Le marché du livre d`art à Singapour

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Le marché du livre d`art à Singapour
Le marché du livre d’art
à Singapour
Enquête réalisée par Cécile COLLINEAU
Coordination : Karen POLITIS
Département Études du BIEF
Juin 2015
SOMMAIRE
AVANT-PROPOS............................................................................................................... 3
SINGAPOUR ET SON CONTEXTE ..................................................................................... 4
DONNÉES SOCIO-POLITIQUES ................................................................................................ 4
ÉCONOMIE .......................................................................................................................... 6
LES HABITUDES DE LECTURE .................................................................................................. 7
LE MARCHE DE L’EDITION A SINGAPOUR ..................................................................... 9
PARTICULARITÉS DE L’ÉDITION À SINGAPOUR ......................................................................... 9
L’INDUSTRIE DE L’ÉDITION .................................................................................................. 11
CADRE JURIDIQUE .............................................................................................................. 14
LA DISTRIBUTION ............................................................................................................... 17
LES ENJEUX DU SECTEUR ..................................................................................................... 19
LE MARCHE DU LIVRE D’ART ........................................................................................ 21
LE CONTEXTE DE L’ART À SINGAPOUR .................................................................................. 21
L’OFFRE DE LIVRES ............................................................................................................. 23
LES ACTEURS ..................................................................................................................... 25
LA DISTRIBUTION ............................................................................................................... 29
LA PRÉSENCE DU LIVRE FRANÇAIS À SINGAPOUR ................................................................... 32
LA CIRCULATION DU LIVRE D’ART ......................................................................................... 34
CONCLUSION ................................................................................................................. 37
ANNUAIRE ..................................................................................................................... 39
2
AVANT-PROPOS
Cette étude a pour objet de cerner le marché de l’édition des livres d’art à Singapour.
Après une brève présentation de la cité-État de Singapour et de son environnement
économique, cette étude donnera un aperçu du marché de l’édition singapourienne
dans ses grandes lignes.
La seconde partie de cette étude se concentrera sur le secteur de l’édition de livres
d’art, avec tout d’abord un point sur le marché de l’art à Singapour puis une
présentation des points clefs, à savoir : l’offre de livres d’art sur ce marché, les acteurs
principaux, une description des points de vente et les circuits de distribution.
3
SINGAPOUR ET SON CONTEXTE
DONNEES SOCIO-POLITIQUES
GEOGRAPHIE
Singapour est une île, située à 200 kilomètres au nord de l’Équateur, au sud de la
péninsule malaisienne. Sa surface couvre 700 kilomètres carrés à peine. Longue de 45
kilomètres et large de 28 kilomètres, le pays peut être traversé en moins d’une heure
en voiture.
Son climat tropical bénéficie de l’effet de deux moussons annuelles et les
températures oscillent constamment de 25 à 32 degrés avec averses quotidiennes.
À l’origine recouverte de jungles et de mangroves, Singapour est désormais bardée de
gratte-ciel. Toutefois, malgré son fort taux d’urbanisation, Singapour offre un cadre
agréable et verdoyant, grâce à une politique volontariste de végétation urbaine
menée par le gouvernement.
HISTOIRE
Singapour est un pays jeune : fondé en 1965, il célèbre son cinquantième anniversaire
cette année. Cette ancienne colonie britannique, établie en 1819 par Sir Stamford
Raffles et la Compagnie Britannique des Indes Orientales, avait pour objectif de
profiter d’un emplacement géographique idéal pour le commerce maritime (port
protégé naturellement, vents favorables, localisation idéale entre l’Inde, la Chine et
l’archipel indonésien). Cette vision, renforcée par une politique coloniale favorisant le
commerce, a rapidement attiré un courant d’affaires fructueux.
POPULATION
Singapour compte 5,4 millions d’habitants en 2014, dont 2 millions d’étrangers. Le
vieillissement de la population et un taux de fécondité très bas, d’à peine 1,2, ont
incité Singapour à ouvrir grand ses portes à une immigration, très encadrée depuis une
vingtaine d’années. Singapour a accueilli 15 millions de touristes en 2014 (dont les ¾
viennent d’Asie) : ceux-ci représentant une source de revenus non-négligeables pour
le commerce de détail.
La population singapourienne est plurielle ethniquement, culturellement et
linguistiquement. Le gouvernement singapourien recense systématiquement les
statistiques liées aux ethnies (et religions) de ses habitants, que ce soit pour les
résultats d’examens scolaires, le taux de criminalité, les revenus par foyer, etc. À ce
jour, les ethnies chinoises représentent 74 % de la population, les Malais 13 % et les
Indiens 9 %.
4
Singapour a 4 langues officielles 1 : l’anglais, le mandarin, le malais, le tamoul et les
Singapouriens sont bilingues dans au moins une de ces 2 langues. En effet, l’anglais est
la première langue enseignée à l’école mais chaque enfant doit également suivre une
partie de l’enseignement dans une des trois langues « maternelles » citées plus haut.
L’anglais est la langue de communication entre les différentes communautés
ethniques et dans le monde des affaires. Toutefois, le dernier recensement de la
population mentionne que si 75 % des Singapouriens parlent anglais, seuls un tiers
l’utilise fréquemment à la maison ; c’est probablement le mandarin (aux dépens des
dialectes chinois tels que le hokkien, le teochew ou le cantonais) qui est le plus utilisé
dans la vie privée.
En termes de religion, environ un tiers de la population est bouddhiste, 18 %
chrétienne, 15 % musulmane, 11 % taoïste et 5 % hindoue (17% sans religion).
15 000 Français inscrits au Consulat de France vivent à Singapour.
POLITIQUE
En 1965, Singapour s’est retrouvée indépendante, presque contre sa volonté, ayant
été rejetée de la Fédération de Malaisie après deux années. Son sentiment de
vulnérabilité à l’époque (pas de ressources naturelles, État ethniquement chinois
entourée de deux grandes populations musulmanes, menace communiste dans un
contexte de guerre froide, retrait des forces britanniques) continue, même s’il est
moins légitime aujourd’hui, de dominer le discours politique du pouvoir.
Cette démocratie parlementaire (qui suit le système britannique) est dominée par le
PAP (People’s Action Party), parti politique (fondé par Lee Kuan Yew, décédé il y a
quelques mois) au pouvoir depuis 1959. Le fils de Lee Kuan Yew, Lee Hsien Long, est le
Premier ministre. De même que son père auparavant, il ne cache aucunement sa
volonté de diriger un parti unique, d’avoir une opposition très affaiblie, une presse
muselée (les actionnaires des journaux doivent être approuvés par le gouvernement)
et un cadre juridique autorisant l’emprisonnement sans jugement préalable.
Cependant, cet autoritarisme est à juger en demi-teinte : les services publics
(éducation, santé, transports publics) sont d’excellente qualité. 90 % des terrains sont
la propriété de l’État et 75 % des Singapouriens sont propriétaires de leur logement,
construit et subventionné par l’État. La croissance économique, la hausse de
l’immobilier et des placements boursiers, l’évaluation positive du Dollar singapourien
par rapport au Dollar américain ou à l’Euro pendant ces quarante dernières années
ont directement participé à la fortune du pays. Même si 40 % des Singapouriens ont
voté en faveur de l’opposition lors des dernières élections de 2011 (le Workers Party a
obtenu 6 sièges au Parlement contre 81 pour le PAP), peu d’entre eux nient que cette
prospérité est due aux efforts du PAP dans le passé.
1
La langue nationale est le malais.
5
ÉCONOMIE
Les conditions économiques historiques propices citées plus haut sont toujours
d’actualité : droits d’importation inexistants pour la plupart des produits (sauf alcool,
tabac, véhicules, produits pétroliers), taux d’imposition bas (17 % pour les sociétés,
20 % pour la tranche la plus haute des revenus des particuliers, TVA de 7 %), climat
politique très stable, anglais comme langue de travail, corruption pratiquement
inexistante.
Singapour est aujourd’hui l’une des plaques tournantes majeures du commerce
international. En Asie du Sud-Est, elle seule rivalise avec Hong Kong pour
l’implantation des sociétés internationales dans le domaine bancaire et le domaine du
luxe. Surnommée Suisse ou Monaco de l’Asie, Singapour voit ses indicateurs
économiques en continuelle croissance.
L’économie de Singapour a connu un essor considérable au cours des quarante
dernières années (en moyenne +8 % par an entre 1965 et 2008). Elle joue aujourd’hui
un rôle international incontournable pour les industries électroniques et
pétrochimiques et dans le domaine bancaire. Encore plus marquant que cette
croissance est l’ouverture de l’économie singapourienne : son commerce extérieur est
trois fois plus important que son commerce domestique. Un avantage lorsque
l’économie mondiale est en croissance, un point très vulnérable lorsque c’est le
contraire. Pour compenser cela, Singapour diversifie ses marchés d’exportation
traditionnels (les États-Unis, le Japon) vers la Chine et les marchés asiatiques
émergents.
Faisant partie dans les années 1980 des « Quatre tigres asiatiques » industriels,
l’économie de Singapour est désormais dominée par les services (70 % de son PIB).
À noter pour les éditeurs : sans rentrer dans le détail par industrie de la production
manufacturière à Singapour, le secteur de l’impression en représente 1 % en revenus
(et 5 % en ressources humaines). Les imprimeurs singapouriens tels que Tien Wah
Press, Times Printers ou CS Graphics ont contribué en 2014 à un chiffre d’affaires de
SGD 2,6 milliards, dont une bonne partie à l’exportation.
Les Singapouriens bénéficient d’un niveau de revenu élevé, en particulier par rapport à
leurs voisins directs (Malaisiens, Indonésiens) : en 2014 le PIB par habitant atteint
SGD 71 318 (USD 56 284), 3e position au niveau mondial (la France est en 24e position).
Ce chiffre est, bien entendu, à replacer dans son contexte : avec un salaire annuel par
personne de SGD 28 560 pendant cette même année, il est évident que les disparités
de revenus sont importantes (d’où en partie les résultats des dernières élections de
2011 désavouant le gouvernement en place).
Il n’empêche que le taux de chômage très bas – 2 % en 2014 – ferait pâlir d’envie un
grand nombre de pays occidentaux (on note même un manque sérieux de maind’œuvre pour les secteurs tels que la restauration ou le commerce de détail).
6
D’autres indicateurs économiques plus anecdotiques mais assez révélateurs sont à
signaler :
• 9,737 millions de cartes de crédit sont en circulation en 2014 (rappel :
population totale de 5,2 millions d’habitants)
• Le taux de pénétration de téléphone portables de 148 % est l’un des taux les
plus élevés au monde (90 % pour les Smartphones).
D’après la Banque mondiale, Singapour est le pays le plus accueillant pour le
commerce. Créer une société y est très simple (10 minutes montre-en-main pour une
société en nom personnel). Les démarches administratives sont efficaces, rapides et
totalement informatisées. Les investissements étrangers sont encouragés, grâce en
partie aux avantages fiscaux : les éditeurs anglo-saxons Reed Elsevier ou John Wiley en
ont d’ailleurs profité puisqu’ils ont installé leurs sièges asiatiques à Singapour.
Dans un marché de l’emploi aussi tendu, il est parfois difficile pour les entreprises de
recruter et de conserver ses employés. Le secteur de l’édition à Singapour ne fait pas
exception : il fait largement appel à des travailleurs en free-lance.
Fluctuations du taux de change dollar singapourien/euro (avril 2010 – avril 2015)
Au 1er juin 2015, le taux de change est d’un euro pour un 1,5 dollar singapourien. C’est
le taux utilisé dans le cadre de cette étude pour les conversions.
LES HABITUDES DE LECTURE
« Les Singapouriens lisent-ils ? ». Cette question, posée à une diplomate française lors
de son arrivée à Singapour, mérite effectivement d’être examinée, avant d’étudier le
marché de l’édition à proprement parler. Dans les transports publics, les
Singapouriens sont plus penchés sur leur Smartphones (les ¾ d’un wagon de métro)
que dans les pages d’un livre ou d’un magazine (événement suffisamment
exceptionnel pour qu’on le remarque). Toutefois, même si Singapour n’a pas une
culture littéraire aussi développée que d’autres pays asiatiques tels que Taïwan,
7
l’éducation, la formation continue et le développement personnel des adultes est
prioritaire autant dans les mœurs et que dans la politique gouvernementale.
Selon les statistiques 2014 de la Bibliothèque Nationale de Singapour (NLB : National
Library Board), les bibliothèques prêtent 35,5 millions de livres par an (soit 6,60 livres
par habitant par an) à 2,2 millions d’adhérents (pour une population totale, rappelonsle, de 5,4 millions).
La presse papier quotidienne distribue 1,5 million de journaux par jour.
Le taux d’alphabétisation s’élève à 96,5 % (population adulte de 15 ans et plus).
Les scores des étudiants singapouriens pour les tests internationaux du type PISA
figurent en haut du classement. Mais ce même système éducatif qui permet de telles
performances est essentiellement basé sur les examens : les étudiants voient la
lecture comme un outil pour leurs études et ne la considèrent généralement pas
comme un passe-temps ou un plaisir. La lecture sert à s’informer et à s’améliorer, bien
plus qu’à se divertir.
Les statistiques de la NLB confortent d’ailleurs ce point de vue : seuls un quart des
emprunts concernent la littérature pour adultes. Il n’est donc pas surprenant que
l’activité essentielle des éditeurs singapouriens se dirige vers le secteur de l’éducation
(plus de la moitié des titres publiés à Singapour).
8
LE MARCHE DE L’EDITION A SINGAPOUR
PARTICULARITES DE L’EDITION A SINGAPOUR
Lors de sa dernière assemblée générale en mai 2015, la SBPA (Singapore Book
Publishers Association) estime que le marché de l’édition à Singapour s’élève à
SGD 500 millions (soit environ EUR 333 millions). Ce chiffre est une estimation 1 et
essaie, dans toute la mesure du possible, de ne pas inclure les exportations et
réexportations. En effet, l’une des grandes spécificités de Singapour est d’être une
vaste plateforme logistique de transit d’ouvrages.
LES IMPORTATIONS
Les importations s’élèvent, en 2014, à SGD 388 millions (EUR 258 millions,
USD 287 millions), dominées par la Malaisie (USD 82 millions), les États-Unis et le
Royaume-Uni (la France représente 0,37 %). Il est intéressant de noter que les
importations de livres en langue chinoise (Chine/ Taïwan/ Hong Kong) ne représentent
que 10 % du total des importations (ce qui reflète un marché domestique en langue
chinoise réduit par rapport à l’anglais). La première place occupée par la Malaisie
s’explique par la sous-traitance, dans ce pays limitrophe, de l’impression (moins
coûteuse) des livres publiés à Singapour.
Toutes ces importations ne sont pas destinées uniquement au marché domestique :
une grande partie est réexportée, Singapour servant alors uniquement de transit. En
effet il revient moins cher pour les éditeurs étrangers qui vendent leurs livres en Asie
de les faire transiter par Singapour.
Importations (2014) en milliers de USD 2
Malaisie
82 395 Inde
États-Unis
77 174 Allemagne
Royaume-Uni
62 946 Suisse
Chine
17 584 France
Japon
9 383 Thaïlande
Australie
6 130 Corée du Sud
Taïwan
6 051 Canada
Hong Kong
5 348 Total 15 premiers pays
Total des importations
1
4 891
3 202
2 203
1 054
1 051
640
469
280 521
286 916
Cette estimation se base sur des études, des recoupements, des entretiens avec les membres,
des données comptables publiées dans la presse, des rapports de dépôts de bilan, etc.
2
Sources : statistiques, International Enterprise Singapore, Ministry of Trade and Industry
9
LES EXPORTATIONS ET LES REEXPORTATIONS
Les exportations s’élèvent en 2014 à SGD 1,110 milliard (EUR 740 millions,
USD 821 millions) dominées par le Japon, puis la Malaisie, les États-Unis et le
Royaume-Uni (la France représente 1,05 %). Ce chiffre comprend la production
singapourienne, les importations qui n’ont fait que transiter par Singapour, et
l’impression/reliure de livres pour le compte d’éditeurs étrangers
Exportations (2014) en milliers de USD 1
Japon
434 118 Chine
17 419
Malaisie
87 664 Hong Kong (Chine)
14151
États-Unis
55 211 Taïwan
12 026
Royaume-Uni
31 990 Corée du Sud
10 921
Australie
29333 France
8652
Indonésie
24 582 Philippines
8 314
Thaïlande
19 751 Allemagne
8 049
Inde
17 718 Total 15 premiers pays 779 899
Total des exportations 820 961
Puisque ce rapport évoque plus loin les réexportations depuis Singapour, il est
intéressant d’étudier les marchés d’exportations de la zone Asie-Pacifique. On se rend
compte que le Japon représente plus de la moitié des exportations depuis Singapour ;
les pays de la zone ASEAN ne représentent que 19 %.
Exportations (2014) zone Asie-Pacifique
Japon
434 118
ASEAN
154 140
Reste de l’Asie
75 669
Océanie
31 537
Total Asie-Pacifique 695 464
Total Monde
820 961
À noter que l’appréciation du dollar singapourien rend les exportations depuis
Singapour de plus en plus chères. Il ne faut pas négliger non plus les problèmes
logistiques vers certains marchés (Indonésie par exemple : vols, difficultés
douanières).
1
Sources : statistiques, International Enterprise Singapore, Ministry of Trade and Industry
10
L’INDUSTRIE DE L’EDITION
LE PAYSAGE EDITORIAL
Les statistiques singapouriennes recensent 774 éditeurs présents à Singapour en 2013
(531 entreprises de type SA ou SARL et 243 structures individuelles ou bureaux de
représentation). Ce chiffre comprend l’édition dans son sens très large : livres,
brochures commerciales, partitions de musique, annuaires, bases de données, presse,
jeux d’ordinateurs, logiciels…. L’étiquette d’éditeur à Singapour doit être comprise au
sens large : certains sont acteurs à plusieurs échelons dans la chaîne du livre :
distributeurs, agents d’éditeurs étrangers, détaillants, etc.
Un examen des pages jaunes de l’annuaire recense 200 entreprises sous la catégorie
éditeurs de livres (qui comprend également les annuaires et les guides). L’association
professionnelle du secteur (SPBA : Singapore Book Publishers Association1) comprend
59 membres en 2014-2015 (70 membres en 2010). Les éditeurs grand public sont
probablement de l’ordre de 70-80 sociétés.
La plupart des éditeurs à Singapour emploient moins de 50 employés, voire moins de
10 employés. La profession emploie beaucoup de personnel en free-lance. Certains,
surtout les plus petits, ont une main-d’œuvre de free-lances qui atteint parfois 90 %
(10-40 % pour les éditeurs plus grands). Un éditeur mentionne d’ailleurs que seuls les
vendeurs sont des employés permanents ; le reste de sa main-d’œuvre travaille
uniquement en free-lance sur des projets précis. Leurs principales fonctions sont la
réalisation de maquettes et la correction de manuscrits.
Les grands éditeurs, si on les classe par nombre de titres, sont généralement des
éditeurs étrangers : ils servent donc de centres de distribution, soit directement et
exclusivement pour leur maison-mère ou bien pour d’autres maisons d’édition
américaines ou britanniques, pour la région Asie-Pacifique. Certaines sociétés
singapouriennes ont pris de l’importance ces dernières années, en formant
notamment des partenariats avec des éditeurs étrangers et en continuant leur activité
classique d’éditeurs.
La majeure partie des éditeurs à Singapour exercent leur métier de manière classique
et supervisent toutes les phases de création et vente d’un livre. À noter toutefois que
certains éditeurs se focalisent sur la distribution uniquement, parfois même
représentent un certain nombre de maisons d’édition. Ces éditeurs servent de centre
de distribution sur la région Asie-Pacifique pour les grandes maisons d’édition
internationales : ils ne développent pas et/ou n’impriment pas leurs titres à Singapour.
1
La SBPA a un pavillon dans toutes les grandes foires du livre de la région ASEAN : Bangkok
International Book Fair, Brunei Book Fair, Ho Chi Minh Book Fair, Indonesia Book Fair, Kuala
Lumpur International Book Fair, Manila International Book Fair, ainsi qu’à la Seoul International
Book Fair, à Hong Kong et à Pékin. Elle organise le pavillon singapourien à Francfort.
11
Les titres éducatifs représentent l’activité principale des éditeurs singapouriens
(secteurs science/technologie/médecine mais également titres scolaires et
universitaires). Les mangas prennent de l’importance : certains éditeurs s’y consacrent
d’ailleurs exclusivement. Un nombre plus réduit d’éditeurs s’intéresse à la culture
locale : littérature, essais, art de vivre. Enfin, d’autres publient des livres pour les
organisations non-gouvernementales, sans tirer de bénéfices.
Généralement les éditeurs de titres éducatifs sont également distributeurs de
marques américaines, britanniques voire australiennes. Ils importent les livres et les
revendent aux institutions éducatives à Singapour. Il arrive parfois qu’ils réadaptent
les contenus au contexte singapourien. Une poignée d’éditeurs singapouriens se
consacrent exclusivement à éditer les manuels scolaires pour les écoles
singapouriennes. Le marché de l’éducation représente plus de la moitié de l’activité
éditoriale singapourienne. Un nombre plus réduit d’éditeurs se consacre à l’édition
grand public. Étant donné la taille très réduite du marché singapourien, l’export,
particulièrement en Asie, représente une part importante de leur chiffre d’affaires (en
moyenne 65 %).
LA PRODUCTION EDITORIALE
9 320 titres ont été déposés légalement auprès de la NLB en 2013 (73 % en anglais).
Très variable selon le type de livre, un tirage moyen s’élève à 2 000 exemplaires.
Un sondage auprès des membres de la SBPA révèle que 75 % des éditeurs
singapouriens publient moins de 40 titres par an. Pour la plupart de ces éditeurs, leur
catalogue est constitué à 100 % de création locale (impression effectuée en Malaisie,
en Thaïlande, à Hong Kong, en Chine et en Inde, qui offrent des tarifs plus compétitifs).
Pour d’autres éditeurs, dont l’activité principale est la distribution en zone AsiePacifique (et non pas la création), 100 % de leur catalogue est étranger.
Une partie de l’activité des éditeurs de taille moyenne est consacrée à la coédition
(avec des éditeurs indonésiens, malaisiens, américains, européens et chinois) et la
réimpression.
Les achats de droits étrangers concernent à la fois l’Asie, l’Europe, l’Australie et les
États-Unis. Les droits de réimpression sont vendus en Chine essentiellement. Le trafic
intra-ASEAN est très présent : vente de droits en Malaisie et achat depuis l’Indonésie.
Le nombre d’achats de droits de titres français est si peu significatif (qu’il s’agisse
d’acquisitions vers l’anglais, le mandarin ou le malais), voire inexistant dans le
domaine de livre d’art, qu’ils n’ont pas été évoqués dans cette étude.
L’impression à la demande est de plus en plus pratiquée.
12
EDITION NUMERIQUE
Singapour est un pays très informatisé et les éditeurs singapouriens ne sont pas en
reste. Ils utilisent cet outil pour leurs ventes et leur production (e-books, conversion
vers les dessins animés ou les jeux vidéo).
La production d’e-books concerne essentiellement l’édition des livres de business,
droit, médecine, technologie, et le domaine éducatif, y compris en interactif, ce
dernier domaine avec l’aide du ministère de l’Éducation qui contribue à
l’informatisation de l’éducation à Singapour. L’investissement financier étant
important, ce sont surtout les plus gros éditeurs qui sont concernés.
La production e-book concerne essentiellement les marchés éducatifs, outils pour
l’enseignement et l’apprentissage. L’e-learning généralisé est tout à fait entre dans les
mœurs, à tous les niveaux primaires, secondaires, universitaires.
Le marché est nettement plus timide pour les livres grand public. Kindle n’offre pas
son catalogue à Singapour 1 (même s’il est possible de contourner le système pour y
avoir accès, en établissant une fausse domiciliation aux États-Unis grâce à des « econcierge »). Plusieurs initiatives singapouriennes de distribution de livres
électroniques ont cessé leur activité récemment.
POLITIQUE DE PRIX
Le prix unique du livre n’existe pas à Singapour. Mais de fait, les libraires alignent leurs
prix les uns sur les autres, proposant des remises à leurs clients de manière
occasionnelle (jusqu’à 20 % pour les nouveautés, voire 40 % très exceptionnellement
sur certains titres phares).
Une nouveauté littéraire adulte coûte environ SGD 40 (SGD 25-30 pour la jeunesse).
La TVA qui s’applique sur les livres est de 7 %.
Le ministère de l’Éducation oblige les éditeurs à offrir aux consommateurs des prix bas
pour les livres éducatifs. Les éditeurs, distributeurs et détaillants s’en plaignent : faible
retour sur investissement d’une part, mais surtout la perception par le grand public
que les autres livres, non-éducatifs, valent très cher.
Pour les livres exportés, la question du prix est complexe :
•
Puisque les livres édités à Singapour sont vendus dans différents pays, il
importe de calculer un prix qui prenne en compte les vastes différences de
pouvoir d’achat dans la zone ASEAN et les autres pays émergents.
1
Plutôt lié à l’absence d’un accord entre Amazon et les sociétés de télécommunications locales
qu’à une taille de marché qui aurait été jugée réduite.
13
•
Un tirage réduit accentue la difficulté ; Singapour est un petit marché et les
tirages sont réduits, entraînant un coût de production par exemplaire élevé,
donc un prix peu compétitif, surtout sur les marchés asiatiques. Le dollar de
Singapour particulièrement fort ces dernières années exacerbe le problème.
Le prix des livres importés est plus élevé à Singapour que dans le pays d’origine (15 à
20 % plus cher qu’au Royaume-Uni ; 30 % plus cher qu’en France).
CADRE JURIDIQUE
LA CENSURE
Le cadre juridique qui régule la circulation et la commercialisation à Singapour de
documents publiés est plus restrictif que dans certains autres pays d’Asie (si on exclut
la Chine ou le Vietnam), notamment pour les questions de « morale » et d’« ordre
public ». Cette question de censure revient régulièrement sur le devant de la scène 1.
Le gouvernement, conscient de son impossibilité à contrôler les 2 millions de
publications importées à Singapour chaque année, demande aux importateurs de
veiller à ce que les « publications et matériels audio importés pour être
commercialisés à Singapour ne contiennent pas d’éléments qui pourraient être
considérés comme préjudiciables à la morale et l’harmonie raciale ou religieuse ou qui
pourraient porter atteinte à l’intégrité des intérêts nationaux de Singapour ».
Les thèmes liés à la sexualité, la drogue, la violence, l’incitation à la haine raciale ou
religieuse, la promotion d’une sexualité alternative 2 sont concernés 3. Sont donc plus
particulièrement scrutés les ouvrages suivants : la littérature érotique, les manuels de
massage et d’éducation sexuelle jeunesse et adulte, les publications d’art, les
publications religieuses, les publications d’art martial et les « sujets de violence », les
bandes dessinées et mangas. Il est spécifié que certaines publications sont autorisées
à la vente à condition que les importateurs appliquent un autocollant-avertissement
jaune fluorescent « unsuitable for the young » et placent ces publications dans un
endroit de la boutique qui est moins facilement accessible par le grand public.
1
Cf. les controverses récentes à la NLB au sujet de Tango a deux papas retiré temporairement
puis replacé, mais au rayon adulte afin de ne pas subvertir la jeunesse ; et Fifty Shades of Grey
qui n’a pas été approuvé par la NLB, au grand bonheur des libraires. En mai 2015, le National
Art Council retire sa subvention à l’artiste de romans graphiques le plus renommé à Singapour
Sonny Liew pour avoir dévié dans son dernier livre de l’interprétation officielle d’un épisode
controversé de l’histoire récente de Singapour.
2
L’homosexualité masculine entre adultes consentants à Singapour est inscrite comme crime
au code pénal. Mais de fait, elle n’est jamais poursuivie et elle est tolérée par un nombre
grandissant de personnes dans la société singapourienne.
3
Source : http ://www.mda.gov.sg
14
Au vu de la régulation en vigueur, les éditeurs, les importateurs et les librairies
pratiquent l’autocensure pour éviter d’être assignés au tribunal et de payer une
amende ou même de perdre leur licence d’exploitation.
Concernant spécifiquement les livres d’art, voici un extrait de la ligne directrice du
Media Development Authority pour l’importation de livres 1 :
D - ART PUBLICATIONS
1 Art publications refer to publications dealing with art forms in print e.g. paintings,
figure-drawings, design and photography. They generally consist wholly or partly of
illustrations and photographs.
2 Art publications are given more flexibility if there is artistic merit. The degree of
realism, treatment and presentation of content are other factors which are considered.
Sex
3 Depictions of sex should be tastefully done and not exploitative or excessive.
Sexually Permissive & Alternative Lifestyles
4 Art publications should not contain depictions of sexually permissive and alternative
lifestyles e.g. sexual activity involving persons of the same gender and partner swapping
or group sex.
Deviant Sexual Activity
5 Art publications should not promote or glamorise deviant sexual practices e.g.
paedophilia, bestiality and fetishes such as bondage.
Nudity
6 Depictions of full frontal nudity may be allowed if it is tastefully done, and not
excessive or explicit.
Conditions of sale
7 Art publications with stronger nudity elements should carry consumer advice and are
to be placed under the Restricted Publications Scheme i.e. no promotion through
advertising, active marketing and prominent display.
Glossary
1 Alternative lifestyle - unconventional manner of living atypical of the concept of the
traditional family e.g. homosexuality and bisexuality.
2 Coarse language - abusive, vulgar, or irreverent language with high level impact.
3 Deviant sexual activity/practice - behaviour which is atypical of mainstream sexual
practices e.g. sado-masochism, fetishism, incest fantasies and sexual activity involving
minors.
4 Depiction - representation through image e.g. photographs and illustrations.
5 Description - representation through text e.g. articles, interviews or advice columns.
6 Excessive - exceeds reasonable limits, especially in terms of frequency or detail.
7 Explicit - with nothing hidden or implied.
8 Exploitative - to purposely debase, abuse or exaggerate to attract readers.
9 Extreme - of the highest degree or intensity.
10 Promote - to write or depict in such a manner so as to glamorise a behaviour or
practice and/or encourage readers that such behaviour is acceptable and desirable.
11 Sexually permissive lifestyle - unconventional sexual behavior exhibited in activities
such as partner swapping and group sex
1
http ://www.mda.gov.sg/RegulationsAndLicensing/ContentStandardsAndClassification/Docum
ents/Publication%20and%20Audio%20Materials/indus_publishing_Policies%20and%20Legislati
on_imported%20mags%20guidelines.pdf
15
LES IMPORTATIONS PARALLELES ET LA TERRITORIALITE
Les restrictions citées plus haut mises à part, Singapour est un marché libéral : les
importateurs sont libres de s’approvisionner comme ils l’entendent et les restrictions
territoriales des éditeurs étrangers ne sont pas respectées par la loi singapourienne. Il
n’est donc pas rare qu’un libraire achète en direct auprès d’un éditeur étranger par
exemple alors que ce même éditeur a un distributeur attitré à Singapour.
Il est fréquent de voir côte à côte sur l’étagère d’une librairie l’édition anglaise et
l’édition américaine (voire australienne) d’une nouveauté, en littérature par exemple.
LE COPYRIGHT
Contrairement à ses voisins d’Asie du Sud-Est, les autorités singapouriennes sont très
vigilantes sur la question de la contrefaçon : elles ont signé des accords internationaux
de propriété intellectuelle (convention de Berne, accord OMC sur les aspects
commerciaux liés aux droits de la propriété intellectuelle) et les appliquent, plus
particulièrement dans le domaine de l’éducation (l’éditeur de manuels scolaires et
parascolaires reçoit une compensation financière, calculée par l’agence
gouvernementale en charge des droits de reproduction, versé par le ministère de
l’Éducation).
Pour les livres non scolaires, une marge acceptable de 10 % de reproduction est
autorisée si elle n’est pas à but lucratif (maximum un chapitre ou bien 10 % du livre).
Ceci dit, il est courant de voir à Singapour des échoppes de photocopieuses auprès de
qui il est possible de copier des livres entiers (en général des rapports d’activité
d’entreprises ou des mémoires d’étudiants).
Un libraire singapourien indique qu’il est possible qu’un petit nombre de livres d’art
imprimés en Chine et vendus à Singapour soient imprimés et diffusés sans l’accord de
l’éditeur d’origine (contrefaçon).
16
LA DISTRIBUTION
Les éditeurs singapouriens vendent leurs titres selon différents canaux :
- Vente aux distributeurs (37 %)
- Vente directe aux libraires (35 %)
- Vente directe aux lecteurs via leur site internet (5 %)
Les libraires à Singapour souffrent des mêmes difficultés que leurs confrères dans le
monde entier : pression des loyers en hausse constante (les centres commerciaux,
omniprésents à Singapour, abritent la plupart des détaillants) et concurrence du
commerce sur internet.
Plusieurs grandes librairies ont fermé leurs portes à Singapour depuis 2011 : Borders
(les deux boutiques, qui ne dépendaient pas directement de la maison mère aux ÉtatsUnis mais de l’Australien REDGroup), Page One (qui a néanmoins conservé ses
activités d’éditeur et de distributeur et certaines boutiques dans le reste de l’Asie),
Prologue (qui se présentait comme la librairie phare de la chaîne Popular), Harris à
Great World City. Plus petite et plus spécialisée, mais significative par le rôle historique
qu’elle a joué sur la scène régionale, Select Books a fermé sa boutique, l’a rouverte à
côté d’un musée, puis l’a définitivement fermée. Plusieurs librairies en langue chinoise
ont également fermé.
On estime que depuis 5 ans, l’espace physique dédié à la vente de livres à Singapour a
perdu 30 % de sa surface.
Les principales librairies à Singapour aujourd’hui sont :
Books Kinokuniya, qui appartient au groupe japonais du même nom 1, dispose de 4
points de vente à Singapour. Sa boutique phare recense 500 000 titres (en anglais,
mandarin, japonais, français, allemand) sur une surface d’environ 4 000 mètres carrés.
La plus vaste librairie à Singapour, et certainement une des plus grandes et une des
meilleures librairies en Asie du Sud-Est, a été contrainte de déménager d’un étage
dans le centre commercial Ngee Ann City / Takashimaya, vers un espace plus réduit
d’environ 20 %. La raison : une augmentation du loyer demandée par les actionnaires
immobiliers. Les 3 autres points de vente sont plus petits : l’un à Bugis Junction est
plus orienté bande dessinée et manga, l’autre à Liang Court est plutôt consacré aux
titres japonais ; le 4e, à Jurong dans l’ouest de Singapour, a ouvert il y a 2 ans.
Popular possède 20 librairies-papeteries dans Singapour et des points de vente dans
les écoles singapouriennes. L’offre est constituée de titres très grand public, de
littérature jeunesse, de livres bon marché et de parascolaire. La priorité est donnée à
la papeterie et au parascolaire. La littérature générale en anglais ne concerne que 8 %
1
Fondée en 1927, cette société de 4000 employés compte désormais 66 magasins de vente de
livres, magazines et papeterie au Japon, 9 aux États-Unis, 1 en Australie, 1 à Dubaï et 15 en Asie
(Singapour, Malaisie, Thaïlande, Taiwan, Indonésie).
17
des ventes. Prologue, son point de vente haut de gamme exclusivement dédié aux
livres, a fermé en 2013, après 4 ans d’existence. Sa boutique phare est située à Bras
Basah Complex, le centre commercial dédié aux livres et à la papeterie (proche du
Raffles Hotel).
Times et MPH ont pendant longtemps été les leaders du secteur, avec des chaînes de
boutiques de taille moyenne. Mais leurs activités réciproques ont décliné à partir de la
fin des années quatre-vingt-dix. MPH a maintenant 3 boutiques et Times seulement 6.
Amazon et sa filiale Book Depository ont très certainement contribué à la baisse des
ventes physiques en librairie. Même si les chiffres ne sont pas rendus publics par ces
deux sociétés, un sondage commandité par Paypal en 2011 avait estimé qu’elles
étaient responsables de 20 % des livres vendus à Singapour. Six ans après, ce
pourcentage a probablement augmenté de façon très significative (surtout depuis
qu’Amazon.com propose la livraison gratuite depuis les États-Unis à partir de
USD 125 1). Certains libraires pensent même qu’Amazon.com ou Amazon.co.uk et Book
Depository détiennent environ 40 % des parts de marché à Singapour.
Dans ce contexte morose, certaines librairies très spécialisées (religieuses notamment)
ont toutefois trouvé leur marché de niche et continuent à prospérer discrètement.
Deux librairies anglophones indépendantes parviennent également à survivre, toutes
les deux situées dans le quartier bohème à la mode Tiong Bahru : Books Actually,
fondée par le très entrepreneur Kenny Leck (également responsable de la maison
d’édition Math Paper Press), spécialisée en littérature, théâtre et poésie. Et Woods in
the Books, librairie essentiellement jeunesse, qui propose quelques romans
graphiques et une large gamme de pop-ups.
Les soldes en masse de livres (ventes en entrepôts, espaces ventes temporaires sur les
marchés ou dans les galeries commerciales, vente du stock ancien de la NLB)
rencontrent un certain succès, grâce à leurs prix sacrifiés (prix moyen : entre SGD 1 et
SGD 5 par livre).
Les distributeurs principaux à Singapour sont APD, Pansing (du groupe Times
Publishing), MPH Distributors, Penguin Books, mais aussi Pearson, McGraw-Hill,
Cengage et John Wiley. L’activité de certains d’entre eux est commentée plus
longuement dans la suite de cette étude.
Comme pour les éditeurs singapouriens, ces distributeurs exportent tous vers les pays
voisins.
1
Ce n’est pas le cas d’Amazon.fr qui facture au prix fort les expéditions vers l’Extrême-Orient.
18
LES ENJEUX DU SECTEUR
LES PROBLEMES RENCONTRES PAR LES EDITEURS SINGAPOURIENS
•
•
•
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•
Le soutien institutionnel à l’édition et aux auteurs est trop faible.
Les changements de personnel fréquents dans les institutions
gouvernementales ne permettent pas assez de continuité dans la politique de
promotion du livre.
Les petits éditeurs, qui sont les plus nombreux, manquent de visibilité et de
moyens en marketing. Leur production n’est pas encore optimale.
La production en anglais est prédominante, aux dépens de la production en
mandarin ou malais
Les libraires à Singapour ne mettent pas assez en avant la production locale,
cela au profit de la production anglaise ou américaine.
Le manque de qualification des professionnels du livre (éditorial et
commerciaux) est prégnant. Une fois formés, il est fréquent que les employés
démissionnent pour les relations publiques, la publicité ou la communication.
Les investissements pour passer au numérique sont lourds.
Les frais de transport : puisque beaucoup d’éditeurs dépendent des marchés
régionaux inter-Asie et internationaux, les frais d’expédition représentent une
barrière réelle. La fluctuation des taux de change (monnaies asiatiques, Euro,
Dollar) est un élément important également à prendre en compte. Certains
éditeurs mentionnent les frais de dédouanement des livres arrivant par
container.
Les difficultés logistiques d’envoi sur certains marchés asiatiques (l’Indonésie
par exemple) sont parfois un frein.
Une concentration du réseau de détaillants à Singapour (fermetures de
librairies, réduction de surfaces) pénalise bien évidemment les éditeurs.
L’édition locale est gênée par le fait que généralement les livres sur Singapour
se vendent mal en dehors de Singapour.
LES FORCES DU SECTEUR
•
•
•
Une profession qui offre des outils de production de qualité : impression,
typographie, gestion et process de production de qualité, un bon contrôle des
coûts pour maintenir un bon taux de compétitivité, une efficacité accrue de
leur fonctionnement, une très bonne connaissance des nouvelles
technologies, surtout la pré-impression pour diminuer les coûts de production.
Des canaux de distribution bien développés et robustes
Des éditeurs qui demeurent passionnés malgré les difficultés et qui sont prêts
à prendre des risques
19
QUEL FUTUR POUR L’INDUSTRIE ?
•
Historiquement, commercialement, Singapour est un carrefour Est-Ouest. La
majeure partie des titres qui y sont publiés sont en anglais mais cette industrie
est très ancrée dans le tissu asiatique, de la zone ASEAN plus particulièrement.
Certains éditeurs voient des opportunités d’affaires dans la région grâce aux
titres bilingues (anglais-thaïlandais, anglais-indonésien, par exemple). Les
droits de traduction sont en progression : les marchés régionaux (thaïlandais,
indonésien, etc.) deviennent plus intéressés par les droits de traduction plutôt
que les importations directes. Singapour pour sa part achète des droits de
traduction d’autres langues asiatiques vers l’anglais.
•
Le secteur phare d’expansion est l’éducation ; pas forcément à Singapour
même (ou le marché est très contrôlé en termes de contenus et de coûts par
le ministère de l’Éducation, d’une part, et par une diminution de la population
estudiantine) mais très certainement sur les marchés voisins.
•
Les éditeurs singapouriens réclament un soutien accru pour la promotion des
titres édités localement. De leur point de vue, certes, inviter des gros éditeurs
étrangers à s’implanter à Singapour contribue à donner à Singapour une image
de plaque tournante de l’édition. Toutefois, cela ne contribue guère à générer
de nouveaux contenus, de nouveaux auteurs locaux ou encore d’améliorer
l’expertise locale. Ils sont tous d’accord pour admettre que si les auteurs ou
les écrits locaux ne sont pas assez appréciés sur place, il serait illusoire
d’imaginer qu’ils rencontrent plus de succès au niveau régional ou
international.
•
Le marché local a donc un bon potentiel de croissance ; mais dominé, pour le
moment, par des petites maisons d’édition de niche, il sera difficile de
pénétrer le marché international. Ceci étant, l’Asie a le vent en poupe et les
auteurs singapouriens peuvent donc tirer leur épingle du jeu. Ils observent
l’arrivée de la Chine avec un regard averti : un éditeur dit même « Nous nous
attendons à une Chine plus agressive sur la zone Asie du Sud-Est dans les 3 à 5
ans ; et nous ne parlons pas des livres en chinois ». Les livres « imprimés en
Chine » sont de plus en plus visibles et leurs prix sont très compétitifs.
20
LE MARCHE DU LIVRE D’ART
Avant d’évoquer le marché du livre d’art proprement dit, il convient de le replacer
dans le contexte du marché de l’art à Singapour, un secteur qui s’est développé très
rapidement ces dernières années.
LE CONTEXTE DE L’ART A SINGAPOUR
Longtemps considéré comme un désert culturel, Singapour s’efforce depuis une
dizaine d’années de jouer un rôle proéminent dans la région dans le domaine des arts
plastiques et plus particulièrement dans l’art contemporain. Le gouvernement
encourage activement ce secteur, soit par des subventions soit par des facilités
d’installation, soit par le biais du Singapore Tourism Board, soit en chapeautant
directement les projets.
Jusqu’à la fin des années 2000, la NAFA (Nanyang Academy of Fine Arts : l’école d’arts
plastiques de Singapour), le Singapore Art Museum (ouvert en 1996) et quelques
galeries d’art éparpillées dans la ville étaient les seuls lieux d’exposition d’œuvres. Ces
quelques dernières années ont vu apparaître les initiatives suivantes :
2006 : Singapore Biennale
Étalé sur plusieurs mois, cet événement regroupant une cinquantaine d’artistes d’Asie
du Sud-Est a lieu (environ) tous les deux ans. La première édition avait rassemblé 95
artistes de 38 pays différents. L’édition 2013 a accueilli 82 artistes de 13 pays et
560 000 visiteurs.
2010 : Affordable Art Fair Singapore
Créée en 2010, c’est l’édition singapourienne de la foire britannique. Annuelle à
l’origine, elle se tient désormais 2 fois par an (avril et novembre). Novembre 2010 : 50
galeries, 9 500 visiteurs. Novembre 2014 : 108 galeries, 18 200 visiteurs
2011 : Art Stage Singapore
Créée en 2011, avec 121 galeries et 32 000 visiteurs, cette foire annuelle (janvier) est
la vitrine haut de gamme de l’art contemporain à Singapour et en Asie du Sud-Est.
L’édition 2015 a présenté 197 galeries et accueilli 51 000 visiteurs. Les ¾ des exposants
sont des galeries asiatiques. Certains éditeurs y louent un espace pour vendre des
livres (chiffres de ventes assez faibles).
2011 : Art Science Museum
Cet espace de 6 000 m² d’expositions temporaires fait partie du groupe de Casino Las
Vegas Sands, au pied du bâtiment Marina Bay Sands.
21
2012 : Gillman Barracks
Ce projet a été lancé en fanfare en 2012 par le gouvernement singapourien avec pour
objectif d’ancrer Singapour sur la scène internationale de l’art contemporain. Situé
dans un cadre verdoyant de 6 hectares, le site abrite 17 galeries d’art contemporain.
Trois ans après son ouverture, force est de constater que le projet est loin d’avoir
atteint le succès escompté : très peu de visiteurs s’y rendent (éloignement, difficulté
d’accès), cet endroit semble endormi, malgré la qualité de l’offre. Presque un tiers des
galeries ont d’ailleurs décidé de ne pas renouveler leur bail il y a quelques mois.
2014 : National Design Centre
Créé sur une initiative gouvernementale, le bâtiment a été inauguré il y a un peu plus
d’un an, dans le centre de Singapour, près de la NAFA. Il abrite des espaces
d’expositions, des ateliers de travail, des boutiques et des cafés. Son ouverture a lancé
les manifestions annuelles Singapore Design Week et l’édition singapourienne de
Maison & Objet Asia.
2015 : Pinacothèque de Paris
Le musée d’art privé parisien a ouvert ses portes le 30 mai 2015 au sein du Fort
Canning Centre, au cœur du centre historique et colonial de Singapour.
2015 : National Gallery Singapore
Ce musée ouvrira ses portes, en plein centre de Singapour, fin 2015. Dédie à l’art
moderne et contemporain, il abritera deux ailes : l’art singapourien et l’art sud-est
asiatique. Il hébergera également des expositions temporaires d’envergure
internationale. Avec un espace de 64 000 m², il sera l’un des plus vastes musées de la
région.
Toutefois, malgré toutes ces initiatives, la création artistique à Singapour n’est pas
vraiment encouragée, même si elle est de plus en plus mise en avant. Les sommes
investies par le gouvernement ou les entreprises privées ont surtout pour objectif
d’attirer les collectionneurs pour leur vendre des œuvres. L’art en Asie du Sud-Est, à
quelques exceptions près, est surtout considéré comme un investissement.
Le livre d’art a-t-il sa place dans ce marché ? Comme le mentionne un libraire
spécialisé : « Un acheteur indonésien qui vient de dépenser 4 millions de dollars pour
un tableau ne va pas dépenser 100 dollars pour un livre ; il s’attendra à ce qu’on le lui
offre. Et le plus beau est que ce n’est même pas sûr qu’il l’ouvre ! ».
Un éditeur de livre d’art mentionne par ailleurs que « le public singapourien est peu
éduqué dans le domaine de l’art ; les cours d’arts plastiques ne sont pas ou peu
dispensés dans les écoles et le public singapourien se sent généralement peu concerné
par l’art ». Comme l’analyse la propriétaire d’une galerie occidentale d’art
contemporain haut de gamme installée à Singapour : « Le marché de l’art à Singapour
en est à ses débuts, à l’exception de quelques grands collectionneurs ».
22
Il y a des exceptions bien entendu : l’exposition de tableaux impressionnistes Dreams
& Reality du Musée d’Orsay (qui avait duré 4 ½ mois en 2011-2012) avait connu un
grand succès avec près d’un million de visiteurs. Mais qu’en fut-il du nombre de
catalogues d’exposition vendus ? 1 000 exemplaires seulement, un chiffre que
beaucoup d’éditeurs considèrent décevant.
L’OFFRE DE LIVRES
PRODUCTION DISPONIBLE EN LIBRAIRIE
Même si elle n’est proposée que dans deux points de vente à Singapour, l’offre de
livres d’art à Singapour couvre un éventail étendu de thèmes et peut tout à fait se
comparer à celle d’une grande ville de province au Royaume-Uni ou aux États-Unis.
Les livres illustrés, comportant peu de texte, beaucoup de photos, grands et épais,
dominent. Les ouvrages d’histoire de l’art, les titres académiques, les essais sur l’art
sont, pour leur part, peu présents. On note quelques monographies d’artistes
mondialement connus, mais celles-ci sont en minorité.
Si les cahiers de coloriage pour adultes ne rencontrent pas encore le succès
commercial qu’ils connaissent en France, ceux-ci pourraient tout à fait dominer les
ventes d’ici la fin 2015. Secret Garden de Johanna Basford est un best-seller depuis
quelques semaines (éditions en anglais, japonais, chinois).
Les catalogues d’exposition sont rares et concernent majoritairement les artistes
singapouriens ; on les trouve essentiellement dans les boutiques de musées. On
trouve parfois des catalogues de vente aux enchères.
Le prix de vente pour un livre d’art est généralement SGD 70 voire plus (pour la
catégorie coffee table book). Ces prix sont considérés très chers par les Singapouriens.
Les livres d’auto-apprentissage des techniques artistiques 1 avoisinent SGD 25-30.
QUELLES THEMATIQUES SE VENDENT LE MIEUX ?
Les thèmes les plus porteurs :
- la mode
- l’art de vivre (culture, cuisine, voyages…)
- l’Asie en général et l’Asie du Sud-Est plus particulièrement (Singapour encore plus)
1
Par exemple : How to sketch, How to watercolour, How to make beautiful photos with your
IPhone.
23
-
les arts graphiques
les arts books liés à l’animation coréenne ou japonaise
les livres d’auto-apprentissage
les cahiers de coloriage pour adultes
Les thèmes qui rencontrent moins de succès de nos jours :
Les libraires interrogés dans le cadre de ce rapport nous informent que l’architecture
et la décoration intérieure ne rencontrent plus le succès qu’ils avaient il y a quelques
années. Un distributeur confirme qu’il y a d’ailleurs trop de livres de décoration
intérieure et que le marché arrive à saturation.
Les beaux livres sur les montres de luxe, qui avaient suscité un réel engouement il y a
une dizaine d’années, ne trouvent plus réellement preneurs.
Les thèmes qui ne fonctionnent pas :
-
les monographies d’artistes
les livres académiques et de référence
les titres avec peu d’illustrations
un thème trop européen
Ce qui n’existe pas sur le marché et que certains recherchent :
Un interlocuteur interrogé dans le cadre de ce rapport évoque le manque de livres
d’art de niche à Singapour et en Asie du Sud-Est, qui s’adresseraient plus à des
collectionneurs (qu’il s’agirait préalablement d’identifier) qu’au grand public. On peut
imaginer que le nombre d’exemplaires vendus serait toutefois faible. L’exemple donné
par cet interlocuteur est celui du catalogue de Paris Photo.
DIFFERENCES ENTRE LIVRES PRODUITS LOCALEMENT ET LIVRES IMPORTES
Les livres édités et imprimés à Singapour sont de très bonne qualité ; pendant
longtemps Singapour était réputée en Asie pour la qualité de son savoir-faire en
séparation quadrichromie. Les années quatre-vingt ont vu les éditeurs locaux de livres
illustrés et les packagers développer leur activité à l’international, en collaboration
avec les imprimeurs.
Aujourd’hui, même si l’avènement de nouvelles technologies d’impression,
l’appréciation du dollar singapourien et l’amélioration de la qualité de production en
Chine ont changé la donne, les éditeurs de livres illustrés à Singapour continuent tout
de même à prospérer, en grande partie peut-être grâce à la production de livres
sponsorisés : livres d’entreprise, livres commémoratifs, etc. Plusieurs éditeurs
singapouriens sont d’ailleurs très actifs sur le marché de l’édition sponsorisée, cf. ciaprès.
24
LES ACTEURS
QUELLES SONT LES MAISONS 1 QUI PUBLIENT DES LIVRES D’ART ?
Parmi les 70-80 éditeurs à proprement parler présents à Singapour, un nombre très
réduit publie des livres d’art. Le plus grand est Page One. Il existe également des
éditeurs de taille plus réduite, dont le livre d’art n’est pas l’activité principale. Les
musées singapouriens et la NAFA publient également, uniquement sur des thèmes liés
à Singapour. Basheer Graphic, même si ce n’est pas son activité principale, joue un
petit rôle également.
Page One
Page One a débuté son activité en 1983 par l’ouverture d’une petite boutique
spécialisée en livres d’art. En plus de 30 ans, la maison a diversifié son champ d’activité
(éditeur depuis 1993 et distributeur) et son champ géographique : 6 boutiques en
Chine ouvertes depuis 2010, 3 boutiques à Hong Kong, 1 boutique à Taïwan. La
boutique de Singapour, qui avait déménagé dans un centre commercial très
fréquenté, spacieuse et élégante, a fermé en 2012. Aujourd’hui, Page One dispose, à
Singapour, d’un petit corner en dépôt-vente dans une galerie d’art et effectue des
ventes en pop-up lors d’événements.
Page One publie plus d’une centaine de titres chaque année : architecture, art de vivre
(cuisine, décoration intérieure), livres pratiques type auto-apprentissage des
techniques d’art. La thématique Asie est également forte. Page One ne publie pas de
titre lié aux beaux-arts ou à l’art contemporain.
Elle est agent pour l’Asie des éditeurs étrangers suivants : TeNeues, DAAN, ORO,
Tectum, LOFT, LINKS et H. F. UIImann.
Page One achète des droits étrangers (exemple d’achat de droits français : Alain
Ducasse Éditions). La responsable note toutefois que les frais de traduction du français
vers l’anglais sont élevés : pour les titres en langue française, elle recrute
généralement la même traductrice sur la base du free-lance (elle-même coauteur d’un
livre de cuisine).
Page One, comme de nombreux éditeurs singapouriens, ne compte pas sur le marché
singapourien pour vivre. La maison vend ses livres par l’intermédiaire de son propre
réseau de boutiques en Asie et via des distributeurs locaux dans le reste de l’Asie du
Sud-Est (dans l’ordre d’importance : Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Philippines). En
raison de régulations contraignantes, elle ne travaille pas au Vietnam.
1
La notion de « publisher » à Singapour est très souple. Elle comprend très souvent des
distributeurs qui représentent des éditeurs mais ne publient pas eux-mêmes.
25
Page One estime que les éditeurs français auront probablement plus de succès à Hong
Kong et en Chine.
Lorsqu’on demande à Page One son avis sur les éditeurs chinois de livres d’art : ceux-ci
sont très rapides pour produire mais la qualité n’est pas toujours à la hauteur. La
Chine produit des livres d’architecture (surtout photo) de très grande taille, pour un
prix peu élevé, destinés aux marchés de l’Inde et du Moyen Orient.
Basheer Graphic Books
Basheer Graphic Books a débuté son activité en 1986 par du porte-à-porte auprès des
studios d’artistes, proposant des livres d’art et de design introuvables à l’époque dans
les librairies singapouriennes. Une dizaine d’années après, M. Basheer Ahamed, le
père de l’actuel propriétaire et directeur M. Abdul Nasser, a ouvert une boutique à
Bras Basah Complex. L’activité de porte-à-porte continue toujours, notamment auprès
des cabinets d’architectes et des studios de designers.
Basheer Graphics Books est réputé à Singapour et en Asie du Sud-Est pour être le
principal point de vente d’ouvrages de design, d’architecture et de décoration
intérieure. Il a étendu son réseau physique et est présent en Malaisie, à Hong Kong et
en Thaïlande. Il représente l’éditeur Gestalten.
Même s’il se présente comme tel, Basheer Graphic Books est plus un distributeur et un
détaillant qu’un éditeur. Toutefois, M. Nasser fait un peu d’édition et de coédition
(architecture intérieure, design, computer graphics). Il connaît assez bien le secteur de
l’édition française et communique régulièrement avec certains éditeurs (notamment
Ankama) qu’il rencontre à Francfort. Il produit et vend des éditions bilingues
(japonais/anglais ou chinois/anglais)
Il indique qu’il privilégie actuellement les titres en provenance d’Asie du Nord Est
(Japon, Corée du Sud, Taïwan) : des livres très illustrés, avec peu de texte.
Il importe des livres du monde entier : d’Allemagne, des Pays Bas, de Belgique, du
Japon, de Corée du Sud, des États-Unis, du Royaume-Uni, de Chine, de Taïwan… soit
par le biais de distributeurs, soit en direct.
Les titres porteurs actuellement selon lui : l’animation, les mangas.
Il n’est pas intéressé par les monographies d’artistes.
10 % de ses ventes sont effectuées dans sa boutique, contre 90 % effectuées à
l’export.
Basheer Graphics Books indique que les frais de traduction du français vers l’anglais
sont coûteux : l’achat de droit d’un titre français n’est pas commercialement viable si
on écoule seulement 1 000 exemplaires (1 000 exemplaires étant un chiffre de vente
très optimiste pour un livre d’art – seul un best-seller comme Monocle Guide to Better
26
Living atteint ce chiffre à Singapour, chiffre absolument exceptionnel). En ce qui
concerne la traduction, Basheer estime qu’elle devrait être sous-traitée au Vietnam ou
à Pondichéry en Inde pour diminuer les coûts. Il préfère donc acheter à un distributeur
anglais ou américain un livre français déjà traduit en anglais.
Il considère que les livres français ont leur chance s’ils sont très illustrés, avec très peu
de texte, et déjà traduits en anglais. Les thèmes de la mode ou de la gastronomie,
porteurs de la culture française, auront plus de succès selon lui.
En termes de prix, les livres imposants style coffee table book sont trop chers pour le
marché singapourien ; il estime que les prix pour les marchés sud-est asiatiques
doivent être plus bas qu’en Europe ou aux États-Unis.
M. Nasser ne cache pas que son activité d’éditeur, distributeur et détaillant est
menacée depuis quelques années : plusieurs raisons pour cela, la première étant
Internet. Il pointe le doigt notamment vers Pinterest (qu’il qualifie de « Santa Claus for
designers » tant ceux-ci utilisent désormais cet outil gratuit, au détriment des livres,
comme source d’inspiration).
Mais évidemment, le souci majeur, particulièrement pour les coffee table books qui
valent SGD 100 ou plus, provient d’Amazon et Book Depository : leurs prix sont 40 %
moins élevés et les frais d’expédition gratuits.
Malgré ces mauvaises nouvelles, M. Nasser temporise : « un livre magnifique trouvera
toujours preneur, même s’il y a moins de clients potentiels que par le passé ».
EDM (Éditions Didier Millet)
Comme mentionné plus haut, Singapour était réputée dans les années 80-90 pour son
savoir-faire en qualité d’impression. La société Éditions Didier Millet 1, créée il y a 25
ans, fut parmi les premiers éditeurs à en profiter.
Son catalogue a une forte thématique Asie du Sud-Est : voyages, histoire, nature,
architecture, art de vivre, cuisine. Environ 30 titres sont publiés chaque année, pour
un catalogue actif de 130 titres.
EDM a des bureaux également à Kuala Lumpur et Bangkok. Les livres illustrés, les livres
de références et les livres sponsorisés (pour les entreprises, les musées, les institutions
gouvernementales…) dominent le catalogue. La qualité d’impression des titres publiés
par EDM est reconnue.
Landmark Books : éditeur de taille confidentielle, spécialisé dans les ouvrages sur
Singapour et dans les livres illustrés. Il produit également des livres sponsorisés et des
titres de poésie et de littérature.
1 Sa société sœur, les Éditions du Pacifique, est basée à Paris. La fille de Didier Millet est, quant
à elle, responsable des Éditions du Sonneur.
27
Talisman : cet éditeur de petite taille, d’une quinzaine d’années, est la filiale du
principal importateur et distributeur de livres d’art à Singapour, APD Pte Ltd (cf. ciaprès). Son catalogue est composé de livres historiques et des livres illustrés sur
Singapour et l’Asie du Sud-Est (architecture, décoration intérieure, histoire, voyages).
NAFA (Nanyang Academy of Fine Arts) : cette école d’arts plastiques publie les
catalogues de ses expositions (elle dispose de deux galeries) et des monographies
d’artistes (beaux-arts, photographie, design, arts multidisciplinaires). Elle publie
également des ouvrages académiques centrés sur l’art à Singapour, puisque ces
ouvrages sont directement liés à la mission éducative de la NAFA. Tous ces livres sont
néanmoins très peu mis en avant (on ne les trouve pas dans les boutiques des musées
singapouriens par exemple).
Pesaro Publishing : éditeur spécialisé en monographies d’architectes, de paysagistes
et designers (thèmes : Australie et Asie tropicale). Son directeur, Patrick Bingham-Hall,
de nationalité australienne, est photographe spécialisé en architecture.
Select Publishing publie des livres pour le compte du National Heritage Board, et par
extension les musées de Singapour. Il est le bras éditorial de Select Books (le grand
spécialiste à Singapour des livres sur l’Asie dont les activités comprennent l’édition, la
distribution et la vente au détail). La majeure partie de son catalogue est assez
académique. Avec ses deux autres maisons d’édition, Celestial et Autumn Wonders,
elle publie environ 10 titres chaque année.
À noter également quelques éditeurs qui publient occasionnellement des livres d’art
(titres essentiellement sur Singapour ; sponsorisés pour la plupart) : Math Paper Press
(filiale de Books Actually), dans sa collection « Aesthetics » ; Marshall Cavendish ;
Straits Times Press ; Epigram Books ; NUS Press (National University of Singapore).
Certaines sociétés d’architecture basées à Singapour ou agences gouvernementales
publient leurs propres livres : Singapore Institute of Architecture, Urban
Redevelopment Authority, DP Architects.
Y A-T-IL DES COEDITIONS DANS LE DOMAINE DU LIVRE D’ART
Lorsqu’on demande aux éditeurs singapouriens s’ils sont intéressés par la coédition
avec des éditeurs français, ils répondent tout de suite de manière affirmative.
Malheureusement, le malentendu se dissipe très rapidement : les éditeurs
singapouriens souhaitent vendre leurs droits mais pratiquement aucun ne souhaite en
acquérir.
Dans le domaine des livres d’art, peut-être seul Page One est concerné par la coédition
et Basheer Graphic Books dans une moindre mesure.
28
Étant donnée la domination de la langue anglaise d’une part, et la petite taille du
marché domestique d’autre part, les éditeurs singapouriens préfèrent acheter un titre
non-anglophone déjà traduit en anglais (auprès d’un distributeur américain ou anglais)
plutôt que d’acheter les droits d’un titre non anglophone, financer sa traduction et
tenter de le vendre auprès d’une clientèle frileuse). La seule exception serait peut-être
si l’éditeur anglophone n’avait pas un bon réseau de distribution (donc difficultés
d’approvisionnement à Singapour) ou si la marge de distribution qu’il proposait était
minime (donc financièrement plus intéressant de coéditer le livre que de l’importer).
LA DISTRIBUTION
LES LIBRAIRIES
Le livre d’art est une activité de niche à Singapour : le grand public ne s’y intéresse pas
et seuls les amateurs d’art (à la base peu nombreux) sont des clients potentiels.
La taille du marché est estimée à environ SGD 7 millions (estimation très large des
ventes du rayon arts de Kinokuniya, de Basheer Graphic Books, des boutiques de
musée, et des petites librairies indépendantes).
Les lieux de vente de livres d’art se comptent sur les doigts d’une main. Il existe
uniquement 2 points de vente de livres d’art dignes de ce nom à Singapour : une
librairie généraliste (Books Kinokuniya) et un libraire spécialisé (Basheer Graphics
Books). Toutes les grandes maisons d’édition étrangères de livres d’art sont présentes.
Books Kinokuniya
La librairie Kinokuniya située sur Orchard Road, l’artère commerciale principale de la
ville, au 4e étage du centre commercial Ngee Ann City Takashimaya. Elle réalise entre 7
et 9 % de son chiffre d’affaires grâce aux livres d’art, un chiffre qui baisse d’année en
année. Son challenge aujourd’hui est de se diversifier, de présenter des titres plus
grand public et d’être moins spécialisée.
Kinokuniya achète auprès des distributeurs locaux et privilégie actuellement les
relations avec Pansing et APD. Kinokuniya rencontre en ce moment des problèmes de
stock avec Penguin et MPH. Elle est en compte direct avec les distributeurs américains
(Baker and Taylor) et anglais (Gardners). Elle distribue les ouvrages de Flammarion (en
langue anglaise) via Baker and Taylor
Kinokuniya préfère éviter de travailler en direct avec les éditeurs mais choisit
néanmoins cette option lorsque le distributeur n’offre pas de conditions logistiques
satisfaisantes (pas de stock). Elle travaille en comptes directs notamment avec les
éditeurs suivants : DGV (Gestalten – pourtant importé par Basheer Graphics Books),
29
Phaidon (qui était auparavant distribué par APD mais ce n’est plus le cas) et Taschen
(Taschen dispose d’un espace dans l’entrepôt de Page One mais Kinokuniya
commande tout de même en direct). Kinokuniya Singapour s’approvisionne également
via son propre réseau interne : Kinokuniya Bangkok ou Kinokuniya Japon par exemple.
En règle générale, Books Kinokuniya reçoit une remise de 40-45 % (en comparaison :
les remises proposées par les distributeurs français sont d’environ 35 %).
Les retours sont possibles avec les distributeurs locaux, en revanche, ils sont
impossibles avec les distributeurs anglais/américains ou avec les éditeurs étrangers.
Quelques exemples de best-sellers en livre d’art : Monocle Guide to Leaving (400 à 500
exemplaires pour sa boutique à Ngee Ann City, moins d’une centaine pour les 3 autres
points de vente). Sartorialist (Penguin) : 300 exemplaires.
Sections principales : architecture / beaux-arts / photographie / cinéma et arts
scéniques / décoration intérieure / musique / partitions musicales / mode / papeterie
(Moleskine, calendriers, cartes, carnets et cahiers) / arts graphiques
Basheer Graphics
La boutique de Singapour (6 000 à 9 000 livres), considérée par beaucoup d’artistes et
de designers, comme une mine d’or est organisée par section. Les principales sont les
suivantes : design / arts graphiques / architecture / animation. Des éditeurs du monde
entier voient leurs livres en rayon : américains, anglais bien entendu, mais aussi
italiens, allemands, sud-américains, hongkongais, chinois, taïwanais, coréens.
Un bémol cependant : on remarque dans cette boutique plusieurs titres qui sont en
rayon depuis de nombreuses années. M. Abdul Nasser d’ailleurs ne cache pas ses
difficultés financières et son inquiétude pour l’avenir.
LES AUTRES POINTS DE VENTE
Musées : les livres que l’on trouve dans les boutiques des musées (Singapore Art
Museum, National Museum, The Peranakan Museum, Asian Civilisations Museum, Art
Science Museum) sont essentiellement consacrés à l’art singapourien ou sud-est
asiatique. On trouve dans ces boutiques très peu de livres en rayon (5-10 % de la
surface de la boutique), et surtout des objets.
Les musées centralisent leurs achats via le National Heritage Board, qui
s’approvisionne uniquement auprès de Select Books (les boutiques étaient auparavant
gérées par le groupe hôtelier/art de vivre Banyan Tree). La boutique du musée d’art de
Singapour est gérée par la boutique de design et d’art de vivre Supermama. De l’avis
de la profession, l’offre dans ces boutiques, notamment en termes de livres, pourrait
vraiment être améliorée.
30
La National Gallery Singapore qui ouvrira fin 2015 confirme qu’elle s’approvisionnera
auprès de Select Books.
Galerie d’art MAD : corner de livres d’art, presque tous publiés par Page One. Il s’agit
en fait de livres en dépôt-vente par Page One directement, pour compenser (de
manière très réduite) la fermeture de leur boutique en 2012.
National Design Centre : la boutique Kapok, qui vend beaucoup d’objet de décoration,
propose uniquement les livres publiés par Gestalten, qu’elle achète à Basheer
Graphics. La gérante explique que la proximité de Basheer Graphics ne nécessite pas
d’avoir plus de livres de design chez Kapok, puisque « les clients intéressés ont
simplement 400 mètres à marcher ». Ceci en dit long sur la motivation des détaillants
singapouriens quant à la place du livre. Un choix de magazines haut de gamme d’art
de vivre et de design (Kinfolk et autres) est en boutique.
Boutique phare Louis Vuitton (Marina Bay Sands) :
Ouverte en fanfare il y a 3 ans, à l’entrée même de la somptueuse boutique, le coin
librairie proposait un choix attrayant et pointu de beaux coffee table books et livres
d’art. Elle était gérée par une ancienne employée de Kinokuniya. Aujourd’hui les livres
sont relégués au 3e étage de la boutique et servent plus à décorer qu’autre chose. On
note des titres consacrés à Louis Vuitton, quelques Taschen, Flammarion. La gérante
avoue que désormais son activité de libraire ne concerne plus que 10 % de son temps,
le reste étant consacré à fournir des services personnalisés à la clientèle VIP.
Books Actually : cette petite librairie indépendante, créée en 2005, très dynamique
est spécialisée en littérature et poésie. Elle rencontre actuellement des difficultés
financières mais innove et tient malgré tout. Très active en communication, elle vend
quelques livres illustrés. Son bras éditorial, Math Paper Press, publie quelques livres
artistiques de niche. Books Actually a organisé en 2013 et 2014 à Gillman Barracks une
foire aux livres d’art ouverte au public avec une cinquantaine d’exposants (magazines,
livres, objets de décoration).
Boutique du grand magasin Robinson :
La chaîne des grands magasins Robinson (groupe Al Futtaim – similaire aux Galeries
Lafayette) a installé son nouveau magasin phare sur Orchard Road, la grande artère
commerçante de Singapour. Le 3e étage est dédié à l’art de vivre et un rayon de beaux
livres est proposé au public.
Ventes en pop-up :
Page One ouvrira une boutique pop-up à Gillman Barracks lors d’un prochain
événement
Amazon / Book Depository
Comme cela a été développé un peu plus haut dans cette étude, les ventes par
internet sont en plein essor à Singapour.
31
LA PRESENCE DU LIVRE FRANÇAIS A SINGAPOUR
Environ 15 000 Français vivent à Singapour, un chiffre qui a augmenté
spectaculairement ces dernières années. Cette population immigrée bénéficie de
revenus plutôt élevés. À cette population, il convient d’ajouter la clientèle
francophone de passage à Singapour, expatriée dans le reste de la région où l’accès
aux livres en français est difficile voire inexistant (Indonésie - Bali/Djakarta - Malaisie,
Vietnam, Philippines…). À ne pas négliger, même si elle est minime : la clientèle
singapourienne francophone.
Amazon.fr livre à Singapour mais les frais d’expédition sont élevés. Il arrive
régulièrement que les livraisons d’Amazon.fr vers l’Indonésie n’arrivent pas à bon
port.
En ce qui concerne les exportations de livres français 1, les statistiques de la Centrale
de l’Édition indiquent que la zone Asie/Océanie représente, en 2014, 2 % de part de
marché pour un montant de 14 millions euros. Singapour représente 5,3 % de cette
part, avec des exportations qui s’élèvent à 742 000 euros.
LES LIBRAIRIES
Kinokuniya French Section
Depuis l’ouverture de sa boutique phare à Ngee Ann City / Takashimaya en 1999,
Kinokuniya a toujours eu une section française. Jusqu’au déménagement de cette
boutique du 3e vers le 4e étage du même centre commercial (novembre 2014), cette
section comprenait 8-10 000 livres et vendait 30 000 livres par an (contenu : 1/3
littérature, 1/3 jeunesse, le dernier tiers couvrant guides de voyage, FLE,
épanouissement personnel, cuisine…). Son chiffre d’affaires, représentant certes un
pourcentage infime par rapport au reste de la boutique, était en progression. Le
déménagement vers un espace plus réduit de 25 % a contraint Kinokuniya à réduire la
taille de cette section française de 90 % 2 : en gros il ne reste qu’une étagère. La
clientèle francophone a réagi négativement à cette décision de réduction de rayon,
qu’elle juge illogique puisque la communauté francophone ne cesse d’augmenter.
La responsable française gère à la fois les achats, la mise en rayon et le conseil à la
clientèle (au contraire du département anglophone ou la fonction achat et la fonction
vente sont totalement distinctes).
1
http://www.centrale-edition.fr/fr/content/exportations
Les rayons japonais et chinois ont réduit leur surface de 50 %, la section allemande de 90 %.
Les rayons en langue anglaise, qui représentent 75 % des ventes ont perdu un peu de surface
(droit, poésie). Le rayon jeunesse (anglophone) quant à lui a augmenté de 20 %.
2
32
Le calcul de prix des livres français est effectué de la manière suivante :
Prix de détail français TTC
- TVA française 5,5 %
x remise accordée par le distributeur français 1
x taux de change en vigueur
x majoration Kinokuniya Singapour 2
x TVA singapourienne 7 %
= prix de détail singapourien TTC
Par exemple, Soumission de M. Houellebecq, vendu EUR 21 en France, est vendu
SGD 40,19, soit 30 % plus cher qu’en France.
En comparaison, ce même titre est facturé EUR 33,41 par Amazon.fr pour être livré à
Singapour, presque de 60 % plus cher qu’en France. Le tarif de livraison est dégressif
pour plusieurs volumes commandés.
La plupart des éditeurs français, à l’exception du FLE, acceptent les retours sur
couverture.
La section française ne commande pas de beaux livres pour elle-même (peu de succès,
hormis quelques ventes à Noël) mais il est arrivé qu’elle en commande au comptegouttes à des éditeurs français (Chêne, Citadelle & Mazenod, La Martinière) pour la
section « arts » : Paris Panoramique (Citadelle et Mazenod), Le dit du Genji (Diane de
Selliers), etc. L’expérience montre, et ce n’est pas surprenant, que seuls les titres
français sans presque aucun texte parviennent à se vendre.
Une nouvelle expérience débute en juin 2015 sur les cahiers de coloriages (distribués
par Hachette). Mais la question des petites remises, donc du prix de vente final, des
distributeurs français par rapport à leurs confrères anglais ou américains reste
cruciale. Pour référence, voici les prix de vente chez Kinokuniya du cahier de coloriage
Jardin Secret (Basford) en juin 2015 :
• Édition française : SGD 22,47
• Édition anglaise : SGD 18,19
• Édition japonaise : SGD 26,30
• Édition chinoise : SGD 19,12
1
Kinokuniya Singapour a des comptes ouverts avec les distributeurs suivants : Hachette,
Interforum, Sodis, UD, Volumen, MDS, Harmonia Mundi. Pour les maisons d’édition non
distribuées par ces sociétés, elle passe commande auprès d’Horizon Education.
2
Ce taux varie selon le canal de vente : Kinokuniya Singapour boutique, Kinokuniya Singapour
clients institutionnels, Kinokuniya Singapour Webstore (boutique internet), Kinokuniya Japon,
Kinokuniya Dubaï….
33
The French Bookshop
The French Bookshop a ouvert ses portes en 2009. Créée par un Français passionné de
lecture, travaillant dans une entreprise à Singapour pendant la semaine.
Victime de l’inflation immobilière (grande maladie singapourienne), elle a déménagé
deux fois depuis son ouverture. Bien que située dans un quartier en vogue, elle ne
dispose pas d’un pignon sur rue direct et ne bénéficie donc pas d’un passage de
clientèle soutenu.
Elle vend exclusivement des livres français (3 800 en rayon) et accueille aussi des
artistes pour exposer leurs œuvres. Elle organise fréquemment des séances de
dédicaces d’auteurs francophones vivant ou de passage à Singapour. Son fonds, pointu
et moins commercial et grand public que chez Books Kinokuniya, est constitué de
littérature adulte, littérature jeunesse et quelques livres illustrés sur la région d’Asie
du Sud-Est.
On ignore encore si la réduction du rayon français de Kinokuniya a eu un impact positif
sur les ventes du French Bookshop.
LA CIRCULATION DU LIVRE D’ART
LES IMPORTATEURS DISTRIBUTEURS
APD : pour les livres d’arts traduits en anglais, APD est, sans conteste, le distributeur le
plus important à Singapour. APD Singapore existe depuis 1990. Il représente plusieurs
maisons d’édition étrangères et distribue sur toute l’Asie du Sud-Est (deux bureaux :
Singapour et Kuala Lumpur). L’éventail des titres distribués par APD est très large :
scolaire, professionnel, grand public, littérature, jeunesse. Il distribue tous les grands
noms de l’édition anglaise et américaine. Il distribue également les éditeurs
singapouriens : Straits Times Press, NUS Press, Epigram Books.
Il a établi une joint-venture Thames and Hudson et a créé une société qui couvre toute
l’Asie du Sud-Est.
Select Books a longtemps été considéré à Singapour le spécialiste de l’Asie. Créé en
1976, Select Books avait une boutique dans un centre commercial dans le cœur de
Singapour. Avant que celle-ci ne déménage puis ne ferme, cette boutique était le point
de passage obligé de tout voyageur, étudiant, anthropologue, missionnaire transitant
par Singapour, certain d’y trouver les ouvrages les plus pointus sur l’Asie du Sud-Est.
L’activité de distribution continue néanmoins. Sa spécialisation a amené Select Books à
être reconnu parmi les fournisseurs attitrés de grandes institutions telles que
l’Academia Sinica, la British Library, Harvard University, London University School of
Oriental and African Studies et la US Library of Congress. Il représente les livres publiés
par tous les musées de Singapour et un grand nombre d’éditeurs étrangers,
34
spécialistes de l’Asie du Sud-Est. Même si son catalogue est plutôt académique, il
comprend toutefois quelques livres illustrés.
Pansing (qui fait partie du Times Publishing Group), fondé en 1975, fait partie des
principaux distributeurs de livres et de magazines à Singapour et en Asie-Pacifique. Il
représente un large nombre d’éditeurs renommés anglais, américains, australiens et
sud-est asiatiques. Outre Singapour, Pansing a des bureaux en Australie et à Hong
Kong. Son catalogue (qui comprend 1 million de titres – 100 000 titres en entrepôt à
Singapour) couvre toute la gamme de livres : littérature, jeunesse, livres illustrés,
scolaire, apprentissage des langues.
MPH Distributors et Penguin Random House font partie des principaux distributeurs à
Singapour (mais ne distribuent pas de livres d’art). MPH couvre Singapour et la
Malaisie et distribue les grandes marques anglaises et américaines (Harper Collins,
Random House, Simon & Schuster, Usborne, Lonely Planet…). Penguin distribue
également un grand nombre d’autres marques que la sienne (jeunesse, art de vivre) :
cette société est aussi présente à Singapour et en Malaisie.
SINGAPOUR : UNE PLAQUE TOURNANTE EN ASIE POUR LE LIVRE D’ART ?
Comme on l’a lu plus haut, on remarque que les éditeurs, et encore plus les
distributeurs, basés à Singapour ne se contentent pas du marché domestique pour
survivre, celui-ci étant très réduit. APD, Pansing, Page One, Basheer Graphics Book,
exportent tous et ces revenus représentent une bonne partie de leur chiffre d’affaires.
Les éditeurs américains et britanniques profitent également de la position
commerciale de Singapour pour exporter.
À première vue, les statistiques seraient donc prometteuses : SGD 388 millions
importés à Singapour en 2014, et plus d’un milliard de SGD exportés (plus du double
du marché domestique). Mais ces chiffres sont trompeurs à plusieurs titres : la
prépondérance des exportations vers le Japon et le faible volume d’expéditions vers la
zone d’ASEAN (moins de 20 % du total des exportations) laissent fort à penser que
Singapour est une plaque tournante logistique mais pas commerciale. Les transitaires
facturent des prix de transport plus intéressants lorsque la marchandise transite par
Singapour. Ce chiffre est aussi constitué par les travaux d’impression pour le compte
d’éditeurs étrangers qui sous-traitent en Asie du Sud-Est (à peu près un tiers du
volume concerne des feuillets non reliés).
Il est possible que par le passé, Singapour ait été reconnu comme passage obligé pour
les éditeurs et distributeurs anglais et américains. Désormais, le courant d’affaires
s’est déplacé : on remarque une nette évolution du commerce intra Asie (Corée du
Sud / Japon / Taïwan / Chine en direction de la Malaisie, l’Indonésie, la Thaïlande qui
sont des marchés qui se développent – certains éditeurs remarquent d’ailleurs que la
35
qualité de la production thaïlandaise et indonésienne de livres d’art est en
progression).
Enfin, il est bon de rappeler que l’édition singapourienne est dominée pour plus de sa
moitié par les titres éducatifs, suivie par les titres techniques et professionnels. Ceci
laisse donc peu de place aux livres d’art.
36
CONCLUSION
ÉTAT DES LIEUX
Il semble au vu des éléments cités au cours de ce rapport que le marché singapourien
n’apporte pas les espérances auxquelles un éditeur français de livres d’art pourrait
s’attendre :
• Un marché domestique réduit (5,4 millions d’habitants).
• Un public singapourien peu attiré par la culture littéraire et un manque de
maturité pour la culture artistique (malgré les encouragements récents du
gouvernement).
• Des chiffres de vente de best-sellers peu reluisants : 1 000 exemplaires étant
considérés comme un grand succès pour un livre d’art.
• Les points de vente proposant des livres d’art aux consommateurs se
comptent sur les doigts d’une main.
• À cela s’ajoute un courant d’affaires en baisse d’année en année causé, mais
pas seulement, par la concurrence d’Amazon et de Book Depository (jusqu’à
40 %), ce qui a un impact direct sur les livres d’art puisque ceux-ci sont plus
onéreux que les autres titres.
• Des éditeurs locaux peu intéressés par la coédition, préférant importer un titre
déjà traduit en anglais plutôt que d’en financer la traduction.
• « Singapour plaque tournante du livre d’art en Asie ? » : pas vraiment. Tous les
intervenants interrogés dans le cadre de ce rapport sur ce point se sont
montrés très sceptiques. L’analyse en détail des statistiques du commerce
extérieur conforte cette impression, malgré des chiffres impressionnants à
première vue.
DES OPPORTUNITES D’AFFAIRES POUR LES EDITEURS FRANÇAIS ?
Un éditeur français souhaitant néanmoins persévérer sur le marché singapourien peut
augmenter ses chances de réussite s’il suit certains des points suivants :
• Proposer un titre porteur sur le thème de l’Asie du Sud-Est
• Offrir des ouvrages de qualité, avec beaucoup d’illustrations et peu de texte.
• Distribuer un livre déjà traduit en anglais via un distributeur anglais ou
américain (de préférence bien implanté à Singapour), ou bien via un
distributeur singapourien, plutôt que d’essayer de vendre les droits d’auteurs
à un éditeur singapourien.
• Pratiquer des taux de remise plus élevés que ceux observés en général, pour
se mettre à niveau avec les éditeurs anglo-saxons et pouvoir ainsi proposer
des prix de détail corrects pour le consommateur.
• Tenter d’identifier les marchés de niche pour collectionneurs, tout en gardant
conscience que les volumes de vente seront bas.
37
•
Ouvrir un entrepôt régional (Hong Kong, Australie, Singapour) pour disposer
d’un stock sur place ou bien se faire représenter par un distributeur local qui
pourra héberger le stock.
En tout état de cause, les espoirs devront être réalistes. Un voyage sur place et des
discussions approfondies avec les intervenants locaux (éditeurs, libraires,
distributeurs) seront nécessaires avant d’aborder ce marché pour bien cerner les
attentes locales, si elles existent, ce qui n’est pas certain.
38
ANNUAIRE
Contacts
Dider Millet : Directeur general
[email protected]
EDITEURS DE LIVRES D’ART
PAGE ONE PUBLISHING
Coordonnées
20 Kaki Bukit View Kaki Bukit Techpark
II
415956 Singapore
Tél : +65 67422088
Fax : +65 67422088
E-mail : [email protected]
www.pageonegroup.com
TALIMAN PUBLISHING PTE LTD
Coordonnées
52 Genting Lane #06-05 Ruby Land
Complex 1
349560 Singapore
Tél : +65 6749 3551
Fax : +65 6749 3552
E-mail : [email protected]
www.talismanpublishing.com
Contacts
- Mark Tan : Éditeur
[email protected]
- Inez Maria Mustaffa Azlan :
Acquisitions Editor
[email protected]
Contacts
Ian Pringle : Directeur général
[email protected]
NAFA - NANYANG ACADEMY OF
FINE ARTS
BASHEER GRAPHIC DESIGN
Coordonnées
Blk 13, Lorong 8 Toa Payoh, #06-08
Braddell Tech
319261 Singapore
Tél : +65 6336 0810
Fax : +65 6259 1608
E-mail : [email protected]
www.basheergraphic.com
www.facebook.com/BasheerGraphic
Coordonnées
80 Bencoolen Street
189655 Singapore
Tél : +65 6512 4043
www.nafa.edu.sg
Contacts
Iris Lim : Manager Art Galleries
[email protected]
Contacts
Abdul Nasser :
[email protected]
SELECT PUBLISHING
Coordonnées
65A Jalan Tenteram #02-06 St
Michael's Industrial Estate
328958 Singapore
Tél : +65 6251 3798
Fax : +65 6251 3380
E-mail :
[email protected]
www.selectbooks.com.sg
ÉDITIONS DIDIER MILLET (EDM)
Coordonnées
121 Telok Ayer Street #03-01
068590 Singapore
Tél : +65 6324 9260
Fax : +65 6324 9261
E-mail : [email protected]
www.edmbooks.com
39
Contacts
Hwye Min Seow : Managing Director
[email protected]
NUS PRESS (NATIONAL UNIVERSITY
SINGAPORE)
Coordonnées
AS3-01-02 National University of
Singapore, 3 Arts Link
117569 Singapore
Tél : +65 6776 1148
Fax : +65 6774 0652
E-mail : [email protected]
www.nus.edu.sg/nuspress
MATH PAPER PRESS
Coordonnées
9 Yong Siak Street Tiong Bahru
168645 Singapore
Tél : +65 6222 9195
E-mail : [email protected]
www.booksactuallyshop.com/collectio
ns/math-paper-press/aesthetics
Contacts
Peter Schoppert : Managing Director
[email protected]
Contacts
Kenny Leck : Directeur général
[email protected]
EPIGRAM BOOKS
Coordonnées
1008 Toa Payoh North #03-08
318996 Singapore
Tél : +65 6292 44560
Fax : +65 6292 4414
E-mail : [email protected]
www.epigrambooks.sg
MARSHALL CAVENDISH
Coordonnées
Times Centre 1 New Industrial Road
536196 Singapore
Tél : +65 6213 9300
Fax : +65 6285 4871
E-mail :
[email protected]
www.marshallcavendish.com
Contacts
Edmund Wee : Publisher and CEO
[email protected]
Contacts
Violet Phoon : Associate Publisher,
General Interest and Trade
[email protected]
LANDMARK BOOKS
Coordonnées
Golden Mile Complex #02-73, 5001
Beach Road
199588 Singapore
Tél : +65 6466 0443
E-mail : [email protected]
www.facebook.com/pages/LandmarkBooks-Singapore/306050862866961
STRAITS TIMES PRESS
Coordonnées
1000 Toa Payoh North
318994 Singapore
Tél : +65 6319 6319
Fax : +65 6319 8258
www.stpressbooks.com.sg
www.facebook.com/StraitsTimesPress
PESARO PUBLISHING
Coordonnées
14 Robinson Road #13-00, Far East
Finance Building
048545 Singapore
www.pesaropublishing.com
40
Contacts
Patrick Bingham-Hall : Managing
Director
IMPORTATEURS DE LIVRES D’ART
APD SINGAPORE
Coordonnées
52 Gentine Lane #06-05 Ruby Land
Complex 1
349560 Singapore
Tél : +65 6749 3551
Fax : +65 6749 3552
E-mail : [email protected]
www.apdsing.com
Contacts
Amnah Tan : Manager
[email protected]
PANSING
Coordonnées
1 New Industrial Road
536196 Singapore
Tél : +65 6319 9939
Fax : +65 6459 4930
E-mail : [email protected]
www.pansing.com
Contacts
David Buckland : General Manager
[email protected]
SELECT BOOKS
Coordonnées
65A Jalan Tenteram #02-06 St
Michael's Industrial Estate
328958 Singapore
Tél : +65 6251 3798
Fax : +65 6251 3380
E-mail :
[email protected]
www.selectbooks.com.sg
41
Contacts
Hwye Min Seow : Managing Director
[email protected]
Contacts
Eileen Lai : Deputy managing director
and merchandiser art books
[email protected]
MPH DISTRIBUTORS
BASHEER GRAPHIC DESIGN
Coordonnées
12 Tagore Drive #03-01
787621 Singapore
Tél : +65 6450 6082
Fax : +65 6457 0314
E-mail : [email protected]
distributors.mph.com.my/welcome/in
dex.php
www.mph.com.sg/distribution.html
Coordonnées
Blk 13, Lorong 8 Toa Payoh, #06-08
Braddell Tech
319261 Singapore
Tél : +65 6336 0810
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