce que je dis, tout ce que j’ai dit – regarde-moi – pas de quoi quand même La Mère : Ne crie pas Le Père : Mais je ne crie pas – je ne crie pas que je sache – ce n’est pas crier ça, « regarde-moi » – même fort, plus fort « regarde-moi » ce n’est pas crier – si tu veux que je crie je vais crier La Mère : Tu veux ma peau – d’abord tu me mets à genoux, je suis à genoux – d’abord tu me mets à genoux, ensuite tu m’achèves, tu m’écrases et tu m’achèves et même morte ce n’est pas assez – ce n’est pas assez que je sois morte de fatigue (tu me fatigues, je le dis, et ce n’est rien de le dire) tu veux me faire la peau maintenant – en plus tu veux ma peau, tu veux ma peau comme si ce n’était pas déjà assez Le Père : Je dis « regarde-moi » – je lui dis « regarde-moi » même pas en face, dans les yeux, de travers ou autant que tu peux, juste regarde-moi – et la crise d’asphyxie que ça nous fait – un chien dans les pétards du quatorze Juillet – mais calme-toi, contrôle, merde La Mère : Ne crie pas Le Père : Je ne crie pas – mais je ne crie pas – mais je vais te la foutre à la porte la mère La Mère : Il me menace – voilà qu’il me menace – me traite de chien d’abord et menace de me mettre dehors maintenant – tu me soûles, tu me tues, tu veux ma peau, me vider de tout et tout foutre dehors, tripes et boyaux, mais vas-y crie si ça te fait du bien Le Père : Regarde-moi – j’ai dit regarde-moi – tout ce que j’ai dit c’est ça – regarde-moi une seconde si tu pouvais – lever les yeux, une seconde, lever les yeux de l’écrasement du n’importe où, du rien à voir, du je m’en fous, de la vase d’ennui où tu te tiens, te maintiens, qui te contient comme la bouse même molle retient le petit Playmobil qu’un gamin a planté dedans La Mère : De la bouse maintenant – mes yeux dans la bouse – de mieux en mieux – je te regarde – je te regarde et c’est rien de le dire, t’avoir en face – toi qui te tiens tellement mieux tellement plus droit que tout le monde – t’avoir en face (je te le dis et c’est rien de le dire) ce n’est pas mieux ni plus riche que de regarder dans le vide. Il n’y a pas plus d’espoir à te regarder en face qu’à regarder dans le vide Le Père : Je vais crier – je crois que je vais crier, je crois que je vais pouvoir crier maintenant La Mère : Crie je m’en fous, tu peux crier je ne te regarde pas, je ne t’écoute pas, je ne t’entends pas. Crie si tu veux je m’en fous Kateb Yacine Lui : Toi, ma belle, en qui dort un parfum sacrilège Tu vas me dire enfin le secret de tes rires. Je sais ce que la nuit t'a prêté de noirceur, Mais je ne t'ai pas vu le regard des étoiles. Ouvre ta bouche où chante un monstre nouveau-né Et parle-moi du jour où mon coeur s'est tué !… Tu vas me ricaner Ta soif de me connaître Avant de tordre un pleur En l'obscur de tes cils ! Et puis tu vas marcher Vers la forêt des mythes Parmi les fleurs expire une odeur de verveine : Je devine un relent de plantes en malaises. Et puis quoi que me dise ma Muse en tournée, Je n'attendrai jamais l'avis des moissonneurs. Lorsque ton pied muet, à force de réserve, Se posera sur l'onde où boit le méhari, Tu te relèveras de tes rêves sans suite Moi, j'aurai le temps de boire à ta santé.