complications generales de la cœliochirurgie

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complications generales de la cœliochirurgie
COMPLICATIONS GENERALES DE LA CŒLIOCHIRURGIE
P Schoeffler, Ch Dualé
Les complications générales de la cœliochirurgie sont largement dépendantes de
l'insufflation du pneumopéritoine qui peut avoir des effets délétères du fait de
pathologies pré-existantes chez le patient. Il arrive également que ce soit l'acte
chirurgical qui soit à l'origine d'une complication ; ces accidents liés au geste lui-même
sont dominés par l'embolie gazeuse mais ne se limitent pas à cette dernière.
COMPLICATIONS LIEES AU TERRAIN
Patients coronariens
L'insufflation du pneumopéritoine s'accompagne de variations hémodynamiques
parfois mal tolérées par des patients aux réserves myocardiques diminuées comme les
coronariens. On attribue généralement ces effets délétères à une augmentation des
résistances vasculaires systémiques. Celle-ci est due à une libération de vasopressine
consécutive à la diminution du retour veineux au niveau du cœur droit [10, 15]. Cette
notion a été récemment remise en cause [14] sur la notion d'une trop grande disparité
des protocoles expérimentaux et notamment des techniques anesthésiques utilisées pour
mettre cet effet en évidence chez l'homme ou chez l'animal. Ces auteurs considèrent que
les répercussions hémodynamiques de la cœliochirurgie peuvent être prévenues par le
maintien d'un niveau d'anesthésie suffisamment profond (vérifié par l'index bispectral)
et d'une normovolémie gage de la constance du retour veineux. Le niveau de
remplissage nécessaire au maintien de la normovolémie est déterminé par échographie
transœsophagienne.
Cette contradiction n'est qu'apparente : les travaux expérimentaux, même très
anciens, comme ceux de Ivankovitch en 1975 [9] ont bien mis en évidence le rôle de la
chute du retour veineux dans les variations hémodynamiques induites par l'insufflation
du pneumopéritoine. Les conséquences cliniques de ce travail conduisent à réserver une
place importante au monitorage hémodynamique. Il n'est pas certain que tous les blocs
faisant des cœliochirurgies pourront bénéficier de l'échographie transœsophagienne
dans un avenir prévisible. Si tel devait être le cas, resterait encore à former les médecins
anesthésistes à cette technique. D'autres outils plus simples ont été proposés [8], mais il
reste encore à les valider par des études à grande échelle. D'autre part, on sait depuis
longtemps qu'une anesthésie profonde et stable limite les variations hémodynamiques et
certains auteurs ont poussé ce raisonnement à l'extrême en utilisant du Xénon pour une
cholécystectomie cœlioscopique chez une patiente présentant un syndrome
d'Eisenmenger [6].
Au-delà de cette polémique un peu formelle, restent les bénéfices
postopératoires indiscutables de cette technique qui accélère la reprise du transit et
limite les risques inhérents à un remplissage vasculaire prolongé chez ces patients à la
compliance circulatoire limitée. Les patients souffrant d'une pathologie coronaire
doivent faire l'objet d'une évaluation préopératoire tenant compte des conditions
hémodynamiques particulières imposées par la cœliochirurgie. Les bénéfices
postopératoires de la cœliochirurgie doivent être mis en balance avec les risques
peropératoires. Une exploration préopératoire appréciant les réserves cardiaques,
particulièrement la contractilité myocardique et la fraction d'éjection en situation
d'effort, est nécessaire quand la coronaropathie n'apparaît pas parfaitement stable et que
la voie cœlioscopique est malgré tout la meilleure solution chirurgicale. C'est à partir
des données de ces examens que l'on décidera également de l'indication d'un monitorage
spécifique.
Pathologie respiratoire
La distension de la cavité abdominale, obtenue dans les conditions normales de
travail du chirurgien, a un effet direct sur la cinétique diaphragmatique. Il en résulte une
chute de la compliance pariétale, celle-ci n'étant altérée que dans sa composante
diaphragmatique, sa composante costo-intercostale n'étant pas modifiée, voire améliorée
s'il y a myorésolution [3, 19, 22]. Bien que la compliance pulmonaire (en dehors de la
survenue d'un pneumothorax) soit elle-même peu altérée, on observe une réduction de la
compliance pulmonaire totale d'un tiers environ [3]. La conséquence pratique est un
risque augmenté d'atélectasies basales (déjà favorisé par la ventilation en pression
positive, à l'origine d'une stase sanguine et un effet shunt), ce qui peut justifier l'usage
d'une pression expiratoire positive (en l'absence d'hypovolémie) [5]. De même, cela
implique l'insufflation de volumes courants normaux ou élevés, ce qui conduit à une
nette élévation de la pression des voies aériennes supérieures, aggravée par la chute de
la compliance et de l'augmentation des résistances des voies aériennes.
Hypertension intracrânienne
Les études de débits régionaux par microsphères marquées montrent un maintien
du flux sanguin cérébral malgré la diminution de débit cardiaque [16]. Dans le même
temps, le drainage veineux cérébral est limité par l'augmentation de pression
intrathoracique et, le cas échéant, par la position de Trendelenburg. Les conditions sont
donc remplies pour favoriser une augmentation de la pression intracrânienne. Celle-ci
est retrouvée aussi bien lors d'études animales [11] que dans des situations cliniques
chez l'homme [4].
La contre-indication classique à la cœliochirurgie que constituent les lésions
expansives intracrâniennes reste parmi les dernières qui doivent être respectées de
manière stricte. Ceci est vrai pour la pathologie neurochirurgicale tumorale, mais aussi
pour les cœliochirurgies réalisées dans le contexte d'urgence traumatique abdominale
chez un patient ayant par ailleurs un traumatisme crânien [23].
La présence d'une dérivation ventriculo-péritonéale, à condition que le système
de dérivation soit récent (postérieur à 1987), ne devrait pas constituer une contreindication à la laparoscopie, dans la mesure où il existe une valve anti-retour tarée à 2
atmosphères. Cependant, les tests d'étanchéité de ces valves sont réalisés en air et leur
fiabilité, lorsqu'elles sont baignées par du liquide céphalo-rachidien, notamment en cas
de protéinorachie importante reste à valider. Certains ont proposé la laparoscopie pour
la mise en place de ces drainages. Une observation dans la littérature rapporte une
diffusion sous-cutanée très importante du CO2 le long du trajet de la valve de dérivation.
On peut en rapprocher les dérivations péritonéo-cave (shunt de Leween) qui constituent,
bien sûr, une contre-indication absolue à l'insufflation péritonéale [24].
L'augmentation de pression intracrânienne se transmet également au niveau de
l'œil, dont la pression peut passer de 20 à 40 mmHg lors de l'insufflation d'un
pneumopéritoine à 15 mmHg accompagnée d'une bascule en Trendelenburg de 15° [7].
Le glaucome constitue une contre-indication classique à la cœliochirurgie. Toutefois on
ne retrouve pas d'accident lié à cette pathologie dans la littérature consacrée à la
cœlioscopie. En dehors de la poussée de glaucome aigu à angle fermé qui reste une
contre-indication indiscutable, la question qui subsiste est de savoir si ces
augmentations de pression de courte durée sont réellement dangereuses.
La cœliochirurgie peut également s'accompagner d'un certain nombre de
complications comme des hémorragies rétiniennes [25] ou des accidents vasculaires
cérébraux qui sont malheureusement difficilement prévisibles. On peut en rapprocher
deux cas d'otorragie postopératoire survenus après cœliochirurgie gynécologique avec
une position de Trendelenburg particulièrement accentuée en peropératoire [1].
COMPLICATIONS LIEES A L'ACTE OPERATOIRE
Ces complications peuvent survenir aux différents temps de l'intervention et
procéder de mécanismes très variés. Pour éviter de tomber dans un inventaire à la
Prévert, et pour rester dans la logique d'un arbre décisionnel, ces différentes
complications ont été regroupées selon les grandes fonctions (circulatoire et
respiratoire) et classées en fonction de leur symptomatologie principale. La conduite à
tenir proposée est schématique et devra, bien entendu, être discutée et adaptée à chaque
situation.
Fonction ventilatoire
Lors d'une cœliochirurgie, l'anesthésiste peut être confronté à deux situations
critiques sur le plan de la gestion ventilatoire de son patient. L'une se manifeste par une
hypercapnie, la seconde par une désaturation.
Gestion d'une hypercapnie
La gravité de cette complication ne réside pas dans l'hypercapnie isolée mais
bien plus dans l'acidose qui l'accompagne. Elle impose un certain nombre de mesures :
Vérifier les gaines des trocarts pour s'assurer de leur bonne position. En effet, leur
déplacement à l'occasion de la manipulation d'un instrument peut permettre un passage
de CO2 de la cavité péritonéale vers le tissu sous-cutané à travers l'orifice péritonéal du
trocart.
Ausculter le patient pour éliminer une intubation sélective, favorisée par la surpression
intra-abdominale et le refoulement diaphragmatique. Cette auscultation peut aussi
mettre en évidence un pneumothorax, Il s'agit d'une complication non exceptionnelle,
qui connaît deux étiologies très différentes. Il peut s'agir d'un passage pleural de CO2 en
provenance de la cavité abdominale, à la faveur d'une malformation anatomique. Ces
épanchements sont d'installation progressive en cours de cœlioscopie, ils ne sont
généralement pas suffocants et, dans les formes moyennement abondantes, ils se
résorbent spontanément. L'explication habituellement proposée pour rendre compte du
mécanisme de cette complication est une malformation anatomique mettant en
communication la plèvre et la cavité péritonéale. Toutefois, les tentatives pour mettre en
évidence cette malformation au décours d'un pneumothorax survenu lors d'une
cœlioscopie semblent jusqu'à présent être restées vaines [27]. Cette hypothèse se heurte
également à une autre objection : en cours de cœlioscopie, chez des patients sous
ventilation contrôlée, les pressions intrathoraciques dépassent la pression
intrapéritonéale à chaque insufflation du respirateur. Il est dès lors difficile d'imaginer
comment du CO2 pourrait s'accumuler dans la cavité pleurale, même en présence d'une
malformation anatomique. Tout différents sont les pneumothorax liés à un
barotraumatisme. En effet, l'insufflation abdominale s'accompagne d'une augmentation
des pressions intrathoraciques qui peut avoir un effet délétère chez des patients
présentant des bulles d'emphysème ou des antécédents de pneumothorax récidivant.
Dans ces cas, le pneumothorax peut être suffocant et il devra être drainé sans délai [13].
Hyperventiler pour corriger l'hypercapnie : dans le cadre de la chirurgie du petit bassin,
les possibilités de réglage du respirateur sont larges. Il est possible d'augmenter la
ventilation minute en augmentant le volume courant, puis la fréquence (cf supra) sans
gêner le chirurgien comme c'est le cas lors des interventions sus-mésocoliques où des
augmentations du volume courant sont plus limitées. Les réglages se feront sur les
données du capnographe.
Contrôler la pression intra-abdominale : habituellement une bonne myorésolution et la
diminution de la pression affichée sur l'insufflateur automatique permettent de résoudre
ce problème sans diminuer la visibilité de l'opérateur [26]. Il arrive parfois, chez des
patients obèses, que la paroi s'affaisse sous son propre poids lorsque la pression intraabdominale diminue. Si l'exposition chirurgicale est insuffisante, un suspenseur pariétal
est indiqué [17].
Convertir en laparotomie si l'ensemble de ces mesures se révèle inefficace. En effet, la
sévérité des acidoses induites par ces hypercapnies aiguës (Pearce rapporte un pH à 7,07
lors d'une cholécystectomie [18]), impose de changer de technique si la capnie du
malade ne peut être maintenue à des valeurs acceptables (en pratique, en-dessous de
50 mmHg).
La présence d'un emphysème sous-cutané important en fin d'intervention implique
une poursuite de la ventilation en salle de réveil jusqu'à sa résorption.
Gestion d'une désaturation
Une chute plus ou moins brutale de la saturation capillaire en oxygène peut
trouver son origine au niveau de l'effecteur pulmonaire et traduire une atteinte du
parenchyme ou des plèvres. Dans ces cas, la désaturation sera associée à des
modifications de la capnie. La seconde étiologie se situe au niveau du transport de
l'oxygène et concerne donc la fonction circulatoire. Il est logique d'attendre, dans ces
cas, des perturbations plus ou moins importantes des paramètres hémodynamiques.
Enfin, il est une situation très particulière où une hypocapnie et un collapsus sont
associés à la désaturation dans un tableau particulièrement sévère : il s'agit de l'embolie
gazeuse.
Désaturation et hypercapnie
Le tableau le plus fréquent est celui d'une dégradation progressive de
l'oxygénation associée à une augmentation parallèle de la capnie. Les deux diagnostics
les plus probables sont un déplacement de la sonde d'intubation et un pneumothorax (cf.
supra). Le contexte de cœliochirurgies de longue durée doit faire également évoquer des
atélectasies basales, liées aux perturbations de l'excursion diaphragmatique induites par
l'hyperpression abdominale. La position de Trendelenburg, lorsqu'elle est
particulièrement accentuée et qu'elle se prolonge, contribue également à cette
complication.
Désaturation et chute de pression artérielle
Face à une désaturation associée à des troubles hémodynamiques, le premier
réflexe doit être de vérifier la PETCO2. L'effondrement de celle-ci signe une embolie
gazeuse (cf. infra). Ce n'est qu'en présence de valeurs normales ou sub-normales de la
capnie que l'on peut envisager les autres diagnostics.
Il s'agit, dans un premier temps, d'éliminer une hémorragie chirurgicale. Parfois
celle-ci est évidente et elle justifie une laparotomie d'hémostase. En l'absence de
saignement extériorisé, il faut exsuffler le pneumopéritoine, ce qui permettra de mesurer
les pressions de remplissage du patient, par un cathéter veineux central ou par une sonde
de Swan-Ganz. Si ces pressions sont basses, un remplissage vasculaire est légitime, en
attendant les résultats de l'hématocrite ou du dosage d'hémoglobine demandé en
urgence. Souvent cette mesure simple restaure l'hémodynamique et permet de poser a
posteriori le diagnostic d'hypovolémie préopératoire [12]. Celle-ci peut être due à une
hémorragie préopératoire (GEU rompue par exemple) ou à une préparation digestive par
des purgatifs osmotiques comme le PEG.
Le second cas de figure est celui d'une pression de remplissage basse,
partiellement restaurée par le remplissage vasculaire et rechutant dès l'arrêt de celui-ci.
Ce sont les signes d'une hémorragie persistante, vraisemblablement au niveau des gros
vaisseaux rétropéritonéaux. Il faut tout faire pour la mettre en évidence (artériographie)
et la traiter sans délais, sachant que plusieurs cas mortels ont été décrits dans la
littérature.
Reste la troisième hypothèse, celle d'une pression de remplissage élevée, signant
une inefficacité circulatoire, la fonction ventriculaire gauche altérée du patient ne lui
permettant pas de faire face au surcroît de travail myocardique imposé par
l'augmentation des résistances vasculaires systémiques [21].
Désaturation, collapsus et hypocapnie
L'association de ces trois signes, dans un tableau sévère, sinon dramatique, signe
une embolie gazeuse. L'embolie gazeuse est mal connue, du fait de son incidence faible,
estimée entre 0 et 0,6 % des cœliochirurgies selon les publications. En fait, il est
vraisemblable que les formes frustes, qui se manifestent par des troubles neurologiques
non spécifiques ou par un simple retard de réveil, soient beaucoup plus nombreuses.
Elles peuvent aussi se confondre avec les autres complications hémodynamiques de la
cœliochirurgie, comme les obstacles aigus au retour veineux ou les troubles du rythme,
sans compter avec les formes retardées qui surviennent à la fin de l'intervention, lorsque
l'exsufflation du pneumopéritoine libère des bulles de CO2 piégées dans la circulation
mésentérique ou portale [20].
La porte d'entrée se situe le plus souvent au niveau d'une grosse veine (veine
iliaque, veine cave inférieure), ponctionnée lors de la mise en place de l'aiguille de
Palmer en début d'insufflation. Un autre point d'entrée se situe au niveau des plexus
veineux péri-ombilicaux. Les plaies vasculaires peropératoires ne conduisent à une
embolie gazeuse que si la pression du pneumopéritoine est très proche de la pression
veineuse. Si elle est supérieure, comme c'est le cas le plus souvent en cœliochirurgie, le
collapsus des vaisseaux empêche toute entrée de gaz. Dans les rares situations où la
pression veineuse est supérieure à la pression du pneumopéritoine, la brèche vasculaire
se traduit par une hémorragie et non pas par une entrée de gaz [2].
Le volume de l'embol gazeux conditionne largement la symptomatologie
clinique. Seules les embolies de faible débit (inférieur à 0,3 mL/kg chez le chien)
s'accompagnent d'une augmentation de la PETCO2 qui traduit l'élimination du CO2
intravasculaire par l’émonctoire pulmonaire. La pollution du CO2 intra-abdominal par
du protoxyde d'azote provenant du circuit anesthésique ou de l'oxyde de carbone
provenant du bistouri électrique aggrave les répercussions de l'embolie gazeuse car ces
gaz sont moins solubles que le CO2. De même que la perméabilité du trou de Botal chez
30 % des sujets jeunes rend compte de la fréquence élevée des embols systémiques et
des complications neurologiques. Lorsque le volume de l'embol gazeux augmente, la
PETCO2 chute, par diminution des échanges au niveau du lit capillaire pulmonaire et/ou
par arrêt circulatoire.
Les mesures prophylactiques sont essentielles et doivent être appliquées
systématiquement. Il s'agit des tests d'aspiration réalisés lors de mise en place de
l'aiguille de Palmer, mais aussi du recours à une open laparoscopy lorsqu'une difficulté
d'insufflation est prévisible (abdomen multi-opéré). D'une manière plus générale, il est
important de limiter le débit d'insufflation à un litre par minute aussi longtemps que
celle-ci est aveugle. L'utilisation d'un Doppler œsophagien ou précordial, ou à défaut
d'un simple stéthoscope est utile pour détecter précocement une embolie gazeuse dans
les situations à risque. Compte tenu des régimes de pression particuliers à la
cœliochirurgie, le recours à un pantalon anti-G ou à une pression positive de fin
d'expiration n'a pas d'indication, à la différence de l'anesthésie pour neurochirurgie.
La conduite à tenir en présence d'une embolie gazeuse dépend largement de son
volume et donc de son retentissement systémique. L'arrêt de l'insufflation suffit à faire
disparaître les signes d'une embolie gazeuse minime, dont le débit n'excède pas
0,3 mL/kg et qui se manifeste par une désaturation très modérée et une augmentation du
CO2 expiré, sans retentissement hémodynamique.
En présence d'une forme importante, dont un des signes pathognomoniques est
le bruit de rouet, il convient d'arrêter immédiatement l'insufflation et de mettre le patient
en oxygène pur. Le traitement de la défaillance cardiaque repose sur l'administration
d'inotropes. La mise en position de Trendelenburg associée à un décubitus latéral
gauche (manœuvre de Durant) limite le passage d'air dans les cavités gauches. Un
massage cardiaque externe s'impose en cas d'inefficacité circulatoire. Il peut aussi avoir
un effet favorable en fragmentant les bulles. En revanche, la mise en place d'un cathéter
central pour réaspirer les bulles de CO2 dans l'oreillette droite constitue une perte de
temps pour les autres manœuvres de réanimation symptomatiques et n'apporte qu'un
bénéfice limité, le volume de gaz recueilli dans ces conditions étant habituellement très
faible. De la même manière, le recours à une circulation extracorporelle est anecdotique,
la disponibilité de ce matériel dans une salle de cœliochirurgie étant pour le moins
aléatoire !
Les autres traitements faisant suite à la réanimation initiale sont plus discutés.
Ainsi, une neuro-protection par les barbituriques ou une hyperthermie n'apporte qu'un
bénéfice aléatoire, complique la surveillance neurologique et risque d'induire des
répercussions hémodynamiques délétères. Il en est de même pour l'oxygénothérapie
hyperbare, dont l'intérêt est moindre que pour les embolies à l'air car le CO2 est plus
soluble et qu'il existe un fort gradient de pression entre le sang et les bulles de CO2 (plus
de 600 mmHg) ce qui favorise la réabsorption. Le recours à cette technique n'est justifié
que si le caisson est disponible sur place, dans un délai bref et qu'il est possible de
poursuivre la réanimation du patient pendant la séance d'oxygénothérapie
CONCLUSION
Les progrès fulgurants de la cœliochirurgie ont fait naître des situations à risque
nouvelles, ou ont réactualisé des problèmes un peu oubliés. Ces accidents ne doivent
pas pour autant condamner cette technique chirurgicale mais conduire à une réflexion
sur notre pratique et celle des cœliochirurgiens, permettant de mieux cerner les
situations critiques, d'en analyser les causes et d'en définir les moyens de prévention.
Cette prévention ne passe pas seulement par un monitorage adapté. Elle est également
conditionnée par une formation spécifique de tous les intervenants du bloc opératoire.
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