sje1526 (NOTE B Dupont)

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sje1526 (NOTE B Dupont)
NOTE DROIT ÉCONOMIQUE
CONTRAT
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Commission-transport : les conséquences
de l’interdépendance à l’international
À propos de l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 10 février 2015
BÉNÉDICTE DUPONT-LEGRAND, docteur en droit,
qualifiée aux fonctions de
Maître de conférences
Cass. com., 10 févr. 2015, n° 12-13.052 :
JurisData n° 2015-002356
L’
éternelle controverse de la qualification contrat de transport-contrat
de commission bien connue en
droit français a trouvé, cette fois, son terrain
d’élection en droit international. Appelé à
trancher sur un certains nombres de points,
à commencer par la qualification même du
contrat en cause, le juge national demandera le soutien du juge communautaire. Ce
dernier, tout en restant objectif dans l’interprétation de l’article 4 de la convention de
Rome (Convention sur la loi applicable aux
obligations contractuelles, 19 juin 1980 : JOCE
9 oct. 1980, n° 266, p. 1) semble inéluctablement tenir compte de la distinction française
commission-transport. Pourtant, sa réponse
équivoque ne fait que renforcer la confusion
tant la proximité des conventions, voire leur
interdépendance dans certaines situations
est indéniable.
L’arrêt commenté de la Cour de cassation
du 10 février 2015 (Cass. com., 10 févr. 2015,
n° 12-13.052, préc.) fait suite à celui du 24
octobre 2014, rendu par la CJUE saisie
d’une question préjudicielle (CJUE, 3e ch.,
aff. C-305/13, Haeger & Schmidt GmbH c./
MMA IARD et a.).
En l’espèce, un expéditeur, signe un contrat
de commission dont l’objet est l’organisation du déplacement d’un transformateur
électrique du port d’Anvers jusqu’à son
principal établissement à Lyon. Son cocontractant confie à une société le soin de faire
exécuter la partie fluviale du déplacement.
Cette dernière choisit le transporteur fluvial.
Le chargement du transformateur fait chavi-
rer le bateau ainsi que l’ensemble de la cargaison. L’expéditeur et ses assureurs subrogés
demandent réparation du préjudice subi à
son cocontractant, mis entre temps en liquidation judiciaire, ainsi qu’à la société chargée
de faire exécuter le transport fluvial. Saisi du
litige, le tribunal de commerce de Douai les
a déclarés responsables du sinistre. Les assureurs contestent l’application du droit français faite par les juges au profit du droit allemand sur le fondement de l’article 4, § 1 de
la Convention de Rome. La cour d’appel de
Douai, le 2 novembre 2011, confirme le jugement et l’application de la loi française au
contrat conclu entre l’expéditeur, et le commissionnaire sur le fondement de l’article 4,
§ 4 de la Convention de Rome.
Elle relève que le siège social de ces deux
sociétés est situé en France et que les opérations de déchargement se déroulent également en France. Et de préciser qu’il en va de
même pour les relations contractuelles entre
le commissionnaire et la société à laquelle
elle confie le transport fluvial : le droit allemand n’a aucune vocation à s’appliquer à un
contrat de transport, au sens de la convention précitée, conclu entre une société française ayant son siège social en France pour
le compte d’une autre société française et
alors que le point de déchargement est situé
à Lyon, en France. Mais était-ce un contrat
de transport ?
Par un arrêt du 22 mai 2013, la Cour de cassation sursoit à statuer sur le pourvoi de la
société en charge de l’organisation du transport fluvial pour interroger la Cour de justice
de l’Union européenne à titre préjudiciel.
Elle demande à la Cour de justice de se prononcer sur l’interprétation de l’article 4 paragraphe 2 et 4 de la Convention de Rome,
c’est-à-dire sur le champ d’application du
paragraphe 4, plus spécialement sur la notion de « contrat de transport » visée par la
disposition.
LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N° 26 - 25 JUIN 2015
Les deux contrats entretiennent des liens
extrêmement forts, le second n’étant qu’une
modalité d’exécution du premier. Le contrat
de transport, dernier maillon de la chaîne,
apparait d’une part, indispensable à la réalisation du contrat de commission, il serait
alors lui aussi une modalité d’exécution de
ce contrat et d’autre part, il participe, comme
les deux autres contrats à la réalisation d’un
objectif global : l’arrivée de la marchandise
à destination. Ainsi, les parties se retrouvent
liées par la même opération qui peut être
qualifiée comme « un acte juridique ou un
ensemble complexe d’acte juridiques » (G.
Cornu (dir.), Vocabulaire juridique : PUF,
10e éd, 2014, spéc. p. 709). C’est par leur coopération que l’arrivée des marchandises est
possible. Alors, l’imbrication des différentes
prestations doit s’analyser comme un tout,
un ensemble, chaque membre de l’ensemble
étant motivé par un but commun plus éloigné que celui attaché à leur propre contrat ou
à leur propre tâche. Leurs liens économiques
donnent finalement naissance à des liens
juridiques. Déjà en 1969, M. le Professeur
Durry se demandait si, « du fait du double
contrat qui unit l’expéditeur au transporteur
et ce dernier à l’entrepreneur de manutention », il serait vraiment indiscutable que
l’expéditeur soit un tiers à l’égard de l’entrepreneur de manutention. « Sa situation est
tout de même assez différente de celle du
passant sur la tête de qui tomberait un colis
pendant les opérations de manutention » (V.
obs. G. Durry sous Cass. com., 4 déc. 1968 :
RTD civ. 1969, p. 774). En pratique, cette
confusion est entretenue par les entreprises
qui proposent les deux types de contrats : du
transport et de la commission. La recherche
de la qualification du contrat signé par la
société chargée de faire exécuter le transport
fluvial est donc au cœur de cette affaire, et de
cette qualification dépend la détermination
de la loi applicable.
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ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES
Cette confusion est donc entretenue tant au
stade de la caractérisation de chaque contrat
formant l’opération commission-transport
(1) qu’au stade de la détermination de la loi
applicable (2).
1. Caractérisation de
l’opération
Affirmer que le contrat de commission de
transport peut avoir pour objet principal le
« transport proprement dit de la marchandise » c’est créer ici une équivoque mais en
même temps mettre le doigt sur une réalité :
commission et transport sont économiquement enchevêtrés quoique juridiquement
distincts. Ils forment tous deux une seule et
même opération dont l’objet est l’arrivée des
marchandises à destination. Il s’agira alors
d’identifier le contenu de l’opération en
cause (A) pour pouvoir caractériser l’objet
du contrat en cause (B).
A. - Le contenu de l’opération
L’objectif de l’expéditeur est de faire parvenir
un transformateur dans ses établissements
à Lyon, transformateur qui provenait des
Etats-Unis. À cette fin, il signe des contrats
LA COUR
Sur la demande de mise hors de cause :
• Attendu que le pourvoi ne formule aucune critique contre le chef
de l’arrêt ayant écarté la responsabilité de M. X... et la garantie de son
assureur, la société MMA IARD assurances mutuelles ; qu’il y a donc
lieu d’accueillir leur demande ;
Sur le moyen unique :
Vu l’arrêt du 22 mai 2013 rendu par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation ;
Vu l’article 4, paragraphes 2, 4 et 5, de la convention de Rome du
19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ;
• Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Va Tech JST (la société Va Tech) a chargé, par contrat du 24 septembre 2002, la société
SAFRAM intercontinental (la société SAFRAM), établie en France,
d’organiser le déplacement d’un transformateur électrique depuis le
port d’Anvers (Belgique), où il avait été débarqué en provenance des
États-Unis, jusqu’à son principal établissement à Lyon ; que la société
SAFRAM, agissant sous son nom, mais pour le compte de la société Va
Tech, a confié à la société Haeger & Schmidt GmbH (la société Haeger), établie en Allemagne, le soin de faire exécuter la partie fluviale du
déplacement ; que la société Haeger a choisi à cette fin M. X..., domicilié en France, propriétaire de la péniche « El-Diablo » immatriculée
en Belgique ; que, lors du chargement à son bord du transformateur,
celui-ci a glissé dans la cale, provoquant le chavirement du bateau qui
a sombré avec sa cargaison ; que la société Va Tech, puis ses assureurs subrogés, les sociétés Axa Corporate solutions et Ace Insurance
NV (les assureurs), ont demandé réparation du préjudice à la société
SAFRAM, mise ensuite en liquidation judiciaire, et à la société Haeger ; que l’arrêt condamne celle-ci à payer aux assureurs une indemnité, après avoir retenu que sa responsabilité devait s’apprécier sur le
fondement de la loi française ; que, par arrêt du 22 mai 2013, la Cour
de cassation a sursis à statuer sur le pourvoi de la société Haeger et
interrogé, à titre préjudiciel, la Cour de justice de l’Union européenne ;
• Attendu que, par arrêt du 23 octobre 2014 (n° C-305/13), la Cour de
justice de l’Union européenne a dit pour droit :
« 1°/ L’article 4, paragraphe 4, dernière phrase, de la convention sur la
loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à
Rome le 19 juin 1980, doit être interprété en ce sens que cette disposition s’applique à un contrat de commission de transport uniquement
lorsque l’objet principal du contrat consiste dans le transport propre-
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permettant l’arrivée du transformateur à
destination. La signature d’un contrat de
transport prévoyant ainsi le déplacement
physique en tant que tel de la marchandise
est primordial mais la société préfère confier
l’organisation de ce déplacement à un professionnel : le commissionnaire de transport.
Un premier contrat de commission signé
le 24 décembre 2002, un second contrat de
commission puis un contrat de transport
forment donc une chaîne dont l’objectif
final est l’arrivée du transformateur à destination. Le commissionnaire ayant été mis en
liquidation judiciaire, c’est la société chargée
ment dit de la marchandise concernée, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier ;
2°/ L’article 4, paragraphe 4, de ladite convention doit être interprété
en ce sens que la loi applicable à un contrat de transport de marchandises doit, à défaut de pouvoir être fixée en application de la deuxième phrase de cette disposition, être déterminée en fonction de la
règle générale prévue au paragraphe 1 de cet article, c’est-à-dire que
la loi régissant ce contrat est celle du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits ;
3°/ L’article 4, paragraphe 2, de la même convention doit être interprété
en ce sens que, dans l’hypothèse où il est fait valoir qu’un contrat présente des liens plus étroits avec un pays autre que celui dont la loi est
désignée par la présomption figurant audit paragraphe, le juge national
doit comparer les liens existant entre ce contrat et, d’une part, le pays
dont la loi est désignée par la présomption et, d’autre part, l’autre pays
concerné. À ce titre, le juge doit tenir compte de l’ensemble des circonstances, y compris l’existence d’autres contrats liés au contrat en cause ;
• Attendu que, pour soumettre à la loi française la responsabilité
contractuelle de la société Haeger, l’arrêt retient que le droit allemand,
dont elle revendique l’application, n’a aucune vocation à régir un
contrat de transport au sens de la convention susvisée, auquel cette
société est partie, dès lors qu’il a été conclu pour le compte de la
société Va Tech et par l’intermédiaire de la société SAFRAM, toutes
deux établies en France, et que le lieu prévu pour le déchargement est
également situé dans ce pays ;
• Attendu qu’en se déterminant ainsi, après avoir qualifié le contrat
liant la société Haeger de contrat de commission de transport aux
motifs qu’il avait pour objet l’organisation d’un transport par voie fluviale, que la mission de la société Haeger excédait celle d’un simple
affréteur et que le choix du moyen de transport ainsi que celui du batelier lui appartenait, sans préciser, dès lors, en quoi ce contrat aurait eu
pour objet principal le transport proprement dit, seul cas où un contrat
de commission de transport est assimilable à un contrat de transport
au sens de l’article 4 § 4 de la convention susvisée, la cour d’appel
qui, dans l’hypothèse où elle ne pouvait retenir cette dernière qualification, aurait dû procéder à une comparaison effective, en fonction
de l’ensemble des circonstances, des liens existant entre le contrat et,
respectivement, l’Allemagne, la Belgique et la France pour déterminer
celui de ces pays avec lequel ils étaient les plus étroits, n’a pas donné
de base légale à sa décision ;
Par ces motifs :casse et annule, (…)
Mme Mouillard prés., Me Le Prado, SCP Richard, SCP Waquet, Farge
et Hazan, av.
LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N° 26 - 25 JUIN 2015
ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES
du transport fluvial qui sera condamnée au
paiement d’une indemnité sur le fondement
de la loi française. Cependant, cette dernière
conteste l’application de la loi française au
bénéfice du droit allemand conformément à
l’article 4 paragraphe 1, 2 et 5 combinés de la
Convention de Rome.
La qualification des parties ne lie pas le juge,
il peut, conformément à l’article 12 du Code
de procédure civile, « donner ou restituer leur
exacte qualification aux faits et actes litigieux
sans s’arrêter à la dénomination que les parties
en auraient proposée ». Au cas particulier, les
deux contrats, le premier signé entre l’expéditeur et l’organisateur du transport et le
second entre l’organisateur du transport et
la société chargée d’organiser le seul transport fluvial ont été qualifiés par les parties
ainsi que par la cour d’appel de contrats de
commission. En effet, dans les deux cas, les
sociétés n’exécutent pas elle-même le transport mais le font exécuter. Avant le sursis à
statuer de la Cour de cassation, les juges du
fond avaient relevé, sur le fondement de l’article 4, § 4 de la convention de Rome, que le
droit allemand n’avait ici aucune vocation à
s’appliquer à un contrat de transport, au sens
de la convention précitée, conclu entre une
société française pour le compte d’une autre
société française.
L’article 4, § 4 est une disposition spéciale
concernant le contrat de transport mais
encore faut-il que le contrat soit qualifié
comme tel. Il écarte la présomption du § 2
selon laquelle le contrat présenterait les liens
les plus étroits avec le pays où la partie qui
doit fournir la prestation caractéristique a,
au moment de la conclusion du contrat, sa
résidence habituelle. Mais par application
du paragraphe 4, le contrat de transport est
présumé avoir des liens étroits avec le pays
dans lequel le transporteur a son établissement principal au moment de la conclusion
du contrat à moins que ce soit également
celui dans lequel est situé le lieu de chargement ou de déchargement ou l’établissement principal de l’expéditeur. Pour entrer
dans le champ d’application de ce § 4, il
faut donc remplir des conditions précises.
Mais il ajoute que « sont considérés comme
contrats de transport de marchandises les
contrats d’affrètement pour un seul voyage
ou d’autres contrats lorsqu’ils ont principalement pour objet de réaliser un transport de
marchandises ». Le contrat de commission
ne pourrait donc bénéficier des règles de
l’article 4, § 4 de la convention de Rome que
si « l’objet principal du contrat consiste dans
le transport proprement dit de la marchandise », mais dans ce cas l’objet du contrat
de commission se confondrait avec celui du
contrat de transport et peut-on encore parler de contrat de commission ? A contrario,
si le contrat en cause a pour objet principal
l’organisation du déplacement de la marchandise, ce que devrait être l’objet d’un
contrat qualifié comme tel, celui-ci échapperait à cette présomption spéciale et l’on
appliquerait alors la présomption générale
des paragraphes 1 et 2, ce que revendiquaient
les demandeurs au pourvoi. La question de
la qualification du contrat signé par la société chargée d’organiser le transport fluvial se
posait avec acuité car d’elle dépend la détermination du droit applicable.
Si un contrat de commission peut avoir pour
objet principal le déplacement de la marchandise, il s’agit là d’une figure contractuelle
inconnue car soit l’on est en présence d’un
contrat de commission soit d’un contrat de
transport (B. Mercadal, Commissionnaire de
transport : Rep. Com. Dalloz, mars 1997, p. 2 ;
P. Bailly, La commission de transport, in J. Hamel (dir.), Le contrat de commission, études de
droit commercial : Dalloz, 1944, Paris, titre
IV, chapitre unique, p. 236 ; A. Ponsard, Histoire du contrat de commission, in J. HAMEL
(dir.), ibid., p. 55 ). Mais une chose est sûre :
c’est que cette figure contractuelle serait
composée de commission en accessoire et de
transport en principal, il s’agirait opération
caractérisée ici par un contrat unique dont
le but serait la remise de la marchandise au
destinataire. Seulement, le droit français
connaît deux qualifications bien distinctes et
la notion d’opération de commission-transport se caractériserait davantage par une
série d’actes bien distincts comme c’est le cas
ici : un contrat de commission et un contrat
de transport auxquels s’ajoutent selon les cas
des sous-contrats ou d’autres contrats spécifiques comme un contrat de transit ou par
exemple de manutention.
B. - Caractérisation de l’objet
du contrat en cause.
L’opération de qualification ne pose pas de
problème particulier lorsqu’il s’agit de procéder à la qualification d’un acte pouvant
entrer dans une catégorie juridique connue.
LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N° 26 - 25 JUIN 2015
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Il semblerait que l’opération de qualification
ne soit pas aussi aisée lorsque le contrat considéré est le réceptacle de diverses prestations
répondant à autant de régimes juridiques
multiples. Cela se rencontre d’autant plus en
pratique que de nombreuses entreprises ont
plusieurs casquettes : elles sont à la fois transporteur, commissionnaire, transitaire… Le
recours à la théorie de l’accessoire (V. CA Paris, 17 mars 1982 : BT 1982, p. 395 ; CA Paris,
18 janv. 1983 : BT 1983, p. 168 : « le transport
final par camionnage effectué par X n’était
que l’accessoire du contrat principal de commission de transport ; qu’ainsi X ne peut,
par une analyse aboutissant à un dépeçage
de ses relations contractuelles avec la société
(…), se prévaloir de sa seule activité finale de
voiturier ; (…) que seul le contrat de commission régit les rapports des parties ». - CA
Paris, 14 mai 1984 : BT 1985, p. 207 : « (…)
le contrat liant les parties étant un contrat de
commission de transport, l’appelante, même
si accessoirement à cette convention elle a
exécuté elle-même une partie du transport,
ne peut se prévaloir de l’article 105 du Code
de commerce que peut seul invoquer le voiturier ».- CA Paris, 15 déc. 2004, Axa c/ Sollac et a. : BTL 2005, p. 71. - CA Paris, 9 juin
2005, Sté Lupprians c/ Groupama transport
et a. : BTL 2005, p. 557) est alors privilégié
par les juges à défaut de bénéficier d’un véritable régime juridique de ce type de contrats
appelés en pratique « contrats de prestations
logistiques ». C’est également le dépeçage de
ce contrat qui est pratiqué par les juges : en
fonction de la prestation en cause on appliquera le régime juridique correspondant (V.
CA Rouen, 2e ch., 15 mars 2007, n° 06/01695,
SARL R. Sea Transit c/ SA Valtrans : JurisData
n° 2007-330437 ; Rev. dr. transp. 2007, comm.
151, note Bon-Garcin : « La société R.SEA
TRANSIT bien qu’ayant accompli des formalités de douane, a agi dans le cadre de sa
fonction principale de commissionnaire au
transport de sorte que les activités accessoires qu’elle a pu réaliser ne peuvent être
détachées de sa fonction principale de commissionnaire au transport. Il s’ensuit que la
société R.SEA TRANSIT est fondée à invoquer à son profit l’acquisition de la courte
prescription annale de l’article L. 133-6 du
Code de commerce ». Dans le même sens V.
CA Rouen, 2e ch., 31 mai 2007, n° 05/00505,
Sté Delmas c./ Leblay, ès qualités et a. : JurisData n° 2007-360318 ; Rev. dr. transp. 2008,
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ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES
comm. 166 où la cour d’appel a considéré
que la mise à disposition par le transporteur
à l’expéditeur « d’un conteneur dont la seule
finalité était de permettre le transport maritime puis terrestre des colis de marchandise
ne constitue que l’accessoire du contrat de
transport. Cette remise n’a d’ailleurs donné
lieu à aucun contrat d’entreprise distinct ; il
s’ensuit que cette mise à disposition est soumise aux règles du contrat de transport »).
La cour d’appel de Douai applique au
contrat signé entre le commissionnaire et la
société chargée d’organiser la dernière partie
du trajet le droit français conformément à
l’article 4§4 de la Convention de Rome. Elle
considère donc que le contrat, qu’elle qualifie pourtant de contrat de commission, entre
dans le champ d’application du paragraphe
4 réservé aux contrats de transport. L’une
des interrogations de la Cour de cassation
était de connaître, s’il y a lieu, les conditions
d’application de l’article susvisé au contrat
de commission. La Cour de justice a précisé
que le contrat de commission de transport
ne pouvait bénéficier des règles relatives
au contrat de transport que s’il avait pour
« objet principal le transport proprement
dit ». Mais dans ce cas précis, avait-on affaire
à un réel contrat de commission ? Doit-il
encore être qualifié comme tel ? Certes, les
différences sont ténues, comme le souligne
d’ailleurs M. le Professeur Paulin : « Comme
le transporteur, le commissionnaire sera
responsable si la marchandise n’arrive pas à
destination, si elle est endommagée ou si elle
est livrée tardivement. Ayant pour obligation
d’organiser un transport, le commissionnaire n’en est pas moins tenu de sa bonne
réalisation » (C. Paulin, Réflexions sur la distinction entre contrat de transport et contrat de
commission de transport, Études sur le droit de
la concurrence et quelques thèmes fondamentaux : Mél. Serra, Dalloz, 2006, p. 332). Ainsi,
en pratique, les deux contrats sont exécutés
simultanément, comme le rappelle l’auteur
susvisé : « On ne peut dire qu’un contrat qui
donne mission au prestataire d’organiser le
déplacement d’une marchandise, l’autorisant à effectuer lui-même ce déplacement
s’oppose au contrat qui lui donne mission
de déplacer la marchandise, l’autorisant à
sous-traiter ce déplacement, dès lors que
tous deux le rendent responsable au cas où
la marchandise n’arriverait pas à destination
comme prévu » (ibid.).
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Seulement, le droit français les distingue.
Alors qu’en l’espèce, la CJUE reconnait la
spécificité du contrat de commission (CJUE,
3e ch., 23 oct. 2014, aff. C-305/13, Haeger
& Schmidt : JurisData n° 2014-027853 ;
D. 2015, p. 136, spéc. § 22, 27 et 28 ; Rev. dr.
transp. 2014, comm. 68), elle admet qu’un
contrat de commission puisse avoir pour
objet principal un déplacement ! Il serait,
dans ce cas, purement et simplement assimilé à un contrat de transport. Néanmoins,
la cour d’appel retient la qualification de
commission aux motifs « qu’il avait pour
objet l’organisation d’un transport par voie
fluviale, que la mission de la société Haeger
excédait celle d’un simple affréteur et que le
choix du moyen de transport ainsi que celui du batelier lui appartenait » et applique
l’article 4§ 4 réservé au contrat de transport
ou au contrat ayant pour objet principal le
déplacement de la marchandise. Le demandeur se défend en arguant le fait que n’ayant
pas exécuté lui-même le transport, il s’agissait bel et bien d’un contrat de commission
ne rentrant pas dans le champ d’application
de l’article 4§ 4 mais dans celui des paragraphes 2 et 5 : la prestation caractéristique
du contrat de commission étant l’organisation de l’acheminement revenant à une
société, dont le siège est en Allemagne, la loi
applicable aurait dû être la loi allemande. En
outre, si le contrat présente des liens étroits
avec d’autres pays cette présomption pouvait
être écartée. Si le « contrat de commission
de transport » avait pour objet principal le
déplacement de la marchandise, il fallait que
la cour d’appel caractérise cet objet : tel est
l’avis des hauts magistrats. Le cas échéant, la
détermination de la loi applicable au contrat
de commission proprement dit dépend de
nombreux points de comparaison.
De la qualification du contrat va donc dépendre l’application de la loi. La Cour de
justice reconnait la spécificité du contrat de
commission en France et ne l’assimilerait au
contrat de transport que si l’objet est le déplacement physique de la marchandise. Elle
procède alors à une qualification qui dépendrait de la prestation dominante : le déplacement ou l’organisation. Ces deux prestations
sont incontestablement enchevêtrées, interdépendantes au point de devoir faire perdre
au contrat sa qualification originaire parce
que le déplacement aurait pris le dessus sur
l’organisation. Le commissionnaire devien-
drait transporteur. Et dans ce cas, même si
à l’origine les parties ont signé dans le but
d’organiser le déplacement, cette prestation
peut devenir accessoire : la qualification de
contrat de transport doit alors être privilégiée. Seulement, en l’éspèce deux contrats
sont signés : un contrat de commission et
un contrat de transport. Le cocontractant
de l’expéditeur, le commissionnaire, a confié
l’organisation d’une partie du déplacement
à un autre professionnel. Il s’agit donc d’un
nouveau contrat de commission de transport. Enfin, ce dernier commissionnaire, ou
ce sous-commissionnaire, signe un contrat
de transport avec un batelier pour qu’il
exécute physiquement le déplacement. Et
c’est incontestablement parce que ces deux
contrats concourent à la réalisation du même
objectif : l’arrivée du transformateur à destination, parce qu’ils appartiennent tous deux
à la même opération économique que dans
certains cas, la confusion est constatée. D’ailleurs, la lettre de l’article L. 132-8 du Code de
commerce participe de cette confusion : « la
lettre de voiture forme un contrat entre l’expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le
transporteur ». Et pourtant, si la CJUE admet
que le contrat de commission puisse se voir
appliquer l’article 4, § 4 de la Convention de
Rome que s’il a pour objet principal le déplacement c’est bien qu’elle reconnait implicitement, en dehors de ce cas, l’existence d’un
véritable contrat de commission ayant pour
objet l’organisation du déplacement.
Finalement, que la commission et le transport soient confondus au sein d’un même
contrat ou d’un ensemble de contrats, pour
déterminer la loi applicable au contrat en
cause, la cour d’appel de renvoi devra « faire
entrer » ce contrat dans une catégorie juridique prédéterminée : soit le transport, soit
la commission. Il faut isoler la prestation
ou le contrat appartenant pourtant à un
ensemble plus vaste, inscrit dans une opération économique globale contrainte de
se soumettre à une certaine segmentation
juridique. Cependant, si d’un point de vue
de la qualification juridique, la catégorisation semble inéluctable, la recherche de la loi
applicable semble pouvoir se faire en tenant
compte du contexte dans lequel le contrat
s’inscrit, et notamment du lien qu’il entretient avec les autres contrats concourant à la
réussite de l’opération toute entière.
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ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES
2. Détermination de la loi
applicable à l’opération
Le raisonnement de la Cour de cassation
est clair : elle demande à la cour de renvoi
de rechercher dans un premier temps si le
contrat en cause a pour objet principal le
déplacement de la marchandise. Une fois
l’objet caractérisé, il faudra déterminer la
loi applicable. Dans le cas où l’article 4, § 4
est écarté, la Cour de cassation précise à la
cour de renvoi de tenir compte de l’opération dans sa globalité pour déterminer
le droit applicable (A). Ainsi, le juge national préserve l’unité des règles juridiques
communautaire (B).
A - La prise en compte de
l’opération dans son intégralité
Selon Madame Bacache-Gibeili, « la spécialisation des activités ainsi que la circulation
rapide des biens aboutit à l’émergence de
plusieurs rapports contractuels enchevêtrés
nécessaires à la satisfaction d’un objectif
économique commun formant une figure
économique nouvelle » (M. Bacache-Gibeili,
La relativité des conventions et les groupes de
contrats : Bibliothèque de droit privé, t. 268,
LGDJ, 1996, spéc. p. 29). Un transport de
marchandises nécessite, aujourd’hui, l’intervention de spécialistes : le commissionnaire
est un des professionnels qui permet l’arrivée
de la marchandise à destination.
Dans l’espèce du 10 février ici rapportée,
deux contrats de commission ont été signés :
un principal et un sous-contrat. C’est ici la
qualification du sous-contrat et la détermination de la loi applicable à ce contrat qui
suscite autant de controverses.
Si les juges du fond considèrent que le souscontrat « de commission » a pour objet
principal le déplacement physique de la
marchandise, il entrera donc dans le champ
d’application de l’article 4, § 4. Cependant,
si, les conditions du texte ne sont pas remplies, la présomption ne peut pas s’appliquer. La Cour de cassation a alors demandé
à la CJUE si l’on devait revenir au principe
selon lequel « le contrat est régi par la loi du
pays avec lequel il présente les liens les plus
étroits »(Convention sur la loi applicable aux
obligations contractuelles, art. 4, § 1, préc.).La
CJUE a répondu par l’affirmative en précisant dans un dernier point que conformément au § 2 « il est présumé que le contrat
présente les liens les plus étroits avec le pays
où la partie qui doit fournir la prestation
caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat sa résidence habituelle… ».
Si le contrat présente des liens étroits avec
un autre pays, cette présomption peut être
écartée conformément au § 5 du même article. C’est sur ce point que la CJUE s’est en
dernier lieu prononcée (CJUE, 3e ch., 23 oct.
2015, préc., note 3). Mais en l’espèce, la détermination de la prestation caractéristique
envisagée par le paragraphe 2 devait-elle
s’effectuer par rapport au contrat de commission principal et donc à l’établissement
principal du cocontractant direct de l’expéditeur ou par rapport à celui du sous-commissionnaire ? Ici encore les deux contrats
sont imbriqués : il y eu sous-traitance d’une
partie de l’organisation du déplacement.
Dans la relation de sous-traitance, le contrat
principal domine le sous-contrat. Dans sa
thèse, M. Néret démontre qu’il existe entre
eux des « rapports de collaboration » (J. Néret, Le sous-contrat, 1977, thèse Paris II, Nicole
CATALA (dir.) : LGDJ Bibliothèque de droit
privé, t. 163, EJA, 1979.- Seconde partie intitulée « Contrat originaire et sous-contrat :
rapports de collaboration »). L’entrepreneur
qui a promis au maître de l’ouvrage d’exécuter une prestation répercutera tout ou
partie de son obligation promise sur le sousexécutant. Juridiquement indépendants, les
contrats sont néanmoins intimement liés et
interdépendants. D’une part, le contrat principal est la cause du sous-contrat, il est la raison d’être du sous-contrat qui est un moyen
de réalisation du contrat originaire. D’autre
part, ils sont de même nature et concernent
le même objet, la même opération en tout ou
partie : « Contrat originaire et sous-contrat
se conjuguent en vue de réaliser une opération unique » (J. Néret, Le sous-contrat, préc.,
spéc. p. 197) : l’interdépendance des contrats
de commission et sous-commission est donc
en l’espèce avérée. Le second contrat est alors
greffé sur le contrat principal, contractant et
sous-contractant participent à une opération
commune. En dépit de leur distinction juridique, on peut affirmer que les deux contrats
sont intimement liés. Le second n’existant
que parce que le premier a été conclu, il en
est la cause. Ainsi, comme l’affirme, à juste
titre, M. le Professeur Cabrillac dans sa
thèse : « Un devoir mutuel de collaboration,
une obligation d’exécuter sa prestation sans
LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N° 26 - 25 JUIN 2015
1313
nuire à l’autre relient les participants à l’ensemble constitué par le sous-contrat (…) »
(R. Cabrillac, L’acte juridique conjonctif en
droit privé français, 1989, thèse Montpellier I,
Pierre Catala (dir.) : LGDJ, Bibliothèque de
droit privé, EJA, 1990, n° 155, p. 79).
Ainsi, compte tenu des liens qu’entretiennent les deux contrats de commission, la
CJUE a considéré que le juge national devait
apprécier la présomption des liens les plus
étroits avec l’ensemble des circonstances, « y
compris l’existence d’autres contrats liés au
contrat en cause », écartant s’il le fallait la
présomption du paragraphe 2 conformément au paragraphe 5 in fine qui prévoit que
« les présomptions des paragraphes 2, 3 et 4
sont écartées lorsqu’il résulte de l’ensemble des
circonstances que le contrat présente des liens
plus étroits avec un autre pays » (V. déjà : Cass.
com., 19 déc. 2006, D. 2007, p. 1751 ; RTD
com 2007, p. 628, obs. Ph. Delebecque ; Rev.
crit. DIP 2007, p. 592, note P. Lagarde). Ainsi,
si le contrat de transport fluvial ne remplit
pas les conditions d’application du paragraphe 4 et que le contrat présente des liens
avec les contrats de commission, là encore
pour déterminer la loi applicable, il sera tenu
compte de ces circonstances.
Pour déterminer la loi applicable, le juge devra donc s’en remettre à l’appréciation globale de l’opération considérée : l’opération
de commission de transport. Nul doute que
les liens particulièrement étroits qu’entretiennent les contrats composant l’opération
de commission, seront pris en compte au
même titre que le lieu de livraison introduit
par le réglement de Rome du 17 juin 2008
(PE et Cons. UE, règl. (CE) n° 593/2008, 17
juin 2008, sur la loi applicable aux obligations
contractuelles (Rome I), art. 5 : JOUE n° L
177, 4 juill. 2008, p. 6). En outre, la détermination de la loi applicable à un contrat
de transport, auquel l’article 4 paragraphe 4
serait inapplicable, serait également appréciée à l’aune des autres contrats, les contrats
de commission, c’est donc l’ensemble de la
chaîne qui est prise en compte, l’opération
Commission-Transport cette fois. Au travers
de cette analyse, confortée par la CJUE et par
le règlement du 17 juin 2008 (PE et Cons. UE,
règl. (CE) n° 593/2008, 17 juin 2008, préc.,
spéc. consid. 20 : « Lorsque le contrat présente
des liens manifestement plus étroits avec un
pays autre que celui indiqué à l’article 4, paragraphe 1 ou 2, une clause d’exception devrait
Page 29
1313
ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES
prévoir que c’est la loi de cet autre pays qui
doit s’appliquer. Afin de déterminer ce pays,
il convient de prendre en compte, notamment,
l’existence de liens étroits du contrat avec un
ou plusieurs autres contrats »), c’est finalement l’approche globale qui est privilégiée,
reconnaissance d’une unité économique
voire juridique.
B. - Le Le renvoi préjudiciel
et la spécificité française du
contrat de commission
La question préjudicielle est une technique
de collaboration entre le juge national et
le juge communautaire, la Cour de justice
de l’Union européenne (M.-C. Bergeres, La
CJCE et la pertinence de la question préjudicielle : D. 1993, p. 245. - H. Labaye, Question
prioritaire de constitutionnalité et question
préjudicielle : ordonner le dialogue des juges ? :
RFDA 2010, p. 659. - X. Magnon, La question prioritaire de constitutionnalité est-elle
une « question préjudicielle » ? : AJDA 2015,
p. 254). L’article 177 du Traité de Rome (« La
Cour de justice est compétente pour statuer, à
titre préjudiciel: a. sur l’interprétation du présent traité, b. sur la validité et l’interprétation
des actes pris par les institutions de la Communauté et par la BCE, c. sur l’interprétation
des statuts des organismes créés par un acte
du Conseil, lorsque ces statuts le prévoient.
Lorsqu’une telle question est soulevée devant
une juridiction d’un des États membres, cette
juridiction peut, si elle estime qu’une décision
sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de justice de statuer
sur cette question. Lorsqu’une telle question est
soulevée dans une affaire pendante devant une
juridiction nationale dont les décisions ne sont
pas susceptibles d’un recours juridictionnel de
droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour de justice ») devenu article 267 du
Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne a ainsi permis aux juges nationaux
de s’approprier progressivement le droit de
l’Union européenne, éviter ainsi une divergence d’interprétation des textes internationaux soumis à la question préjudicielle et
promouvoir par la même occasion une cohérence et une unification du droit de l’Union.
À ce titre, ce mécanisme de coopération a été
un modèle pour la création de la question
prioritaire de constitutionnalité introduite
par la loi organique du 10 décembre 2009
(L. org. n° 2009-1523, 10 déc. 2009, relative
à l’application de l’article 61-1 de la Constitution : JO 11 déc. 2009, p. 21379). Cette
dernière prévient également les divergences
d’interprétations, maintient l’unité juridique
et tente d’assurer le respect de l’Etat de droit.
La Cour de justice ne tranche pas le litige national. En l’espèce c’est bien la Cour de cassation, le 10 février qui a rendu sa décision,
conformément aux réponses de la CJUE. Il
appartient donc à la juridiction nationale de
résoudre l’affaire à la lumière de la solution
apportée par la Cour de justice Ses décisions
ont un effet erga omnes (CJCE, 27 mars 1963,
aff. jointes 28 à 32/62, Da Costa : Rec. p. 59. –
CJCE, 13 mai 1981, aff. 66/80, International
Chemical : Rec. p. 1191) c’est-à-dire qu’elles
lient les autre juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème identique.
Le renvoi préjudiciel portait ici sur la spécificité française du contrat de commission face
aux dispositions de la Convention de Rome.
Si la CJUE a reconnu la conception française de la commission en affirmant que « le
contrat de commission est un contrat distinct, sa prestation caractéristique consistant
dans l’organisation du transport de la marchandise ». Cependant, peut-on réellement
parler de reconnaissance lorsqu’elle invite
le juge national à regarder si le contrat de
commission a pour objet principal le déplacement physique ?
PANORAMA
1314
1315
CONTRAT D’ENTREPRISE - Construction
- Réception de l’ouvrage - Réception
contradictoire - Signature du procès-verbal de réception signé par le maître de
l’ouvrage - Absence de l’entrepreneur
aux opérations de réception
PROTECTION DU CONSOMMATEUR
- Crédit aux particuliers - Prêt professionnel - Crédit immobilier - Action en
paiement intentée par la banque - Prescription biennale
Le procès-verbal de réception signé par le
maître de l’ouvrage caractérise sa volonté
de recevoir l’immeuble ; dès lors que l’entrepreneur at été dûment convoqué aux opérations de réception, son absence ne saurait
priver ce procès-verbal de son caractère
contradictoire.
Cass. 3e civ., 3 juin 2015, n° 14-17.744, P+B,
CRAMA Centre-Atlantique Groupama c/ Synd.
copr. Résidence Les Hauts de Sarlat : JurisData
n° 2015-013041 (CA Bordeaux, 1re civ., sect. A,
20 mars 2014)
Rejet
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C’est en vain que l’emprunteur fait grief à
l’arrêt de rejeter sa demande tendant à voir
déclarer prescrite l’action de la banque au
titre du prêt professionnel souscrit le 29 février 2008. En effet, après avoir constaté que
ce prêt n’était pas soumis aux dispositions de
l’article L. 137-2 du Code de la consommation , c’est à bon droit que la cour d’appel a
retenu que la date d’exigibilité de la créance
faisant courir le délai de la prescription quinquennale se situait à la date de déchéance
du terme ; ayant ensuite relevé que cette
déchéance était intervenue au plus tôt le
26 avril 2011, date à laquelle une première
mise en demeure avait été adressée au débi-
teur, elle en a déduit que l’action de la banque
n’était pas prescrite au jour où celle-ci avait
introduit sa demande.
Le point de départ du délai de prescription
biennale prévu par l’article L. 137-2 du
Code de la consommation se situe au jour
où le titulaire du droit a connu ou aurait dû
connaître les faits lui permettant d’exercer
l’action concernée, soit, dans le cas d’une
action en paiement au titre d’un crédit immobilier consenti par un professionnel à un
consommateur, à la date du premier incident
de paiement non régularisé. Pour rejeter la
demande de l’emprunteur tendant à faire
constater la prescription de la créance de
la banque née des deux prêts immobiliers
consentis le 21 septembre 2005, l’arrêt retient
que le point de départ du délai de prescription biennale de l’article L. 137-2 du Code de
la consommation doit être fixé à la date de
déchéance du terme de ces prêts. En statuant
LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N° 26 - 25 JUIN 2015