Newsletter - Schellenberg Wittmer

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Newsletter - Schellenberg Wittmer
a v ocats
AVRIL 2015
Newsletter
Auteurs:
Caroline Clemetson
Jean-Frédéric Maraia
Nathaniel Kleiner
BANKING & FINANCE
Le crowdfunding à l’aune du droit suisse – un bref aperçu
Le crowdfunding permet la réalisation de divers projets qui ne pourraient vraisemblablement pas être
effectués par les moyens de financement traditionnels. Alors que jusqu’à présent, les autorités étaient
restées relativement en retrait sur cette question, la FINMA est sortie de sa réserve fin 2014 en publiant
une fiche d’information. Cette newsletter vise à aborder, d’un point de vue pratique, la réglementation
suisse applicable au financement participatif.
1
INTRODUCTION
Destiné à la récolte de fonds en ligne auprès de particuliers
afin de financer des projets, le crowdfunding est utilisé dans
plus en plus de secteurs. Avec une levée de fonds pour 2014
estimée à près de CHF 24 millions, soit deux fois plus que
2013, année durant laquelle les montants investis avaient
eux-mêmes doublés par rapport à 2012, ce moyen de financement participatif est en pleine expansion en Suisse.
La présente contribution a pour but d’offrir un bref aperçu
du droit suisse en mettant en lumière les principaux obstacles ainsi que les solutions qui peuvent y être apportées.
2 MODÈLES DE CROWDFUNDING
2 . 1 C rowddonating
De la donation (crowddonating) au prêt (crowdlending) en
passant par la prise de participation au capital (equity
crowdfunding), le crowdfunding peut revêtir diverses
formes. Il existe en effet plusieurs modèles commerciaux
relativement différents en fonction de l’objectif recherché.
Ce modèle de financement participatif, forme historique du
crowdfunding, se destine avant tout aux projets à but non
lucratifs, dans les domaines artistiques, sportifs ou caritatifs. Il s’agit d’un soutien du projet sous forme de dons. Il
convient de mentionner qu’une contreprestation sous
forme de produit(s) ou de service(s), selon la créativité du
promoteur, est possible mais que celle-ci n’est pas économiquement correspondante aux fonds mis à disposition.
Si, à la lecture de la plupart des sites internet proposant ce
service en Suisse, les règles du jeu paraissent simples, la
réalité juridique sous-jacente n’en est pas moins complexe.
2 . 2 C rowdlending
Le crowdlending consiste en un financement de projets de
personnes morales ou physiques sous forme de prêts, en
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principe avec intérêts ajustés au risque. Pour les personnes morales, il s’agit en substance de mise à disposition de capitaux étrangers pour une période donnée.
2 . 3 E q uit y crowdfunding / crowdin v esting
Plutôt que de financer un projet, ce modèle se concentre
sur l’acquisition de participations au sein de sociétés
sous la forme de fonds propres ou de fonds mezzanine.
Les investisseurs ont ainsi l’opportunité de soutenir et de
s’impliquer dans le développement d’une société de capitaux. Il est commun que le droit de vote de ces investisseurs soit limité.
3 R E L AT I O N S C O N T R A C T U E L L E S
3 . 1 P romoteur de pro j et – plateforme de
crowdfunding
La relation entre le promoteur de projet et la plateforme
internet est généralement considérée comme un contrat
de courtage de présentation ou d’indication au sens du
code des obligations. En outre, ce contrat est souvent combiné à des composantes d’un contrat d’hébergement de
site internet et/ou de données (web hosting agreement/
data hosting agreement).
En pratique, la relation contractuelle débute lorsque le
promoteur de projet s’enregistre sur la plateforme de
crowdfunding, souscrivant ainsi aux conditions générales
de cette dernière. Lesdites conditions générales se doivent
entre autres de régler l’exploitation de la plateforme internet et les conditions de rémunération.
"La plateforme de crowdfunding ne
répond en principe pas des éventuels
manquements ou de l'insolvabilité
du promoteur de projet."
3 . 2 B ailleur de fonds – promoteur de pro j et
La relation contractuelle entre le promoteur de projet et le
bailleur de fonds varie en fonction du type et de la forme de
la contre-prestation promise par le promoteur de projet.
S’agissant du crowdlending, il s’agira ainsi d’un contrat de
prêt. Il appartient aux parties d’en définir les termes et
conditions, notamment quant au paiement des intérêts et
aux modalités de remboursement.
S’agissant de l’equity crowdfunding, il s’agira d’une
convention d’investissement et d’actionnaires. Les parties
pourront notamment y régler les modalités de transfert de
parts, ainsi que les aspects de vote et de reporting. En cas
de participation au capital-actions d’une société de capitaux, le droit des sociétés (code des obligations et statuts)
sera prépondérant une fois l’investissement levé.
3 . 3 P lateforme de crowdfunding – bailleur
de fonds
La qualification juridique de la relation contractuelle, pour
autant qu’il y en ait une, entre la plateforme internet et le
bailleur de fonds est controversée.
Dans la mesure où les fonds ne transitent pas directement
du bailleur de fonds au promoteur de projet, la plateforme
de crowdfunding a envers le bailleur, une obligation de
transférer les fonds investis au promoteur de projet.
En pratique, le bailleur de fonds est responsable de ses
investissements. La plateforme ne répond en principe pas
des éventuels manquements ou de l’insolvabilité du promoteur de projet.
Les conditions générales contiennent en principe des dispositions relatives à l’exclusion de responsabilité, à la
rémunération perçue par la plateforme, à la protection des
données ainsi qu’à l’élection de droit et de for.
4 DROIT DES MARCHÉS FINANCIERS
4 . 1 G énéralités
Le crowdfunding ne fait pas l’objet en Suisse d’une réglementation spéciale. Il sied donc d’analyser les modèles
commerciaux de crowdfunding au cas par cas sur la base de
la règlementation relative aux marchés financiers afin de
déterminer la nécessité ou non de requérir une éventuelle
autorisation de la FINMA. Il convient de mentionner qu’une
obligation de s’assujettir à la FINMA a pour conséquence de
rendre plus lourde la réalisation du projet de crowdfunding.
4 . 2 L oi sur les ban q ues
Le droit bancaire ne concerne pas uniquement les instituts
bancaires traditionnels mais vise également les sociétés
parabancaires.
La question de l’assujettissement à la loi sur les banques
se pose tant pour la plateforme de crowdfunding que pour
le promoteur du projet.
Pour la plateforme de crowdfunding, la question de l’assujettissement se pose uniquement, si elle intervient comme
intermédiaire dans les flux d’investissement.
Dans sa fiche d’information Crowdfunding (financement
participatif) du 1er décembre 2014, la FINMA estime que les
fonds ne peuvent pas être conservés trop longtemps par la
plateforme de crowdfunding (que cela soit dans le but de
conserver les fonds jusqu’à l’échéance prévue pour la levée
de fonds ou – pour partie - garantir des engagements du
promoteur du projet). Les montants transitant par la plateforme ne doivent pas être mis dans un pot commun (pooling),
ni gérés de façon centralisée. En pratique, un assujettissement à la loi sur les banques dépend des circonstances.
Pour ce qui est des promoteurs de projets, la FINMA indique qu’une autorisation bancaire est requise lorsque les
promoteurs acceptent à titre professionnel des fonds
d’investisseurs pour leurs propres comptes, en particulier s’agissant du crowdlending. Lorsqu’il est prévu de solliciter de capitaux étrangers auprès une multitude d’investisseurs, la publication d’un prospectus d’émission est
normalement nécessaire pour éviter que l’acceptation de
fonds et/ou la publicité à ce but soient considérées comme
activités bancaires soumises à une autorisation. Ici encore,
cela dépend de la nature du projet.
4 . 3 L oi sur les bourses
Selon le droit boursier, l’activité de négociant est soumise à
autorisation préalable de la FINMA. Se pose ainsi la question
de la qualification de négociant en valeur mobilières des plateformes internet proposant le financement participatif sous
forme de prise de participation au capital et d’emprunts.
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"Les montants transitant par une
plateforme de crowdfunding ne doivent pas être mis dans un pot commun (pooling) ou être gérés de façon
centralisée."
En pratique, si la plateforme de crowfunding ne souscrit
pas elle-même aux actions ou obligations d’emprunts des
promoteurs de projet afin de les transmettre aux bailleurs
de fonds, il n’y a pas d’activité de négociant. Si, au contraire,
la plateforme devait commencer à souscrire elle-même,
pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers, aux
actions ou obligations d’emprunts des promoteurs afin de
les aliéner ensuite aux bailleurs de fonds, on sera alors en
présence d’une activité de négociant, pouvant être soumise
à autorisation.
4 . 4 L oi sur les placements collectifs de
capitau x
Sont considérés comme des placements collectifs de capitaux, les apports constitués par des investisseurs dans le
but d’être administrés en commun pour le compte de ces
derniers.
Une plateforme de crowdfunding ne devrait pas tomber
sous la définition des placements collectifs si les montants
transitant par la plateforme ne sont pas gérés de façon
commune et que chaque investissement reste individualisé
entre l’investisseur et le promoteur du projet. Dans le
cadre d’equity crowdfunding sous la forme de sociétés
d’investissement, cette délimitation est particulièrement
difficile à mettre en oeuvre.
En outre, il est déconseillé à la plateforme de crowdfunding d’accepter des projets de promoteurs pouvant être
qualifiés de placements collectifs de capitaux. En effet, la
plateforme internet pourrait alors être considérée comme
un distributeur de placements collectifs soumis à autorisation de la FINMA.
4 . 5 B lanchiment d ’argent
La réglementation sur le blanchiment d’argent oblige les
intermédiaires financiers à vérifier l’identité de leurs clients
et d’identifier les ayants droit économiques des valeurs
patrimoniales qui passent par leurs comptes. En cas de
soupçon fondé portant sur l’existence d’une opération de
blanchiment d’argent, les intermédiaires financiers doivent
immédiatement aviser les autorités compétentes et bloquer les avoirs suspects. A noter que des modifications de
législation vont entrer en vigueur au 1er janvier 2016.
La FINMA considère qu’il suffit que les fonds transitent par
les comptes d’une plateforme de crowdfunding pour qu’elle
soit en règle générale considérée comme un intermédiaire
financier soumis à la réglementation sur le blanchiment
d’argent. La plateforme internet fournissant ainsi, en cas
d’activité exercée à titre professionnel, une prestation soumise à autorisation dans le domaine du trafic des paiements (fiche d’information de la FINMA).
Là encore, ce sont les détails de la structuration qui feront
la différence sur un plan de la législation anti-blanchi-
ment. Il est possible pour la plateforme d’approcher l’autorité de surveillance afin de savoir si elle est considérée
comme un intermédiaire financier qui doit, avant de débuter son activité, demander une autorisation à la FINMA
comme intermédiaire financier directement soumis (IFDS)
ou s’affilier à un organisme d’autorégulation (OAR) reconnu
par la FINMA. Cas échéant, la plateforme peut aussi faire
transiter les fonds par un établissement indépendant du
promoteur du projet et qui est soumis à supervision antiblanchiment (par exemple un établissement bancaire).
5 AUTRES ASPECTS JURIDIQUES ET FISCAUX
5 . 1 P rospectus d ’ émission
Les sociétés anonymes sont tenues de publier un prospectus d’émission, soumis à des exigences de contenu, lorsque
des obligations d’emprunts ou des actions nouvelles sont
mises en souscription publique.
Dans la mesure où, de par sa définition, le crowdfunding ne
s’adresse pas à un cercle limité de personnes, le promoteur
de projet proposant en contrepartie du financement une
prise de participation au capital sous la forme d’actions
nouvelles (equity crowdfunding) ou des titres émis en plusieurs exemplaires à des conditions semblables (emprunts
par obligations – une forme parmi d’autres du crowdlending), se doit de publier un prospectus d’émission.
En cas de manquement à ce devoir de renseignement à
l’égard des acquéreurs de titres, le promoteur de projet
pourrait être tenu pour responsable d’un éventuel dommage
en résultant. En outre, l’acceptation de capitaux étrangers
et/ou la publicité à ce but sans prospectus ou sans prospectus complet peuvent éventuellement être considérées
comme activités soumises à une autorisation bancaire.
Pour ce qui est de la plateforme de crowdfunding, il semble
peu probable qu’elle assume une telle responsabilité pour
le prospectus d’émission. En effet, bien qu’elle puisse participer à la communication viciée, elle n’a a priori pas le
devoir de vérifier le prospectus d’émission.
5 . 2 A spects fiscau x
Les apports des actionnaires et les donations de tiers que
la société bénéficiaire reçoit devraient être exonérés de
l’impôt sur le bénéfice. Toutefois, les donations effectuées
dans le cadre de crowdfunding peuvent, dans certains cantons, être qualifiées de revenu imposable. Les donations
peuvent en outre faire l’objet d’un impôt cantonal sur les
donations, dans le canton de résidence du donateur (à
moins que la donation représente un revenu imposable
pour la société bénéficiaire ou que l’entité bénéficiaire soit
une entité exonérée de l’impôt sur le bénéfice, en raison
par exemple d’un but d’utilité publique; le cas échéant, les
donateurs résidents suisses pourraient en outre porter en
déduction les versements volontaires en faveur de sociétés
exonérées dans une certaine mesure).
Le financement sous forme de prêts n’entraîne en principe
pas de conséquence fiscale au niveau de l’entité bénéficiaire. Toutefois, si des prêts sont accordés par des actionnaires ou des proches, il faut s’assurer qu’ils soient fixés à
des conditions de marché. En outre, les règles en matière
de capital propre dissimulé s’appliquent, avec pour effet
(en cas de fonds étrangers excessifs) une intégration de la
part excessive des prêts dans le capital imposable et des
intérêts y relatifs éventuellement dus ou versés dans le
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bénéfice imposable soumis, en tant que distribution dissimulée de bénéfice, à l’impôt anticipé.
En outre, si ces prêts totalisent pour l’entité un montant
excédant CHF 500’000 et réunissent plus de 10 créanciers
non bancaires (si les prêts ont des conditions semblables)
ou plus de 20 créanciers non bancaires (si les prêts ont des
conditions variables) ou si le total des créanciers dépassent
100 et que ces prêts s’élèvent à plus de CHF 5’000’000
(société bénéficiaire qualifiée de banque au sens de la loi
sur l’impôt anticipé), les intérêts versés sont soumis à
l’impôt anticipé (remboursement total ou partiel possible
aux conditions usuelles pour les créanciers résidents
suisses et sur la base des conventions de double imposition
pour les créanciers résidents étrangers).
Enfin, les augmentations de capital sont soumises au droit
de timbre d’émission (1%), sous réserve d’une franchise de
CHF 1’000’000. Il en va de même des versements supplémentaires des actionnaires (franchise non applicable).
Contacts
Le contenu de cette Newsletter ne peut pas être assimilé à un avis ou conseil juridique ou fiscal. Si vous souhaitez obtenir
un avis sur votre situation particulière, votre personne de contact habituelle auprès de Schellenberg Wittmer SA ou l’un
des avocats suivants répondra volontiers à vos questions:
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Michael Nordin
Associée à Genève et Zurich
[email protected]
Associé à Zurich
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Jean-Frédéric Maraia
Anita Schläpfer
Associé à Genève
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Associée à Zurich
[email protected]
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G enè v e / 15bis, rue des Alpes / Case postale 2088 / 1211 Genève 1 / Suisse / T +41 22 707 8000
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