sje1526 (NOTE B Dupont)
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NOTE DROIT ÉCONOMIQUE CONTRAT 1313 Commission-transport : les conséquences de l’interdépendance à l’international À propos de l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 10 février 2015 BÉNÉDICTE DUPONT-LEGRAND, docteur en droit, qualifiée aux fonctions de Maître de conférences Cass. com., 10 févr. 2015, n° 12-13.052 : JurisData n° 2015-002356 L’ éternelle controverse de la qualification contrat de transport-contrat de commission bien connue en droit français a trouvé, cette fois, son terrain d’élection en droit international. Appelé à trancher sur un certains nombres de points, à commencer par la qualification même du contrat en cause, le juge national demandera le soutien du juge communautaire. Ce dernier, tout en restant objectif dans l’interprétation de l’article 4 de la convention de Rome (Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, 19 juin 1980 : JOCE 9 oct. 1980, n° 266, p. 1) semble inéluctablement tenir compte de la distinction française commission-transport. Pourtant, sa réponse équivoque ne fait que renforcer la confusion tant la proximité des conventions, voire leur interdépendance dans certaines situations est indéniable. L’arrêt commenté de la Cour de cassation du 10 février 2015 (Cass. com., 10 févr. 2015, n° 12-13.052, préc.) fait suite à celui du 24 octobre 2014, rendu par la CJUE saisie d’une question préjudicielle (CJUE, 3e ch., aff. C-305/13, Haeger & Schmidt GmbH c./ MMA IARD et a.). En l’espèce, un expéditeur, signe un contrat de commission dont l’objet est l’organisation du déplacement d’un transformateur électrique du port d’Anvers jusqu’à son principal établissement à Lyon. Son cocontractant confie à une société le soin de faire exécuter la partie fluviale du déplacement. Cette dernière choisit le transporteur fluvial. Le chargement du transformateur fait chavi- rer le bateau ainsi que l’ensemble de la cargaison. L’expéditeur et ses assureurs subrogés demandent réparation du préjudice subi à son cocontractant, mis entre temps en liquidation judiciaire, ainsi qu’à la société chargée de faire exécuter le transport fluvial. Saisi du litige, le tribunal de commerce de Douai les a déclarés responsables du sinistre. Les assureurs contestent l’application du droit français faite par les juges au profit du droit allemand sur le fondement de l’article 4, § 1 de la Convention de Rome. La cour d’appel de Douai, le 2 novembre 2011, confirme le jugement et l’application de la loi française au contrat conclu entre l’expéditeur, et le commissionnaire sur le fondement de l’article 4, § 4 de la Convention de Rome. Elle relève que le siège social de ces deux sociétés est situé en France et que les opérations de déchargement se déroulent également en France. Et de préciser qu’il en va de même pour les relations contractuelles entre le commissionnaire et la société à laquelle elle confie le transport fluvial : le droit allemand n’a aucune vocation à s’appliquer à un contrat de transport, au sens de la convention précitée, conclu entre une société française ayant son siège social en France pour le compte d’une autre société française et alors que le point de déchargement est situé à Lyon, en France. Mais était-ce un contrat de transport ? Par un arrêt du 22 mai 2013, la Cour de cassation sursoit à statuer sur le pourvoi de la société en charge de l’organisation du transport fluvial pour interroger la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel. Elle demande à la Cour de justice de se prononcer sur l’interprétation de l’article 4 paragraphe 2 et 4 de la Convention de Rome, c’est-à-dire sur le champ d’application du paragraphe 4, plus spécialement sur la notion de « contrat de transport » visée par la disposition. LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N° 26 - 25 JUIN 2015 Les deux contrats entretiennent des liens extrêmement forts, le second n’étant qu’une modalité d’exécution du premier. Le contrat de transport, dernier maillon de la chaîne, apparait d’une part, indispensable à la réalisation du contrat de commission, il serait alors lui aussi une modalité d’exécution de ce contrat et d’autre part, il participe, comme les deux autres contrats à la réalisation d’un objectif global : l’arrivée de la marchandise à destination. Ainsi, les parties se retrouvent liées par la même opération qui peut être qualifiée comme « un acte juridique ou un ensemble complexe d’acte juridiques » (G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique : PUF, 10e éd, 2014, spéc. p. 709). C’est par leur coopération que l’arrivée des marchandises est possible. Alors, l’imbrication des différentes prestations doit s’analyser comme un tout, un ensemble, chaque membre de l’ensemble étant motivé par un but commun plus éloigné que celui attaché à leur propre contrat ou à leur propre tâche. Leurs liens économiques donnent finalement naissance à des liens juridiques. Déjà en 1969, M. le Professeur Durry se demandait si, « du fait du double contrat qui unit l’expéditeur au transporteur et ce dernier à l’entrepreneur de manutention », il serait vraiment indiscutable que l’expéditeur soit un tiers à l’égard de l’entrepreneur de manutention. « Sa situation est tout de même assez différente de celle du passant sur la tête de qui tomberait un colis pendant les opérations de manutention » (V. obs. G. Durry sous Cass. com., 4 déc. 1968 : RTD civ. 1969, p. 774). En pratique, cette confusion est entretenue par les entreprises qui proposent les deux types de contrats : du transport et de la commission. La recherche de la qualification du contrat signé par la société chargée de faire exécuter le transport fluvial est donc au cœur de cette affaire, et de cette qualification dépend la détermination de la loi applicable. Page 25 1313 1313 ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES Cette confusion est donc entretenue tant au stade de la caractérisation de chaque contrat formant l’opération commission-transport (1) qu’au stade de la détermination de la loi applicable (2). 1. Caractérisation de l’opération Affirmer que le contrat de commission de transport peut avoir pour objet principal le « transport proprement dit de la marchandise » c’est créer ici une équivoque mais en même temps mettre le doigt sur une réalité : commission et transport sont économiquement enchevêtrés quoique juridiquement distincts. Ils forment tous deux une seule et même opération dont l’objet est l’arrivée des marchandises à destination. Il s’agira alors d’identifier le contenu de l’opération en cause (A) pour pouvoir caractériser l’objet du contrat en cause (B). A. - Le contenu de l’opération L’objectif de l’expéditeur est de faire parvenir un transformateur dans ses établissements à Lyon, transformateur qui provenait des Etats-Unis. À cette fin, il signe des contrats LA COUR Sur la demande de mise hors de cause : • Attendu que le pourvoi ne formule aucune critique contre le chef de l’arrêt ayant écarté la responsabilité de M. X... et la garantie de son assureur, la société MMA IARD assurances mutuelles ; qu’il y a donc lieu d’accueillir leur demande ; Sur le moyen unique : Vu l’arrêt du 22 mai 2013 rendu par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation ; Vu l’article 4, paragraphes 2, 4 et 5, de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ; • Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Va Tech JST (la société Va Tech) a chargé, par contrat du 24 septembre 2002, la société SAFRAM intercontinental (la société SAFRAM), établie en France, d’organiser le déplacement d’un transformateur électrique depuis le port d’Anvers (Belgique), où il avait été débarqué en provenance des États-Unis, jusqu’à son principal établissement à Lyon ; que la société SAFRAM, agissant sous son nom, mais pour le compte de la société Va Tech, a confié à la société Haeger & Schmidt GmbH (la société Haeger), établie en Allemagne, le soin de faire exécuter la partie fluviale du déplacement ; que la société Haeger a choisi à cette fin M. X..., domicilié en France, propriétaire de la péniche « El-Diablo » immatriculée en Belgique ; que, lors du chargement à son bord du transformateur, celui-ci a glissé dans la cale, provoquant le chavirement du bateau qui a sombré avec sa cargaison ; que la société Va Tech, puis ses assureurs subrogés, les sociétés Axa Corporate solutions et Ace Insurance NV (les assureurs), ont demandé réparation du préjudice à la société SAFRAM, mise ensuite en liquidation judiciaire, et à la société Haeger ; que l’arrêt condamne celle-ci à payer aux assureurs une indemnité, après avoir retenu que sa responsabilité devait s’apprécier sur le fondement de la loi française ; que, par arrêt du 22 mai 2013, la Cour de cassation a sursis à statuer sur le pourvoi de la société Haeger et interrogé, à titre préjudiciel, la Cour de justice de l’Union européenne ; • Attendu que, par arrêt du 23 octobre 2014 (n° C-305/13), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit : « 1°/ L’article 4, paragraphe 4, dernière phrase, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, doit être interprété en ce sens que cette disposition s’applique à un contrat de commission de transport uniquement lorsque l’objet principal du contrat consiste dans le transport propre- Page 26 permettant l’arrivée du transformateur à destination. La signature d’un contrat de transport prévoyant ainsi le déplacement physique en tant que tel de la marchandise est primordial mais la société préfère confier l’organisation de ce déplacement à un professionnel : le commissionnaire de transport. Un premier contrat de commission signé le 24 décembre 2002, un second contrat de commission puis un contrat de transport forment donc une chaîne dont l’objectif final est l’arrivée du transformateur à destination. Le commissionnaire ayant été mis en liquidation judiciaire, c’est la société chargée ment dit de la marchandise concernée, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier ; 2°/ L’article 4, paragraphe 4, de ladite convention doit être interprété en ce sens que la loi applicable à un contrat de transport de marchandises doit, à défaut de pouvoir être fixée en application de la deuxième phrase de cette disposition, être déterminée en fonction de la règle générale prévue au paragraphe 1 de cet article, c’est-à-dire que la loi régissant ce contrat est celle du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits ; 3°/ L’article 4, paragraphe 2, de la même convention doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où il est fait valoir qu’un contrat présente des liens plus étroits avec un pays autre que celui dont la loi est désignée par la présomption figurant audit paragraphe, le juge national doit comparer les liens existant entre ce contrat et, d’une part, le pays dont la loi est désignée par la présomption et, d’autre part, l’autre pays concerné. À ce titre, le juge doit tenir compte de l’ensemble des circonstances, y compris l’existence d’autres contrats liés au contrat en cause ; • Attendu que, pour soumettre à la loi française la responsabilité contractuelle de la société Haeger, l’arrêt retient que le droit allemand, dont elle revendique l’application, n’a aucune vocation à régir un contrat de transport au sens de la convention susvisée, auquel cette société est partie, dès lors qu’il a été conclu pour le compte de la société Va Tech et par l’intermédiaire de la société SAFRAM, toutes deux établies en France, et que le lieu prévu pour le déchargement est également situé dans ce pays ; • Attendu qu’en se déterminant ainsi, après avoir qualifié le contrat liant la société Haeger de contrat de commission de transport aux motifs qu’il avait pour objet l’organisation d’un transport par voie fluviale, que la mission de la société Haeger excédait celle d’un simple affréteur et que le choix du moyen de transport ainsi que celui du batelier lui appartenait, sans préciser, dès lors, en quoi ce contrat aurait eu pour objet principal le transport proprement dit, seul cas où un contrat de commission de transport est assimilable à un contrat de transport au sens de l’article 4 § 4 de la convention susvisée, la cour d’appel qui, dans l’hypothèse où elle ne pouvait retenir cette dernière qualification, aurait dû procéder à une comparaison effective, en fonction de l’ensemble des circonstances, des liens existant entre le contrat et, respectivement, l’Allemagne, la Belgique et la France pour déterminer celui de ces pays avec lequel ils étaient les plus étroits, n’a pas donné de base légale à sa décision ; Par ces motifs :casse et annule, (…) Mme Mouillard prés., Me Le Prado, SCP Richard, SCP Waquet, Farge et Hazan, av. LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N° 26 - 25 JUIN 2015 ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES du transport fluvial qui sera condamnée au paiement d’une indemnité sur le fondement de la loi française. Cependant, cette dernière conteste l’application de la loi française au bénéfice du droit allemand conformément à l’article 4 paragraphe 1, 2 et 5 combinés de la Convention de Rome. La qualification des parties ne lie pas le juge, il peut, conformément à l’article 12 du Code de procédure civile, « donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ». Au cas particulier, les deux contrats, le premier signé entre l’expéditeur et l’organisateur du transport et le second entre l’organisateur du transport et la société chargée d’organiser le seul transport fluvial ont été qualifiés par les parties ainsi que par la cour d’appel de contrats de commission. En effet, dans les deux cas, les sociétés n’exécutent pas elle-même le transport mais le font exécuter. Avant le sursis à statuer de la Cour de cassation, les juges du fond avaient relevé, sur le fondement de l’article 4, § 4 de la convention de Rome, que le droit allemand n’avait ici aucune vocation à s’appliquer à un contrat de transport, au sens de la convention précitée, conclu entre une société française pour le compte d’une autre société française. L’article 4, § 4 est une disposition spéciale concernant le contrat de transport mais encore faut-il que le contrat soit qualifié comme tel. Il écarte la présomption du § 2 selon laquelle le contrat présenterait les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle. Mais par application du paragraphe 4, le contrat de transport est présumé avoir des liens étroits avec le pays dans lequel le transporteur a son établissement principal au moment de la conclusion du contrat à moins que ce soit également celui dans lequel est situé le lieu de chargement ou de déchargement ou l’établissement principal de l’expéditeur. Pour entrer dans le champ d’application de ce § 4, il faut donc remplir des conditions précises. Mais il ajoute que « sont considérés comme contrats de transport de marchandises les contrats d’affrètement pour un seul voyage ou d’autres contrats lorsqu’ils ont principalement pour objet de réaliser un transport de marchandises ». Le contrat de commission ne pourrait donc bénéficier des règles de l’article 4, § 4 de la convention de Rome que si « l’objet principal du contrat consiste dans le transport proprement dit de la marchandise », mais dans ce cas l’objet du contrat de commission se confondrait avec celui du contrat de transport et peut-on encore parler de contrat de commission ? A contrario, si le contrat en cause a pour objet principal l’organisation du déplacement de la marchandise, ce que devrait être l’objet d’un contrat qualifié comme tel, celui-ci échapperait à cette présomption spéciale et l’on appliquerait alors la présomption générale des paragraphes 1 et 2, ce que revendiquaient les demandeurs au pourvoi. La question de la qualification du contrat signé par la société chargée d’organiser le transport fluvial se posait avec acuité car d’elle dépend la détermination du droit applicable. Si un contrat de commission peut avoir pour objet principal le déplacement de la marchandise, il s’agit là d’une figure contractuelle inconnue car soit l’on est en présence d’un contrat de commission soit d’un contrat de transport (B. Mercadal, Commissionnaire de transport : Rep. Com. Dalloz, mars 1997, p. 2 ; P. Bailly, La commission de transport, in J. Hamel (dir.), Le contrat de commission, études de droit commercial : Dalloz, 1944, Paris, titre IV, chapitre unique, p. 236 ; A. Ponsard, Histoire du contrat de commission, in J. HAMEL (dir.), ibid., p. 55 ). Mais une chose est sûre : c’est que cette figure contractuelle serait composée de commission en accessoire et de transport en principal, il s’agirait opération caractérisée ici par un contrat unique dont le but serait la remise de la marchandise au destinataire. Seulement, le droit français connaît deux qualifications bien distinctes et la notion d’opération de commission-transport se caractériserait davantage par une série d’actes bien distincts comme c’est le cas ici : un contrat de commission et un contrat de transport auxquels s’ajoutent selon les cas des sous-contrats ou d’autres contrats spécifiques comme un contrat de transit ou par exemple de manutention. B. - Caractérisation de l’objet du contrat en cause. L’opération de qualification ne pose pas de problème particulier lorsqu’il s’agit de procéder à la qualification d’un acte pouvant entrer dans une catégorie juridique connue. LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N° 26 - 25 JUIN 2015 1313 Il semblerait que l’opération de qualification ne soit pas aussi aisée lorsque le contrat considéré est le réceptacle de diverses prestations répondant à autant de régimes juridiques multiples. Cela se rencontre d’autant plus en pratique que de nombreuses entreprises ont plusieurs casquettes : elles sont à la fois transporteur, commissionnaire, transitaire… Le recours à la théorie de l’accessoire (V. CA Paris, 17 mars 1982 : BT 1982, p. 395 ; CA Paris, 18 janv. 1983 : BT 1983, p. 168 : « le transport final par camionnage effectué par X n’était que l’accessoire du contrat principal de commission de transport ; qu’ainsi X ne peut, par une analyse aboutissant à un dépeçage de ses relations contractuelles avec la société (…), se prévaloir de sa seule activité finale de voiturier ; (…) que seul le contrat de commission régit les rapports des parties ». - CA Paris, 14 mai 1984 : BT 1985, p. 207 : « (…) le contrat liant les parties étant un contrat de commission de transport, l’appelante, même si accessoirement à cette convention elle a exécuté elle-même une partie du transport, ne peut se prévaloir de l’article 105 du Code de commerce que peut seul invoquer le voiturier ».- CA Paris, 15 déc. 2004, Axa c/ Sollac et a. : BTL 2005, p. 71. - CA Paris, 9 juin 2005, Sté Lupprians c/ Groupama transport et a. : BTL 2005, p. 557) est alors privilégié par les juges à défaut de bénéficier d’un véritable régime juridique de ce type de contrats appelés en pratique « contrats de prestations logistiques ». C’est également le dépeçage de ce contrat qui est pratiqué par les juges : en fonction de la prestation en cause on appliquera le régime juridique correspondant (V. CA Rouen, 2e ch., 15 mars 2007, n° 06/01695, SARL R. Sea Transit c/ SA Valtrans : JurisData n° 2007-330437 ; Rev. dr. transp. 2007, comm. 151, note Bon-Garcin : « La société R.SEA TRANSIT bien qu’ayant accompli des formalités de douane, a agi dans le cadre de sa fonction principale de commissionnaire au transport de sorte que les activités accessoires qu’elle a pu réaliser ne peuvent être détachées de sa fonction principale de commissionnaire au transport. Il s’ensuit que la société R.SEA TRANSIT est fondée à invoquer à son profit l’acquisition de la courte prescription annale de l’article L. 133-6 du Code de commerce ». Dans le même sens V. CA Rouen, 2e ch., 31 mai 2007, n° 05/00505, Sté Delmas c./ Leblay, ès qualités et a. : JurisData n° 2007-360318 ; Rev. dr. transp. 2008, Page 27 1313 ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES comm. 166 où la cour d’appel a considéré que la mise à disposition par le transporteur à l’expéditeur « d’un conteneur dont la seule finalité était de permettre le transport maritime puis terrestre des colis de marchandise ne constitue que l’accessoire du contrat de transport. Cette remise n’a d’ailleurs donné lieu à aucun contrat d’entreprise distinct ; il s’ensuit que cette mise à disposition est soumise aux règles du contrat de transport »). La cour d’appel de Douai applique au contrat signé entre le commissionnaire et la société chargée d’organiser la dernière partie du trajet le droit français conformément à l’article 4§4 de la Convention de Rome. Elle considère donc que le contrat, qu’elle qualifie pourtant de contrat de commission, entre dans le champ d’application du paragraphe 4 réservé aux contrats de transport. L’une des interrogations de la Cour de cassation était de connaître, s’il y a lieu, les conditions d’application de l’article susvisé au contrat de commission. La Cour de justice a précisé que le contrat de commission de transport ne pouvait bénéficier des règles relatives au contrat de transport que s’il avait pour « objet principal le transport proprement dit ». Mais dans ce cas précis, avait-on affaire à un réel contrat de commission ? Doit-il encore être qualifié comme tel ? Certes, les différences sont ténues, comme le souligne d’ailleurs M. le Professeur Paulin : « Comme le transporteur, le commissionnaire sera responsable si la marchandise n’arrive pas à destination, si elle est endommagée ou si elle est livrée tardivement. Ayant pour obligation d’organiser un transport, le commissionnaire n’en est pas moins tenu de sa bonne réalisation » (C. Paulin, Réflexions sur la distinction entre contrat de transport et contrat de commission de transport, Études sur le droit de la concurrence et quelques thèmes fondamentaux : Mél. Serra, Dalloz, 2006, p. 332). Ainsi, en pratique, les deux contrats sont exécutés simultanément, comme le rappelle l’auteur susvisé : « On ne peut dire qu’un contrat qui donne mission au prestataire d’organiser le déplacement d’une marchandise, l’autorisant à effectuer lui-même ce déplacement s’oppose au contrat qui lui donne mission de déplacer la marchandise, l’autorisant à sous-traiter ce déplacement, dès lors que tous deux le rendent responsable au cas où la marchandise n’arriverait pas à destination comme prévu » (ibid.). Page 28 Seulement, le droit français les distingue. Alors qu’en l’espèce, la CJUE reconnait la spécificité du contrat de commission (CJUE, 3e ch., 23 oct. 2014, aff. C-305/13, Haeger & Schmidt : JurisData n° 2014-027853 ; D. 2015, p. 136, spéc. § 22, 27 et 28 ; Rev. dr. transp. 2014, comm. 68), elle admet qu’un contrat de commission puisse avoir pour objet principal un déplacement ! Il serait, dans ce cas, purement et simplement assimilé à un contrat de transport. Néanmoins, la cour d’appel retient la qualification de commission aux motifs « qu’il avait pour objet l’organisation d’un transport par voie fluviale, que la mission de la société Haeger excédait celle d’un simple affréteur et que le choix du moyen de transport ainsi que celui du batelier lui appartenait » et applique l’article 4§ 4 réservé au contrat de transport ou au contrat ayant pour objet principal le déplacement de la marchandise. Le demandeur se défend en arguant le fait que n’ayant pas exécuté lui-même le transport, il s’agissait bel et bien d’un contrat de commission ne rentrant pas dans le champ d’application de l’article 4§ 4 mais dans celui des paragraphes 2 et 5 : la prestation caractéristique du contrat de commission étant l’organisation de l’acheminement revenant à une société, dont le siège est en Allemagne, la loi applicable aurait dû être la loi allemande. En outre, si le contrat présente des liens étroits avec d’autres pays cette présomption pouvait être écartée. Si le « contrat de commission de transport » avait pour objet principal le déplacement de la marchandise, il fallait que la cour d’appel caractérise cet objet : tel est l’avis des hauts magistrats. Le cas échéant, la détermination de la loi applicable au contrat de commission proprement dit dépend de nombreux points de comparaison. De la qualification du contrat va donc dépendre l’application de la loi. La Cour de justice reconnait la spécificité du contrat de commission en France et ne l’assimilerait au contrat de transport que si l’objet est le déplacement physique de la marchandise. Elle procède alors à une qualification qui dépendrait de la prestation dominante : le déplacement ou l’organisation. Ces deux prestations sont incontestablement enchevêtrées, interdépendantes au point de devoir faire perdre au contrat sa qualification originaire parce que le déplacement aurait pris le dessus sur l’organisation. Le commissionnaire devien- drait transporteur. Et dans ce cas, même si à l’origine les parties ont signé dans le but d’organiser le déplacement, cette prestation peut devenir accessoire : la qualification de contrat de transport doit alors être privilégiée. Seulement, en l’éspèce deux contrats sont signés : un contrat de commission et un contrat de transport. Le cocontractant de l’expéditeur, le commissionnaire, a confié l’organisation d’une partie du déplacement à un autre professionnel. Il s’agit donc d’un nouveau contrat de commission de transport. Enfin, ce dernier commissionnaire, ou ce sous-commissionnaire, signe un contrat de transport avec un batelier pour qu’il exécute physiquement le déplacement. Et c’est incontestablement parce que ces deux contrats concourent à la réalisation du même objectif : l’arrivée du transformateur à destination, parce qu’ils appartiennent tous deux à la même opération économique que dans certains cas, la confusion est constatée. D’ailleurs, la lettre de l’article L. 132-8 du Code de commerce participe de cette confusion : « la lettre de voiture forme un contrat entre l’expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le transporteur ». Et pourtant, si la CJUE admet que le contrat de commission puisse se voir appliquer l’article 4, § 4 de la Convention de Rome que s’il a pour objet principal le déplacement c’est bien qu’elle reconnait implicitement, en dehors de ce cas, l’existence d’un véritable contrat de commission ayant pour objet l’organisation du déplacement. Finalement, que la commission et le transport soient confondus au sein d’un même contrat ou d’un ensemble de contrats, pour déterminer la loi applicable au contrat en cause, la cour d’appel de renvoi devra « faire entrer » ce contrat dans une catégorie juridique prédéterminée : soit le transport, soit la commission. Il faut isoler la prestation ou le contrat appartenant pourtant à un ensemble plus vaste, inscrit dans une opération économique globale contrainte de se soumettre à une certaine segmentation juridique. Cependant, si d’un point de vue de la qualification juridique, la catégorisation semble inéluctable, la recherche de la loi applicable semble pouvoir se faire en tenant compte du contexte dans lequel le contrat s’inscrit, et notamment du lien qu’il entretient avec les autres contrats concourant à la réussite de l’opération toute entière. LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N° 26 - 25 JUIN 2015 ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES 2. Détermination de la loi applicable à l’opération Le raisonnement de la Cour de cassation est clair : elle demande à la cour de renvoi de rechercher dans un premier temps si le contrat en cause a pour objet principal le déplacement de la marchandise. Une fois l’objet caractérisé, il faudra déterminer la loi applicable. Dans le cas où l’article 4, § 4 est écarté, la Cour de cassation précise à la cour de renvoi de tenir compte de l’opération dans sa globalité pour déterminer le droit applicable (A). Ainsi, le juge national préserve l’unité des règles juridiques communautaire (B). A - La prise en compte de l’opération dans son intégralité Selon Madame Bacache-Gibeili, « la spécialisation des activités ainsi que la circulation rapide des biens aboutit à l’émergence de plusieurs rapports contractuels enchevêtrés nécessaires à la satisfaction d’un objectif économique commun formant une figure économique nouvelle » (M. Bacache-Gibeili, La relativité des conventions et les groupes de contrats : Bibliothèque de droit privé, t. 268, LGDJ, 1996, spéc. p. 29). Un transport de marchandises nécessite, aujourd’hui, l’intervention de spécialistes : le commissionnaire est un des professionnels qui permet l’arrivée de la marchandise à destination. Dans l’espèce du 10 février ici rapportée, deux contrats de commission ont été signés : un principal et un sous-contrat. C’est ici la qualification du sous-contrat et la détermination de la loi applicable à ce contrat qui suscite autant de controverses. Si les juges du fond considèrent que le souscontrat « de commission » a pour objet principal le déplacement physique de la marchandise, il entrera donc dans le champ d’application de l’article 4, § 4. Cependant, si, les conditions du texte ne sont pas remplies, la présomption ne peut pas s’appliquer. La Cour de cassation a alors demandé à la CJUE si l’on devait revenir au principe selon lequel « le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits »(Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, art. 4, § 1, préc.).La CJUE a répondu par l’affirmative en précisant dans un dernier point que conformément au § 2 « il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat sa résidence habituelle… ». Si le contrat présente des liens étroits avec un autre pays, cette présomption peut être écartée conformément au § 5 du même article. C’est sur ce point que la CJUE s’est en dernier lieu prononcée (CJUE, 3e ch., 23 oct. 2015, préc., note 3). Mais en l’espèce, la détermination de la prestation caractéristique envisagée par le paragraphe 2 devait-elle s’effectuer par rapport au contrat de commission principal et donc à l’établissement principal du cocontractant direct de l’expéditeur ou par rapport à celui du sous-commissionnaire ? Ici encore les deux contrats sont imbriqués : il y eu sous-traitance d’une partie de l’organisation du déplacement. Dans la relation de sous-traitance, le contrat principal domine le sous-contrat. Dans sa thèse, M. Néret démontre qu’il existe entre eux des « rapports de collaboration » (J. Néret, Le sous-contrat, 1977, thèse Paris II, Nicole CATALA (dir.) : LGDJ Bibliothèque de droit privé, t. 163, EJA, 1979.- Seconde partie intitulée « Contrat originaire et sous-contrat : rapports de collaboration »). L’entrepreneur qui a promis au maître de l’ouvrage d’exécuter une prestation répercutera tout ou partie de son obligation promise sur le sousexécutant. Juridiquement indépendants, les contrats sont néanmoins intimement liés et interdépendants. D’une part, le contrat principal est la cause du sous-contrat, il est la raison d’être du sous-contrat qui est un moyen de réalisation du contrat originaire. D’autre part, ils sont de même nature et concernent le même objet, la même opération en tout ou partie : « Contrat originaire et sous-contrat se conjuguent en vue de réaliser une opération unique » (J. Néret, Le sous-contrat, préc., spéc. p. 197) : l’interdépendance des contrats de commission et sous-commission est donc en l’espèce avérée. Le second contrat est alors greffé sur le contrat principal, contractant et sous-contractant participent à une opération commune. En dépit de leur distinction juridique, on peut affirmer que les deux contrats sont intimement liés. Le second n’existant que parce que le premier a été conclu, il en est la cause. Ainsi, comme l’affirme, à juste titre, M. le Professeur Cabrillac dans sa thèse : « Un devoir mutuel de collaboration, une obligation d’exécuter sa prestation sans LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N° 26 - 25 JUIN 2015 1313 nuire à l’autre relient les participants à l’ensemble constitué par le sous-contrat (…) » (R. Cabrillac, L’acte juridique conjonctif en droit privé français, 1989, thèse Montpellier I, Pierre Catala (dir.) : LGDJ, Bibliothèque de droit privé, EJA, 1990, n° 155, p. 79). Ainsi, compte tenu des liens qu’entretiennent les deux contrats de commission, la CJUE a considéré que le juge national devait apprécier la présomption des liens les plus étroits avec l’ensemble des circonstances, « y compris l’existence d’autres contrats liés au contrat en cause », écartant s’il le fallait la présomption du paragraphe 2 conformément au paragraphe 5 in fine qui prévoit que « les présomptions des paragraphes 2, 3 et 4 sont écartées lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays » (V. déjà : Cass. com., 19 déc. 2006, D. 2007, p. 1751 ; RTD com 2007, p. 628, obs. Ph. Delebecque ; Rev. crit. DIP 2007, p. 592, note P. Lagarde). Ainsi, si le contrat de transport fluvial ne remplit pas les conditions d’application du paragraphe 4 et que le contrat présente des liens avec les contrats de commission, là encore pour déterminer la loi applicable, il sera tenu compte de ces circonstances. Pour déterminer la loi applicable, le juge devra donc s’en remettre à l’appréciation globale de l’opération considérée : l’opération de commission de transport. Nul doute que les liens particulièrement étroits qu’entretiennent les contrats composant l’opération de commission, seront pris en compte au même titre que le lieu de livraison introduit par le réglement de Rome du 17 juin 2008 (PE et Cons. UE, règl. (CE) n° 593/2008, 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), art. 5 : JOUE n° L 177, 4 juill. 2008, p. 6). En outre, la détermination de la loi applicable à un contrat de transport, auquel l’article 4 paragraphe 4 serait inapplicable, serait également appréciée à l’aune des autres contrats, les contrats de commission, c’est donc l’ensemble de la chaîne qui est prise en compte, l’opération Commission-Transport cette fois. Au travers de cette analyse, confortée par la CJUE et par le règlement du 17 juin 2008 (PE et Cons. UE, règl. (CE) n° 593/2008, 17 juin 2008, préc., spéc. consid. 20 : « Lorsque le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui indiqué à l’article 4, paragraphe 1 ou 2, une clause d’exception devrait Page 29 1313 ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES prévoir que c’est la loi de cet autre pays qui doit s’appliquer. Afin de déterminer ce pays, il convient de prendre en compte, notamment, l’existence de liens étroits du contrat avec un ou plusieurs autres contrats »), c’est finalement l’approche globale qui est privilégiée, reconnaissance d’une unité économique voire juridique. B. - Le Le renvoi préjudiciel et la spécificité française du contrat de commission La question préjudicielle est une technique de collaboration entre le juge national et le juge communautaire, la Cour de justice de l’Union européenne (M.-C. Bergeres, La CJCE et la pertinence de la question préjudicielle : D. 1993, p. 245. - H. Labaye, Question prioritaire de constitutionnalité et question préjudicielle : ordonner le dialogue des juges ? : RFDA 2010, p. 659. - X. Magnon, La question prioritaire de constitutionnalité est-elle une « question préjudicielle » ? : AJDA 2015, p. 254). L’article 177 du Traité de Rome (« La Cour de justice est compétente pour statuer, à titre préjudiciel: a. sur l’interprétation du présent traité, b. sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté et par la BCE, c. sur l’interprétation des statuts des organismes créés par un acte du Conseil, lorsque ces statuts le prévoient. Lorsqu’une telle question est soulevée devant une juridiction d’un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de justice de statuer sur cette question. Lorsqu’une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour de justice ») devenu article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne a ainsi permis aux juges nationaux de s’approprier progressivement le droit de l’Union européenne, éviter ainsi une divergence d’interprétation des textes internationaux soumis à la question préjudicielle et promouvoir par la même occasion une cohérence et une unification du droit de l’Union. À ce titre, ce mécanisme de coopération a été un modèle pour la création de la question prioritaire de constitutionnalité introduite par la loi organique du 10 décembre 2009 (L. org. n° 2009-1523, 10 déc. 2009, relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution : JO 11 déc. 2009, p. 21379). Cette dernière prévient également les divergences d’interprétations, maintient l’unité juridique et tente d’assurer le respect de l’Etat de droit. La Cour de justice ne tranche pas le litige national. En l’espèce c’est bien la Cour de cassation, le 10 février qui a rendu sa décision, conformément aux réponses de la CJUE. Il appartient donc à la juridiction nationale de résoudre l’affaire à la lumière de la solution apportée par la Cour de justice Ses décisions ont un effet erga omnes (CJCE, 27 mars 1963, aff. jointes 28 à 32/62, Da Costa : Rec. p. 59. – CJCE, 13 mai 1981, aff. 66/80, International Chemical : Rec. p. 1191) c’est-à-dire qu’elles lient les autre juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème identique. Le renvoi préjudiciel portait ici sur la spécificité française du contrat de commission face aux dispositions de la Convention de Rome. Si la CJUE a reconnu la conception française de la commission en affirmant que « le contrat de commission est un contrat distinct, sa prestation caractéristique consistant dans l’organisation du transport de la marchandise ». Cependant, peut-on réellement parler de reconnaissance lorsqu’elle invite le juge national à regarder si le contrat de commission a pour objet principal le déplacement physique ? PANORAMA 1314 1315 CONTRAT D’ENTREPRISE - Construction - Réception de l’ouvrage - Réception contradictoire - Signature du procès-verbal de réception signé par le maître de l’ouvrage - Absence de l’entrepreneur aux opérations de réception PROTECTION DU CONSOMMATEUR - Crédit aux particuliers - Prêt professionnel - Crédit immobilier - Action en paiement intentée par la banque - Prescription biennale Le procès-verbal de réception signé par le maître de l’ouvrage caractérise sa volonté de recevoir l’immeuble ; dès lors que l’entrepreneur at été dûment convoqué aux opérations de réception, son absence ne saurait priver ce procès-verbal de son caractère contradictoire. Cass. 3e civ., 3 juin 2015, n° 14-17.744, P+B, CRAMA Centre-Atlantique Groupama c/ Synd. copr. Résidence Les Hauts de Sarlat : JurisData n° 2015-013041 (CA Bordeaux, 1re civ., sect. A, 20 mars 2014) Rejet Page 30 C’est en vain que l’emprunteur fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer prescrite l’action de la banque au titre du prêt professionnel souscrit le 29 février 2008. En effet, après avoir constaté que ce prêt n’était pas soumis aux dispositions de l’article L. 137-2 du Code de la consommation , c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que la date d’exigibilité de la créance faisant courir le délai de la prescription quinquennale se situait à la date de déchéance du terme ; ayant ensuite relevé que cette déchéance était intervenue au plus tôt le 26 avril 2011, date à laquelle une première mise en demeure avait été adressée au débi- teur, elle en a déduit que l’action de la banque n’était pas prescrite au jour où celle-ci avait introduit sa demande. Le point de départ du délai de prescription biennale prévu par l’article L. 137-2 du Code de la consommation se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action concernée, soit, dans le cas d’une action en paiement au titre d’un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident de paiement non régularisé. Pour rejeter la demande de l’emprunteur tendant à faire constater la prescription de la créance de la banque née des deux prêts immobiliers consentis le 21 septembre 2005, l’arrêt retient que le point de départ du délai de prescription biennale de l’article L. 137-2 du Code de la consommation doit être fixé à la date de déchéance du terme de ces prêts. En statuant LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N° 26 - 25 JUIN 2015