CHRONIQUES DE LA GUERRE FOURMILIÈNE 16 juillet 2045 Cher

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CHRONIQUES DE LA GUERRE FOURMILIÈNE 16 juillet 2045 Cher
CHRONIQUES DE LA GUERRE FOURMILIÈNE
16 juillet 2045
Cher journal, ici Tom Samar.
Je suis conscient que cela fait belle lurette que j’ai couché quelques mots sur tes
pages, mais j’ai eu un fâcheux contretemps. Récemment, une guerre contre des
spécimens d’humains mutants a éclaté. À Paris, tous les hommes pouvant tenir
une arme ont été engagés afin de combattre l’invasion. Par chance, je n’ai
aucune femme ou enfant, alors mon départ n’a pas été trop dur. En ce jour, je
suis à la caserne militaire de Paris un peu plus au sud de la ville où je suis arrivé
hier. Des tâches assez ambiguës nous ont été attribuées : «Veuillez prendre en
charge le secteur dix », nous a-t-on demandé sur ordre du général Cota.
Heureusement, on m’a finalement révélé qu’il s’agissait de dresser l’inventaire de
l’entrepôt des armes.
Demain, aux premières lueurs du Soleil, nous allons devoir nous rendre à la salle
de réunion pour je ne sais quoi.
17 juillet 2045
Bonjour, cher journal,
Comme je te le mentionnais, nous avons eu une réunion avec le général en
personne. Il a pu nous révéler les origines des mutants. Il y a environ deux ans,
CHRONIQUES DE LA GUERRE FOURMILIÈNE
un « vaccin » a vu le jour en Corée du Nord, là où le communisme règne encore.
Ce médicament consistait à établir une forme de communication collective entre
les personnes, similaire à ce que l’on observe chez les fourmis. Cela signifie que
toute la population a accès aux pensées les plus profondes de chacun. Par
exemple, si un Coréen pense à se révolter contre son dictateur, l’armée prendra
connaissance de ses intentions et il sera emprisonné. Bien sûr, la création du
vaccin n’était qu’une des nombreuses idées machiavéliques de Chin Gora,
dictateur de la Corée. Personne ne pensait vraiment que celui-ci martyriserait
autant son peuple en imposant un tel système de communication. Mais non, le
démon ne recula devant rien et, en secret, il ordonna à ses chercheurs de créer
le fameux vaccin. La molécule mère du remède provenait de l’ADN d’une fourmi,
qui, par essence, possède le don de savoir à quoi pense son camarade et vice
versa. Une fois la drogue mise au point, on la testa sur deux citoyens. Rien ne se
produisit. Aucun ne sut à quoi pensait l’autre. Le projet fut abandonné.
Malheureusement, quelques semaines plus tard, on apprit que les deux cobayes
se transformaient peu à peu en fourmis humaines. Perdant tout sentiment, ils se
mirent à mordre leurs congénères, leur transmettant par la même occasion le
gène de télépathie, et les métamorphosant en mutants. En une année à peine,
la Corée du Nord devint une fourmilière géante. Mais l’épidémie ne s’arrêta point
là. Elle se propagea par-delà les océans, pareille à une marée noire ravageant
les plus belles étendues marines. Voilà pourquoi nous sommes en guerre.
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CHRONIQUES DE LA GUERRE FOURMILIÈNE
18 juillet 2045
Cher journal,
La première bataille contre les mutants a eu lieu aujourd’hui. Le coup de sifflet du
général nous a réveillés très tôt en cette aube grise. J’ai dû filer au secteur dix
pour distribuer les nombreuses armes, passant des mitraillettes à tête
chercheuse aux pistolets microatomiques. Au signal du général, nous avons
couru vers le champ de bataille. Les fourmis humanoïdes avaient une apparence
cauchemardesque. C’étaient des êtres humains dotés d’antennes et de
mandibules aussi noires que les cornes de Lucifer. Leurs yeux étaient vides,
aussi opaques qu’un brouillard engloutissant toutes sources de bonheur et de
joie. Mais le plus effrayant n’était pas leur apparence. Bien que nos adversaires
n’aient recours à aucune arme, la rapidité de leurs jambes, la force colossale
renfermée dans leurs bras, et avant tout l’organisation sans failles que leur
permettait leur don de télépathie nous donna du fil à retordre. Cependant, à
l’apparition de notre premier char d’assaut, le combat prit un tournant en notre
faveur. Les humanoïdes s’enfuirent simultanément, comme s’ils avaient reçu un
ordre commun. Malgré la victoire, de nombreux frères d’armes ont perdu la vie.
Même moi je ne suis pas revenu indemne. Mon bras gauche est en ce moment
niché dans un cocon de plâtre. Heureusement que celui de droite est toujours
valide, sinon je n’aurai pu t’écrire adéquatement.
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CHRONIQUES DE LA GUERRE FOURMILIÈNE
Quant à ceux qui furent soupçonnés d’avoir été mordus par les monstres, ils
furent fusillés pour ne pas propager la maladie. J’ai protesté, mais rien n’y fit. On
ne pouvait discuter les ordres de l’officier en chef Cota.
19 juillet 2045
Salut journal,
Aujourd’hui je t’écris, car je n’arrive point à dormir. Le général n’arrête pas de
pleurer et de frapper sur les murs. Je commence sérieusement à me demander
s’il s’est fait mordre par un mutant. Il nous l’aurait caché pour ne pas se faire
fusiller, mais je ne peux en être sûr. Une petite minute, quelqu’un cogne à la
porte. Et si c’était le Cota? Attends, le cogneur en question essaye de défoncer
la porte du dortoir. Je vais réveiller mes…
Victor Tardif, groupe 22
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