- Annales de Limnologie

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Annls Limnol. 34 (3) 1998 : 295-303
Influence des facteurs abiotiques sur la sortie des sédiments de
Cyclops vicinus et Chaoborus flavicans dans les zones sub-littorale et
profonde d'un lac tempéré eutrophe
C. Rabette
N. Lair
1
2
Mots-clés : Cyclops vicinus, Copepoda, Chaoborus flavicans, facteurs abiotiques, zone sub-littorale, zone profonde, diapause
A la suite des travaux réalisés sur le lac eutrophe d'Aydat, dans lequel une partie de la communauté planctonique quitte la pleine eau (copépodites 4 de Cyclops vicinus et larves IV de Chaoborus flavicans), nous avons étudié la faune benthique en relation
avec les variables abiotiques.
Des séries de prélèvements ont été effectuées en 5 stations réparties de la zone sub-littorale (- 4 m) à la zone centrale (-14 m)
du lac, avec une fréquence mensuelle ou bi-mensuelle de juillet 94 à août 95. Les échantillons ont été prélevés en triplicats au
moyen d'une benne Ekman. Contrairement aux variations progressives de température et d'oxygène, la granulométrie n'est pas
significativement différente d'une station à l'autre.
La faune sub-benthique utilise les sédiments selon deux stratégies. Les résultats antérieurs ont montré qu'après avoir accumulé des réserves, les copépodites 4 de Cyclops vicinus s'enfouissent en été dans les sédiments anoxiques et nous avons observé leur
émergence lors du brassage automnal. En période estivale, il est connu que les larves IV de Chaoborus flavicans occupent alternativement les eaux oxygénées et les sédiments anoxiques ; le fait qu'elles ne supportent pas un milieu désoxygéné en permanence est illustré par leur enfouissement massif, dès que se produit la réoxygénation des eaux profondes. En hiver ces larves demeurent dans les sédiments, jusqu'au printemps suivant quand l'anoxie s'installe à nouveau. Les dates de sortie des sédiments de
ces organismes sont fonction de la réoxygénation et de l'augmentation de température de leur environnement.
Influence of abiotic factors on the migration from the sédiments of Cyclops vicinus and Chaoborus flavicans in the sub-littoral and profundal zone of an eutrophic temperate lake
Keywords : Cyclops vicinus, Copepoda, Chaoborus flavicans, abiotic factors, sub-littoral zone, profundal zone, diapause
Différent studies on the eutrophic Lake Aydat have shown that a part of the planktonic community (4* copepodite stage of
Cyclops vicinus and 4 * instar larvae of Chaoborus flavicans) leaves the open water. In this study the benthic fauna has been related to the environmental variables of this lake.
Triplicate samples were collected monthly or bi-monthly from July 94 to August 95 with an Ekman grab at 5 stations from
the sub-littoral (- 4 m) to the central part (- 14 m) of the lake. In contrast to progressive oxygen and température variations, granulometry is not significantly différent from one station to the other.
The sub-benthic fauna uses the sédiments by two stratégies. Previous results have shown that after a reserve accumulation, the
4 * copépodites burrow during summer into the anoxie sédiments and émerge only during the autumnal mixing. During summer,
the r v instar larvae of Chaoborus stay alternately in the oxygenated water and in the anoxie sédiments. Their ability to support the permanent anoxia of the deep water is illustrated by their massive burrowing since the reoxygenation occurs. They stay
in the sédiments until the following spring, when the sédiments are again deoxygenated. The timing of their release from the
sédiments dépends on the rise of the oxygen depletion and on the température increase of their environment.
10
1. Université Biaise Pascal, Laboratoire de Biologie Comparée des Protistes, UPRES-A 6023, 63177 Aubière Cedex, France.
2. Université Biaise Pascal, Equipe Hydrosystèmes et Bassins Versants, UPRES-A 6042, 63177 Aubière Cedex, France.
Article available at http://www.limnology-journal.org or http://dx.doi.org/10.1051/limn/1998026
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C. RABETTE, N. LAIR
(2)
1. Introduction
2. Matériels et méthodes
La majorité des traités de limnologie (Brinkhurst
1974, Hutchinson 1975, Wetzel 1975, Dussart 1982,
Goldman & Home 1983) rapporte que les lacs présentent, en général, trois zones benthiques : littorale, sublittorale (aussi appelée littori-profonde) et profonde.
Ces zones sont, en général, définies à l'aide de critères
physiques et morphologiques (mouvement des vagues,
complexité de l'habitat, pénétration de la lumière, température, etc.). Bien que la profondeur soit reconnue
depuis longtemps comme déterminante de la distribution des organismes benthiques, les études concernant
la distribution bathymétrique des organismes benthiques dans les eaux douces stagnantes, ainsi que la
vie benthique de la méiofaune, sont très rares (Sàrkka
1995).
Le lac d'Aydat est un lac typiquement eutrophe de la
zone tempérée (Lat. 45°39'6 N ; Long. 2°29'2 E ; ait.
837 m ; prof. max. 15,5 m ; prof. moy. 7,4 ; surface 60
ha). Pour plus de détails sur les caractéristiques physiques, chimiques et biologiques, se reporter à Hartmann et al. (1993).
Classiquement, la distribution de la faune benthique
est influencée par de nombreux facteurs : température,
oxygénation, quantité de nourriture disponible, prédation ou compétition, etc. (Kajak & Rybak 1979, Stenson 1980, Moore 1981, Bazzanti & Seminara 1987,
Allison & Harvey 1988, Mac Kay et al. 1990, Biins &
Ratte 1991, Wyngaard et al. 1991, Giani & Laville
1995). On peut donc s'attendre à ce que les organismes
aient optimisé leur cycle de vie et leur comportement
en réponse à tous ces facteurs (Van de Bund & Groenendijk 1994).
La faune sub-benthique est composée d'organismes
vivant au contact des sédiments sans leur être intimement liés et pouvant momentanément devenir pélagiques (Juget et al. 1995). Les variations saisonnières
de densité et de biomasse de cette faune ont été surtout
étudiées durant la phase pélagique. De plus, ces travaux concernent le plus souvent soit le macrobenthos
(Durieu & Thomas 1995) soit le méiobenthos (Strayer
1985, Santer & Lampert 1995). Cependant, bien que
ces deux composants apparaissent simultanément et à
des densités non négligeables dans les écosystèmes
d'eau douce, la nature de leurs interactions n'est pas
encore très claire (Lodge et al. 1988).
Dans le lac d'Aydat, le quatrième stade copépodite
de Cyclops vicinus vicinus (Ulianine 1875) entre en
diapause dans les sédiments et partage le même habitat
que le quatrième stade larvaire de Chaoborus flavicans
(Meigen 1818) (Lair & El Ghachtoul 1989). Dans un
tel contexte, le but de cette étude a donc été de mettre
en évidence l'influence des facteurs environnementaux
sur la sortie du sédiment de cette faune sub-benthique.
Les prélèvements ont été réalisés de juillet 94 à août
95, tous les quinze jours aux périodes d'entrée et de
sortie de diapause des copépodites 4 de Cyclops vicinus, et tous les mois durant le reste de l'année. Les
échantillons ont été récoltés à 6 stations réparties le
long d'un transect allant de la zone sub-littorale (- 4 m)
à la zone profonde (- 14 m). A chaque station échantillonnée, la température et la teneur en oxygène dissous sont mesurées à l'aide d'un oxy-thermomètre modèle WTW 196. Les échantillons de sédiments sont
prélevés à l'aide d'une benne Ekman (Surface : 225
cm , Volume moyen prélevé : 2,5 1), échantillonneur le
plus couramment utilisé pour la récolte du benthos
(e.g. Downing 1984). Trois réplicats ont été prélevés à
chaque station et transportés immédiatement au laboratoire. Pour faciliter la séparation des organismes, les
échantillons sont tamisés sur un jeu de 4 tamis (vide de
maille : 5 , 2 , 1 et 0,45 mm) ; les organismes ainsi séparés sont préservés à l'aide d'une solution de formol-sucrose (4-6%), selon Prepas (1978). Les organismes
benthiques sont triés, identifiés et comptés à la loupe
binoculaire (Wild M3Z). Les échantillons sont examinés en totalité et les copépodites 4 avec et sans bouclier
céphalique sont différenciés. Les densités sont pondérées en fonction de la quantité de sédiment collectée à
chaque prélèvement.
2
Une mesure de la texture granulométrique des sédiments récoltés à chaque station est réalisée par tamisage et les particules sont réparties dans les classes granulométriques suivantes : sables grossiers, sables fins,
limons grossiers, limons fins et argiles, couramment
utilisées (AFNOR Norme NF X 31-101 & 31-107).
Afin de mettre en évidence les relations entre les organismes benthiques et les paramètres abiotiques à
toutes les profondeurs étudiées, nous avons effectué
une Analyse en Composantes Principales (ACP). Ce
type d'analyse multivariée est couramment utilisé dans
les études relatives aux écosystèmes d'eau douce (Do. lédec & Chessel 1994). Nous avons pris en compte les
valeurs de densité obtenues pour chaque triplicat. En
accord avec Williams et al. (1968) les valeurs absolues
pour chaque échantillon à chaque date et chaque profondeur sont traitées ensemble pour réaliser des corrélations linéaires (test bilatéral). Les différences de
(3)
CYCLOPS VICINUS ET CHAOBORUS FLAVICANS DU LAC D'AYDAT
composition granulométrique entre les stations échantillonnées ont été testées au moyen d'un test non paramétrique : le test-U de Mann-Whitney. Pour la suite,
nous avons regroupé les données des stations - 6 et - 8
m, correspondant à la zone sub-littorale, et celles des
stations - 10, - 12 et - 14 m, correspondant à la zone
profonde.
3. Résultats
3.1. Caractéristiques abiotiques
Les températures enregistrées au cours de l'été 94
ont toujours été inférieures à celles enregistrées durant
l'été 95 (Fig. 1). Les valeurs les plus faibles sont toujours mesurées à la station la plus profonde. La température minimale est enregistrée le 16 janvier 95 (2,2°C)
à toutes les stations, elle est suivie d'une lente augmentation. La température maximale est atteinte le 9
août 95 à toutes les stations échantillonnées.
Concernant la teneur en oxygène dissous (Fig. 2), le
19 juillet 94, lors de la première campagne de prélèvements, la désoxygénation est déjà installée tout au long
297
du transect, excepté à la station - 4 m qui ne sera jamais
désoxygénée. Entre fin novembre et mi-février, le fond
est progressivement réoxygéné et il le reste jusqu'au
début mai. Puis, la désoxygénation s'installe à nouveau et atteint progressivement toutes les stations (excepté - 4 m).
Les sédiments des différentes stations échantillonnées sont composés de 27 à 29% d'argiles et de 47 à
64% de limons fins (Tableau 1). Les particules les plus
grosses représentées par les limons grossiers, les
sables fins et les sables grossiers sont relativement importantes seulement aux stations les plus proches de la
zone littorale. Lé test-U de Mann-Whitney a montré
qu'il n'existe aucune différence significative entre les
différentes stations échantillonnées. Nous pouvons dire que la zone prospectée offre un habitat très stable.
3.2. Structure de la communauté en fonction des variables abiotiques
Dans le traitement des données par ACP nous avons
conservé les valeurs de chaque triplicat à chacune des
stations (soit 240 jeux de données). Les axes F l et F2
extraient respectivement 50,47 et 10,35% de l'inertie
Fig. 1. Variations spatio-temporelles de la température du fond.
Fig. 1. Bottom température spatio-temporal variations.
298
C. RABETTE, N. LAIR
(4)
Tableau 1. Granulométrie des sédiments aux différentes stations prospectées (Pourcentage des différentes classes de
taille).
Table 1. Sédiment granulometry at the différent stations examined (Percent of the différent size classes particles).
Classes granulométriques
Sables grossiers (200 u m à 2 mm)
Sables fins (50 à 200 um)
Limons grossiers (20 à 50 um)
Limons fins (2 à 20 um)
Argiles (< 2 um)
4 m
6 m
8 m
10 m
12 m
14 m
1
1
5
20
47
27
1
4
15
53
27
0
3
12
55
29
0
3
11
57
29
0
2
4
64
29
9
12
49
28
Fig. 2. Variations spatio-temporelles de la teneur en oxygène dissous du fond.
Fig. 2. Bottom oxygen spatio-temporal variations.
totale (Fig. 3). L'axe F l regroupe les différentes
classes granulométriques, il existe une opposition très
nette entre les particules les plus grosses (rassemblées
dans la partie négative) et les particules les plus fines
(regroupées dans la partie positive). L'axe F2 regroupe
les organismes : les copépodites 4 de Cyclops vicinus,
(avec ou sans bouclier) dans la partie positive, s'opposent aux larves IV de Chaoborus flavicans qui sont associées à la concentration en oxygène dissous dans la
partie négative.
3.3. Distribution spatio-temporelle des organismes
Le quatrième stade larvaire de Chaoborus flavicans
est présent tout au long de l'année dans les sédiments
du lac d'Aydat (Fig. 4). Dans la zone littorale sa présence était sporadique à - 4 m, confirmant les observations d'El Ghachtoul (1984). Dans la zone sub-littorale,
sa densité varie de 0 (29 novembre) à 10 865 ind.nr (7
septembre 94), pendant la période de stratification.
2
Dans la zone profonde, le maximum de densité (89
595 ind.nr ) est atteint à la fin de l'hiver et le mini2
CYCLOPS VICINUS ET CHAOBORUS FLAVICANS DU LAC D'AYDAT
(5)
299
10,35 %
Fig. 3. Position des variables sur le cercle de corrélation défini par les plans des axes F l et F2.
Fig. 3. Situation of the variables on the corrélation circle defined by the planes of the axis F l and F2.
2
mum (2240 ind.nr ) a été enregistré le 7 septembre 95.
Dans cette zone, le quatrième stade larvaire de Chaoborus flavicans est toujours abondant durant la période
hivernale et sa densité augmente à la faveur de la réoxygénation des eaux profondes.
Le quatrième stade copépodite de Cyclops vicinus
est présent, lui aussi, toute l'année dans les sédiments
du lac d'Aydat (Fig. 5). Bien que plus abondant dans la
zone profonde, sa répartition au cours de l'année est
comparable quelle que soit la zone.
Dans la zone sub-littorale, le maximum de densité
est atteint le 29 novembre (11 035 ind.m-- ). Dans la
zone profonde, les individus sont plus nombreux en 95
par rapport à 94 : avec un maximum de 16 580 ind.m'
le 27 septembre. Quelle que soit la zone, à partir du
mois de mai et jusqu'à la fin de la période de prélèvement, les copépodites 4 entrent à nouveau progressivement dans les sédiments.
2
2
Dès juillet 94, des individus portant un bouclier céphalique, caractéristique d'une torpeur profonde, ont
été observés dans les sédiments. Leur présence toute
l'année indique qu'une partie de la population, soit environ 10 % de la totalité des copépodites 4, reste en
diapause dans les sédiments.
3.4. Influence des variables physiques sur la distribution des organismes
Les variations saisonnières de densité de Cyclops vicinus vicinus et de Chaoborus flavicans sont liées aux
variations de température et d'oxygène. En effet, la
densité des copépodites 4 en diapause est corrélée positivement à l'augmentation de température et négativement à la concentration en oxygène dissous. A l'inverse, la densité des larves IV de Chaoborus flavicans
est corrélée positivement à la concentration en oxygène dissous, mais uniquement dans la zone profonde car
C. RABETTE, N. LAIR
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(6)
Tableau 2. Corrélations entre Cyclops vicinus, Chaoborus flavicans
coefficient de corrélation de Pearson ; P = probabilité vraie).
et les paramètres abiotiques (r =
Table 2. Corrélations between Cyclops vicinus, Chaoborus flavicans
Pearson's coefficient, P = real probability).
and the abiotic paramètres (r =
Corrélations positives
Corrélations négatives
C. vicinus copépodites 4 - Température
(r = 0,06657 ; P = 0,005)
C. vicinus copépodites 4 - Oxygènes
(r = 0,6423 ; P = 0,007)
C. flavicans larves IV - Oxygène
(r = 0,8243 ; P < 0,001)
C. flavicans larves IV - C. vicinus copépodites 4
(r = 0 , 5 1 4 0 ; P = 0,042)
Fig. 4. Variations spatio-temporelles de densité (ind.m-2) des larves IV de Chaoborus flavicans. La zone profonde est représentée par un trait plein (échelle de gauche) et la zone sub-littorale par un trait pointillé (échelle de droite).
Fig. 4. Spatio-temporal density variations of the fourth instar larvae of Chaoborus flavicans.
sented by a full line (left scale) and thé sub-littoral zone by a dotted line (right scale).
ce taxon est très peu représenté dans la zone sub-littorale (Tableau 2).
4. Discussion
L'absence de différence significative de la texture
granulométrique des sédiments le long du transect étudié indique que les variations de répartition spatiale
des organismes de la zone sub-littorale à la zone profonde sont indépendantes de la granulométrie.
Comme dans les travaux antérieurs réalisés au lac
d'Aydat (Lair & El Ghachtoul 1989, Lair 1992), au
cours des années 94 et 95 nous avons observé que l'entrée des copépodites 4 de C. vicinus dans les sédiments
se fait lors de l'augmentation de température des sédi-
The profundal zone is repre-
ments et du début de leur désoxygénation. Leur retour
en pleine eau est lié au brassage. Il semble donc clairement établi que les facteurs influençant la sortie de diapause des copépodites sont de nature physique.
En outre, une partie (10 % en moyenne) de la population de C. vicinus en diapause reste dans les sédiments tout au long de l'année. Dans la revue de ses travaux sur la diapause, Elgmork (1996) a démontré que
sa durée est liée à la plus ou moins grande torpeur des
organismes. De plus, cet auteur indique que dans un
lac du sud de la Norvège (Pond A) des individus de Cyclops strenuus provenant de la même cohorte peuvent
se trouver dans un état de torpeur très différent, ce qui
doit être également le cas dans le lac d'Aydat.
CYCLOPS VICINUS ET CHAOBORUS FLAVICANS D U LAC D'AYDAT
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22000
301
12000
10000
>
8000
a*
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a-
6000
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4000
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Fig. 5. Variations spatio-temporelles de densité (ind.m-2) des copépodites 4 de Cyclops vicinus. La zone profonde est représentée par un trait plein (échelle de gauche) et la zone sub-littorale par un trait pointillé (échelle de droite). Le trait noir
sur l'axe des abscisses délimite la période d'homothermie.
Fig. 5. Spatio-temporal density variations of the fourth copepodite stage of Cyclops vicinus. The profundal is represénted by
a full line (left scale) and the sub-littoral zone by a dotted line (right scale). The black line on the x axis corresponds to
the homothermic period.
Les larves IV de C. flavicans sont des habitants très
communs des zones profondes des lacs durant la journée (LaRow 1969). Ces organismes sont capables
d'échapper à l'anoxie permanente en réalisant des migrations nocturnes vers l'épilimnion oxygéné et c'est
durant ces phases de migration que les larves se nourrissent (e.g. Walter 1985). De telles migrations ont été
signalées dans le lac d'Aydat au cours des années 87 et
88 (Gerdeaux et al. 1989, Taleb et al. 1993).
Dans ce lac nous avons observé que les larves IV de
C. flavicans sont plus abondantes en hiver et au début
du printemps, après le brassage qui induit la réoxygénation du fond. Elles retournent ensuite en pleine eau à
la faveur de l'augmentation de température. La densité
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C. RABETTE, N . LAIR
de ces larves est positivement corrélée à la concentration en oxygène dans la zone profonde du lac. Nos résultats nous permettent de penser que ces larves ne
peuvent pas vivre dans un environnement complètement désoxygéné.
5. Conclusion
Durant l'année, une partie de la faune planctonique
cesse de participer à la production de l'écosystème pélagique et va occuper les sédiments fins du lac d'Aydat. Les larves IV de Chaoborus flavicans et les copépodites 4 de Cyclops vicinus occupent en alternance
l'espace benthique comme l'indique la corrélation négative qui existe entre leurs abondances respectives.
Les différences de répartition de cette faune sub-benthique sont inhérentes à leurs exigences très contrastées par rapport aux variables physiques. Nous retiendrons que la sortie des sédiments de C. vicinus et C.
flavicans paraît réglée par des facteurs physiques.
Il est classiquement reconnu que chez les insectes,
les stades de dormance représentent une phase d'économie d'énergie dans la vie de l'espèce (Marshaal et
al. 1997), et nous nous sommes interrogées sur la finalité du maintien des larves de Chaoborus dans les sédiments durant l'hiver. Une partie de la population de ce
diptère, dont le cycle de vie se déroule dans trois milieux différents, se trouve, à partir de l'automne, dans
un habitat composé de sédiments fins où son activité
de prédateur est, à l'évidence, non opérationnelle. Tout
se passe comme si elle ne trouvait pas en pleine eau les
conditions optimales de température et l'énergie suffisante pour atteindre son stade nymphal avant l'hiver.
Au printemps, lorsque le plancton se développe à nouveau (Sommer et al. 1988), l'augmentation de température et la réoxygénation du milieu déclenchent son
retour en zone pélagique. Toutes les conditions se trouvent alors réunies pour que ses métamorphoses se
poursuivent.
Au contraire, les Cyclops quittent la pleine eau au
milieu de l'été, pour gagner un habitat désoxygéné,
après s'être constitué des réserves (Lair & El Ghachtoul 1989). A cette période, la température est favorable à la production planctonique. Tout laisse à penser, comme l'a écrit Neill (1990), qu'il s'agirait bien
dans ce cas d'un échappement à la prédation. En effet,
nos résultats montrent que leur retour en pleine eau, en
période hivernale, s'effectue de surcroît, lorsque les
larves de Chaoborus, prédateurs planctoniques particulièrement voraces, se trouvent enfouies dans les sédiments.
(8)
Concernant le déclenchement de l'entrée en diapause, seuls les résultats apportés par l'étude des organismes vivant en pleine eau et, en particulier, l'état de
la nourriture disponible et le comportement des prédateurs, notamment durant la période précédant l'entrée
en diapause des Cyclops nous permettront de conclure
(étude en cours).
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