Peut-on restaurer à « neuf » une Porsche de 25 ans
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Peut-on restaurer à « neuf » une Porsche de 25 ans
30 TECHNIQUE 31 TRÈS SALE, GORGÉE D’EAU, BOURRÉE DE FAUX CONTACTS, ELLE REFUSAIT DE DÉMARRER. CAR PERSONNE N’AVAIT NEUTRALISÉ LA BATTERIE DURANT LES CINQ SEMAINES PASSÉES EN MER. SÉCHÉE, LA CARROSSERIE ÉTAIT… MATE ! L DETAILING Peut-on restaurer à « neuf » une Porsche de 25 ans ? Depuis le temps que l’on en parle, de ce phénomène du « detailing » ! Nous voulions en avoir le cœur net. Nous avons présenté à AB Esthetic Auto la Porsche la plus sale possible avec une certitude absolue : qu’elle ne ressortirait pas dans l’état neuf dont nous parlent les publicités et les reportages consacrés à ces rénovations qui ont le vent en poupe. PAR PASCAL DRO – PHOTOS THIERRY GROMIK a voiture ? La Porsche (normal !) 964 modèle 91 comme on les aime (vous remarquez qu’elle revient souvent dans nos colonnes) descendue du bateau en provenance de Floride après cinq semaines passées à fond de cale, sans container de protection, au cours desquelles elle fut trempée de fond en comble et exposée au sel, au vent et à l’eau de mer. Avant cela, elle avait passé quatre ans dans un jardin, sous un pin, à cuire sous le chaud soleil de Floride, sans jamais être nettoyée. Bref, elle est arrivée au Havre en piteux état, en panne, batterie morte, très sale, telle que vous la voyez sur la première photo, moche et peu avenante. Et lorsque l’on a proposé ce défi à Esthetic Auto, on a vraiment eu l’impression de leur tendre un piège… Tout en doutant de la capacité de quiconque à restaurer une peinture d’origine « cuite » à ce point. Pourtant, la réponse d’Abdoulaye Bah et de son équipe fut si confiante que c’en était suspect… Est-il encore possible de restaurer une peinture dans cet état sans passer par la case cabine ? La réponse fut, sans hésiter, « oui ». Rendez-vous fut donc pris, dans un parking ami, pour l’opération. Un parking souterrain, sans eau – et pas très bien éclairé –, puisque tout s’effectue à sec, intégralement. Sur place, nous guettions le premier contact… Et, là encore, Abdoulaye Bah ne fut ni surpris ni inquiet. Une fois en présence de la voiture, il installait ses éclairages et auscultait la 964 sous tous les angles, pour juger de l’état de la peinture et de sa qualité, mais aussi pour comprendre quelle avait été sa vie antérieure. Quel élément de carrosserie avait été repeint, s’il y avait des différences de teinte entre les différents panneaux, et lequel était resté en peinture d’origine. Prise de contact et diagnostic Après une bonne vingtaine de minutes avec ses éclairages et testeurs divers, il en arrivait à la conclusion que les seuls endroits où le vernis ou la peinture étaient trop fragiles se situaient sur les cerclages des feux avant et sur l’aileron rétractable arrière. Les premiers ne sont pas vernis d’origine de la même façon que le reste de la carrosserie et le second est en plastique, peint, certes, mais pas verni de la même manière. Bref, ces deux éléments seront nettoyés sérieusement, mais pas traités, tout en veillant à ce que leur aspect final soit identique à celui de l’origine. Cette par tie de prise de contact compte beaucoup pour Abdoulaye : « C’est le deuxième contact avec mon client. Nous devons nous comprendre et je dois le rassurer, également. Nous établissons un dialogue et c’est, toujours, la phase où il exprime ou laisse deviner ses doutes. Alors, je me régale, car si je fais cela, c’est aussi pour voir le sourire qui 32 TECHNIQUE 33 AVANT MÊME D’AVOIR EXPLORÉ LES ENTRAILLES DU DÉSASTRE, ABDOULAYE RECOUVRE L’AUTO AU SPRAY D’UN DÉGRAISSANT À LA FORTE ODEUR DE VINAIGRE. naît sur son visage au fil des heures qui passent ! Et cela marche à tous les coups ! » Un artisan zen et méthodique Quand nous vous disions que l’homme est confiant… L’étape suivante consiste pour lui à pulvériser une fine couche de dégraissant sur toute la carrosserie. Elle lui sert à gagner un peu de temps sur le nettoyage préalable du véhicule qui suit. Ce lavage-dégraissage réalisé, la voiture est certes propre, mais toujours aussi mate et passée. Vient ensuite la décontamination, l’étape la plus longue, au cours de laquelle il passe une pâte ou clay, pour une décontamination totale de la surface du vernis. Il s’agit de l’étape inconnue : celle que l’on ne fait pas soi-même. Lors du lavage, une foule de résidus restent accrochés ou incrustés sur le vernis de la peinture. Le passage soigneux et systématique permet à ce vernis couvert d’impuretés et de dépôts de laisser place à la couleur d’origine. Là, déjà, la voiture retrouve une partie de son aspect brillant que l’on croyait disparu à jamais. Premiers sourires : sous son apparence sale, la belle peinture Porsche d’origine est toujours bien présente. Pour Abdoulaye, c’est également un long moment passé au contact de la carrosserie et ses recoins, ouvertures de portes, de capots, etc., qui lui permet de repérer les rayures plus profondes et autres « cheveux d’ange ». Plus de quatre heures se sont déjà écoulées, lorsqu’il achève ce premier traitement. DE BONS PRODUITS, UN MATÉRIEL AU POINT ET UNE EXPÉRIENCE UNIQUE. MAIS PAS D’EAU LÀ-DEDANS… DANS LE GARAGE MAGIQUE, AU MILIEU D’AUTRES MERVEILLES EN ATTENTE DE SOINS, ABDOULAYE TRAVAILLE AVEC CALME ET MÉTHODE, NE LAISSANT AUCUNE QUESTION SANS RÉPONSE. MOUILLÉE, ELLE BRILLE UN PEU. SÈCHE, ELLE EST TOTALEMENT MATE. IL NE S’AGIT PAS DE POLIR LE VERNIS, MAIS DE LE RAMOLLIR POUR RENDRE SA SURFACE AUSSI LISSE QU’AU PREMIER JOUR. « La première chose à faire, c’est de prendre contact avec l’auto, tenter de comprendre sa vie et ce qu’elle a subi. Ses bosses et chocs, les endroits soignés et ceux qui ont souffert, à l’extérieur comme à l’intérieur. » Sans précipitation – notre homme est un artisan zen dans toute sa splendeur – il se saisit de sa lustreuse et y fixe des disques neufs, sur lesquels plusieurs produits se succéderont au cours des heures à venir. Question : le logo « Carrera 2 » figurant sur le capot arrière a vieilli. Il est terne et le « 2 » est un peu abîmé. Faut-il traiter autour, au risque de laisser apparaître une zone moins réussie ? Non. Nous décidons de le retirer et d’installer, après traitement, de nouveaux logos. Choisir de restaurer l’aspect original de son véhicule représente une décision et un budget importants. Quand on investit une telle somme – environ 1 300 euros – il est dommage de laisser des zones d’ombre. Donc, à environ 50 euros le jeu de logos, il ne faut pas hésiter. Problème : quand on retire les logos d’origine, il reste des traces de colle. Mais Abdoulaye les élimine soigneusement sans attaquer le vernis sous-jacent, grâce à un de ses produits miracles. Cette fois, toute la carrosserie est prête pour le lustrage. Lustrage ? Je m’inquiète alors de l’opération suivante : s’agit-il d’une manière de retirer une couche de vernis ? Si l’opération fragilise l’existant, je serai moins convaincu… Et notre homme de me rassurer instantanément : « On ne retire rien et l’on ne touche pas aux épaisseurs. Bien au contraire : nous les respectons totalement. La lustreuse chauffe et fait légèrement fondre RÉGULIÈREMENT, ABDOULAYE PREND DU RECUL ET JETTE UN COUP D’ŒIL EXPERT SUR L’ENSEMBLE DE LA VOITURE. C’EST UNE ACTION GLOBALE, CULTIVÉE AUPRÈS DE TESLA® FRANCE, TRÈS EXIGEANTE SUR LA QUALITÉ DU TRAVAIL, QUI LUI A PERMIS D’ACQUÉRIR CE TYPE D’EXPÉRIENCE. 34 TECHNIQUE cette couche de vernis superficielle. Ainsi, les microrayures se rebouchent et le vernis retrouve son aspect et son toucher totalement lisse. Nous parvenons le plus souvent à un état et à un aspect à 99 % équivalent à celui du neuf. C’en est étonnant. Parfois même mieux que le neuf, les autos livrées n’étant pas toujours bien préparées… » Mystérieux, notre homme. Je pousse un peu plus avant sur le sujet et il me précise, tout en travaillant, que sa jeune entreprise est devenue la préparatrice exclusive des Tesla® livrées en France. Et que, là aussi, il adore ces autos et procède par affinités et par passion. Et que faire protéger une auto livrée neuve serait la meilleure idée que pourrait avoir un jeune porschiste. La raison ? Une fois le vernis restauré à son brillant et à son toucher SOUS LE CAPOT AVANT, DONT LA MALLE N’AVAIT SANS DOUTE JAMAIS ÉTÉ NETTOYÉE DEPUIS 25 ANS, ABDOULAYE A ENTAMÉ LA PURGE AU KARCHER, POUR L’ACHEVER, QUELQUES HEURES PLUS TARD, À LA BROSSE À DENTS. LA TRÈS PRÉCIEUSE ÉTIQUETTE PORSCHE D’ORIGINE AVAIT SOUFFERT, TOUT COMME LA SURFACE DE LA PEINTURE, ATTAQUÉE PAR L’HUMIDITÉ DEPUIS DES LUSTRES. ET POURTANT, TOUT EST REVENU PRESQUE À L’ÉTAT NEUF. « Extérieur, intérieur, compartiment moteur, malle, soubassement, roues… Il n’y a pas un élément que l’on ne puisse remettre à neuf. Et toujours sans eau. » originels, il se lance dans un ponçage très fin des rayures plus importantes. Elles disparaissent sous ses tissus et produits avant que la zone ne soit elle aussi traitée et protégée. Vraiment bluffant. Le temps d’un séchage, il nous explique alors ce qui fait la différence entre ses prestations et celles d’autres « detailers ». Une fois la carrosserie finie, il applique un bouclier en céramique sur toute la surface restaurée. Ainsi, la peinture est protégée et garantie dans cet aspect neuf pour dixhuit mois. « C’est une des craintes de nos clients : qu’il ne s’agisse d’un lavage dont les effets ne dureraient pas plus de quelques semaines. Or ce n’est pas le cas. Par la suite, souvent, nous allons voir nos clients pour prendre des nouvelles de leurs autos. Et, le plus souvent, rien ne bouge. Et si l’un d’entre eux a un accident, nous retraitons la partie incriminée après réparation en carrosserie. Je vous l’ai dit, notre plaisir, à chaque membre de l’équipe, c’est autant la réalisation de la prestation, toujours étonnante, que le sourire du client qui, le plus souvent, n’en croit pas ses yeux. » Le même traitement, bien que plus classique, s’applique à l’habitacle, à la malle avant et 36 TECHNIQUE JAMAIS D’EAU, JAMAIS DE GROS DÉTERGENTS CORROSIFS. TOUT SE PASSE AVEC LES BONS OUTILS, LES BONS PRODUITS ET UNE EXPERTISE ÉTONNANTE. TRÈS SIMPLEMENT, AVEC UNE FACILITÉ DÉCONCERTANTE, LES ROUES VONT RETROUVER LEUR LUSTRE. au compar timent moteur qui, tous, retrouvent une étonnante jeunesse. C’est à peine moins spectaculaire, mais tout aussi indispensable. Ainsi, l’eau de mer qui s’était infiltrée est extraite des mousses et moquettes, puis les éléments sont rincés à l’eau douce avant d’être remis au séchage. Le compar timent avant, sali par 25 années d’accumulation de saletés, feuilles et débris est lui aussi nettoyé, aux brosses fines et aux détergents doux, avant d’être réinstallé comme à l’origine. Une véritable renaissance Au total, ce sont près de quinze heures qui furent consacrées à cette renaissance. Et le résultat est plus qu’étonnant. Gare, toutefois, à ne pas vous laisser embarquer par votre enthousiasme. Une fois la voiture remise à neuf, on se surprend à vouloir achever son retour vers le futur, en passant en carrosserie pour les points de rouille, restaurer les compteurs et aller plus loin encore dans ce parcours vers l’état neuf. Cela dit, vu les cotes des Porsche qui ne cessent de grimper, l’investissement en vaut la chandelle. Il n’est pas une opération d’entretien ou de remise à niveau qui ne se retrouve désormais presque intégralement sur le prix de vente du véhicule. Ainsi, l’estimation de la valeur de la voiture sale se situait, auprès des proches et SORTIE EN FIN DE JOURNÉE DU SOUSSOL, LA PORSCHE RETROUVAIT À LA LUMIÈRE DU JOUR UN ÉCLAT QUI NOUS SEMBLAIT DISPARU À JAMAIS. ET IL EST GARANTI DIX-HUIT MOIS, NETTOYAGES SOUS PRESSION COMPRIS. « Notre plus grand plaisir, vous pouvez me croire, reste de voir le sourire de nos clients quand ils retrouvent leur voiture ainsi traitée. » spécialistes l’ayant vue avant, autour de 33/35 000 €. À la suite de ce detailing, ce chiffre passait, auprès de notre expert et après une révision et les détails divers à 2 000 €, à 43/44 000 €. Après tout, une telle opération est peut-être aussi justifiée par la création d’un véritable argument de vente. Si moins de 1 500 € investis lui valent une telle plusvalue, il ne faut pas hésiter. La question restant : pourquoi ne pas profiter de sa voiture ainsi restaurée avant de la vendre ? Là, c’est une autre histoire… AB Esthetic Auto - Tél. : 07 62 46 17 02 - Mail : [email protected] abestheticauto.fr