Électroneuromyographie et potentiels évoqués - rachis
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Électroneuromyographie et potentiels évoqués - rachis
¶ 14-001-R-10 Électroneuromyographie et potentiels évoqués dans les pathologies de l’appareil locomoteur P. Boulu L’électroneuromyographie et les potentiels évoqués somesthésiques et moteurs sont les seuls examens analysant le fonctionnement neuromusculaire. Ils sont indiqués dans les affections caractérisées par des symptômes de déficit moteur, douleurs ou paresthésies. Les données doivent être interprétées en fonction de la clinique et de l’imagerie. L’électroneuromyographie étudie les racines, les nerfs périphériques et les muscles. Les potentiels évoqués somesthésiques et moteurs évaluent les conductions radiculaires et médullaires. L’électrophysiologie permet de distinguer une atteinte neurogène d’une atteinte myogène, de localiser le processus lésionnel (nerf périphérique, plexus, racine, moelle) et d’en apprécier la gravité (suivi évolutif et pronostic des traumatismes nerveux et des syndromes canalaires, indication chirurgicale éventuelle, persistance d’une pathologie active ou existence de séquelles). Les potentiels évoqués peropératoires assurent le monitoring médullaire dans la chirurgie rachidienne. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Électroneuromyographie ; Électromyographie ; Potentiels évoqués somesthésiques ; Potentiels évoqués moteurs ; Traumatismes des nerfs ; Syndromes canalaires ; Radiculopathies ; Myélopathies ; Potentiels évoqués peropératoires Plan ¶ Introduction 1 ¶ Principes et interprétation des techniques électrophysiologiques Électroneuromyographie Potentiels évoqués somesthésiques et moteurs 1 1 4 ¶ Applications aux principales pathologies neurologiques de l’appareil locomoteur Classification électrophysiologique des principales pathologies neurologiques de l’appareil locomoteur Traumatismes aigus des nerfs périphériques Atteintes radiculaires et plexiques Atteintes tronculaires des membres Neuropathies généralisées : polyneuropathies et mononeuropathies multiples Myopathies et atteintes de la jonction neuromusculaire Autres affections et symptômes rhumatologiques Myélopathies Potentiels évoqués peropératoires 7 8 8 8 8 ¶ Conclusion 8 5 5 5 5 6 ■ Introduction L’électroneuromyographie et les potentiels évoqués somesthésiques et moteurs constituent le prolongement naturel de l’examen clinique neuromusculaire. S’ils sont réalisés par un examinateur entraîné, ce sont les seuls examens qui permettent une mesure objective du fonctionnement du système neuromusculaire et qui fournissent de précieuses informations sur le siège de la lésion nerveuse, son étendue et sa sévérité. Une bonne connaissance de l’anatomie, de la pathologie neurologique et un examen clinique systématique sont indispensables à Appareil locomoteur l’interprétation. Les anomalies retrouvées ne sont pas spécifiques d’une étiologie particulière et doivent être analysées en fonction du contexte clinique et radiologique. Les grands principes et techniques de ces explorations électrophysiologiques sont d’abord envisagés, puis, de façon pratique, les apports de ces examens (quand les demander et lesquels, qu’en attendre) dans la stratégie diagnostique (quels résultats et quelles limites) et la décision thérapeutique sont abordés dans les principales pathologies neurologiques de l’appareil locomoteur, en insistant plus particulièrement sur les plus fréquentes et celles qui sont susceptibles de déboucher sur un geste chirurgical. ■ Principes et interprétation des techniques électrophysiologiques Électroneuromyographie L’électroneuromyographie (ENMG), appelée communément électromyogramme (EMG), comprend la détection de l’activité électrique musculaire (EMG de détection) et l’étude des conductions tronculaires motrices et sensitives des nerfs périphériques (du creux sus-claviculaire à la main et de la région inguinale au pied). L’appareillage est constitué principalement d’un préamplificateur, amplificateur, moyenneur, haut-parleur et d’un oscilloscope permettant de visualiser le signal obtenu recueilli par des électrodes. Un stimulateur électrique y est adjoint, capable de délivrer des chocs brefs pour exciter les nerfs moteurs et sensitifs. Les principaux muscles et nerfs étudiés sont répertoriés dans les Tableaux 1 à 4. Le nerf périphérique est formé par un faisceau de fibres axonales sensitives et/ou motrices entouré le plus souvent d’une gaine de myéline et mêlé à du tissu conjonctif. L’ensemble 1 14-001-R-10 ¶ Électroneuromyographie et potentiels évoqués dans les pathologies de l’appareil locomoteur Tableau 1. Innervation des principaux muscles du membre supérieur. Plexus Nerfs C5 C6 C7 C8 D1 Rachidien (racine) Paravertébral Paravertébral Paravertébral Paravertébral Paravertébral Scapulaire dorsal Rhomboïde Épineux Dentelé Suprascapulaire Épineux Dentelé Thoracique long Dentelé Troncs Faisceau postérieur Tronc supérieur Axillaire (circonflexe) Deltoïde Deltoïde Radial Extenseur des doigts Brachioradial Tronc moyen Tronc inférieur Triceps, extenseur radial carpe, Triceps, extenseur index Extenseur index Extenseur des doigts Faisceau latéral Musculocutané Biceps Biceps Médian Faisceau médial Pronateurs, palmaires Pronateurs Médian Fléchisseur ulnaire du Fléchisseur radial du carpe (parfois) carpe, thénariens Ulnaire (cubital) Thénariens Interosseux, Fléchisseur ulnaire du hypothénariens carpe, interosseux, hypothénariens Tableau 2. Innervation des principaux muscles du membre inférieur. Nerfs L2 L3 L4 L5 paravertébral paravertébral paravertébral paravertébral Plexus lombaire Lombosacré Obturateur Adducteurs Adducteurs Adducteurs Fémoral (crural) Psoas Psoas Psoas Quadriceps Quadriceps Quadriceps S1 paravertébral Plexus sacré Glutéal (fessier) Moyen fessier Tronc sciatique Fibulaire commun (sciatique poplité externe) Tibial antérieur, extenseur gros orteil Tibial (sciatique poplité interne) Biceps fémoral Biceps fémoral Tibial antérieur, court extenseur orteils Court extenseur orteils Tibial postérieur, soléaire Soléaire, abducteur orteils Tableau 3. Origine radiculaire des principaux nerfs cutanés sensitifs explorables du membre supérieur. Nerfs cutanés sensitifs et dermatomes C5 C6 C7 C8 Nerf cutané latéral avantbras (musculocutané) Nerf cutané latéral avantbras (musculocutané) Médian (majeur) Ulnaire (cubital) 5e doigt Nerf cutané médial avant-bras D1 Radial (poignet) Médian (index) Tableau 4. Origine radiculaire des principaux nerfs cutanés sensitifs et dermatomes explorables du membre inférieur. Nerfs cutanés sensitifs et dermatomes L2-L4 L5 S1 Nerf saphène (saphène interne) Nerf fibulaire superficiel à la cheville Nerf sural (saphène externe) Bord interne du pied Bord externe du pied constitué par un motoneurone situé dans la corne antérieure de la moelle et les fibres musculaires qu’il innerve forme une unité motrice (UM). L’ENMG permet de différencier un processus myogène d’un processus neurogène. Un trouble de la jonction neuromusculaire peut aussi être détecté. Les techniques sont beaucoup plus largement détaillées dans des ouvrages spécialisés [1-6]. Électromyographie de détection des muscles (Fig. 1) Elle est réalisée, le plus souvent au moyen d’une fine aiguilleélectrode concentrique, au repos et lors de la contraction 2 volontaire. Elle permet de distinguer une atteinte myogène d’une atteinte neurogène périphérique motrice et, dans ce dernier cas, d’en apprécier la sévérité et l’évolutivité (dénervation aiguë évolutive active, présence ou non de réinnervation, dénervation chronique non évolutive, atteinte séquellaire non compressive, etc.). Chez le sujet normal Au repos complet, le muscle normal est silencieux, dépourvu d’activité électrique sauf parfois et brièvement lors de l’enfoncement de l’aiguille (potentiels d’insertion et potentiels de plaque motrice). Appareil locomoteur Électroneuromyographie et potentiels évoqués dans les pathologies de l’appareil locomoteur ¶ 14-001-R-10 effort faible afin de compenser la perte des unités motrices. En cas de réinnervation, les UM deviennent polyphasiques et de plus en plus amples [3]. Atteinte myogène. Au repos complet, l’EMG peut recueillir des potentiels de fibrillation [1, 2] et des potentiels myotoniques ou pseudomyotoniques. Lors de la contraction volontaire, l’EMG retrouve des potentiels myopathiques de faible amplitude et de courte durée au sein d’un tracé accéléré trop riche ou interférentiel pour un effort faible et ce, pour compenser la perte musculaire [3, 4]. Étude des conductions tronculaires nerveuses motrices et sensitives [1-6] Elle est réalisée à l’aide d’électrodes de surface. Seules les fibres myélinisées les plus rapides (fibres motrices, fibres sensitives du tact et de la sensibilité profonde) peuvent être évaluées par les méthodes classiques de routine. Figure 1. Électromyographie (EMG) de détection : tracé neurogène. A. Au repos : fibrillation spontanée (5 ms et 100 µV/division). B. Contraction volontaire : tracé simple à pauvre accéléré avec potentiels de réinnervation de grande amplitude et polyphasiques (50 ms et 1 µV/division). Lors de la contraction volontaire, l’EMG enregistre la décharge des UM (Fig. 1) sous forme de potentiels (PUM) caractérisés par leur mode de recrutement et leur configuration. Un effort faible recrute d’abord une UM proche de l’électrode d’enregistrement (tracé simple) puis, lorsque l’effort est plus soutenu, la fréquence de décharge et le nombre des UM recueillies s’accroissent (tracé pauvre, tracé intermédiaire, et enfin tracé interférentiel pour une contraction maximale). Dans les conditions pathologiques Atteinte neurogène périphérique. Au repos complet, l’EMG peut recueillir des activités spontanées anormales [1, 2] : potentiels de fibrillation (Fig. 1A) et/ou potentiels lents de dénervation liés à la contraction spontanée de fibres musculaires dénervées, potentiels de fasciculations liés à la décharge d’une UM. Lors de la contraction volontaire (Fig. 1B), la dénervation musculaire se manifeste par un tracé appauvri (même pour un effort maximal) et anormalement accéléré [2, 3] même pour un Conduction motrice Le nerf est stimulé par un courant électrique bref, unique et net en deux points distal et proximal de son trajet et les réponses musculaires sont recueillies par électrodes monopolaires en aval sur le muscle correspondant sous forme de potentiels d’action moteur de plusieurs millivolts. La stimulation du nerf provoque également une réponse inconstante et tardive (réponse F) due à la remontée de l’influx vers la moelle, à la décharge antidromique du motoneurone et au retour de l’influx vers le muscle. La latence F explore donc aussi la partie proximale du nerf moteur et la racine motrice. Conduction sensitive Le territoire sensitif cutané distal est stimulé légèrement et le potentiel sensitif distal est recueilli, éventuellement par moyennage (réponses exprimées en µV), en amont sur le passage du nerf (voie orthodromique). La voie antidromique peut aussi être utilisée. Le réflexe H est l’équivalent du réflexe achilléen, il étudie la conduction des fibres sensitives et motrices du réflexe monosynaptique empruntant la racine S1 et passant par la moelle (stimulation des fibres sensitives du sciatique poplité interne au creux poplité, recueil musculaire au mollet). Les valeurs des vitesses de conduction obtenues varient en fonction de l’âge et de la température du membre. Aux membres supérieurs, les vitesses motrices et sensitives sont d’au moins 45 m/s. Aux membres inférieurs, elles sont d’au moins 40 m/s. La diminution des amplitudes des réponses, exprimées en mV ou µV, reflète une atteinte axonale. Les conductions sensitives sont plus précocement altérées que les conductions motrices. Ces dernières sont franchement ralenties en cas d’atteinte démyélinisante (Tableau 5). Tableau 5. Données électrophysiologiques des principaux syndromes neuromusculaires. Neuropathie tronculaire et polyneuropathie Radiculopathie/plexopathie Myélopathie Myopathie Présente si souffrance axonale Présente si souffrance axonale Absente Parfois présente Amplitude Augmentée et polyphasique si réinnervation Augmentée et polyphasique si réinnervation Normale Réduite Recrutement Appauvri et accéléré Appauvri et accéléré Normal ou appauvri Trop riche pour effort faible Normales Normales EMG détection Activité spontanée PUM Conductions tronculaires Amplitudes des potentiels Réduites Vitesses Plus ou moins ralenties selon l’importance de l’atteinte démyélinisante Normales, mais réponses F et H prolongées/plus ou moins ralenties selon l’importance de l’atteinte démyélinisante PES racine ou moelle Normaux Anormaux/normaux Anormaux Normaux PEM racine ou moelle Normaux Anormaux/normaux Anormaux Normaux PUM : potentiel d’unité motrice ; PES : potentiels évoqués somesthésiques ; EMG : électromyographie ; PEM : potentiels évoqués moteurs. Appareil locomoteur 3 14-001-R-10 ¶ Électroneuromyographie et potentiels évoqués dans les pathologies de l’appareil locomoteur N21-P40 prolongé = lésion de la moelle dorsale ou cervicale Cerveau Cerveau Cortex P40 N13 N9 normale et N9-N11/13 prolongé = lésion de la racine (N11) ou de la moelle (N13) N11 Cervical N17 normale et N17-N21 prolongé = lésion de la moelle dorsolombaire N21 Dorsal bas N9 N9 prolongée et N9-N11/13 normal = lésion périphérique N17 Sus-claviculaire Moelle Nerf Figure 2. Potentiels évoqués somesthésiques (PES) des membres supérieurs. PES enregistrés au niveau sus-claviculaire ou point d’Erb (N9) et cervical (N11) et (N13) après stimulation du nerf médian au poignet. Origine des réponses au niveau des voies anatomiques somesthésiques et interprétation des résultats. Les nerfs utilisés pour les PES sont : des nerfs mixtes sensitivomoteurs pluriradiculaires : médian et ulnaire au poignet, radial à l’avant-bras ; des nerfs cutanés pauciradiculaires ou des dermatomes : radial au poignet ou médian au pouce pour C6, médian à l’index et au majeur pour C7, ulnaire au cinquième doigt pour C8, brachial cutané médial de l’avant-bras pour D1. N17 prolongée et N17-N21 normal = lésion radiculaire Lombaire Moelle Nerf Figure 3. Potentiels évoqués somesthésiques (PES) des membres inférieurs. PES enregistrés au niveau lombaire et cortical après stimulation du nerf tibial à la cheville. Origine des réponses au niveau des voies anatomiques somesthésiques et interprétation des résultats. Les nerfs utilisés pour les PES sont : des nerfs mixtes sensitivomoteurs pluriradiculaires : fibulaire commun et tibial au genou et à la cheville ; des nerfs cutanés pauciradiculaires ou des dermatomes : fémorocutané et fémoral à la cuisse pour L2 et L3, saphène à la jambe pour L4, fibulaire superficiel ou bord interne du pied pour L5 et sural ou bord externe du pied pour S1. Cerveau Potentiels évoqués somesthésiques et moteurs [7-9] L’étude des conductions par l’ENMG ne permet de mesurer que les conductions nerveuses périphériques tronculaires. Grâce aux techniques des potentiels évoqués (PE) somesthésiques (PES) et moteurs (PEM), il est aussi possible d’évaluer les conductions sensitives et motrices radiculaires et médullaires. Potentiels évoqués somesthésiques Technique Les réponses évoquées (quelques microvolts d’amplitude) sont recueillies au moyen d’électrodes de surface : 250 à 1 000 stimulations légères délivrées à une fréquence de 2 à 5/s sont nécessaires pour obtenir des PES. Les nerfs stimulés sont soit des nerfs mixtes sensitivomoteurs pluriradiculaires, soit, mieux, des nerfs sensitifs cutanés pauciradiculaires ou des dermatomes [7, 8]. Pour le membre supérieur, les réponses sont enregistrées dans le creux sus-claviculaire et la région cervicale postérieure (sur les vertèbres C7 et/ou C2), pour le membre inférieur, dans la région dorsolombaire et au scalp. Résultats et interprétation En fonction des différents montages, les PES sont dénommés selon leur polarité (N : négativité, P : positivité) suivie de la latence moyenne en ms de chacun des pics (par exemple N9, P9, N13, P40, etc.). Les paramètres de mesure les plus utilisés sont les latences des pics, les latences interpics et les amplitudes. Pour les PES des membres supérieurs (Fig. 2). La réponse recueillie au creux sus-claviculaire ou point d’Erb (N9) correspond à l’activité du plexus brachial et les réponses d’origine cervicale (P9, N11, N13 et P13) aux activités cervicales radiculaire et médullaire. L’interprétation des résultats permet de situer, selon les montages utilisés, la lésion comme périphérique, radiculaire ou médullaire cervicale. Pour les PES des membres inférieurs (Fig. 3). Les réponses recueillies dans la région lombaire (P17 et N22) et dorsale correspondent à l’activité des racines (P17) et à celle de la moelle lombaire (N22). La réponse au scalp (P40) représente l’activité de l’aire somesthésique corticale. L’interprétation des résultats permet de situer la lésion comme radiculaire ou médullaire lombaire ou à un niveau central plus proximal. 4 TCMC prolongé PEM vertébral normal = lésion centrale TCMC normal PEM vertébral prolongé = lésion radiculaire PEM cortical M o e l l e PEM vertébral Figure 4. Potentiels évoqués moteurs (PEM) recueillis au niveau de l’éminence thénar après stimulation corticale et cervicale. Origine des réponses au niveau des voies anatomiques motrices et interprétation des résultats. Temps de conduction motrice centrale (TCMC) = latence PEM cortical – latence PEM vertébral. Potentiels évoqués moteurs Les PEM constituent une méthode récente de mesure atraumatique des conductions motrices, centrales [7, 10] et radiculaires, grâce à l’utilisation d’un stimulateur magnétique indolore, mais suffisamment puissant pour activer directement les voies motrices à travers le cadre osseux crânien ou vertébral. Les contre-indications à la stimulation sont représentées par l’épilepsie et la présence d’un pacemaker ou d’un corps métallique intracrânien ou rachidien. Technique Les réponses musculaires sont recueillies sur les muscles des membres au moyen d’électrodes de surface. Le centre de l’anneau de stimulation (une seule stimulation est en général nécessaire) est appliqué au niveau de la boîte crânienne sur le cortex moteur (PEM cortical) et au niveau des épineuses cervicales, dorsales ou lombaires (PEM vertébral). Résultats et interprétation Les PEM (Fig. 4) sont enregistrés sur le muscle au repos et, pour la stimulation cérébrale, lors de la contraction volontaire légère du muscle afin de faciliter la réponse. Les latences des PEM sont mesurées en ms et un temps de conduction motrice Appareil locomoteur Électroneuromyographie et potentiels évoqués dans les pathologies de l’appareil locomoteur ¶ 14-001-R-10 centrale (TCMC) est calculé en soustrayant de la latence du PEM cortical (cortex-muscle) la latence du PEM vertébral (rachismuscle). Les PEM corticaux correspondent à l’excitation directe des neurones pyramidaux et les PEM vertébraux à l’excitation de la racine motrice proche de son émergence médullaire (environ 1 cm). L’interprétation des résultats [8] permet de situer la lésion au niveau radiculaire ou au niveau central (médullaire ou cérébral). “ Point important Les potentiels évoqués étudient les conductions radiculaires et médullaires tandis que l’ENMG étudie les muscles et les conductions tronculaires. ■ Applications aux principales pathologies neurologiques de l’appareil locomoteur Classification électrophysiologique des principales pathologies neurologiques de l’appareil locomoteur À l’issue de l’examen clinique et de l’exploration électrique, on peut distinguer (Tableau 5) les neuropathies périphériques isolées ou généralisées, les atteintes médullaires et les atteintes myopathiques. Les neuropathies périphériques (atteinte du neurone périphérique moteur et/ou sensitif quel que soit le niveau : corne antérieure de la moelle, racine, plexus, tronc nerveux) comprennent sur le plan topographique, les mononeuropathies (atteinte isolée d’un tronc nerveux, d’un plexus ou d’une racine ou atteinte généralisée asymétrique de plusieurs nerfs dénommée mononeuropathie multiple) et les polyneuropathies (atteinte bilatérale et symétrique de plusieurs nerfs). L’ENMG (Tableau 6) permet aussi de déterminer le mécanisme lésionnel principal des neuropathies périphériques : • axonopathies par dégénérescence distale wallérienne (traumatismes aigus nerveux, syndromes canalaires, radiculopathies) ou par dégénérescence axonale distale rétrograde) (la plupart des polyneuropathies) ; • neuronopathies par dégénérescence des corps cellulaires des motoneurones situés dans la corne antérieure de la moelle (sclérose latérale amyotrophique [SLA]) ou des neurones sensitifs situés dans les ganglions rachidiens ; • myélinopathies par destruction de la gaine de myéline (syndromes canalaires et positionnels, radiculopathies, certaines polyneuropathies) ; • atteintes mixtes axonales et démyélinisantes. trois stades de gravité croissante [1, 2] : neurapraxie (myélinopathie localisée sans atteinte axonale, bloc de conduction total, mais transitoire : le nerf récupère rapidement), axonotmésis (lésions axonales plus ou moins complètes avec dégénérescence distale wallérienne, mais sans section de l’ensemble du nerf : la régénération peut nécessiter une réparation chirurgicale), neurotmésis (section complète du nerf : une suture est indispensable, mais la récupération n’est pas totale). C’est à partir du 8e-20e jour que surviennent des signes de dénervation musculaire aiguë active sous forme de fibrillations. La réinnervation peut commencer au bout de 15 jours (axonotmésis légère) ou de 3 à 4 mois (axonotmésis sévère), voire de 6 mois (neurotmésis avec chirurgie). Cependant, il existe, pour les muscles les plus distaux, un « facteur temps-distance », limitant la récupération par repousse axonale. En effet, les fibres musculaires dénervées vont dégénérer définitivement si elles ne sont pas réinnervées en 18 à 24 mois. Dans les traumatismes du plexus brachial, les atteintes susclaviculaires sont retrouvées dans 75 % des cas et sont les plus sévères [4] du fait d’une possible avulsion radiculaire (PES cervicaux pathologiques dans ce cas). Les traumatismes du tronc supérieur (C5, C6) sont les plus fréquents, mais ils ont un pronostic relativement bon car leur mécanisme entraîne plus souvent une démyélinisation que des lésions axonales sévères. Même si les axones sont touchés, la proximité des muscles est telle que le facteur limitant temps-distance ne joue pas et qu’une réparation chirurgicale est possible car l’avulsion radiculaire est rare. Les atteintes du tronc inférieur (C8, D1) sont en revanche plus graves (lésions axonales et avulsions radiculaires plus fréquentes, facteur limitant temps-distance par éloignement des muscles de la lésion). Les atteintes sous-claviculaires sont en général moins sévères sauf en cas de lésions vasculaires associées. D’un point de vue pratique, la première ENMG doit donc être demandée, soit immédiatement en vue d’une chirurgie (en cas de forte suspicion de neurotmésis ou d’axonotmésis complète), soit plus souvent au bout d’une à trois semaines pour distinguer neurapraxie et axonotmésis et pour rechercher une indication de suture. Les autres ENMG sont à demander vers 2 et 3 mois pour faire le bilan de la dénervation et rechercher des éléments de réinnervation. En cas d’absence de toute réinnervation débutante et de récupération à 3 mois ou de récupération très incomplète, une chirurgie est à envisager. Elle doit être réalisée entre le troisième et le sixième mois, mais pas au-delà en raison du « facteur limitant temps-distance ». Atteintes radiculaires et plexiques L’évaluation neurophysiologique, réalisée au plus tôt, environ 2 à 3 semaines après le début des premiers symptômes, permet de distinguer une lésion radiculaire d’une lésion plexique, de la situer, d’en mesurer la sévérité et d’écarter une atteinte tronculaire distale (Tableau 5). Les muscles, nerfs périphériques et PES à enregistrer pour évaluer les différentes racines et troncs plexiques sont mentionnés dans le Tableau 1 et la Figure 2. Traumatismes aigus des nerfs périphériques Atteintes radiculaires L’ENMG est le seul examen capable d’établir un pronostic et de prévoir la récupération bien avant la clinique. On distingue L’exploration [4, 11, 12] doit s’efforcer ici de répondre à des questions simples : y a-t-il une atteinte d’une ou plusieurs Tableau 6. Caractéristiques électromyographiques des polyneuropathies. Axonopathie Neuronopathie Myélinopathie Fibrillation Fibrillation, fasciculations Absente Amplitude et forme Augmentée et polyphasique si réinnervation Augmentée et polyphasique si réinnervation Augmentée si réinnervation Recrutement Diminué avec accélération Normal ou diminué avec accélération Normal Vitesses de conduction tronculaires Peu ralenties Normales Ralenties, bloc de conduction Réponses F normales Réponses F normales Réponses F ralenties EMG détection Activité spontanée Unités motrices EMG : électromyogramme. Appareil locomoteur 5 14-001-R-10 ¶ Électroneuromyographie et potentiels évoqués dans les pathologies de l’appareil locomoteur racines ? Si oui, est-elle active compressive avec souffrance motrice (fibrillation), y a-t-il une réinnervation, ou bien les symptômes sont-ils séquellaires d’une douleur neuropathique et/ou d’une fibrose ? Évaluer l’état fonctionnel de la racine est indispensable pour poser une indication de libération (avant 3 à 6 mois après le début des symptômes en cas de déficit moteur ou de douleur résistante) ou lorsque les radios sont normales ou difficiles à interpréter, par exemple en cas d’antécédent de chirurgie rachidienne. Fait fondamental, les potentiels sensitifs distaux étudiés par l’ENMG sont normaux car la lésion touche les fibres sensitives préganglionnaires. Pour identifier l’étage radiculaire, les anomalies des PES peuvent être retrouvées avant celles de l’EMG. Les PEM vertébraux peuvent montrer un bloc de conduction radiculaire, mais les anomalies des PES radiculaires cervicaux ou lombaires sont en théorie plus localisatrices et permettent un bilan d’extension. Les PES des nerfs cutanés et dermatomaux [7, 13] sont spécifiques de l’atteinte d’une racine, mais beaucoup plus difficiles à obtenir que les PES de nerfs mixtes pluriradiculaires souvent normaux lorsqu’une seule racine est lésée. Pour évaluer la sévérité de la souffrance radiculaire, l’EMG de détection demeure l’examen le plus performant [4] à condition qu’il y ait une souffrance axonale, même infraclinique, de la racine motrice. En théorie, il met en évidence des anomalies dans les muscles correspondants à la racine suspectée (grande valeur localisatrice dans les muscles paravertébraux) sans anomalie dans les muscles des racines sus- et sous-jacentes. En cas de symptômes uniquement sensitifs, l’ENMG peut être normale. En cas de douleurs résiduelles neuropathiques ou de fibrose sans compression significative, le bilan électrophysiologique (en particulier l’EMG) réalisé à distance de la chirurgie (au moins 3 à 6 mois) est souvent normal. Les radiculopathies cervicales et lombosacrées les plus fréquentes sont constituées par les atteintes C7, L5 et S1 [4]. Dans les névralgies cervicobrachiales et les sciatiques et cruralgies (canal étroit lombaire compris) avec examen neurologique normal, les études de corrélations anatomocliniques montrent que l’imagerie radiologique est pathologique dans 70 % des cas (il existe un nombre non négligeable de souffrances radiculaires sans conflit mécanique et liées à une irritation chimique de la racine) alors que l’électrophysiologie est pathologique dans près de 60 % à 80 % des cas et surtout plus localisatrice de la racine lésée [8]. Pour le canal étroit lombaire [14], les PES peuvent être sensibilisés par une épreuve de marche [15]. “ Point important Les potentiels sensitifs distaux sont normaux dans les radiculopathies (lésion préganglionnaire). Atteintes plexiques Fait fondamental, les potentiels sensitifs distaux étudiés par l’ENMG sont ici anormaux car la lésion touche les fibres sensitives postganglionnaires [4]. Les PES sus-claviculaires sont altérés [8, 9] (les PES cervicaux radiculaires et médullaires sont normaux) tandis que l’EMG de détection des muscles paravertébraux ne révèle pas d’anomalie. L’EMG est aussi utile pour guider le choix d’un muscle (grand dorsal) à transplanter. Syndrome du défilé thoracobrachial neurologique Le tronc primaire inférieur (C8, D1) et/ou le faisceau médial (médian, ulnaire) est comprimé par une côte cervicale ou par une apophysomégalie CVII. Le diagnostic électrique ne doit être porté qu’après avoir écarté une compression distale de l’ulnaire ou du médian ou une radiculopathie cervicale. Les potentiels sensitifs distaux des nerfs ulnaire (C8) et cutané médial de l’avant-bras (D1) sont altérés [16]. L’étude de la conduction motrice axillaire, des réponses F et des PES ulnaires peut retrouver des anomalies. S’il existe une dénervation musculaire, elle est confinée aux muscles ulnaires et médians de la main [17]. 6 Plexites postradiques Elles peuvent affecter les plexus lombosacré et brachial (tronc supérieur surtout en premier) après une radiothérapie pour cancer du sein. Elles surviennent plusieurs années après l’irradiation et doivent être distinguées d’une récidive tumorale douloureuse d’évolution rapide (tronc inférieur surtout). Névralgie amyotrophiante de Parsonage-Turner De cause inconnue (peut-être favorisée par une maladie systémique ou virale, une vaccination), elle peut mimer une rupture de la coiffe et touche plusieurs nerfs, surtout les muscles de la région scapulaire (deltoïde, biceps, épineux, etc.) en respectant les paravertébraux [1, 3]. La récupération fonctionnelle met 2 à 3 ans. Traumatismes du plexus brachial Voir « Traumatismes aigus des nerfs périphériques ». Atteintes tronculaires des membres L’ENMG est indispensable (Tableau 5) pour localiser la compression, évaluer son importance et guider le choix du traitement éventuellement chirurgical. En général, la nonamélioration clinique et la présence persistante d’un ralentissement franc de la conduction motrice, avec dénervation musculaire nette sans élément de réinnervation en progression, nécessitent une libération avant 3 à 6 mois (qui dépend de la distance entre la lésion et le premier muscle déficitaire). Seules les atteintes les plus fréquentes sont abordées [1, 3-6]. “ Point fort Dans un syndrome canalaire, c’est la non-amélioration clinique qui invite en premier lieu à la libération du nerf. Nerf médian Au poignet : syndrome du canal carpien C’est de loin le plus fréquent des syndromes canalaires. L’anomalie électrique la plus précoce et la plus sensible est un ralentissement de la conduction sensitive (éventuellement mis en évidence par la méthode centimétrique) entre la paume et/ou les doigts et le poignet. À un stade plus avancé, la latence distale motrice poignet-court abducteur du pouce s’allonge et le muscle présente des signes de dénervation, invitant à la libération chirurgicale. Le syndrome du canal carpien peut être facilité par une irritation radiculaire cervicale (double crush) qu’il convient de rechercher. Il arrive aussi qu’une neuropathie sensitive du nerf ulnaire au coude ou au poignet soit aussi présente, masquée cliniquement par le canal carpien. À l’avant-bras : syndrome du nerf interosseux antérieur a Il met en jeu les muscles fléchisseurs du pouce, de l’index et carré pronateur. La latence coude-carré pronateur est parfois allongée. Au coude : syndrome du rond pronateur Le nerf médian peut être comprimé à la partie inférieure du coude entre les deux chefs du rond pronateur et mimer un canal carpien. Les muscles du médian de l’avant-bras sont touchés sauf le rond pronateur. La conduction motrice à l’avantbras peut être ralentie, mais la latence distale motrice au poignet est normale. Le nerf est parfois aussi comprimé un peu au-dessus du coude par le ligament de Struthers (tous les muscles du médian sont alors affectés). a Branche purement motrice du médian, naissant un peu au-dessous du rond pronateur. Appareil locomoteur Électroneuromyographie et potentiels évoqués dans les pathologies de l’appareil locomoteur ¶ 14-001-R-10 Nerf ulnaire (cubital) Au coude C’est le site de compression le plus fréquent du nerf, soit dans la gouttière épitrochléo-olécranienne (traumatismes, séquelles de fracture), soit un peu en dessous, dans le tunnel cubital sous le muscle fléchisseur ulnaire du carpe alors respecté. Les paresthésies des deux derniers doigts sont fréquentes et tous les muscles cubitaux peuvent être touchés. Sur un coude fléchi entre 70° et 90°, le ralentissement de la conduction motrice au coude doit être supérieur à 10 m/s par rapport à la conduction à l’avant-bras pour être significatif. L’altération du potentiel sensitif cinquième doigt-poignet n’est pas localisatrice et la modification de la conduction sensitive au coude a de la valeur. L’association à une radiculopathie cervicale C8-D1 ou à un syndrome du défilé est possible. Au poignet et à la main : syndrome du canal de Guyon Il est rare (ganglion ou kyste synovial) et associe un potentiel sensitif distal altéré à une prolongation de la latence distale motrice dans le premier interosseux. Branche profonde La branche profonde purement motrice du nerf peut être comprimée un peu en aval : la latence motrice est allongée, parfois uniquement dans le premier interosseux, et le potentiel sensitif est normal. Nerf radial Au bras et au coude Le site le plus fréquent de compression du nerf est situé dans la gouttière humérale (fracture, endormissement sur le bras) et épargne le triceps. Les muscles en aval sont dénervés. En cas de suspicion de rupture du nerf, la suture doit être rapide. L’irritation du nerf au coude peut simuler une épicondylite (tennis elbow), mais les muscles ont un tracé neurogène. La récupération s’effectue sur 3 semaines à 6 mois. péroné est perturbée. L’altération du potentiel sensitif du nerf fibulaire superficiel, le respect du quadriceps, du tibial postérieur et les PES éliminent une radiculopathie L4 ou L5. Nerf tibial (sciatique poplité interne) Sa partie terminale peut être comprimée en arrière de la malléole interne. Beaucoup plus rare que le syndrome du canal carpien, le syndrome du tunnel tarsien induit des douleurs des orteils et de la plante du pied (à distinguer de la neuropathie interdigitale de Morton). Les anomalies EMG dans les muscles plantaires sont les plus fréquentes, les conductions des nerfs plantaires médial et latéral sont délicates à interpréter. Autres nerfs des membres Nerfs musculocutané et axillaire (circonflexe) Leur atteinte (traumatisme et luxation humérale, chirurgie) touche respectivement le biceps et le deltoïde ainsi que les latences motrices obtenues après stimulation sus-claviculaire. Nerf suprascapulaire En cas de traumatisme direct ou microtraumatismes répétés dans l’échancrure coracoïdienne, sac à dos : atteinte isolée des muscles épineux. Nerf thoracique long (dentelé) Son atteinte (traumatisme, chirurgie) est responsable d’une paralysie du muscle dentelé, variété d’épaule tombante distincte de celle induite par l’atteinte des nerfs spinal accessoire (trapèze) et scapulaire dorsal (rhomboïde). Nerf cutané latéral de la cuisse (fémorocutané) La compression de ce nerf sensitif à l’épine iliaque antérosupérieure (corset, obésité, pantalon serré) est souvent responsable de la méralgie paresthésique (dysesthésies en raquette de la face externe de la cuisse avec déficit sensitif). La conduction est ralentie à l’épine iliaque et les PES écartent une radiculopathie L2 ou L3. À l’avant-bras Nerf obturateur Le nerf interosseux postérieur, branche terminale motrice du radial, peut être comprimé dans le muscle supinateur qui est respecté. Ce syndrome doit être distingué d’une rupture des tendons des muscles extenseurs du poignet et des doigts. Sa lésion (prothèse de hanche, traumatisme du bassin, accouchement, névralgie obturatrice dans le canal sous-pubien) induit des douleurs de la face interne de la cuisse et une dénervation des adducteurs. Au poignet Nerf saphène (saphène interne) L’atteinte de la branche sensitive superficielle (dysesthésies bord latéral du poignet, pouce, index) peut mimer une ténosynovite de De Quevrain. La compression de ce nerf sensitif dans le canal de Hunter induit une douleur de la face interne du genou et parfois de la jambe. La conduction sensitive à la cuisse peut être ralentie. Les PES et l’EMG permettent d’écarter une radiculopathie L4. Nerf fémoral (crural) Sa lésion au niveau pelvien (traumatisme, chirurgie de la hanche et abdominale, abcès ou hématome du psoas, diabète) entraîne une paralysie du quadriceps et du psoas (ralentissement moteur arcade crurale-muscle). Le déficit sensitif affecte la face antérieure de la cuisse et parfois le bord interne de la jambe. Les PES permettent d’écarter une radiculopathie L2, L3 ou L4. Nerf sciatique et ses branches Tronc sciatique Il peut être lésé dans la région pelvienne (traumatisme, chirurgie de la hanche) ou à la fesse (intramusculaire, compression par le muscle pyramidal). En cas de compression à la fesse, les fibres à destination du nerf fibulaire commun sont le plus souvent atteintes et la douleur ressemble à celle d’une sciatique radiculaire. Le nerf est excitable à la fesse (enregistrement dans le biceps fémoral à la cuisse) par stimulation magnétique. Nerf fibulaire commun (sciatique poplité externe) La compression au col du péroné est fréquente (traumatisme, position alitée, jambes croisées, à genoux ou accroupie prolongée) et entraîne une paralysie de la loge antéroexterne de la jambe. La conduction motrice de part et d’autre de la tête du Appareil locomoteur Neuropathies généralisées : polyneuropathies et mononeuropathies multiples Les aspects électrophysiologiques sont largement détaillés dans des ouvrages spécialisés [1, 3, 6]. L’ENMG permet de révéler la présence de la neuropathie généralisée, de faire le bilan de sa distribution (le plus souvent distale, symétrique et sensitivomotrice : polyneuropathie, parfois asymétrique : mononeuropathie multiple) et de distinguer (Tableau 6) entre une axonopathie, une myélinopathie ou une neuronopathie. Axonopathies Elles comprennent la plupart des polyneuropathies métaboliques (polyneuropathie sensitivomotrice distale diabétique ou alcoolique, etc.), toxiques ou médicamenteuses et paranéoplasiques. Il faut y adjoindre les mononeuropathies multiples des vascularites (périartérite noueuse, amyotrophie douloureuse crurale de Garland chez le diabétique). Myélinopathies Elles incluent en particulier le syndrome de Guillain-Barré d’installation aiguë avec blocs de conduction proximaux, la 7 14-001-R-10 ¶ Électroneuromyographie et potentiels évoqués dans les pathologies de l’appareil locomoteur Pathologies tendineuses neuropathie héréditaire de Charcot-Marie-Tooth dans sa forme démyélinisante, les neuropathies de la sarcoïdose et les neuropathies associées à une gammapathie monoclonale bénigne à immunoglobuline M (IgM). Dans la rupture de la coiffe des rotateurs qui peut simuler une lésion plexique, radiculaire, du nerf suprascapulaire ou un syndrome de Parsonage-Turner, l’ENMG est normale. Dans l’épicondylite, la rupture des tendons extenseurs des doigts ou du poignet et les autres ruptures musculotendineuses (biceps, tendon d’Achille), les tracés musculaires sont normaux. Polyneuropathies mixtes axonales et démyélinisantes On peut citer ici les neuropathies des autres dysglobulinémies, les polyradiculonévrites inflammatoires chroniques idiopathiques et certaines formes de polyneuropathies diabétiques. Crampes et fasciculations Elles peuvent se rencontrer dans de nombreuses pathologies neuromusculaires, surtout dans la SLA, les neuropathies et les sciatiques chroniques. Le syndrome crampes-fasciculations musculaires sporadique ou familial, présent dans les mollets, les paupières ou même les mains, relève souvent d’une hyperexcitabilité neuromusculaire d’origine anxieuse facilitée par les exercices. Neuronopathies Neuronopathies motrices : sclérose latérale amyotrophique L’EMG est indispensable pour porter le diagnostic de cette neuronopathie motrice et peut être utilisé pour suivre l’évolution. Il montre l’absence de trouble des conductions sensitive et motrice (pas de bloc de conduction) associée à la présence de signes diffus de dénervation, dont les fasciculations, et de réinnervation musculaire éventuellement dans des muscles cliniquement indemnes. Les PEM peuvent retrouver un retard pyramidal [4]. Pathologies rhumatologiques et neurologiques intriquées Dans le syndrome polyalgique idiopathique diffus (fibromyalgie) l’ENMG est normale et permet, avec le contexte, d’écarter en cas de doute une neuropathie ou une myopathie. Dans les affections caractérisées par des symptômes de déficit moteur, des douleurs ou des paresthésies, l’ENMG est indiquée [1-4] . En particulier, il est utile dans les affections intriquées (suites douloureuses de prothèse de hanche associées à des sciatalgies, douleurs du genou et pathologie de la hanche, douleurs persistantes scapulaires, etc.) pour distinguer une souffrance neurogène d’une tendinite, d’une bursite ou d’une douleur projetée d’origine articulaire. Neuronopathies sensitives On distingue dans ce groupe la neuronopathie de DennyBrown associée à un cancer anaplasique et les neuropathies du syndrome de Sjögren. “ Point important Myélopathies Malgré les bilans extensifs à la recherche d’une étiologie, aucune cause n’est retrouvée dans 30 % à 40 % des cas. L’ENMG est, par définition, inutile dans le diagnostic positif d’une atteinte centrale. Elle peut cependant être nécessaire s’il existe ou si l’on recherche une atteinte périphérique associée (névralgie cervicobrachiale, radiculopathie lombaire). Les PES et les PEM sont en revanche souvent perturbés (Tableau 5) et permettent aussi de mettre en évidence une lésion infraclinique au niveau médullaire cervical ou dorsolombaire. Ainsi, dans les myélopathies cervicoarthrosiques [18], les PES et PEM sont plus sensibles que la clinique, au moins aussi souvent anormaux que l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et plus localisateurs. Les PES sont corrélés à la récupération postopératoire en cas d’hypersignal intramédullaire retrouvé à l’IRM [19]. Myopathies et atteintes de la jonction neuromusculaire Myopathies Elles comprennent de nombreuses affections [3] : dystrophies musculaires (maladie de Duchenne) et myotonies (maladie de Steinert) d’origine génétique, polymyosites, et myopathies métaboliques et toxiques aux caractères ENMG communs (Tableau 5). Parmi elles, il faut signaler les myopathies à la cortisone, laquelle est souvent utilisée en rhumatologie. Les polymyosites et dermatomyosites paranéoplasiques et des maladies du collagène (lupus, périartérite noueuse) touchent préférentiellement les racines des membres et les muscles paraspinaux avec augmentation des enzymes musculaires [3, 10]. Potentiels évoqués peropératoires Le monitorage peropératoire des voies somesthésiques (PES) et motrices (PEM) assure la surveillance continue du fonctionnement de la moelle et des racines et concourt au dépistage des complications. Il s’agit d’une technique difficile (sensibilité des réponses corticales et musculaires aux agents anesthésiques, artefacts en salle d’opération, coopération anesthésisteneurologue, etc.) utilisée surtout dans la chirurgie rachidienne (scoliose, compression médullaire, radiculopathie). Les PES [20] sont recueillis au cortex et/ou au niveau épidural. L’utilisation complémentaire des PEM (la stimulation électrique est ici préférable à la stimulation magnétique) doit permettre d’éviter le « test du réveil » lors de la dérotation des scolioses [21]. Atteintes de la jonction neuromusculaire Elles correspondent à une diminution de la libération présynaptique d’acétylcholine (syndrome de Lambert-Eaton des cancers anaplasiques) ou à la présence d’anticorps antirécepteurs d’acétylcholine postsynaptiques (myasthénie). Elles sont mises en évidence par les techniques ENMG de stimulations répétitives. ■ Conclusion Autres affections et symptômes rhumatologiques Polyarthrite rhumatoïde L’ENMG peut détecter une compression nerveuse (nerf médian au poignet), une polymyosite ou une neuropathie sensitive (Sjögren) surajoutées. Les atrophies musculaires voisines des déformations articulaires n’ont pas de caractère spécifique neurogène ou myogène. Dans les formes cervicales de la maladie, les PES [9] et les PEM peuvent retrouver des signes infracliniques de souffrance médullaire. 8 . En conclusion, les trois techniques électrophysiologiques (ENMG, PES, PEM) sont complémentaires et constituent les seuls examens capables d’évaluer l’état fonctionnel du système neuromusculaire. Les anomalies retrouvées ne sont pas en général spécifiques d’une cause donnée. Les potentiels évoqués permettent un diagnostic topographique précoce dans les pathologies radiculaires et médullaires tandis que l’ENMG localise les neuropathies tronculaires et canalaires, identifie l’atteinte musculaire neurogène périphérique (racines et nerfs) et en apprécie la gravité. Appareil locomoteur Électroneuromyographie et potentiels évoqués dans les pathologies de l’appareil locomoteur ¶ 14-001-R-10 . ■ Références [1] Bouche P. Électromyographie clinique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris). Neurologie, 17-030-A-10, 2008. [2] de Bisschop G, Dumoulin J. 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Somatosensory and motor evoked potential monitoring during spine and spinal cord surgery. Spinal Cord 2007;45:86-91. P. Boulu ([email protected]). Unité d’évaluation et de traitement de la douleur, Neurologie, Hôpital Beaujon, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy, France. Centre d’explorations fonctionnelles neurologiques, 4, avenue Constant-Coquelin, 75007 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Boulu P. Électroneuromyographie et potentiels évoqués dans les pathologies de l’appareil locomoteur. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Appareil locomoteur, 14-001-R-10, 2009. Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels Appareil locomoteur Iconographies supplémentaires Vidéos / Animations Documents légaux Information au patient Informations supplémentaires Autoévaluations 9