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Journal L’Express/L’Impartial du 29.11.2016
Une websérie pour parler de sexe
PAR LEO BYSAETH
ADOS - «Teen Spirit», en ligne dès jeudi, propose une nouvelle forme d’éducation
sexuelle, ludique, franche et parfaitement documentée.
Le sexe est partout, dans la publicité, sur internet, dans l’art, le divertissement et les clips
musicaux. Et tous ces contenus, y compris les images et films pornographiques, sont à
disposition de tous les adolescents qui possèdent un smartphone, 24h sur 24.
Mais n’allez pas croire que cela remplace l’éducation sexuelle. Au contraire, explique
Sophie Sallin, à la tête de la société de production genevoise Tolmao, qui lance ce jeudi
une nouvelle série télévisée sur internet.
Intitulée «Teen Spirit», cette websérie, animée par une jeune Genevoise étudiante en
droit et comédienne (Soumeya Ferro-Luzzi, 19 ans) et un jeune Neuchâtelois (Virgile
Popote, 26 ans - lire l’encadré), se propose de parler de sexe pour un public cible
d’adolescents.
Le pari, c’est de parler de tout, «sans tabou, sans provocation, sans paternalisme, sans
vulgarité», indique la productrice. Préparée avec des experts de la santé sexuelle, des
médecins et des associations en lien avec les adolescents, l’émission évoque le
fonctionnement des organes génitaux (la teub et la teuch), la première fois, la séduction
(pécho, sextos), le harcèlement de rue, le porno, les sextoys, les IST (infections
sexuellement transmissibles) et les différentes orientations sexuelles. Mais, «si la
prévention et l’information sont ses buts premiers, «Teen Spirit» n’oublie pas d’être fun,
joyeux, décomplexé et décontracté», promet Tolmao. Et cela semble fonctionner: «Nous
avons fait visionner notre travail en primeur à des jeunes un peu plus âgés. Ils nous ont
dit: ‘Enfin, on ne nous prend pas pour des cons!’»
Sophie Sallin, ancienne enseignante au Cycle d’orientation (école secondaire) genevois
et ancienne productrice fiction à la RTS, espère contribuer à répondre aux angoisses
d’une jeune génération frappée de plein fouet par des messages contradictoires: «La
société est hypersexualisée, à travers les idoles et la publicité, qui va jusqu’à suggérer
des scènes de viol collectif et, en même temps, on lit chaque jour des nouvelles sur les
violences sexuelles.»
Le porno chic qui a envahi la publicité n’est même plus décodé par le public cible: «Les
petites filles imitent leur vedette en petite tenue provocante, sans même savoir ce que
cela signifie», déplore la productrice. «Elles grandissent en se définissant comme objet
sexuel, mais ce n’est pas une sexualité incarnée, c’est une sexualité aliénée, dépourvue
de toute affection, de tout sentiment.»
Comme anesthésiés par ce déferlement de sexualité artificielle, beaucoup de jeunes
imaginent qu’ils ne peuvent exister qu’en rentrant dans ce moule. «Le tabou, aujourd’hui,
ne porte plus sur les pratiques sexuelles, mais sur l’expression des sentiments»,
résume-t-elle.
Pour autant, il ne s’agit pas de diaboliser le porno, estime-t-elle, mais plutôt d’armer les
jeunes pour qu’ils comprennent ce qu’il propose et qu’ils sachent le décoder. Il s’agit de
sortir de la dictature du tout sexuel. «Faire l’amour pour la première fois, parce qu’il ‘faut’
le faire, et non par amour, c’est gaspiller cette ‘première fois’, par définition unique.»
Au cours des entretiens qu’elle a eus avec des jeunes filles et garçons, des réalités
étonnantes sont apparues. Ainsi, «toutes les jeunes filles à qui nous avons demandé ce
qui pourrait les empêcher de faire l’amour avec un garçon qui leur plairait ont cité un seul
et même obstacle: le fait de ne pas être épilées!» Cela montre à quel point «elles sont
asservies aux codes imposés par l’industrie pornographique!»
La série sera présente sur les réseaux sociaux mais aussi sur la nouvelle plateforme
crossmédia Becurious durant le mois de décembre. Dix des 11 épisodes tournés il y a
environ un an seront mis en ligne jeudi, Journée internationale du sida. Ce n’est
évidemment pas un hasard.
Un Neuchâtelois incarne le jeune homme
Le Neuchâtelois d’origine guadeloupéenne Virgile Popote répond au profil que cherchait
dans l’idéal Sophie Sallin: il n’est pas comédien. Il travaille dans la vidéo et la production
audiovisuelle. Agé de 26 ans, le jeune homme a dix ans de plus que le haut de la
fourchette du public cible visé par la série. Il ne se sent toutefois absolument pas trop
vieux: «Quand je vais acheter des bières à la gare, on me demande ma carte d’identité»,
plaisante-t-il. Il n’est pas trop âgé non plus pour incarner la thématique. Quand il avait 15
ans, le porno chic était déjà là, comme la sexualisation des idoles: «Le prof nous avait
interdit d’afficher un poster de Shakira», se souvient-il. Ce qui a changé, c’est que, «il y a
dix ans, je n’avais pas de smartphone.»
Il s’était lancé un défi en répondant, il y a un peu plus d’un an, à l’annonce pour le
casting. Il est fier d’avoir été choisi. Dans cette aventure, sa performance à l’écran n’est
cependant pas le plus captivant. Ce qu’il relève, c’est à quel point l’expérience a été
enrichissante. «Nous avons coécrit le scénario à quatre.» Soit les deux animateurs, la
productrice et le réalisateur. «J’ai appris beaucoup de choses, par exemple sur les
infections sexuellement transmissibles.» Le défi – relevé – était de scénariser ces
savoirs et de les traduire dans le langage que les jeunes utilisent, pour capter leur
attention sans les ennuyer.
pourquoi pas sur la RTS?
Les ados, pas plus que leurs parents, ne verront «Teen Spirit» à la TV. Le projet a bien
été présenté à la RTS, indique Barbara Stutz, cheffe de presse de l’entreprise. «Il n’a
toutefois pas été retenu» car, «avec son langage très cru et direct, il n’était pas en phase
avec le service public.» Cela ne signifie pas que ce dernier se désintéresse des
webséries, «comme le montre la toute récente série Animalis, qui rencontre un énorme
succès sur les réseaux sociaux». Les séries que la RTS produit, coproduit et achète sont
toutes accessibles sur ses propres canaux et par son application RTSplay. Elles sont
parfois aussi disponibles sur d’autres plateformes comme youtube. «L’objectif étant pour
la RTS de distribuer ses programmes le plus largement possible et d’atteindre en
particulier le jeune public là où il se trouve».
INFO +
A trouver:
sur Facebook en tapant teenspirit2016

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