Philippe Robert (1881-1930): Feuilles d`automne

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Philippe Robert (1881-1930): Feuilles d`automne
Philippe Robert (1881-1930): Feuilles d’automne
Méditation sur la planche „Erable sycomore“. FEPS, 31 octobre 2007
Nous sommes un 31 octobre et nous nous situons au seuil de deux saisons : celle des récoltes, qui se
termine et qui tire sa substance encore de l’été, et celle, d’autre part, qui nous prépare à l’hiver et nous
invite désormais à nous souvenir des défunts et de la vie qui passe. Entre les deux : les feuilles
d’automne, symbole de tout ce que nous aura donné cette année encore le végétal qui nourrit toute vie,
symbole aussi de notre existence éphémère. Car elles tombent, les feuilles, et elles périssent. Juste
avant de disparaître, cependant, elles nous offrent – faut-il dire : le luxe ? ou plutôt : la grâce ? – d’une
beauté éclatante dont le banal feuillage d’été n’annonçait ni la couleur ni le mystérieux dessin. Même
pour les scientifiques actuels, la coloration des feuilles d’automne reste mal comprise, le phénomène et
sa fonction biologique ont été peu étudiés.
Dans le plus somptueux de ces ouvrages, les « Feuilles d’automne » de 1909, le peintre biennois
Philippe Robert (1881-1930) nous révèle non seulement la richesse esthétique des feuilles d’automne,
mais aussi, je dirais, leur dignité de créatures porteuses d’un message de vie dans la mort. En préfaçant
cet étonnant recueil, l’écrivain neuchâtelois Philippe Godet (1850-1922), ami des Robert, exprime la
teneur existentielle du sujet dans des termes très appropriés :
« Ce trésor me fut révélé le jour où j’aperçus, gisant sur la route, une feuille d’érable décorée de
dessins noirs et oranges, du coloris le plus riche et de la fantaisie la plus imprévue. A l’examen, il
m’apparut, hélas ! que cette brillante aquarelle était le produit de la décomposition et de la mort. Mais
je bénis la souveraine Volonté qui ne dédaigne pas de couvrir d’un vêtement royal l’agonie des choses
éphémères.
Les feuilles mortes – disons mieux : - les feuilles mourantes sont un des plus magnifiques poèmes que
puisse déchiffrer le regard des hommes. La nature y déploie ses inépuisables ressources d’invention,
elle y prodigue la diversité de son caprice, afin, semble-t-il, de donner à ce qui passe, comme une
consolation et une promesse, la gloire de l’éternelle beauté. »
Les feuilles de l’Erable sycomore (Acer pseudoplatanus) constituent à cet égard un témoignage
particulièrement parlant. Elles séduisent moins par une belle couleur que par un dessin unique de
taches noires provoquées par les attaques d’un champignon parasite, Melasmia acerina/Rhytisma
acerinum. Philippe Robert les peint avec le réalisme qui lui est propre tout en mettant en valeur la
beauté inattendue de tant de taches qui sont comme les ocelles auréolés sur une aile de papillon. Ne
dirait-on pas des feuilles-papillons, en effet ? Au moment de mourir, les feuilles semblent passer par
une métamorphose, en dépérissant elles sont habillées d’une vie nouvelle, resplendissante.
Mais est-ce vrai ? Tant de fois la vie mourante n’est ni belle ni calme ni lumineuse, tant de fois la mort
est absurde, effrayante et révoltante. Sans le témoignage des Ecritures, sans l’Evangile de la
Résurrection, le « livre de la nature » ne saurait nous consoler. Le livre de la nature est trop faible et
trop contradictoire pour susciter la foi. A cet égard, le Créationnisme et l’Intelligent Design qui font
tant de bruit dans le débat public, sont étrangement naïfs. Faut-il l’écarter pour autant, le livre de la
nature ? Non, car il n’est ni muet ni insignifiant, il vaut la lecture croyante, il peut nous parler quand il
entre en résonance avec la foi biblique. Il l’enrichit de mille paraboles inédites – comme cette belle
parabole des feuilles d’automne que nous conte le peintre Philippe Robert, parabole de vie éternelle
dans la vie qui passe.
Je vous souhaite un regard renouvelé sur les feuilles d’automne – et sur la Vie nouvelle autour de nous
et en nous.
Amen.
(Otto SCHAEFER)

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